Le rêve d’Émilie - Valérie Michel - E-Book

Le rêve d’Émilie E-Book

Valérie Michel

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Beschreibung

Émilie, jeune femme de vingt-six ans, termine une thèse de doctorat en psychologie. Du bureau sur lequel elle travaille régulièrement, elle remarque que la pancarte « À vendre » a disparu de l’immeuble voisin qu’elle aperçoit au quotidien. Elle s’intéresse de plus en plus au nouvel occupant de l’appartement, qui, de fait, l’intrigue. Elle l’espionne et fait tout pour le découvrir. Ses observations et ses tentatives pour le rencontrer vont la mener loin…

À PROPOS DE L'AUTEURE

Ex-professeur des écoles et titulaire d’une maîtrise en sciences de l’éducation, Valérie Michel a également enseigné l’anglais. Après s’être consacrée à l’épanouissement et à la réussite de sa famille nombreuse, elle s’est lancée dans l’écriture. Dès lors, elle crée des poèmes et leur donne un rôle clef dans son premier roman,  Comme une évidence, une histoire pleine d’émotion dans laquelle les sentiments, l’amour en particulier, jouent un rôle majeur. Elle change d’époque, de ton, d’atmosphère, avec son second roman sentimental La lettre à Élise. Son troisième roman  Les héros de la différence est un hymne à la tolérance, écrit sous forme de policier.
Sensible, l’auteure aime la poésie sous toutes ses formes, celle de la beauté des mots mais aussi celle des cœurs et des paysages. Elle propose aujourd’hui un roman feel-good, drôle et romantique.

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Valérie Michel

Le rêve d’Émilie

Roman

© Lys Bleu Éditions – Valérie Michel

ISBN : 979-10-377-1061-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

De la même auteure

Comme une évidence, septembre 2019, Le Lys Bleu Éditions

La lettre à Élise, décembre 2019, Le Lys Bleu Éditions

Les héros de la différence, mai 2020, Le Lys Bleu Éditions

Dédicace

À mon mari

qui m’offre un amour pur et inconditionnel…

À tous les couples fidèles

où chacun donne à l’autre le meilleur de lui-même…

Première partie

Observation

Chapitre 1

— Allo ?

— …

— Non, pas Madame Lagache. Je suis Mademoiselle Latache.

— …

— Non merci, je ne suis pas intéressée. Au revoir.

— …

Je me sens soudain énervée. Tous ces démarcheurs par téléphone m’indisposent à longueur de journée et, surtout, m’empêchent de travailler. Ils me dérangent sans arrêt, c’est insupportable ! Si je ne devais pas conserver la box pour bénéficier d’internet, je crois que j’aurais demandé à mes parents de supprimer la ligne fixe. Ces appels incessants m’exaspèrent au plus haut point. Et puis, je ne supporte plus que l’on rie de mon nom. Ça m’exaspère encore plus ! D’accord, s’appeler Émilie Latache n’est pas ordinaire : le nom de famille que personne ne rêve d’avoir mais dont tout le monde se moque. Si je devais compter le nombre d’affronts que j’ai dû subir et le nombre de mauvaises blagues faites sur mon patronyme, j’arriverais bien au moins à 9999 pour ne pas dire 10 000 ! Et encore, je n’atteins sans doute pas la réalité :

Ah, Latache est arrivée ! Latache qui ne s’en va pas ! T’as vu Latache ! Oh, Latache d’enfer ! C’est Latache qui salit ! C’est Latache qu’on ne voulait pas ! Latache de gras ! Latache d’huile ! Latache qu’on n’attendait pas ! Latache de cambouis ! Latache qui tue ! Latache repoussante ! etc., pour ne citer que les plus récurrentes.

