Le film sans fin - Jean Michel Zurletti - E-Book

Le film sans fin E-Book

Jean Michel Zurletti

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Beschreibung

Un écrivain en panne d’inspiration se retrouve pris au piège dans les couloirs labyrinthiques d’une salle de cinéma dont il ne parvient pas à trouver la sortie. Au milieu de ces couloirs rouge vermillon, des voix radiophoniques déferlent sans interruption, provenant d’extraits du podcast « Art et Création » de Radio France. Lui qui se décrit comme un écrivain en manque de contenu accepte initialement ce flux continu de connaissances. Seulement, filmé à son insu et soumis à des scènes cinématographiques virtuelles, il se retrouve malgré lui acteur principal d’un curieux scénario…


À PROPOS DE L'AUTEUR


Jean Michel Zurletti privilégie la réflexion et l’analyse aux récits et faits historiques. Entre le roman et l’essai, ses textes décrivent son environnement direct avec une pincée de fiction.

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Jean Michel Zurletti

Le film sans fin

© Lys Bleu Éditions – Jean Michel Zurletti

ISBN : 979-10-377-9597-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

Je détestais les dimanches après-midi et, de surcroît, je me sentais empêtré devant le clavier de mon ordinateur, incapable de fournir quoi que ce soit à mes personnages. Un écrivain sans contenu est un homme désabusé, et c’est exactement ce que je ressentais à cet instant. Alors, en ce milieu d’après-midi, je décidai de fuir cette pesante atonie créative et de me rendre au cinéma de mon quartier car une étrange affiche avait titré mon attention et attisait ma curiosité. Anne Serre Peter-Handke Hergé Pierre soulage Catherine Frau Jean Pierre Darroussin Marguerite Duras Jonathan Coe Didier Eribon Sylvie Verheyde Jean Cocteau Frédérique ait-Touati Gwenaël Morin Nicolaï Khalezin Christiane Jatahy Barbara Jean Dubuffet Michael Barcelo Joan Miro Charles Trenet Keren Anne Benjamin Violet Damien Bonnard Ludivine Sagnier Paul Chemetov Renzo Piano Yves Serres Paul Andreu Pierre Riboulet Annette Messager Gilbert et Gorges Bérangère Cournut Erri de Luca Chantal Jeguez Wolkeviez Donna Haraway Stéphane Meldegg Luca Patreniéri Laszlo Nemes Rachid Bouchareb Samuel Achache Wladimir Jankélévitch Claudine Nougaret Baudoin Christian Robin Ludovic Debeurne Jeanne Moreau Marcel L’herbier Juliette Binoche Christophe Honoré Bruno Dumont Bernard Loiseau Fabienne Verdier Thierry Bae Gilles Deleuze Gaston Bachelard Olivier Pourrion Nicolas Philibert Wajdi Mouawad Tiago Rodriguez Laurence Bonneville Marie Hélène Lafon Jean Oury Jean François Stevenin Laurence Nobécourt Sylvie Germain Mia Hansen Love Jane Campion Roland Barthes Sally Bonn Anselm Kieffer Noé Soulier Hélène Cixous Ninia Biabiany Denetem Touam Bona Stéphane Thidet Phillipe Delhomme André Chastel Jean Dubuffet Jacques dérida Emmanuel Meirieu Maxime le Forestier Shumona Sinha Cloé Moglia Eléen Myles Monique Witting Vladimir Léon Philippe Ramette Guitemie Maldonado Jean Renoir Pierre Soulages Richard Ford Milan Kundera Louis do de Lencquesaing Gérard Garouste Gorges Perec Ahmed Madani Christine Montalbetti Krzysztof Warlikowski Javier Cerca Julie Rico Jean Luc Godard… Des points de suspension et rien d’autre. Je pris un billet pour voir ce film, puis je pénétrai dans un couloir capitonné d’une moquette rouge vermillon du sol au plafond, que je ne connaissais pas dans ce cinéma. Sans doute une nouvelle salle, cela faisait bien quelques années que je n’y avais pas mis les pieds. Je fis quelques pas, puis le couloir se scinda en deux. Bizarrement, il n’y avait aucune indication de direction pour rejoindre la salle de projection. Un peu plus loin, je tournais sur la droite, puis encore sur la droite comme si je revenais sur mes pas. Soudainement, des voix ont commencé à traverser les murs et la