Mon Arbre de Vie en Héritage - Monique Zapata Ottaviani - E-Book

Mon Arbre de Vie en Héritage E-Book

Monique Zapata-Ottaviani

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Beschreibung

Dans cette autobiographie bouleversante, Monique ZAPATA OTTAVIANI retrace le parcours d'une femme déracinée dès l'enfance, confrontée aux blessures de l'exil, aux épreuves de l'intégration, et à la force des liens familiaux. Née en Algérie française, elle arrive en Provence avec l'espoir de reconstruire sa vie, malgré les humiliations, le rejet et la douleur du passé.

Ce récit, porté par une plume sincère et vibrante, est un hommage à ses parents, à ses enfants et petits-enfants, mais aussi à toutes les femmes de sa lignée. C'est l'histoire d'une promesse faite dans l'enfance : celle de protéger, rassembler, transmettre. De la petite fille réfugiée à la mère aimante, en passant par la sœur courageuse et la grand-mère comblée, l'auteure livre ici le témoignage d'une existence forgée par l'amour, la résilience et la mémoire.

Un livre intime et universel, comme une lettre d'espoir adressée aux générations futures, à ceux qui portent en eux les racines mêlées de plusieurs terres, de plusieurs douleurs... et de tant d'amour.

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Née à Oran en 1954, rapatriée en 1962, Monique Zapata Ottaviani grandit à Marseille. Comptable de profession, elle écrit depuis l’enfance, cherchant à témoigner et à comprendre le monde. Marquée par Zola, elle privilégie l’écriture à la lecture, y trouvant refuge et guérison. Son premier roman, "Conflit ambigu pour un paradis bleu", évoque les déchirures des pieds-noirs. "Mon arbre de vie en héritage" reflète une vie de mère, de femme et de fille, marquée par l’amour, la foi et la résilience. Pour elle, écrire relie passé, présent et amour.

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Seitenzahl: 448

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Couverture

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ISBN : 978-2-38713-017-4

 

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Page de Titre

Monique ZAPATA OTTAVIANI

Mon Arbrede Vieen Héritage

Une vie de combat, d'amour et de foi

DÉDICACE

À vous mes enfants !

Angélique, Virginie, Alexandre et Julien !

Aujourd’hui est un jour particulier, un jour où je vous demande pardon, si souvent, je parle de moi !

C’est un grand moi !

Ce moi, c’est tout l’amour que je vous porte !

Dans ce moi, Il y a toute la sensibilité, la bonté et la responsabilité, que je transporte depuis tant d’années, qu’on m’a délégué depuis ma tendre enfance, car on m’a dit d’être responsable, d’une grande famille !

Et moi, je me suis attelée pendant des années ! pendant des décennies ! avec ce grand moi qui pèse sur mes épaules, à en respecter les règles.

Je vous demande pardon, si vous avez pensé que c’était orgueilleux de ma part, mais non ! je n’ai fait que vous transmettre le chemin de la sagesse.

Je ne veux, ni n’ai voulu en aucun cas être intrusive dans vos vies ou vous faire de l’ombre !

Je désirais briller pour vous comme un être de lumière bienveillant.

Mais, n’oubliez jamais, derrière ce « on » qui m’a délégué, ce « on » qui m’a dit, derrière ce grand moi, il y a eu mes parents, avant eux mes grands-parents, et encore avant eux, mes arrière-grands-parents qui dans leur grandeur d’âme, ont déployé aux pieds de mon berceau les racines de mon arbre de vie.

Mon devoir a été de vous apprendre à grandir et de vous en transmettre tous les secrets pour y réussir.

Voilà pourquoi ce moi est devenu si grand !

Maintenant je vais me faire toute petite, vous laisser la place.

Moi, je vous demande aujourd’hui à chacun, de devenir un moi, aussi grand que le mien.

Je crois que vous y êtes arrivés déjà !

Vous êtes ma grande richesse, je vous place bien au-dessus de moi dans l’amour et la noblesse de mon arbre de vie.

Pensées pour ma sœur Josette, pour mes petits-enfants, et mes arrières petits- enfants.

Monique Zapata Ottaviani

PRÉFACE

Lettre ouverte de mon cœur,

J’ai traversé la mer si jeune, avec un cœur plein d’espoir en l’avenir.

Toute mon énergie, je l’ai mise sans compter, pour le meilleur et le pire.

À grandir, ouvrir mes ailes et vouloir protéger, aider, aimer les miens,

Contre les vents, les tempêtes, les guerres, les conflits, pour leur bien,

Je croyais en ma foi de combattante, de fille, de sœur, même de mère.

Et j’y crois toujours, car Dieu m’a faite ainsi au seuil de cette terre.

Je n’ai pas eu le choix, les grands avaient déjà tout décidé pour moi,

Il fallait fuir, se cacher et surtout prier seule en regardant la croix.

Et j’ai supporté tant de douleurs et de séparation dans ma jeunesse

Que j’ai mis sur moi une armure de fer, de courage, sans faiblesse.

J’ai grandi certes aux côtés des êtres les plus chers à mon cœur.

Mon père, ma mère qui me portaient en avant avec tant de bonheur.