Il faut assumer, mais au bout d’un moment, les gens s’avèrent vraiment lourds et pénibles. Je rigole pour faire bonne figure, mais intérieurement, je bouillonne. J’ai envie de leur dire que leurs plaisanteries n’ont absolument rien de drôle et qu’elles me gonflent sincèrement. Politesse oblige, je me retiens, mais je n’en pense pas moins. Un peu, ça va…

Sans cette ligne fixe dérangeante, je serais bien plus tranquille, j’arriverais mieux à me concentrer. Le problème, c’est que je ne suis pas chez moi et ne fais pas ce que je veux. La maison que j’habite, du haut de mes vingt-six ans, dans le sud de la France, en région PACA, appartient à mes parents qui ne sont que très rarement présents : mon père, militaire de carrière, se déplace souvent en Afrique, accompagné de ma mère, médecin du monde. Mes frères plus âgés que moi vivent désormais à l’étranger avec leurs épouses respectives. Je m’occupe donc de tout ici, en parfaite benjamine et maîtresse de maison : ménage, linge, courses, cuisine, entretien du jardin. Mon indépendance et le silence quotidien (en dehors des coups de téléphone à la noix !) me semblent presque pesants désormais. Au début, j’appréciais l’espace vital, le calme, l’ordre établi et ma totale liberté. Maintenant, à force, cet environnement morne, toujours rangé, et cette vie ascétique m’oppressent. Si je fais ce que je veux, à l’heure qui me convient, la maison m’apparaît pourtant vide et tristounette. J’ai beau m’évertuer à la remplir de musique, de chansons, d’un fond de radio ou de télévision régulièrement, elle n’est plus assez vivante pour moi. En dehors des murs avec lesquels la conversation s’avère limitée, je dialogue avec mon ordinateur la plupart du temps. Tout au long de mes études de psychologie, fort intéressantes, j’ai dû rédiger des notes de recherche et des mémoires qui m’ont bien occupée et m’ont servi d’interlocuteurs : de beaux échanges, un peu trop unilatéraux toutefois !

Après un master très satisfaisant, je poursuis mes études en doctorat et je travaille sur ma thèse actuellement, une tâche de longue haleine absolument passionnante. Désormais, je profite de véritables et agréables conversations avec mon directeur d’études qui me soutient et m’épaule bien. Mais si son âge avancé me fait bénéficier de ses connaissances et expériences, son apport, certes riche, ne m’offre pas les bulles de jouvence dont j’ai besoin actuellement. Je traverse ma jeunesse un peu trop sérieusement à mon goût et je suis ravie d’arriver bientôt au bout de ma peine pour pouvoir enfin m’éclater un peu et savourer la vie…

Sans mes recherches et écritures constantes qui m’absorbent énormément, je crois que je serais morte d’ennui. J’ai hâte de faire ma soutenance : je pourrai alors mettre du pétillant dans mon quotidien. Celui-ci a bien besoin de fantaisie !

J’ai bien eu quelques aventures avec certains tourtereaux, mais aucun ne me convenait vraiment. Ils avaient tous des défauts insupportables et ne s’avéraient finalement pas à mon goût. Je n’ai jamais pu tenir à leurs côtés dans la durée : au bout de quelques semaines, à chaque fois, j’ai craqué ! Si j’essayais de les décrire grossièrement mais sans caricature pourtant, je dirais que j’ai fréquenté un maniaque de la propreté (Si, ça existe chez les hommes aussi !), un macho qui aimait se faire servir (ça, c’est plus courant !), un bordélique (classique) et un obsédé (fréquents aussi !). D’ailleurs, on dirait que je le fais exprès : j’attire systématiquement les taches et je me les attache ! Normal quand on s’appelle Latache… Je ne fais ensuite pas long feu avec eux ! Heureusement ! Avec de telles recrues, il vaut mieux passer son chemin !

Afin de démarrer efficacement mes journées, je commence par faire un petit jogging matinal, histoire de me mettre en train. La course à pied participe à mon bien-être et mon équilibre. Ensuite, je me concentre mieux. Écrire ma thèse m’oblige à rester longuement sédentaire et sans exercice physique. Or j’ai besoin de bouger ! En plus, la gourmande que je suis a tendance à se récompenser avec quelques douceurs sucrées. J’essaie, en faisant plusieurs fois le tour du pâté de maisons chaque jour, de faire fondre mes rondeurs ou du moins de les alléger !

