Les héros de la différence - Valérie Michel - E-Book

Les héros de la différence E-Book

Valérie Michel

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Beschreibung

Élodie Hortolly, ancien professeur de français, a quitté son travail pour devenir mère au foyer et s’occuper de la famille nombreuse qu’elle a fondée avec Christian, son mari, qui dirige une industrie pharmaceutique lucrative. Très investie dans son rôle, Élodie s’évertue à accompagner leurs deux garçons, Clément et Théo, et leurs deux filles, Sandra et Clara, vers leur vie d’adultes, en laissant libre cours à leurs passions musicales ou sportives.
Alors que les parents fêtent joyeusement la cinquantaine, satisfaits de leur premier demi-siècle, la vie de la famille Hortolly bascule, les enfants se trouvent confrontés à la différence… Tous doivent faire face à un drame qui les bouleverse et les unit dans l'adversité…
Un roman policier, hymne à la tolérance, sur fond de poésie.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Ex-professeur des écoles et titulaire d’une maîtrise en sciences de l’éducation, Valérie Michel a également enseigné l’anglais. Après s’être consacrée à l’épanouissement et à la réussite de sa famille nombreuse, elle s’est lancée dans l’écriture. Dès lors, elle crée des poèmes et leur donne un rôle clef dans son premier roman,  Comme une évidence, une histoire pleine d’émotion dans laquelle les sentiments, l’amour en particulier, jouent un rôle majeur. Elle change d’époque, de ton, d’atmosphère, avec son second roman sentimental La lettre à Élise. Elle se lance aujourd’hui dans un autre genre, le policier, avec cet hymne à la tolérance.
Romantique et sensible, l’auteure aime la poésie sous toutes ses formes, celle de la beauté des mots mais aussi celle des cœurs et des paysages.