Ils m’ont aimée et je les aime comme au premier jour de ma vie.

Pour eux, j’ai toujours voulu être digne, fière, solide et c’est ainsi.

Mon père, lui, voulait que je sois de notre famille, le saint pilier.

En son nom, de fêtes en fêtes j’ai réuni, les siens dans mon foyer.

Honnêteté, sincérité, franchise telles étaient mes devises, mes ardeurs.

Je pense m’être attelée à cette tâche avec enthousiasme et ferveur.

Toutes ces années, j’ai donné beaucoup d’amour autour de moi.

Je n’attends rien en retour, peut-être un peu d’attention parfois.

Ma mère, elle, savait m’écouter, tempérer mes joies et mes peines.

Aujourd’hui, je l’écoute et la berce de tendresse car elle est mienne.

Elle est ma mère et je suis sa « maman » dit-elle, ma si courageuse.

Le bonheur des miens m’inonde tellement que j’en suis très heureuse.

Voilà, j’ai peut-être réussi la tâche confiée, il y a si longtemps déjà.

Peut-être ai-je commis des erreurs, sans regret je partage avec vous tout ça.

Monique Zapata Ottaviani

CHAPITRE 1

La Famille Aujourd’hui

Depuis la publication de mon livre “Conflit ambigu pour un paradis bleu1”, je n’avais plus eu cette dévorante envie d’écrire qui m’avait jadis animée ou plutôt je n’en avais plus eu le temps ou la force sans doute.

Je m’en voulais terriblement et c’était pour moi une véritable déchéance.

Cela me torturait et me donnait l’impression qu’il manquait quelque chose à ma vie.

Écrire ! ma passion de toujours et depuis ma tendre enfance était-ce cela, était ce ma manière à moi, de décliner à travers les mots, mon ressenti, mon identité, mais sûrement un besoin de me reconnaître et aussi de reconnaissance.

Dans cette première publication “ Conflit ambigu pour un paradis bleu “ j’avais tout mis, tout dit, tout décrit de ma souffrance d’enfant et de ce mal-être à vouloir tout faire bien, réussir et aider mes proches en dévoilant sans pudeur, les souvenirs de ma mère, ma chère Amélie et les miens.

D’une enfance tourmentée en Algérie française et mon intégration douloureuse en France, j’ai longtemps cherché mes racines. L’arbre de vie, celui de ma famille où avait-il commencé ? L’Algérie ! La France !

J’ai appris depuis la source où il s’abreuve. Je connais son tronc solide portant branches et rameaux feuillus. Je vois sa cime comme un extraordinaire trophée. Mon arbre de vie a pris place dans la maison familiale. Il parade au sein de mon éden.

Alors, le temps a passé et qu’est devenue cette petite fille déracinée, cette autre moi que je nommais “ Marie “.

Moi ! de Marie à Monique, moi ! qui avais pris le nom d’emprunt de Marie, moi ! qui suis Monique ! aujourd’hui c’est bien moi, qui vous raconte.

J’étais aujourd’hui une femme retraitée certes, mais accomplie, moderne, bien ancrée dans la norme sociale moyenne. Une petite maison en Provence où il fait bon vivre avec son jardin “ un havre de paix “ dit-on, sa piscine et ses chiwawas !

Aux beaux jours, une ribambelle de petits-enfants, s’applique à courir entre le pool house et la réserve de glaces, côté cuisine. Cheveux et maillots de bain ruisselants d’eau, riant aux éclats, ces chenapans s’attardent un bref instant, en silence, et puis sur la pointe des pieds, pour ne pas réveiller les heureux parents à la sieste, ils traversent la colonne de chaises longues disposées à l’ombre des parasols !

Quel bonheur cette jeune escouade qui s’agite autour de moi. Assise sur la balancelle de ma terrasse, je les regarde souriante et heureuse, tandis que le Papé lui, ne fait pas de cadeau. Il est grincheux le Papé, c’est bien connu dans la famille ! Il les gronde à sa façon, sans crier.

Il mime avec des gestes assez compréhensifs ; il ne parle plus le Papé : “ Vous êtes trempés, pieds nus, l’eau coule sur le sol, vous salissez partout ! Essuyez-vous, arrêtez d’entrer et sortir ! ”

Papé ne supporte pas trop les enfants mais ils les aiment à sa façon. Il est aigri, parce qu’affaibli, malade depuis six longues années, ce qui n’arrange rien à sa mauvaise humeur quotidienne.

André “ le Papé ” a survécu des suites d’une grave intervention chirurgicale en 2017, un cancer, une laryngectomie totale, dont il fallut lui retirer les cordes vocales. Aujourd’hui en rémission, il perd souvent pieds, pour se noyer dans les entrailles d’eaux profondes et noires, dont on ne peut revenir facilement.

Le papé c’est mon mari sur le papier depuis 48 ans, 4 mois et 13 jours ! Je précise, en ce 18 août 2023 ! “ Chez nous “ les méditerranéens, on aime bien marquer le temps, décompter les années, les mois et les jours. Cela donne plus d’importance, de grandeur, de sagesse aussi pour les jeunes de la famille.

Ah ! Oui ! Quelle grande famille : tout un mélange de cultures, d’horizons et aujourd’hui de couleur.