Lorsque je me sens réveillée et en forme, après une bonne douche et un copieux petit déjeuner, je m’installe au bureau de mon frère aîné. La porte-fenêtre de sa chambre donne sur le jardin, ce qui me permet de m’évader cinq minutes quand je fatigue et de rêvasser de temps à autre. La vue se trouve globalement dégagée et verdoyante. J’aperçois juste un peu plus loin, sur la droite, le dos d’un petit immeuble de trois étages avec des balcons et des mini-terrasses. Je préfère sa chambre à la mienne située dans les combles aménagés : le velux y fait un bruit d’enfer lorsqu’il pleut, la pièce se révèle trop chaude l’été et vite froide l’hiver… Ainsi, la benjamine avait été reléguée au grenier ! Lorsque mon frère est parti aux États-Unis pour ses études, il comptait bien revenir et retrouver son antre, mais le destin en a décidé autrement : il a rencontré une Américaine et est resté auprès d’elle… Du coup, il a laissé un énorme bazar que j’ai la flemme de vider. Alors, je dors dans ma chambre, ma petite intimité, et investis la sienne pour bosser.

J’aime écrire puisque je rédige une thèse. Seulement, dans ce cadre, il s’agit d’une écriture sérieuse requérant de nombreuses lectures et recherches, des prises de notes régulières. Ma démarche est scientifique : je définis une problématique, je cherche toutes les publications sur le sujet, je fais des hypothèses, je tente de les vérifier en faisant des investigations et des enquêtes, des statistiques, j’étudie les résultats, je tire des conclusions et des bilans, j’écris pour ainsi dire « mathématiquement ».

Pour me faire plaisir, quand j’en prends le temps (autrement dit, pas souvent), j’écris des poèmes. Il s’agit là d’une écriture littéraire, totalement différente, distrayante, amusante : une sorte de jeu avec les mots, les consonances, les figures de style. Cette écriture-là me met le cœur en fête, me permet de m’exprimer « gracieusement ».

Le week-end dernier, pour m’évader une demi-heure avec bonheur et m’éloigner de mes recherches, j’ai fait un poème sur mes études :

Mes études

Lorsqu’il a fallu me choisir une destinée,

J’ai opté pour des études de psychologie.

Aux sciences humaines je tenais à me vouer,

Soucieuse de pouvoir faire leur apologie.

Déterminée à offrir un jour mon aide

À tous les esprits devenus soudain fragiles,

Oscillant sur une corde devenue raide,

Je souhaitais même travailler dans un asile.

Les troubles de l’esprit m’intéressaient vraiment.

Avec mon savoir, j’espérais y remédier.

Une excellente connaissance des comportements

Me permettrait sans doute de pouvoir les pallier.

J’ai donc étudié les activités mentales

Et les sentiments de tous les êtres humains,

Les comportements et les dérives fatales

Induits par un environnement pas toujours très sain.

Le vécu de chacun s’avère souvent complexe.

Il peut requérir une certaine assistance.

Quand bien même certains cas me laissent perplexe,

Je sais comment réagir avec bienveillance.

Sur la psychologie du développement

Je me suis finalement orientée avec cœur.

Je termine une belle thèse actuellement,

Impatiente de la soutenir avec ferveur.

Même si j’apprécie le travail clef du chercheur,

Je ne veux pas m’éloigner des cas cliniques :

J’offrirai mes consultations avec bonheur

Pour contrecarrer les désespoirs maléfiques.

Mes parents subviennent toujours à mes besoins et me paient mes études, mais j’essaie de gagner un peu d’argent par mes propres moyens. Je fais de temps en temps du baby-sitting.

Lorsque les petits sont couchés, après avoir été baignés et nourris, je me remets au boulot. Lorsqu’ils ne sont pas trop fatigués, je fais un jeu avec eux et je leur lis une histoire avant de les mettre au lit. Je trouve qu’ils s’endorment mieux, apaisés. J’adore les enfants.