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Valérie Michel

Les héros de la différence

Roman

© Lys Bleu Éditions – Valérie Michel

ISBN : 979-10-377-1055-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

De la même auteure

Comme une évidence, Le Lys Bleu Éditions, septembre 2019

La lettre à Élise, Le Lys Bleu Éditions, décembre 2019

Dédicace

À celles et ceux qui font face au handicap

et à la différence au quotidien…

À tous ceux qui prônent la tolérance et la solidarité…

Chapitre 1

Cinquante ans. Un tournant. Cinquante années déjà vécues remplies d’émotions, d’aventures, de péripéties. Un demi-siècle déjà ! Impressionnant ! J’avoue que je ne l’ai pas vu passer, emportée par le tourbillon de la vie… Une demi-vie, pour ainsi dire, s’est écoulée, sans que je m’en rende compte vraiment. Et pourtant, il est rempli de souvenirs, des bons, des contrariants, des franchement déplaisants que j’ai envie d’oublier. Des souvenirs heureux qui m’ont marquée et que je n’oublierai pas, sauf, si un jour, une fâcheuse maladie les éloignait de moi, contre mon gré, malgré mes efforts surhumains pour qu’ils ne m’abandonnent pas. Je serais si triste dans ce cas, n’y pensons pas. Cela n’arrivera peut-être pas, rien ne sert de m’angoisser à l’avance. Je préfère songer au passé qui m’a énormément gâtée et au présent qui me sourit pour le moment. Quel passé ? Une enfance heureuse, chérie entre deux parents qui s’aimaient passionnément et qui m’ont transmis beaucoup d’amour. Maman était clerc de notaire, un métier qui lui plaisait beaucoup mais qui l’accaparait plus que de raison. Elle travaillait en collaboration avec un notaire charmant, du moins un notaire qu’elle appréciait. Elle nous en parlait souvent. Agréable, doux, ne se prenant pas trop au sérieux, il bénéficiait à son étude, d’une clientèle fidèle qui ne l’aurait quitté que par nécessité, un déménagement par exemple. En effet, il prenait son temps pour expliquer, clarifier les situations, les enjeux, ses interventions. Il répondait apparemment posément aux nombreuses questions dont il se voyait assailli en permanence. Toujours calme, il exposait clairement ce que chacun avait envie de comprendre. Il conseillait avec sagesse, anticipait le futur. Maître Renard, il s’appelait, je trouvais ce nom trop drôle lorsque j’étais enfant. Je ne savais pas vraiment s’il était rusé ou calculateur. En tout cas, je l’aimais bien puisque Maman en parlait favorablement. Le seul souci, pour moi, restait l’heure tardive de retour à la maison de Maman que j’attendais avec impatience, le soir, pour lui raconter mes histoires d’école. Je sautais de joie lorsque je savais qu’elle allait bientôt rentrer. Elle m’appelait toujours en chemin pour me prévenir, sans doute aussi pour me rassurer et déculpabiliser. Lorsqu’elle arrivait, je lui sautais au cou : elle me consacrait ensuite toute sa soirée jusqu’à ce que je sois couchée, après m’avoir lu une histoire et fait mon gros câlin du soir. Nous n’attendions pas toujours Papa pour dîner car il était souvent retardé au bureau, par un dossier, un appel, une réunion, un problème à régler. Il était ingénieur manager et se trouvait, lui aussi, très investi dans ses fonctions. Néanmoins, Papa, tout comme Maman, s’occupait de moi autant qu’il le pouvait. Si Maman vérifiait mes devoirs et me faisait réciter mes leçons, Papa me posait toujours en rentrant d’innombrables questions pour s’assurer que tout allait bien : ma journée avait-elle été bonne ? Comment allaient mes amies ? La maîtresse n’avait-elle pas donné trop de devoirs ? Avait-elle prévu une sortie ? Avais-je eu de bonnes notes ? Des compliments ? Tous les jours, il voulait tout savoir, sans doute par peur de manquer un épisode de mon enfance. Le week-end, il m’emmenait faire du sport (j’ai touché un peu à tout pour me fixer finalement sur le hand-ball car j’aimais les sports d’équipe). Il s’arrangeait aussi pour que nous allions nager à la piscine au moins une fois par semaine ensemble, le samedi, la plupart du temps. J’avais appris très tôt à nager, j’adorais l’eau, je suis du signe du Poisson : ça doit être pour ça ! Papa, lui, adorait faire ses longueurs : il disait qu’après quelques brasses, il se sentait tout de suite beaucoup plus détendu. Il évacuait le « stress du boulot », comme il disait. Moi, au milieu de mes parents qui s’aimaient éperdument, je grandissais heureuse, équilibrée. Ils semblaient fiers de moi et me valorisaient beaucoup. Il faut dire que j’étais enfant unique : sans doute n’avaient-ils pas le temps de me faire un petit frère ou une petite sœur, accaparés tous les deux par leur travail, soucieux aussi de m’offrir le meilleur. Il faut dire que Maman était issue d’une famille nombreuse, avec un grand-père ouvrier et une mère au foyer, et qu’elle avait été privée de nombreuses gâteries en son temps, apparemment. Elle avait connu les Noëls sans cadeaux, avec une simple orange dans son soulier désespérément vide tous les ans. En grandissant, ce sont ses frères et sœurs qui déposaient les petits paquets, achetés avec l’argent qu’ils avaient gagné en travaillant. Bien sûr, elle rêvait de jours remplis de surprises pour sa fille, de Noëls comblés. Elle avait beaucoup travaillé, à l’école, pour se sortir de cette misère, qui ne l’avait pas rendue triste pour autant : il y avait beaucoup de complicité dans cette fratrie (dispersée aux quatre coins du monde aujourd’hui), d’après les souvenirs qu’elle m’a racontés.