C’est à la veillée de la nuit, sous la tonnelle de mon jardin, illuminée de chandelles, que se réunissent autour d’une enceinte musicale, les membres de ma famille. Il y a les Corses, mes fils Alex et Julien, les Espagnoles mes filles, Angélique et Virginie, et tous les autres qui se disent corses ou espagnols ; qui se disent pieds noirs ou portugais ; qui se disent aussi de Guadeloupe et de Roumanie !

Et moi qui aime à rappeler l’Andalousie, Almeria, mon Espagne ; Gênes et toute l’Italie, en passant par Florence, Naples et Ischia.

Quelle bande de joyeux fêtards ceux-là ! Ils sont tous bien français, mais d’origines différentes, métisses ou de souches européennes, de pays lointains que certains n’ont même pas connu ou si peu, ou à travers le récit des anciens.

De Roumanie, c’est Alice la compagne de mon fils Alexandre, qui en parle le mieux. Avec son accent, tendance latino, qui roule un peu les « r », elle a su décrire Bucarest sa ville natale. 

Ville historique où l’ombre fantomatique de l’ancien dictateur communiste, Ceaucescu plane encore sur le palais du parlement.

Ville artistique et culturelle, qui déploie en son cœur « la symphonie de l’eau » un merveilleux spectacle d’eau, de musique, de composition de lumières, sur les fontaines urbaines. Puis ses magnifiques marchés de Noël installés théâtralement, recréent chaque fin d’année, la féerie des anciens contes pour enfants. 

Ville architecturale, en son vieux centre, un peu désuet, Bucarest le « Petit Paris » expose la banque nationale de Roumanie, l’Athénée roumain, l’Arc de triomphe. Et d’ici, de là, dans les rues, tout près du restaurant le plus typique du coin le « CARU’ CU BERE » une jeunesse pleine de vie déambule au son de la musique live, et c’est juste sublime !

Loin de son pays, c’est à Paris qu’Alice brille de son élégance. Usant de son charme slave, de son charisme, elle a su émouvoir le noyau familial.

La Guadeloupe, l’Ile Papillon, archipel des Caraïbes, c’est une découverte au voyage avec Tracy, la compagne de mon fils Julien.

D’un papa antillais et d’une maman parisienne, une jolie métisse est entrée dans notre famille, apportant avec elle des saveurs d’ailleurs.

Depuis Pointe-à-Pitre et Les Abymes, jusqu’à Marseille, s’est déversé en une brume vaporeuse, un bouquet de couleurs, d’odeurs, d’épices parfumés à volonté, goûteux, même enflammés, piment oiseau, curcuma, cannelle, badiane, et le fameux poulet colombo.

La visite continue vers les îles éblouissantes des Saintes, Marie Galante, la Désirade, sur des airs bien rythmés de Kompas, de Zouk, de Biguine que le papa chanteur de Tracy interprète avec son groupe.

Le paysage est un enchantement pour les yeux. Ses rivages bordés de cocotiers, de mancenilliers et ses plages de sable blanc, au pied de l’océan Atlantique, invitent les voyageurs à faire une pause, autour d’un petit verre de rhum arrangé, aux fruits et aromates.

Tracy, la jolie métisse, à la fois parisienne et guadeloupéenne, resplendit de toute la beauté universelle, de ces iles lointaines antillaises, dont elle partage les secrets dans sa nouvelle famille qu’est la mienne aujourd’hui.

Le Portugal est le pays d’origine des parents de Joseph le compagnon de ma fille Virginie. C’est dans la ville de Seixal commune de Fernão Ferro que vit sa famille.

Le Portugal, ses plats de morue typiques, dont Il y aurait une recette pour chaque jour de l’année, et sa pêcherie de l’Atlantique, se sont introduits dans nos soirées familiales. Joseph connaît bien Lisbonne, aussi un peu de son histoire. Capitale du Portugal, elle reste l’une des villes, les plus anciennes d’Europe, d’où l’on devine le vécu qui se dégage de ses vieilles pierres, mais aussi de ses magnifiques monuments à visiter : le Castel Saint Georges, la Tour de Belèm sur les bords du Tage. Le sanctuaire, Santuário Nacional de Cristo-Rei, sacré cœur de Jésus, de l’église catholique, surplombe de toute sa hauteur Lisbonne.

Joseph aime nous parler de ce très beau quartier Bairro Alto, un lieu de prédilection d’Amalia Rodrigues, fadiste célèbre, d’une réputation internationale.

Après 40 ans de carrière cette extraordinaire chanteuse « la Reine du Fado » s’en est allée en 1999. Sa demeure dans Lisbonne est une maison-musée aujourd’hui, selon ses dernières volontés.

Quant au quartier bohème Bairro Alto très animé de brasseries, de restaurants, où l’on joue et chante le fado, il se distingue parmi les plus branchés, les plus connus de la capitale.