Je travaille également un mois l’été pour pouvoir me payer une semaine en club au tout début du mois de septembre, lorsque les prix ont chuté, que les familles avec enfants sont rentrées, que les températures caniculaires ont baissé, et surtout, que les célibataires prennent leurs congés ! Tous les ans, j’espère rencontrer l’âme sœur. Malheureusement, je vais de déboires en déceptions et de déconfitures en catastrophes ! J’ai l’âme romantique mais je ne trouve jamais chaussure à mon pied. À moins que ce soit mon pied qui soit mal fichu et qui n’entre dans aucune chaussure !

L’an passé, par exemple, j’ai sympathisé avec de nombreux retraités ! Ils étaient ravis d’aborder des températures plus raisonnables et d’éviter les flopées d’enfants turbulents et bruyants. Certains s’étaient même montrés intéressés par mes travaux de recherche. Ils étaient charmants, enrichissants, certes, mais aucun ne correspondait au jeune prince charmant imaginaire de ma lune de miel !

Je n’avais, alors, même pas osé raconter mes vacances de Catherinette tant elles avaient été insipides et dénuées de sens, en dehors des visites culturelles effectuées : l’échec total sur le plan sentimental !

Depuis, je suis toujours seule et désespérée… Je suis juste partie un week-end prolongé cette année, quatre petites journées où je me suis reposée.

Seul point positif : la météo a été clémente et le reste... Nous bénéficions d’un bel été indien qui perdure.

En me remettant au travail, j’ai remarqué d’emblée que l’appartement de l’immeuble au loin, sur la droite, n’avait plus sa pancarte « À vendre » au rez-de-chaussée. Depuis mon retour, il semble même occupé. Ma curiosité me pousse à l’observation. J’avoue que ma thèse se terminant et la soutenance approchant, je me dissipe de plus en plus fréquemment. J’ai vraiment envie de souffler désormais et de prendre du bon temps. Alors, je regarde cet appartement avec attention. Je suis intriguée : qui l’occupe maintenant ? Une personne seule ? Un couple ? Avec des enfants ? C’est marrant de connaître ses voisins…

J’aperçois un monsieur, semble-t-il, qui passe souvent devant sa fenêtre de cuisine : il doit y préparer ses repas, logique ! Peut-être même y manger ? Ça se pourrait aussi !

Si quelqu’un m’avait dit qu’en fin de thèse, je deviendrais concierge, je ne l’aurais pas cru ! Pourtant, je dois avouer qu’une irrésistible envie de regarder du côté de l’appartement me taraude. Alors, j’ai un peu honte de le dire, mais je suis allée aujourd’hui chercher les jumelles de mon père dans son bureau (il observe souvent les oiseaux dans le jardin et la faune à la montagne). Moi ? Voyeuse ? Non, il ne faut pas exagérer ! Je ne regarde que dans la cuisine, pas dans la salle de bain ! En tout bien tout honneur ! Je cherche juste à me faire une idée. J’oserai même dire que je ne regrette pas car j’ai fait une découverte du tonnerre ! Mon voisin est carrément canon : un beau brun, fin de visage, baraqué et musclé comme un Dieu grec… (Dans sa cuisine, je ne vois que le haut du corps, buste et visage, je précise.)

Il est trop bien habillé et super classe, genre sportif BCBG (polo de marque d’une fort jolie couleur pastel). Dommage, je n’arrive pas à voir la couleur de ses yeux…

Depuis le début de mes observations, je le croyais seul dans sa nouvelle habitation mais je le vois articuler… Il parle donc à quelqu’un, mais à qui ? Je n’ai jamais aperçu jusqu’ici de femme dans sa cuisine : bizarre non ? Il est peut-être cuisinier et se charge de préparer de délicieux petits plats pour sa dulcinée qui se met les pieds sous la table : oh, quelle veinarde ! La chance qu’elle a ! Il faudra coûte que coûte que je parvienne à élucider ce mystère parce que s’il parle tout seul, je vais le trouver inquiétant pour le coup.

