Monsieur Z - Jean Michel Zurletti - E-Book

Monsieur Z E-Book

Jean Michel Zurletti

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Beschreibung

Monsieur Z est un homme politique d’extrême droite pour qui l’exercice du pouvoir doit s’incarner dans la virilité et la force. En pleine campagne électorale, ce dernier se retrouve métamorphosé en un énorme phallus d’un mètre soixante-douze. Ayant obtenu ses cinq cents signatures, il refuse de se retirer de la course à la présidentielle. S’ensuit alors une série cocasse de situations burlesques et de joutes verbales, en face à face avec les autres candidats. D’abord dans le déni, il se résignera finalement à l’essence même de ce qu’est son nouveau corps, à savoir le plaisir et rien que le plaisir.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Entre roman et essai, Jean Michel Zurletti privilégie la réflexion, l’analyse aux récits, aux faits historiques, aux divertissements. Préférant une écriture directe face aux longues descriptions de paysages ou d’ambiances bucoliques, il propose Monsieur Z, une parodie du célèbre ouvrage de Philip Roth intitulé Le Sein.

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Jean Michel Zurletti

Monsieur Z

L’homme phallus

© Lys Bleu Éditions – Jean Michel Zurletti

ISBN : 979-10-377-6493-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Même si tout pourrait porter à croire que le personnage politique, héros malgré lui de ce conte politico-philosophico-humoristique, ressemble à un personnage bien connu de notre singulière époque, il n’en est que l’inspiration. Puisque ce personnage imaginaire n’est rien d’autre que le prétexte à parodier l’œuvre magistrale et inégalable du grand écrivain américain, Philip Roth : Le Sein. Le personnage de ce roman, David Alan Kepesh, est hospitalisé d’urgence pour y découvrir qu’à son réveil, il s’est métamorphosé en un sein de femme. Kepesh est un rejeton parfaitement accompli d’une famille juive, opiniâtre et quelque peu hystérique, qui s’est instruit et qui a su acquérir du savoir-vivre dans son milieu professionnel et dans la bonne société. Ce personnage a la chance de pouvoir satisfaire son goût de l’exceptionnel avec les écrits de Kafka et de Gogol. Kepesh, après avoir fini son analyse sur un divan, a tout fait pour mener une vie réglée, et c’est alors que la réalité le transforme en la grotesque image qui est sa pire crainte et peut-être son plus profond désir : une masse de chair aveugle, immobile et d’une sensibilité tactile exaspérée de six pieds de long, pesant cent cinquante livres, dans laquelle sa force de caractère et sa volonté de vivre, pour citer son psychanalyste, sont enfouies intactes et luttent pour surmonter cette terrible épreuve.

Il en ira de même de Monsieur Z, alors qu’une vie nouvelle s’offrait à lui. Mais l’engagement en politique n’est jamais un long fleuve tranquille. Ce héros, malgré lui, est aussi issu d’une famille juive vivant son enfance dans des quartiers modestes de la banlieue parisienne. A-t-il été inspiré par les écrivains américains qui avaient tendance à vivre en moins bon terme avec leur côté féminin que les écrivains européens, en maintenant à distance, masculinité et sensibilité, en cultivant le mythe de la virilité, rien n’est moins sûr. Toujours est-il qu’avant de se lancer à corps perdu dans l’arène politique des présidentielles, en France, en ce mois d’avril de l’année 2022, il avait depuis assez longtemps multiplié sur les plateaux TV, en tant que polémiste et journaliste, des déclarations faisant l’apologie de la masculinité, en s’affichant comme un misogyne notoire, ce qui n’est pas de surcroît en France, interdit par la loi, liberté d’expression oblige. Parce qu’il était passionné d’histoire, parce qu’il était né, doté d’une mémoire facilitant l’apprentissage des cours par cœur d’histoire et de géographie, parce qu’il se pensait avoir un destin à la Napoléon, l’homme, sûr de ses convictions profondes et inébranlables, comme il pouvait l’être dans son acharnement à les défendre, s’est jeté dans le combat politique. Il s’est présenté comme le sauveur de la France et surtout la dernière chance, avant l’effondrement de notre civilisation, par l’entremise du grand remplacement et du grand déclassement. Il en était le seul et l’unique rempart, lui le petit homme d’un mètre soixante-douze, adepte du devoir de puissance, contrairement à ses prédécesseurs qui prônaient, selon lui, la féminisation de nos sociétés occidentales. Lui, il affirmait « en avoir dans le pantalon ». La suite lui prouva qu’il avait vu juste, au moins sur ce point précis.