Et puis pêle-mêle, Joseph nous raconte son Portugal : les pèlerinages catholiques à la Vierge Marie, dans la ville Fatima ; le petit port de Nazare, ancien village de pêcheurs, aux pittoresques maisons toutes blanches prêtes à la location estivales ; les vielles femmes vêtues de leur sept jupes très colorées, du costume traditionnel portugais, au seuil de leur porte, assises là, patientes, côte à côte, sur un banc, un panneau sur leurs genoux, où l’on lit « à louer » pour les touristes !

Et l’arrivage des barques des pêcheurs sur la plage de Nazare que des tracteurs ramènent sur le rivage, tandis que la foule de touristes s’empresse alors d’acheter le poisson frais comme les sardines directement à la barque.

De ces merveilleuses invitations aux voyages à travers le globe, où chacun raconte ce qu’il veut. On rêve dans une ambiance cocooning et ça fait du bien. On rit beaucoup ! les voix s’élèvent ! on parle avec les mains, les verres trinquent ! la musique rythme, sur une bossa nova relax. La musique sonne ! s’atténue ! puis, s’arrête un court instant, laissant place à des chants plus traditionnels, évoquant la liberté, l’honneur, des chants polyphoniques, et mon fils, Alexandre, d’en être le meneur, entonne le premier ce merveilleux chant corse “ Versu Te “, suivi de son jeune frère, Julien, mon caganis, comme j’aime à l’appeler en provençal, c’est mon dernier né.

Ces voix d’hommes résonnent dans le cœur de la nuit sous les étoiles.

C’est cérémonial, envoûtant. Dans un coin de la terrasse, près des bambous verdoyants et des grilles médiévales en fer forgé, le groupe s’agrandit par la présence de mes neveux, Pascal et Cyril ! Et chacun de se tenir par le cou, de chanter avec vigueur, foi ! Les frissons m’envahissent. Je fredonne aussi quelques mots en langue corse, appris à la sauvette.

Je suis émerveillée. Autour de moi toutes les filles de la famille suivent les paroles en karaoké, sur leur téléphone portable.

L’ambiance festive, enjouée met en émoi l’assemblée tout entière.

Mes petites-filles sont magnifiques, belles, charmantes, brunes et blondes, ce qui ne gâche rien, elles sont aussi intelligentes et très cultivées. Moi je suis fière d’elles, de leur culture, de leur éducation et de toute la beauté qui exulte de leur personnalité.

Il y a là parmi les plus grandes de mes petites-filles : Marine, Manon, dont Alexandre est l’heureux père ; Luna, cadette de Virginie ; Isabelle, Manuella et Cynthia trois des sept enfants d’Angélique.

Une surprenante chorale féminine s’improvise à cappella, mêlant les tons graves et les aigus, en une émergence de voix vibrantes, comme un écho lointain sur les montagnes de CORSICA.

Tiens voilà ! que mes petits fils Anthony et François rejoignent les hommes. L’émotion est si grande qu’il semble que tous et toutes sont entrés en communion. Le chant s’adoucît, harmonieux, mélodieux, puis se termine dans un dernier appel à la liberté, un seul mot s’élève en cœur “ Liberta “, dans un tonnerre d’applaudissements et de joie.

Stop sur cette soirée, que je marque dans ma mémoire.

En définitive moi la petite pied noir Oranaise, j’ai conscience que ma vie a pris un tournant vers la Corse.

Cette introduction de ma vie me laisse bien songeuse.

J’ai tellement à raconter, pourtant je suis soudain en stress de la page blanche !

Les présentations de ma famille ne sont pas totalement faites. Je les dévoilerais tout au long de ce roman qui tourne dans ma tête comme un manège.

Cette soirée chantante dédiée à la liberté, à la Corse est un hommage aux ancêtres OTTAVIANI père et grand-père de mon mari. Il faut bien le dire, pour l’honneur.

CORSICA est terre, pour mes fils, mais surtout leur patrie. C’est de Riventosa, village de Haute Corse, que le cœur de la famille OTTAVIANI a construit sa généalogie. Il y a l’église paroissiale Saint Antoine l’Ermite, implantée aux pieds des chaines de montagnes. Près de là, un pilier commémoratif où l’on peut y lire, les noms des morts pour la France au champ d’honneur. Sont ainsi inscrits 1914-1918 : OTTAVIANI Joseph Lieutenant, OTTAVIANI Toussaint Maréchal des Logis, OTTAVIANI Pascal Caporal, grand-père de mon mari qu’il n’a jamais connu.

Pour moi, la Corse restera ma terre d’adoption autant que la Provence.

C’est l’été 2023, la farandole de mes petits garnements, autour de moi n’a de cesse de me rappeler, toutes ces années à construire un foyer familial heureux.

Ils sont là sous mes yeux, les élus de mon cœur.

Désormais, sur le pan de mur de mon salon, j’ai affiché leurs portraits. Mes élus, mes petits-enfants et comme chacun aime à le dire : « Tu imagines mamie, cette grande famille, à vous deux, papé et toi ! Incroyable ! »

Puis-je les citer sans alourdir la lecture !

L’aînée, Anaïs 28 ans, maman de 4 garçons : Noah, Léo, Timéo, Iloan,

Cassandra 26 ans, maman de Gabriel,

Anthony 25 ans, Marine 24 ans, Isabelle 23 ans, Manuella 21 ans,

Cynthia 19 ans, François 18 ans,

Luna 15 ans, Manon 14 ans, Lou 12 ans, Mélyna 12 ans, Ambre 11 ans, Mattéo 4 ans.