La voix de la raison me rappelle à l’ordre : je me replonge sur la rédaction de la fin de ma thèse. La conclusion s’avère capitale : il vaudrait mieux que je me concentre pour ne pas écrire des inepties qui pourraient me coûter cher. Je ne peux pas me permettre de dire des bêtises après tant d’années de labeur acharné. Ce serait vraiment trop idiot de ma part.

De toute façon, il a baissé ses stores, je ne peux plus rien voir…

Chapitre 2

Lorsque je me réveille le lendemain, je me précipite au bureau. Je vous rassure : pas pour travailler ! Mais pour prendre de nouvelles informations ! Le matin, il faut bien prendre le temps d’émerger gentiment. Si la vue est plaisante, on ne peut que mieux démarrer sa journée. Pas de bol, les stores sont toujours baissés…

Je décide alors de partir faire mon footing quotidien : il est essentiel que je garde la ligne si je veux plaire un jour à quelqu’un. Je bois un grand verre de jus de fruits, j’enfile un tee-shirt et un short, je chausse mes baskets et me voilà partie pour une demi-heure de sport avec mon casque sur les oreilles et ma montre connectée : j’aime connaître mes performances, le nombre de kilomètres parcourus, ma vitesse, le nombre de mes pulsations cardiaques à la minute, le parcours effectué. Je désire savoir si je progresse glorieusement ou si je m’empâte laborieusement… J’espère tous les jours que ma montre va me féliciter, mais j’attends encore les compliments ! Pourtant, je fais des efforts : j’augmente parfois la distance et le temps, j’allonge les foulées, je choisis un rythme plus soutenu, ou tout simplement je respire mieux et j’évite les points de côté ! Je reste positive et tenace : je travaille l’endurance et je suis fière de moi.

Alors que je songe à modifier mon parcours pour courir dans des espaces plus verdoyants, vous ne devinerez pas qui j’aperçois… Mon voisin ! Le beau gosse à la coupe stylée est en train de promener son adorable chiot. Tout à coup, je me retrouve avec le souffle court, les jambes flageolantes, la panique au ventre, je sens que les forces m’abandonnent. Je passe bêtement à côté de lui, à deux pas, sans même essayer de le dévisager alors que je tente depuis hier d’apercevoir son visage avec mes jumelles pour découvrir la couleur de ses yeux ! Je suis vraiment la reine des cloches ! Lorsque je réalise que je n’ai pas saisi cette chance inouïe, je me retourne : je n’aperçois que son dos. Oh non, il se retourne aussi ! Là, j’ai carrément l’air d’une idiote ! Bien évidemment, je regrette, mais c’est trop tard ! Après tout, il m’a peut-être trouvée mignonne… Cette fois je délire ! Je prends carrément mes rêves pour des réalités !

En prenant ma douche en rentrant, je revois mentalement la scène plusieurs fois : si nous nous sommes retournés ensemble, c’est peut-être un signe… D’accord, l’espoir fait vivre, alors il m’en faut ! En prenant mon petit déjeuner (je sais, je devrais manger avant de partir, j’ai pris une mauvaise habitude), je réfléchis longuement, très intensément. Il me faut à tout prix pouvoir le rencontrer à nouveau mais pas en courant, à la vitesse de l’éclair, au risque de m’écrouler à ses pieds. Quoique, il pourrait me faire du bouche-à-bouche pour que je retrouve mes esprits. Mais je risque de défaillir à nouveau, de bonheur cette fois ! Ce n’est pas forcément le remède miracle pour que je retrouve mes facultés, même s’il me tente bien quand même !

Soudain, j’ai une idée lumineuse. J’appelle mon amie Laura :

— Allo ?

— Laura ?

— Comment vas-tu Émilie ?

— Tu m’as reconnue ?

— Évidemment ! me dit-elle fièrement. Quelles sont les nouvelles ? Tout va comme tu veux ?