Pour ma part, j’étais une enfant timide et pourtant très sociable : une fois que je connaissais un peu les gens, je sortais de ma coquille comme un escargot par temps de pluie. Je m’ouvrais alors pleinement à eux. J’avais besoin de savoir à qui j’avais affaire et si la personne était digne de confiance. Ensuite seulement, je pouvais échanger, me confier, m’épancher. Il me fallait juste un peu de temps pour « tâter le terrain ». Après, lorsque je me liais d’amitié, c’était profond, sincère, et pour toujours. J’étais une enfant sensible, un peu émotive. Je ne supportais pas la méchanceté et n’aimais pas voir souffrir les autres. J’arrivais à vaincre mon embarrassante timidité lorsqu’il s’agissait de porter secours à mon prochain. J’avais particulièrement beaucoup d’amies, moins de copains. Scolairement, je faisais de mon mieux et visiblement, mes résultats s’avéraient à la hauteur des attentes de mes parents. Consciencieuse, très sérieuse, j’obtenais de bonnes notes et les félicitations très régulièrement. J’étais si heureuse de voir mes parents clamer leur joie lorsque je ramenais mes bilans à la maison : ils me félicitaient et me récompensaient. Bref, je vivais une enfance comblée, contente de les satisfaire en tout point. J’étais gâtée, j’avais de la chance. Les années passant, j’ai grandi, mûri, toujours bien entourée, accompagnée et soutenue quoi qu’il arrive. L’adolescence ne m’a pas vraiment perturbée : je restais fidèle à moi-même, essayant d’offrir le meilleur, dans tous les domaines. Lorsque j’ai obtenu mon baccalauréat scientifique avec la mention bien (j’étais passé très près de la mention très bien), mes parents ont presque dû me consoler. J’aimais l’excellence, et le perfectionnisme se révélait être, chez moi, un véritable défaut. J’avais passé un baccalauréat C, à l’époque, parce qu’il était censé m’ouvrir toutes les portes. Mais, pour ma part, je cherchais la sortie vers la littérature. J’adorais lire, écrire, et je me plaisais à découvrir de nombreuses œuvres d’auteurs connus ou moins connus. J’avais l’impression de m’enrichir en voguant dans le flot des mots, étudiant les courants de pensée, naviguant parmi les idées des auteurs anciens qui faisaient part de leur expérience ou des jeunes auteurs précurseurs d’une ère nouvelle.

Je suis tout naturellement devenue professeur de français. J’ai enseigné très longtemps, au lycée. Mes capacités de travail et mon engouement pour la littérature m’avaient conduite à l’agrégation. Je préparais longuement mes cours avec intérêt, voire passion. Effectuant peu d’heures en classe, mon métier m’avait permis de fonder une famille nombreuse, mais au bout de mon quatrième enfant, la complexité de ma vie de femme, d’épouse, de maman et de professeur m’a empêchée de poursuivre le rythme de vie d’enfer qui était devenu le mien au quotidien. Il m’a fallu prendre une décision car ma santé semblait en pâtir : je n’avais plus de tension, j’étais juste épuisée physiquement. Le choix n’a pas été difficile car j’ai toujours donné la priorité à mes enfants. J’ai donc cessé d’exercer mes fonctions que j’aimais, pour me consacrer pleinement à eux. Ils avaient tous de très nombreuses activités qui me demandaient, en dehors du travail scolaire, beaucoup de temps et d’investissement, parfois même au détriment de ma propre personne : je n’avais guère le temps de souffler, encore moins de m’octroyer des loisirs. Mais m’occuper de ma petite famille me comblait pleinement. Je les accompagnais dans leur devenir et j’en étais très fière. Toutefois, je parlerai d’eux après, sinon je risque d’entrer dans de nombreuses digressions.