Ceux sont eux qui me rendent forte un peu plus chaque jour. Je puise mon courage, ma liberté, l’ivresse du bonheur dans leurs yeux, voire leur amour. Ils vivent en moi.

Et moi de leur transmettre tout ce qui nourrit ma passion de femme, de mère, de grand-mère.

Tout cela, je le dois à mes guides, mes matriarches, mes patriarches, celles et ceux qui sur mon chemin, ont semé pour moi, des étoiles que j’ai cueillies une à une, laissant là derrière moi, infortune et fatalité des plus invincibles, pour devenir ce que je suis aujourd’hui.

Mon père est parti le premier, le 6 juillet 2012, dans l’autre monde, celui du repos éternel. À l’heure de sa mort, il tenait ma main dans la sienne. Il prenait son souffle, sa respiration était haletante, Il me regardait, avec ses grands yeux noirs, sans tristesse, sans angoisse. Je percevais son amour, au rythme des battements de son cœur, quand il étreignit plus fort ma main sur sa poitrine. Je m’approchais, tout près de lui, lui ! mon père, tant aimé ! Il me lâcha ces quelques mots si douloureux que je ne voulais pas entendre : « Je crois ma fille que tu vas me porter des fleurs ! » il savait…

Pour lui, j’ai pleuré longtemps, j’ai fleuri sa tombe de roses blanches, ses fleurs préférées, j’ai écrit pour lui, mon père.

À MON PERE

Quand je vois un vieux qui passe sur mon chemin,

Je me dis que cela pourrait être mon vieux, le mien.

Il marche devant moi, il est tellement âgé ce vieux.

Ce monsieur avec sa canne que je ne connais pas !

Mais mon vieux, il n’était pas aussi vieux !

Et pourtant, il est parti avant celui-là.

J’en veux à ce monsieur avec sa canne devant moi.

Je crois qu’il a pris la place du mien.

Je voulais tellement continuer mon chemin avec toi !

Mais tu es parti trop tôt, trop vite, toi l’ancien.

Monsieur ! Voulez-vous de l’aide, votre canne est tombée ?

Vous ressemblez tellement à mon père ! Monsieur !

Je peux vous accompagner, un bout de chemin, venez !

Quand je vois un vieux devant moi, avancer à petits pas,

Je vois mon père avec sa canne, et le lui tiens le bras

6 SEPTEMBRE 2015Poème de Monique ZAPATA OTTAVIANI 

Ma mère est la dernière sur ma route. Elle a été la continuité de toutes ces femmes, avant elles, qui ont porté la vie, et donné l’amour. Elle m’a tout transmis. Je lui ai rendu hommage dans un poème de ma composition, Lors de la fête des mamans en 2014,

Elle a pris le temps de le lire, de l’aimer, d’en déchiffrer les secrets et d’en apprécier tous les messages d’amour que seul mon âme pouvait lui transcrire à l’encre de mon cœur sur du papier couleur du temps. Pour elle, et toutes les mères, je l’offre ici.

« Bonne fête maman »

“Maman chérie, quel bonheur de te dire aujourd’hui !

Moi petite graine d’amour, j’ai grandi en toi sous tes caresses, bercée par tes chants et tes louanges !

C’est avec toute ta tendresse que tu m’as guidée dans la vie et moi j’ai tout pris et tout appris de toi. »

Marcher d’abord ! 

Quoi de plus beau que mes premiers pas d’enfant hésitant et avançant vers toi maman !

Aimer ! 

Les merveilleux instants de douceur où tu me prenais dans tes bras, pour me rassurer et me cajoler de tes baisers !

Méditer !

Et lire dans tes yeux pleins d’étincelles, tes sentiments maternels qui me protégeaient de mes peurs et de mes angoisses !

Appeler

 « Maman » pour la première fois dans un cri de mon cœur ému et heureux devant une petite goutte de bonheur sur ta joue !

Non !

Ni tes larmes pour moi, de joie ou de peine, ni ton affection, ni ton amour maman, non rien, jamais je n’oublierai de toi maman !

« Une maman comme toi, il n’y en a qu’une et c’est ma maman, que j’aime comme au premier jour de ma vie. 

Il n’y a pas de temps pour aimer sa maman, il n’y a que l’amour, qui depuis la nuit des temps ouvre ses bras aux petits anges, et les guide vers elle « maman » berceau de l’humanité. »

Bonne fête maman aujourd’hui et pour chaque jour qui vient !

Des milliers de roses rouges, comme tu les aimes, pour toi maman, forment le bouquet de mon cœur, pour te dire merci maman, de m’avoir donné la vie avec autant d’amour !

24 MAI 2014Poème de Monique ZAPATA OTTAVIANI 

Aujourd’hui elle a rejoint le ciel, puis les nuages qu’elle aimait tant à regarder.

Après son départ, je me suis recueillie sur sa tombe. Dehors il faisait froid. C’était le 28 janvier 2023. Je ne frissonnais pas, mais je tremblais, envahie d’une douleur profonde, si sombre. 