moquette, du sol vers le plafond, ou du plafond vers le sol, d’abord lointaines, puis de plus en plus limpides. Ce n’était pas très habituel dans les couloirs d’un cinéma. Ce fut d’abord une femme qui prit la parole, une voix douce et très agréable. Une voix qui flottait tout à coup d’entre les murs. Ce n’était que le prélude à un flux continu qui allait déferler entre mes deux oreilles, un tsunami de paroles de créateurs en recherche de sens, une approche tendancielle pour parler de leur art, avec le sentiment qu’ils n’atteignaient jamais le centre de leurs préoccupations : en commençant ce livre, je ne savais pas du tout où j’allais. Il y a des écrivains comme ça, qui savent que lorsqu’ils commencent un livre, il y a une idée qui est là, mais ils ne savent pas ce qu’il va y avoir à la dixième page. Le travail de l’écrivain se situe entre deux livres, pendant qu’on rêve, qu’on rumine, qu’on pense, qu’on croit que c’est fini, qu’on ne pourra plus jamais y arriver. Je dis souvent que le début de l’écriture d’un livre est la fin du travail. Les mots viennent comme un somnambule qui est très réveillé. C’est un paradoxe qui dit une certaine vérité : dès que j’écris, je suis très éveillé, comme s’il fallait toujours hurler le rythme dans la nuit. L’écriture m’a montré que c’est possible, non seulement que ma vie soit possible, mais que le monde est possible. J’attends le danger, je me dis que je suis presque heureux et ça me fait peur d’être presque heureux. Ma joie extrême m’est venue en lisant. J’aime que tous ces êtres que j’aime forment une espèce de foule autour de moi, quand j’écris une histoire, c’est vraiment comme s’ils étaient là, Rousseau assis dans mon fauteuil jaune et même Proust avec son sourire charmant, et qu’ils me regardent bienveillamment. Les auteurs morts, plus nombreux que les vivants, sont tous là pour m’encourager. Avant tout, il faut qu’il y ait une idée, une synopsis. J’aime que le scénario soit très simple pour que chaque dessin permette au lecteur de se retrouver. Il faut un fil d’Ariane, un fil conducteur. La phase la plus difficile est le découpage. Il faut un certain nombre de dessins par page, pas nécessairement un nombre défini, et il faut respecter certaines règles qui concernent le suspense pour chaque page. Chaque page doit se terminer par une chute, généralement par un point d’interrogation, de manière à ce que le lecteur ait envie de tourner la page. Vous savez faire pleurer est une chose relativement facile, faire rire en est une autre qui demande de la précision. C’est du travail d’horloger, de bénédictin, qui serait à la fois chinois et horloger. J’ai le désir d’être un élément permanent de mon travail, sans ego disproportionné. C’est comme une signature. Je dois rester seule et savoir que je suis seule pour regarder la nature et la sentir pleinement. Je dois m’abandonner à ce qui m’entoure, m’unir aux nuages et aux rochers pour être ce que je suis. Écrire est une pulsion de vie fondamentale. Le monde est traversé par des pulsions de mort et moi, quand j’écris, je suis dans un état de jubilation, ma vie devient intense. Si je n’écris pas, je suis comme tout le monde, je paie mes factures EDF, je râle, je bougonne, je vois les abrutis à la télévision, je vois l’horreur du monde social et planétaire. Et quand j’écris, je continue de payer mes factures, évidemment. Mais tout cela passe au second plan parce que j’ai bien mieux à faire et que je suis dans un état d’intensité de vie, de vitalité qui fait que c’est un bonheur d’écrire. C’est-à-dire que je suis persuadé que je ne pourrais pas mourir. Tant que j’écris, pendant le temps où j’écris, on ne m’autorisera pas à décéder, ce qui est complètement débile, mais en même temps, pour l’instant, ça se vérifie. J’ai aussi un ami physicien qui vient de découvrir ce qu’il y a dans une goutte d’eau. Il vient