Cela débuta étrangement. Mais aurait-il pu en être autrement de quelque manière que cela eut débuté ? Même si ce n’est qu’une coïncidence, ce qui m’est arrivé est étrange du début à la fin. Cela commença étrangement par un léger fourmillement sporadique dans l’aine. Pendant la première semaine, entre mes meetings et mes réunions de travail, je me retirais plusieurs fois par jour dans les toilettes des hommes pour baisser mon pantalon, mais je ne voyais rien qui sortît de l’ordinaire, si minutieuses fussent mes recherches. Je décidais, non sans hésitation d’ignorer ce phénomène. J’étais un hypocondriaque résolu et je contrôlais la régularité du fonctionnement de mon organisme (Philips Roth, le sein) mais l’homme raisonnable que j’étais, qui aspirait à devenir président de la République française, avait renoncé à prendre au sérieux tous les symptômes révélateurs que je découvrais en moi.

Au fil des jours et de mes ambitieux discours, je sentais comme des contractions musculaires à l’intérieur de mon slip. Ce n’était pas une érection mais une volonté inexplicable d’éclosion. D’éclosion de quoi, je vous le demande bien ? La sensation de lourdeur se corréla rapidement au bout de quelques jours avec le presque doublement de volume de mes parties génitales. Il fallait absolument que je consulte. J’avais un meeting important ce soir-là et j’avais peur que cela commence à se voir à travers mon pantalon, et surtout, pour des raisons purement pratiques, me handicape aussi pour marcher jusqu’à mon pupitre. Certes, j’avais retrouvé en ma conseillère une femme de trente ans de moins que moi, et je mettais cela sur le compte d’une montée hormonale passagère, due à un rajeunissement de ma sexualité de soixantenaire passé, mais aussi à une excitation croissante de constater que ma cote de popularité auprès de mes compatriotes, grimpait. Le frémissement des sondages en ma faveur, qui me rapprochait de jour en jour vers le deuxième tour de l’élection présidentielle, me comblait de joie. Ma compagne l’avait d’ailleurs plutôt bien pris au début, plutôt satisfaite de mes nouvelles performances au lit. Mais maintenant, elle commençait vraiment à s’inquiéter et me conseilla tout de même d’arrêter le Viagra. Je haussai les épaules, je ne savais pas qu’elle savait.

Il faut bien l’avouer, tout ce qu’il m’était arrivé depuis quelques mois était vertigineux. Je me suis soudainement retrouvé, comme j’en avais rêvé depuis mon plus jeune âge, au cœur de la joute médiatique. On ne pouvait pas allumer une chaîne d’infos sans apercevoir ma tronche souriante ou m’entendre prononcer une phrase assassine dont j’avais le secret pour attirer l’attention, comme un gosse qui fait des bêtises, pour qu’on s’intéresse à lui. Et l’avantage que j’avais sur mes adversaires, c’est que je pouvais dire les pires horreurs, toujours avec le même sourire narquois. Plus je devenais clivant, plus je tapais sur les musulmans et les kebabs, plus je montais dans les sondages. J’avais trouvé la formule magique, elle n’était pas très compliquée, d’ailleurs c’était préférable, sous mes faux airs d’intellectuel, j’avais, je me dois de l’avouer, plus une mémoire saillante qu’une intelligence qui aurait pu faire de moi quelqu’un de créatif, d’inventif, de génial. J’étais plus un laborieux, qu’un génie. Les citations que je pouvais glisser dans les conversations me convenaient mieux qu’une longue démonstration mathématique ou un cours de philosophie analytique d’Husserl, dont je n’avais jamais compris la sémantique. Au fil des années, c’est l’homme binaire et primaire dans ses postures, qui allait émerger, celui qui caractérise les régimes autocratiques, régimes que je chérissais en secret. Les hommes forts et virils sont programmés pour gouverner, c’est ma conviction. Tout le contraire de notre président actuel, bon chic, bon genre. C’est aussi pour cela, que mon programme présidentiel, sans idée nouvelle, se déclinait vers un retour dans les années soixante, celle de mon enfance, lorsque les hommes étaient encore des hommes et que la féminité ne nous avait pas encore gangrénés jusqu’à l’os. Quand on a aussi peu d’imagination, il faut aller fouiller dans les livres d’histoires, les bonnes vieilles recettes qui ont construit notre société judéo-chrétienne. Je ne suis pas un artiste, on est d’accord, et je ne m’en plains pas, les artistes sont des êtres féminisés qui exhibent leur sensibilité pour gagner leur vie, des jérémiades, des contorsionnistes qui slament leur mal-être. Un pays a besoin d’un homme fort, pas d’un poète qui pleure toutes les larmes de son corps. Passez-moi l’expression, il faut un homme qui « en ait dans le pantalon », Poutine ou Verlaine, mon choix est fait. Si tôt dit, si tôt fait, qu’il le crut, le ciel me tomba sur la tête, mes incantations ne restèrent pas lettre morte, bien au-delà de mes espérances. Il se passa quelque chose dans mon pantalon, mais quoi ?