Attristée par mes pensées, qui n’étaient que pour elle, j’avais encore sur mes lèvres, le doux souvenir glacial de ce baiser, déposé sur son front de marbre, le jour de son décès, comme un adieu.

Un mois déjà, que son cœur avait laissé son âme au seuil de mon recueil. 

Au milieu d’un songe j’avais revu ma petite mère, emportée sous les ailes magnifiques, d’anges féminins, vêtus de longs voiles de mousseline blanche. 

Ces anges femmes voluptueuses, merveilleuses ont ouvert le ciel d’hiver, d’où une extraordinaire cascade d’eau est apparue majestueusement, dans son écume immaculée. 

Ma petite mère a rejoint ainsi le Paradis, mon père et mon petit frère, pour une vie meilleure où les âmes pures atteignent la paix éternelle.

Maintenant, je ressens la puissance de sa présence, la bonté de son âme.

De Matriarche en matriarche, de mère en mère, de ma mère à moi, je vais laisser quelque chose de moi, de très intime qu’ils pourront se raconter plus tard dans leur vie de grands adultes à eux !

Eux, mes élus, mes enfants, mes petits-enfants et arrières petits-enfants, il faut qu’ils sachent !

Tout le bien, tout le mal, fusion de ma personnalité, en transparence sans aucunes leçons, glisseront sur les lignes de mon écriture, dévoilant l’histoire de ma vie ou celle d’un roman, comme chacun le jugera.

Il faut qu’ils sachent, que chaque jour est un cadeau, qu’à chaque lever du soleil, quand mes yeux s’ouvrent à la lumière, je regarde le ciel et remercie “Dieu”, de m’accorder du temps, pour le vivre avec eux, puis m’enrichir de leur jeunesse.

Il faut qu’ils sachent, que l’amour né au sein de notre cœur, qu’il se partage, se donne autour de nous. Que cet amour grandît en sagesse, qu’il nous rend plus fort chaque jour.

Il faut qu’ils sachent, que leur bonheur dépend des bons points, qu’ils s’accréditeront en bonnes actions, dans le respect d’autrui, dans celui de leurs aînés, plus encore dans l’estime de soi.

Ainsi, ils accéderont à l’allégresse, la prospérité, à la confiance en soi.

Il faut qu’ils sachent !

Un jour, ailleurs, loin de la Provence on a pris mon passé, mon pays, l’histoire de mes ancêtres, mais de surcroit mon petit cœur d’enfant.

Seules mes racines, on n’a jamais pu me les arracher. Je les revendique encore plus maintenant.

Ceux sont les racines lointaines des pays où l’on aime la vie, le bon vin et le miel, où la vie se forge de valeur, de courage, de travail, où la vie commence par le respect, où la vie porte les enfants avec amour, où la vie n’est que fête en famille, où la vie coule paisiblement sous l’arche d’alliance des peuples...

Ces pays entre mer et désert, où au détour d’une petite église érigée par des hommes qui croyaient en cette terre, il existe toujours, un lieu de repos éternel, pour nos êtres chers.

Partis d’Espagne, arrivés d’Italie, au milieu du XIXe siècle, à la conquête d’un avenir meilleur, plein de promesses, sur un territoire français, d’Afrique du Nord, voilà d’où viennent mes ancêtres, les Pieds Noirs ! Plus particulièrement, d’Oran en Algérie où ils fixèrent leurs foyers, leurs familles.

Je n’ai eu de cesse de transmettre tout au long de ma vie, cette histoire de notre famille, toutes nos traditions, nos lois d’honneur, afin que chacun n’oublie jamais, que nous devons restés toujours unis, en toute circonstance.

Aujourd’hui, mes grands-parents et les grands-parents de mes enfants, ne sont plus.

Leurs âmes veillent sur nous solennellement.

Je suis l’aînée de quatre filles ! Des filles du soleil et du vent ! filles de la mer et du sable ! Mais aussi d’un frère, que j’ai tenu dans mes bras d’enfant et que le destin a emporté brutalement. C’est pourquoi aujourd’hui, au nom de mes pères, je clame bien haut, libérée de mes chaînes, ma fierté, car je suis très fière de ma tribu.

Ma sœur Josette, qui m’accompagne dans cette tâche, à qui j’ai donné tout mon amour et offert ma confiance, appartient sans relâche, au noyau patriarcal.

Ensemble toutes deux, nous soulevons des montagnes, dans notre quête du bonheur. Nous nous battons chaque jour, pour réaliser ce rêve, celui de nos parents. Un rêve simple, modeste, humble, si difficile à concrétiser, parfois : l’union, la force, de tous et toutes, rassemblés en une seule et merveilleuse famille, symbole de notre arbre de vie.

Nos liens de sang, d’amour, ces mots que Joseph et Amélie ont inscrits à jamais sur le livre de la vie, perdureront à travers le temps.

Alors à présent Le flambeau est transmis à nos fils et filles avec honneur et respect. Le rêve devient réalité.

Où commence le rêve ? Quand a commencé mon rêve ?