de montrer qu’il y avait un moteur dans une goutte d’eau. Ce physicien, cet ami, apprécie ma peinture et en parle très bien. C’est un physicien ouvert à l’art, ce qui m’intéresse, c’est de savoir pourquoi ce physicien de très haut niveau porte un regard intéressant sur ce que je fais. Les voix traversaient les murs et la moquette, du sol vers le plafond. Ce n’était pas très habituel dans un cinéma, Ce n’était ni des annonces commerciales ni une indication sur la direction à prendre pour visionner le film, non, c’était des voix d’artistes qui parlaient de création de leur métier, de leur passion. La nature se transforme en peinture, les acteurs se transforment en personnages. Quel est le rapport entre le geste artistique qui consiste à jouer la comédie et le geste artistique qui est celui de la peinture ? Pour moi, c’est l’idée de transformation, et la transformation est assez miraculeuse. Comment une chose peut-elle devenir autre chose ? Comment peut-on représenter la nature en peinture ? Où la couleur noire va-t-elle chercher sa lumière ? Le vide ou le plein ? Je ne sais pas ce que cela représente, la nuit, etc. Mais tout cela est beau ! C’est la beauté de la transformation, de créer quelque chose d’artistique à partir de pas grand-chose. Quand j’étais petit, j’adorais regarder les motifs répétitifs dans les papiers peints, cela me mettait dans un état de contemplation assez longtemps. La représentation, le fait de fabriquer cet objet et c’est le rapport avec le public, c’est-à-dire le théâtre. Je suis là pour le lien, et d’ailleurs il n’y a pas de société possible sans théâtre. Le théâtre est la chose centrale qui permet au public d’écouter quelqu’un parler de ses sentiments, de sa souffrance, de ce qui le fait rire, de ses émotions, de ses révoltes, de sa rage. Il parle pour vous, et donc le rapport entre l’acteur et le public est essentiel dans nos rapports dans la société. « Oh, mais tu es tellement rapide que tu dois être très lente quelque part ! » m’avait-il dit. Dans l’apprentissage du texte, il faut tout mettre à plat pour pouvoir ensuite dire leschoses très, très vite. Il faut trouver le juste équilibre, ni trop ni pas assez. C’est une question de technique. On détend les choses, on les allonge, puis on les resserre. Le comédien dans le cinéma français dérange. C’est très curieux ce sentiment. Quand Fonda pénètre un espace, une ville, une place, un bar, il est à sa place, il est juste, il est discret. Simplement, c’est l’emplacement de son corps qui est complètement sacralisé. Dans le cinéma français, ça dérange. Les acteurs français font beaucoup trop de gestes. Ce sont des gens qui sont intimidés, qui ont peur de ne pas faire carrière. Je suis frappé par la mauvaise utilisation des acteurs par les metteurs en scène. C’est un peu comme s’ils n’étaient pas assez intelligents pour diriger les comédiens. Ils vendent de belles images. Ils savent très bien filmer, mais on a le sentiment que c’est pour eux aussi nécessaire de filmer ce bureau que le visage de ce bonhomme. Si à la fin, les films s’ajoutent les uns aux autres, ça fait une mentalité, une mentalité qui règne dans le cinéma. Plus ça change, plus c’est la même chose qui clôt mon roman comme une réflexion autour de la pérennité des sentiments. Les choses qui changent dans mon roman sont les choses les plus superficielles, même si elles sont souvent présentées comme des choses très importantes. Qui est sur le trône ? Qui est dans le gouvernement ? Qui gagne la coupe du monde ? Tout cela nous est présenté comme des moments importants, alors que ça va et ça vient. En revanche, les petits moments d’intimité du livre, la profondeur des sentiments entre moi et ma mère, par exemple, d’avoir partagé telle pièce de théâtre, c’est quelque chose qui est permanent, qui est constant, qui restera dans ma mémoire pendant des décennies