Dans cette sorte de bilan d’introspection de la cinquantaine, je ne peux m’empêcher de songer à celui qui m’a permis de construire ce merveilleux foyer : mon mari. Dire que nous aurions pu nous croiser sans même nous remarquer alors qu’il était l’homme idéal que je recherchais ! Il s’en est fallu de peu mais le destin nous a réunis comme par enchantement… Je me trouvais debout dans une rame de métro, du haut de mes vingt et un ans et une espèce de jeune dévergondé m’avait abordée : il n’avait pas l’air très clair, sans doute avait-il bu ou fumé quelque chose, peut-être même les deux ? « Salut, ma belle », m’avait-il dit avec son haleine d’alcoolique éméché, alors que le train redémarrait. La rame était bondée. Nous nous trouvions relativement serrés les uns contre les autres, dans une promiscuité plutôt gênante, mais il nous fallait tous rentrer chez nous. Une grève avait supprimé plusieurs rames et celles qui circulaient se retrouvaient de fait assez espacées et surchargées. À chaque station, nous nous rapprochions de plus en plus les uns des autres jusqu’à étouffer. Les wagons étaient à la longue pleins à craquer, bondés, les fenêtres fermées, sans climatisation. Je commençais à suffoquer dans cette chaleur humaine lorsqu’il m’a semblé sentir une main posée sur mes fesses… Ma réaction fut vive mais contenue, je me suis retournée vers l’abruti mal élevé qui me collait, je l’ai fusillé du regard et lui ai demandé très énervée d’arrêter de me peloter. Au vu de sa nonchalance à enlever sa sale patte, un jeune homme visiblement choqué, juste à mes côtés, est intervenu en le sommant fermement de me laisser tranquille. Sans doute avait-il remarqué son petit jeu malsain ? Je lui en ai su gré et l’ai remercié avec un grand sourire. Décidée à sortir du wagon à la station suivante, je tentais de m’approcher des portes. Lorsqu’elles se sont ouvertes, je me suis précipitée (en usant un peu de mes coudes par la force des choses) mais j’ai culbuté et me suis retrouvée projetée sur le quai, la tête la première. L’abruti ivre avait dû me faire un croche-pied, je m’étais donc étalée de tout mon long. Le jeune homme qui était venu à mon secours quelques minutes auparavant est spontanément venu m’aider à me relever, en quittant également le wagon. Tous les gens présents sur le quai n’étaient pas tous parvenus à monter dans la rame, malgré tous les efforts qu’ils avaient faits pour pousser, tasser et essayer de rentrer coûte que coûte. Ils nous ont donc regardés avec stupéfaction, se demandant ce qui s’était effectivement passé. Lorsqu’ils ont vu que je n’avais rien de cassé et que le jeune homme ne me voulait que du bien, ils ont détourné le regard, en quête d’une nouvelle rame salvatrice : tous voulaient rentrer chez eux au plus vite et s’éloigner de ce cauchemar du jour. Pour ma part, j’essayais de voir si j’étais encore entière, lorsque, pour la seconde fois, j’ai entendu le son de sa voix :

— Tout va bien, Mademoiselle ?

— Je crois, ai-je répondu en m’observant sous toutes les coutures.

Il est vrai que j’avais mal à plusieurs endroits, mais rien de grave ne semblait avoir découlé de ma fabuleuse et mémorable chute. Il y avait eu plus de peur que de mal, quelques ecchymoses qui passeraient certainement par toutes les couleurs du bleu au rouge, ou du jaune au violet… Juste quelques arcs-en-ciel ici et là, mais rien de méchant…

— Vous voulez qu’on sorte prendre un peu l’air pour vous remettre de vos émotions ? La chaleur est vraiment intenable aujourd’hui. Je déteste les grèves estivales, elles sont pires qu’en toute saison ! m’a-t-il dit.

— J’avoue que je ne suis pas loin de me trouver mal. Un peu d’air me fera le plus grand bien.

C’est ainsi que j’ai rencontré Christian, MON Christian, le père de mes quatre enfants ! Une fois dehors, nous sommes allés boire un verre de limonade bien fraîche dans un café et nous avons fait connaissance. Il s’agissait d’un beau brun bien habillé, BCBG, qui m’est apparu d’emblée fort sympathique. Il faisait des études dans la prestigieuse école de HEC (Hautes tudes Commerciales) après deux années de classes préparatoires et un difficile concours qu’il avait brillamment réussi. Comme moi, il lisait beaucoup. Nous avons évidemment parlé littérature. Nous avons décidé de nous revoir, puis échangé nos numéros de téléphone. La suite se devine aisément…