À l’aube de mes soixante-neuf ans, moi, Monique, Amélie ZAPATA, je me sens si lasse, mais tellement comblée d’amour, que je ne sais pas par où, commencer l’histoire de ma vie. Aujourd’hui, je suis heureuse. Cette force en moi, ce don de courage, de volonté, m’animent, me guident vers le bonheur et m’ont accompagnée tout au long de mes jours. Je vis mon rêve !

À présent, j’aime à dire autour de moi, des mots pleins de soleil, des mots qui m’apaisent, des mots que j’ai plaisir d’adresser, à la terre de Provence. À cette terre, à qui je reconnais avec gratitude tout le réconfort qu’elle me procure. J’écris sur les pages de ma vie, ces quelques mots.

Hé ! Ma Belle Provence

« Hé ! Ma belle et douce Provence, toi ! qui dans ton berceau, m’a accueillie au milieu de tes pinèdes, tes lavandes et tes garrigues, aux senteurs enivrantes. Toi ! ma tendre mère, qui m’a ouvert ses bras, dans les collines d’oliviers, où le mistral aime à se balancer, les soirs d’été. Tu m’as adoptée, et j’aime à me sentir provençale aujourd’hui, et j’aime à croire, que mes enfants et leur descendance, parlent de toi ! ma Provence ! avec l’accent de chez nous, ce bel accent du midi. Hé ! Ma belle et douce Provence, toi ! qui m’as offert ton miel, le bon vin de tes coteaux de vigne, la caresse de ton soleil, je rêve sur les rives de ta Méditerranée et je te raconte ma vie. Il n’y a que toi, qui sait ce qui s’est fait et s’est défait, de mes premiers pas, chez toi à Marseille, à toutes ces années qui si vite ont défilé. Je suis la cigale et je chante mon amour pour les miens, mon amour pour la vie, et toi ma Provence, tu es la musique qui me berce chaque jour. »

19 AVRIL 2021Texte de Monique ZAPATA OTTAVIANI 

Mais avant de me sentir provençale d’adoption, je suis restée l’Oranaise déracinée, qui a laissé une étincelle de son âme si loin, là-bas, en Afrique du Nord.

C’est au cimetière chrétien Tamashouet à Oran, que reposait mon cher ange, mon frère Georges. Mes parents et moi avions été condamnés à fuir notre pays, sous la contrainte de la folie, la stupidité, la haine, la sauvagerie des hommes, abandonnant là, derrière nous, ce que Dieu nous avait confié de plus précieux

Ni Les pleurs de maman, ni la détresse dans les yeux de papa, n’ont jamais pu effacer le souvenir douloureux de la séparation de leur enfant. Ils l’ont vécu comme un nouveau deuil, comme un poignard au plus profond de leur cœur.

Comment moi, pouvais-je effacer de ma mémoire, ce petit être, ce frère qui occupait mon esprit, et la peine de l’avoir perdu à jamais, sans pouvoir me recueillir une dernière fois sur sa tombe.

J’ai tout au long de ma vie, eu le sentiment de lui avoir laissé, la flamme éternelle de mon amour. Sur sa sépulture, j’imagine l’empreinte de mes larmes et puis encore, tout autour, le son lointain de mes rires de petite fille, tandis que la fragrance envoûtante, des roses blanches du jardin de nos parents, embaume toujours les allées du cimetière, virevoltant sur les angelots de sa pierre tombale marquée de son nom « ZAPATA Georges André » 20/10/1955-24/05/1956.

Carré 35 – lot 159 – Cimetière Tamashouet – Ville d’Oran

Oui fatalement, tous nos êtres les plus chers sont restés là, à Tamashouet, Oran terre promise, terre natale, quand d’autres ont rendu le dernier souffle de leur vie, ici aux Vaudrans, Marseille terre d’accueil.

Si toi pays de Provence, oasis d’hospitalité, ne m’avait pas prise dans ton sein, je n’aurais pas pu renaître et grandir parmi les miens. Ceux sont les arbres, les fleurs, les odeurs des pins, les embruns de la mer et le soleil levant de la région marseillaise qui m’ont rendu la vie, mais la bataille a été rude.

1 Conflit ambigu pour un paradis bleu Auteure Monique ZAPATA OTTAVIANI née le 30 octobre 1954 à Oran ALGERIE

CHAPITRE 2

L’Arrivée En Délivrance

Sous un soleil de plomb, Provence, terre et mer, vous m’êtes apparus d’abord par le Vieux Port de Marseille, ensuite vint la découverte des quais de la Joliette, la Cathédrale de la Major qui semblait avoir les pieds dans l’eau, puis ces grandes embarcations de pêcheurs dès le matin, paradant sur le cliquetis, des vagues, autour de mon vieux paquebot “Le Sidi Mabrouk”.

Juin 1962, arrivée en France, j’ai su alors que ma délivrance viendrait bientôt.

La guerre, la haine, la peur et toutes ces monstruosités dont je portais le fardeau, finiraient bien par s’échouer ici ou ailleurs.

Voilà, c’est ainsi que commença ma nouvelle vie d’expatriée ou plutôt de rapatriée d’Algérie, moi la petite pied-noir, oranaise.