— Je finis d’écrire ma thèse, je la fais relire par mon directeur d’études, je fais les modifications nécessaires et je soutiens d’ici un bon mois. J’ai pris un peu de retard sur le planning que je m’étais fixé. Mais je compte bien le rattraper.

— Et tes vacances ? Tout s’est bien passé ?

— Oui, dans l’ensemble. Un peu courtes, mais j’ai bullé.

— Tu n’as pas l’air enthousiaste…

— Si, si, je lui réponds. La météo était exceptionnelle. J’en ai bien profité d’ailleurs.

— Mais tu n’as toujours pas rencontré l’élu de ton cœur ? « T’as pas encore pécho ? » comme dirait mon frère ado, c’est ça ?

— Je n’ai pas rencontré l’âme sœur, disons. Enfin si, peut-être, je ne sais pas vraiment. Mais pas en vacances.

— Tu as bu ou quoi ? Tu n’as pas l’air claire ?

— Laisse tomber. Je suis dans mes délires. D’ailleurs, je voulais te demander un service.

— Ah OK, dis toujours.

— Tu accepterais de me faire garder ton chien un week-end ?

— Tu plaisantes ?

— Non, je suis très sérieuse. Tu pourrais avoir ton week-end entièrement à toi. Tu pourrais sortir et tout.

— Mais qu’est-ce que tu mijotes ?

— Une nouvelle technique pour aborder, l’air de rien, un gars qui m’attire ! Un nouveau voisin pour ne rien te cacher. Tu m’avais bien dit que ton chien te faisait faire des rencontres, non ?

— Ah la maligne ! Tu as jeté ton dévolu ! Tu me surprendras toujours !

— Alors tu es d’accord ou pas ?

— Qu’est-ce que je ne ferais pas pour toi ! Même si mon chien va me manquer ! Tout un week-end, c’est long ! Je n’aurai pas mes câlins moi ! Une journée seulement ça irait ?

— On n’habite quand même pas côte à côte et l’aller-retour dans la journée ça fait beaucoup, tu ne trouves pas ? En plus, tu ne bénéficieras pas de ta soirée du samedi avec Marc. Ce serait bête, non ?

— Ouais, tu as raison. Bon, va pour le week-end complet.

— Le week-end prochain, tu serais OK ?

— Allez, ça marche. Je te l’amènerai vendredi soir en voiture après être rentrée du boulot. Je préviendrai Marc. On aura le temps de papoter un moment toutes les deux comme ça. Tu iras le promener souvent, je compte sur toi.

— Oui, bien sûr. Nous irons justement souvent en balade. Tu crois que je pourrai le lâcher et qu’il me suivra ?

— Mon amour de chien fidèle obéit au doigt et à l’œil tout comme Marc (elle rit), mais s’il rencontre la chienne de sa vie sur le trottoir d’en face, je ne garantis pas qu’il ne traversera pas la rue pour aller la retrouver. Donc, en laisse, c’est mieux !

— On mangera ensemble, tu veux ? Marc peut t’accompagner bien sûr.

— Super idée mais Marc doit rentrer tard ce vendredi. Je viendrai donc seule avec Kim. J’amène entrée et dessert, tu te charges du plat chaud ?

— Nickel. Tu dois avoir des tas de trucs à me raconter aussi. Ce sera sympa de se retrouver entre copines.

— À vendredi alors, je t’embrasse.

— Moi aussi, à très bientôt, j’ai trop hâte !

Je saute de joie en raccrochant. Laura est une super amie de faculté avec laquelle j’ai rédigé un mémoire de master. Nous nous voyons beaucoup depuis, même si elle habite à une trentaine de kilomètres. Elle s’est mariée avec Marc juste après notre soutenance et a mis fin à ses études. Pour ma part, j’ai continué en doctorat. Je ne peux, pour le moment, que me marier avec mon ombre !

Néanmoins, je rayonne avec la simple perspective de pouvoir approcher mon prince charmant tranquillement. Le week-end s’annonce fort sympathique.

Chapitre 3