Le prochain mois de juin, nous fêterons nos 25 ans de mariage, les noces d’argent. Que le temps passe vite ! Christian est devenu PDG dans une grande société pharmaceutique. Il s’est toujours intéressé à la pharmacologie. Pourquoi ? En fait, je ne sais pas vraiment… Un jour, je lui ai posé la question. Il m’a répondu « autant produire des choses utiles » : une réponse bateau, guère éclairante… À mon idée, toutes les sociétés produisent des choses utiles. Ce dont je suis sûre, c’est que l’industrie pharmaceutique est lucrative. Christian gagne bien sa vie, il aime le management. Il ne ménage pas ses heures mais comme j’assume le reste à la maison, nous avons trouvé un équilibre de vie. M’arrêter de travailler lui a profité autant qu’aux enfants : tout le monde y a trouvé un confort de vie. Lorsque les enfants étaient petits, je pouvais tout gérer alors qu’il se trouvait toujours occupé, en déplacement, en réunion ou en rendez-vous : le scolaire, les activités, les tâches ménagères, les visites médicales fréquentes. Bref, ces années se sont écoulées à la vitesse de l’éclair, j’étais tellement occupée, voilà pourquoi je ne les ai pas vues passer…

Chapitre 2

Depuis, les enfants ont grandi. Christian, lui aussi, a eu cinquante ans récemment. Nous sommes de la même année. Comme nous n’avons qu’un mois d’écart, les enfants nous ont fait une merveilleuse surprise pour fêter notre demi-siècle respectif. Je réalise que je ne les ai pas encore présentés. Je vais donc le faire succinctement, avant d’évoquer leur sympathique surprise, en essayant de ne pas m’égarer car il y a beaucoup à dire sur chacun d’eux.

Notre aîné s’appelle Clément. Il a vingt-deux ans. Depuis tout petit, il fait du tennis : une grande passion qui lui a donné de très belles satisfactions puisqu’il est très bien classé maintenant, après avoir participé à de nombreux et prestigieux tournois, jouant en simple ou en double. Il a été recruté dans son propre club, juste à côté de chez nous, dès l’âge de seize ans, pour donner des cours aux plus jeunes, les entraîner et leur transmettre sa passion. Son salaire n’est pas forcément mirobolant mais il fait ce qu’il aime et il a un travail annexe en complément qui lui plaît également : il travaille chez Intersport à Pontault Combault en tant que responsable du rayon des sports de raquettes qui comprend aussi bien le tennis, que le tennis de table et le badminton. Il avait sa chambre au rez-de-chaussée chez nous. Celle-ci est désormais inoccupée puisqu’il loue un appartement, un deux-pièces, pas trop loin de notre propre maison, située à Ormesson-sur-Marne. Nous avons la chance de le voir souvent. Il a eu quelques amies, mais rien de bien sérieux, du moins de durable, jusqu’ici. Il n’a donc pas encore rencontré l’âme sœur. Les copines ont l’air de défiler mais il n’a pas trouvé la bonne, celle qui le rendra heureux dans la durée et digne d’être la mère de ses enfants. Il profite donc pour le moment du tennis, de sa jeunesse et de sa liberté.