C’était le jour J, le jour tant désiré. Mes partisans, chauffés à blanc, scandaient mon nom. Ce fut jubilatoire pour ne pas dire plus, tant cela se tendait dans mon pantalon. J’arrivais sur la scène au milieu d’une foule, elle aussi, jouissive qui m’attendait les bras ouverts pour prononcer le fameux discours inaugural de ma campagne électorale, qui commençait enfin ce soir. Je traversais sous les ovations, une haie d’honneur, qui se formait sur mon passage. Je saluais cette horde d’excités qui m’acclamaient. Enfin, rien d’extraordinaire, vous savez les gens dans les meetings sont hystériques, et vous savez pourquoi, parce qu’ils savent à l’avance exactement, que ce que je vais leur dire, va leur faire plaisir. C’est tout con. Pour les drapeaux bleus, blancs, rouges, qui flottaient dans la salle, je citerai Jean Auguste Isoard parce que c’est toujours nécessaire de citer quelqu’un, ça permet de montrer qu’on est un érudit, tout en gardant une certaine distance avec son intelligence (que l’on vient d’étaler), en utilisant l’intelligence de quelqu’un d’autre. Bref « Un drapeau est ce qui représente le mieux la nation. C’est pourquoi, en le hissant, elle trouve une raison de pavoiser. » Comme cela, c’est fait, chacun y comprendra ce qu’il veut, et il y aura d’autres citations, bien sûr. C’est un calcul récurrent chez moi, environ une dizaine pour un discours d’une heure. Depuis que je suis gamin, je rédige des fiches que j’ai apprises par cœur. J’ai, je le répète, une très bonne mémoire, c’est tout ce que la nature m’a donné au-dessus de la moyenne. Mis à part ma fonction mnésique, depuis quelque temps, au-dessus de la moyenne, il y avait aussi le volume de mes parties génitales, à tel point que cela en venait à être terriblement gênant. Certes, il y a eu en ma faveur, ce que mes opposants politiques appellent : des trahisons. Ce mot fétiche que l’on emploie de façon préférentielle dans les partis d’extrême droite, pour nommer les ennemis du camp d’en face qui avaient choisi de me rejoindre. Il y avait les sondages, excellents, il y avait la cohue des journalistes qui me kiffaient parce que je faisais de l’audience. On est d’accord, tous ces évènements positifs auraient pu me faire bomber le torse, ou encore, comme on dit « gonfler les chevilles », mais tout de même, je ne pensais pas que cela puisse agir autant sur mon bas ventre, non ! car si je crois à l’incarnation des hommes dans la vie politique, je ne crois pas à la réincarnation.

Plus j’avançais dans mon discours, plus je me décrivais avec arrogance et détermination, comme un héros venu de nulle part pour sauver la France du désastre, plus je sentais, dans le caleçon, mon sexe tout entier, prendre encore plus de volume et venir menacer les coutures de mon pantalon, alors que, honteusement, déjà, ma braguette venait d’exploser. Rien ne ressemblait à une douleur dans ce que je ressentais, mais plutôt, quelque chose d’agréable, indéfinissable, un état d’excitation pré-éjaculatoire, tout en étant conscient qu’il n’y aurait pas d’éjaculation, celle-là même qui m’aurait permis, du moins, c’est ce que je pensais, de revenir à une norme physiologique plus acceptable. Je n’osais imaginer un seul instant que le grand remplacement que je prônais et mon misogynisme assumé pouvaient s’incarner en lieu et place dans mon corps, d’une manière aussi caricaturale. Et cela ne dura que quelques minutes avant qu’il ne se produise l’impensable.