Notre deuxième garçon se nomme Théo. Il a tout juste vingt ans. Le travail scolaire lui a toujours semblé fastidieux et hors de portée. Il n’aimait pas rédiger, se battait avec l’orthographe et la grammaire, fuyait les mathématiques qui lui couraient après, et se montrait réfractaire aux langues vivantes qui le rebutaient. En revanche, il avait une passion lui aussi : l’escalade. Une activité découverte à la montagne avec un moniteur agréé à l’âge de dix ans lui avait servi de révélation. Depuis son coup de cœur, il en faisait toutes les semaines en salle et autant que possible en extérieur pour se perfectionner. Depuis qu’il conduit, il va même fréquemment en forêt de Fontainebleau et préfère passer ses vacances à la montagne qu’à la mer, du moins là où se trouvent les pics rocheux, les falaises, les montagnes à gravir. Quant aux études, il a trouvé une solution : très habile de ses mains, il suit une formation en tant qu’apprenti vitrier. Son formateur apprécie son sérieux, son assiduité et sa dextérité. Théo est ravi d’apprendre son métier sur le terrain aux côtés de personnes expérimentées soucieuses de transmettre leur savoir. La formation a le mérite de lui faire, en outre, gagner un peu d’argent et de déboucher, sauf erreur grave commise, sur une embauche définitive. Le métier a de l’avenir et les artisans, dans ce domaine, ne sont pas si nombreux. Le chômage ne le guette donc pas. Il a une ribambelle de copains, « ses potes » comme il les appelle. À eux tous, ils forment une joyeuse bande qu’on appelle chez nous « La bande à Basile » bien qu’aucun ne porte ce prénom ! Ils se séparent rarement, optant régulièrement pour des activités communes. Il n’est donc pas surprenant qu’en dehors des bowlings, des escape games et autres jeux « fun » de leur âge, beaucoup se soient lancés dans l’escalade aux côtés de notre Théo. Par contre, les aventures amoureuses ne s’enchaînent pas comme avec Clément : peu d’amies tournent en orbite autour de lui. Il ne nous a pas encore présenté de copine puisqu’aucune ne paraît à l’horizon. Nous en avons déjà discuté avec mon mari, car j’avoue que ça nous soucie un peu. Il est beau garçon et pourtant très sociable. Nous nous demandons s’il ne s’autodévalorise pas à cause de ses compétences plus physiques et manuelles qu’intellectuelles… Ce serait totalement ridicule. Il a beaucoup d’adresse, de charme, et de nombreuses qualités par ailleurs. Il est plutôt boute-en-train et tout le monde apprécie son humour. D’accord, il n’a pas toujours un caractère facile, mais on s’en arrange. Depuis quelque temps, il nous parle d’une certaine Laura. Nous sommes vraiment contents mais nous n’avons pas encore eu la chance de faire sa connaissance. Ça viendra sûrement bientôt : j’ai hâte…

Avec Christian, nous avons fait le double choix du roi : deux garçons et deux filles. Si nous l’avions réellement voulu, nous n’y serions pas arrivés…

Notre troisième enfant est donc une fille qui s’appelle Sandra. Elle a dix-sept ans. Très studieuse, elle a toujours fort bien travaillé en classe. Elle se trouve en terminale dans une section musique études. Elle aussi avait eu un jour, très jeune, une sorte de révélation inattendue et plutôt surprenante. Je réalise seulement maintenant en évoquant tous ces souvenirs à quel point nos loisirs ont influencé les choix de nos enfants. Alors que nous étions allés assister à un concert de musique classique avec Clément et Théo, Sandra a été conquise par « La Flûte enchantée » de Mozart : elle n’avait que quatre ans et trouvait ce morceau particulièrement beau. Elle m’avait demandé le nom de l’instrument qui avait joué momentanément en solo. Il s’agissait de la flûte traversière. Elle voulait en jouer. Nous l’avons donc inscrite à la rentrée suivante au conservatoire municipal où elle a commencé à apprendre le solfège dans les classes d’éveil musical. Dans les ateliers de présentation des différents instruments de musique, elle a maintenu son choix. Nous sommes donc allés lui chercher, dans l’année qui a suivi, une flûte traversière en location-vente et la lui avons achetée trois mois plus tard, déduction faite du prix des trois mois de location à l’essai. En effet, elle adorait son instrument et avait fait des progrès particulièrement rapidement. Son professeur s’en étonnait. Nous, plus encore. Elle jouait tous les soirs les petits exercices qui lui étaient donnés à travailler, plus des petits morceaux, simples mais fort jolis, au bout de peu de mois. Il nous a fallu admettre, presque d’emblée, qu’elle était douée. Sandra avait indéniablement une oreille musicale et des facilités exceptionnelles. À chaque fin d’année, son professeur organisait une audition avec l’ensemble de ses élèves. Sandra jouait souvent plusieurs morceaux, parfois même accompagnée au piano. Elle participait à des quatuors aussi. Nous étions fascinés par son aisance, sa motivation, sa joie, et surtout par la pureté de ses sons. Elle jouait divinement et régalait toujours le public admiratif. Très vite, son professeur, ravi de s’occuper d’une élève brillante et enthousiaste, lui a demandé de participer à des concours où nous l’emmenions le week-end. Notre fierté s’avérait immense d’autant plus qu’elle remportait fréquemment le premier prix dans sa catégorie et des cadeaux fort sympathiques. Elle rayonnait de bonheur. Nous étions tous comblés. Elle participait alors également à l’orchestre d’harmonie. Son plaisir était alors intense, le nôtre, immense. Sandra a très vite souhaité faire de la musique son métier. Elle y a donc consacré de plus en plus de temps. Après le concours d’entrée dans les classes musicales du conservatoire national de région de Saint-Maur-des-Fossés, son niveau n’a jamais cessé d’augmenter. Elle a donc décidé de faire des études musicales, musique études plus exactement et s’y est lancée. Elle s’y trouve encore à ce jour.

Nous l’écoutons toujours avec autant de joie au cœur. Elle compte bien vivre de sa passion. Elle travaille donc très dur pour parvenir à l’excellence. Elle se montre très exigeante envers elle-même, considérant qu’il est toujours possible de se perfectionner. Il n’est pas étonnant que Sandra s’entoure d’amis musiciens, filles et garçons, qu’elle retrouve désormais dans plusieurs orchestres, d’harmonie et philharmonique notamment. Elle grandit physiquement et musicalement…

Notre benjamine se nomme Clara, elle est en troisième au collège. À quinze ans, elle fait déjà jeune femme. Mince, élancée, très fine, elle redoute de voir souvent les regards se poser sur elle : elle est indéniablement très jolie. Depuis de nombreuses années, elle fait de la gymnastique acrobatique. Son port altier lui octroie une démarche assurée, très élégante. Elle exécute au sol, sur la poutre ou aux barres asymétriques des enchaînements fort complexes avec une grâce naturelle et une aisance quasi inégalable à son âge. Sa légèreté, cumulée à sa souplesse, lui confère une agilité hors du commun. Ses prouesses ont été remarquées : elle passe donc également des concours depuis quelque temps. Dire que ses amies sont pour la plupart gymnastes ne sera pas une surprise. Elle a, par ailleurs, ses meilleures amies au collège, celles qu’elle connaît parfois depuis l’école maternelle et qui lui sont chères.

Clara, à certains égards, me ressemble. Je pense très honnêtement que sa souplesse ne vient pas de moi : je suis raide comme un piquet, il m’aurait été impossible de donner la vie à un tel élastique ! (Je sais ce que l’on peut supposer : que son papa a également participé à la génétique et qu’il lui a sans doute transmis cette faculté. Eh bien, non, je peux l’assurer : Christian, plutôt enrobé, un peu ventripotent, n’a rien d’un sportif. Il n’est pas plus souple qu’un manche à balai !)

En revanche, le goût de Clara pour l’écriture provient sûrement de l’intérêt qu’elle a toujours porté aux poèmes que j’écrivais et écris encore, depuis qu’elle est entrée à l’école primaire. Je ne compte pas, non plus, les histoires que je lui ai lues le soir dès le plus jeune âge et les très nombreux livres et albums qu’elle m’a fait acheter, une fois lectrice ! Je lui ai peut-être ainsi étrangement transmis mon penchant pour la littérature.

J’ai toujours été étonnée, quel que soit son âge, par sa facilité à rédiger : des phrases, des textes, des rédactions, des beaux poèmes… Contrairement à ses aînés, je suis certaine que Clara adorera au lycée les dissertations et la philosophie. Cela ne fait déjà aucun doute.