Je cherchais des réponses à mes tourments, de l’aide pour larguer la noirceur de mes sentiments. J’attendais un miracle, un signe du ciel qui me fasse tout oublier, moi l’enfant perdu, mais mes prières n’y suffisaient plus.

Que m’apportait cette France que je ne connaissais pas, ce Marseille qui m’effrayait.

Je ne me sentais en sécurité que dans l’antre de ma cachette, sous les draps d’un lit d’accueil improvisé, mon seul refuge où la nuit venue, j’inventais des histoires de jeunes princesses nomades, empruntées aux vieux contes des mille et une nuits.

Ces petites filles du désert, égarées, bien loin de leur oasis, dans un cosmos inconnu, entouré de forêts lugubres, humides et inquiétantes, sous des voiles de mousseline en soie, aux couleurs de l’arc-en-ciel, dissimulaient leur désespoir, leur effroi. Mes jeunes princesses se réfugiaient alors, au creux d’un arbre sur la mousse fraiche du matin et s’endormaient paisiblement.

Par enchantement, un jour de pluie, alors que je suivais les traces argentées, laissées par les escargots, sur l’herbe fraîche, mes contes prirent forme.

Dans les sous-bois détrempés d’Eoures, le long des sentiers, bordés de fougères et d’autres plantes d’automne, dont j’ignorais le nom, mon imagination, me conduisit au milieu d’une clairière, bien réelle.

De l’obscurité je passais soudain sous la lumière intense des rayons du soleil. J’étais aveuglée.

Là, je libérais enfin mon cœur, des premières larmes d’une longue souffrance.

Mon secours, mon évasion, je les volais à la nature qui s’offrait à moi comme un cadeau, une liberté.

Petite fille, j’aimais courir dans la campagne, encore humide de la rosée du matin, grimper la colline tout ensoleillée de mon enfance, ma petite colline des Caillols, à Marseille ! J’étais libre comme le vent, avide de connaissance, de découverte. Tout ce qui fait la vie était là, devant moi, je n’avais qu’à apprendre et j’adorais ça !

Nous venions, ma famille et moi de traverser de lourdes épreuves, après la guerre d’Algérie. C’est à peine si nous commencions à lever la tête. J’avais eu bien du mal à surmonter mes peurs, mes angoisses, autant que le spectre de la mort qui tortura mon esprit des nuits entières. Oui, je souffrais dans les profondeurs de mes entrailles, dans mes états d’âme, de la déchirure mais aussi, de l’exode de ma terre natale. Oran me manquait, Oran m’effrayait toujours dans mes cauchemars tortueux. Je ne me résignais pas non plus à oublier les moments de prière sur la tombe de mon petit frère Georges, un ange parmi les anges. Mes larmes plus encore celles de mes parents couleraient à jamais pour les nôtres restés en Oranie.

Notre intégration en France avait été très difficile. C’était seulement écœurant et mes souvenirs d’enfant devaient me poursuivre jusqu’à aujourd’hui. Octobre 1962, j’avais 8 ans. La direction de l’école primaire d’Eoures, petit village marseillais, près d’Aubagne, avait refusé à mes parents, mon inscription en cours élémentaire deuxième année. Je savais la haine ! pour nous ! les rapatriés d’Algérie, mais j’ignorais à cette époque, parce que trop jeune pour les lire, les déclarations virulentes, du maire socialiste de Marseille, à l’égard des familles pieds-noirs, je cite :

« Qu’ils aillent se réadapter ailleurs. »

Et ses paroles, à propos de la scolarité des enfants pieds-noirs :

« Il n’est pas question de les inscrire à l’école, car il n’y a déjà pas assez de place pour les petits Marseillais ! Que les rapatriés quittent Marseille en vitesse et tentent de se réadapter ailleurs ! »

Phrase prononcée par Gaston Defferre en JUILLET 1962, extraite d’une interview qu’il avait donnée à Paris-Presse et reprise par le quotidien local Le Méridional.

Ces paroles injustes et horribles que personne n’a oublié aujourd’hui, ont fait que j’ai vécu un acharnement scolaire, où l’on m’humilier, où l’on me rétrograder en quelque sorte, comme une illettrée. Ma sœur Josette en avait souffert aussi, autant que moi. Ces mêmes dirigeants ont eu la bassesse de me descendre en classe de cours préparatoire, moi qui savais déjà lire, écrire et calculer, c’est avec affront que j’ai dû régresser honteusement. Oui j’avais honte ! j’étais exclue de cette France qui était mon pays ! et je me sentais coupable d’être ce que j’étais.

Mais j’étais qui, j’étais quoi ? J’avais perdu tous mes repères et je devais me battre pour montrer ce dont j’étais capable et surtout pour retrouver une identité.

C’est vrai il y a longtemps, mais dans ma famille de pieds noirs on s’est tous battu les grands comme les petits. Le travail ne nous a jamais fait peur. Nous n’avions pas d’aide pour étudier, pas d’aide psychologique pour les souffrances de la guerre d’Algérie qui nous avaient meurtri, rien pour nous.

Je me réfugiais alors, dans l’écriture. Il me semblait plus facile pour moi, d’exprimer ce que je ressentais ainsi, car de ma bouche, les mots ne sortaient pas. J’étais envahie d’une grande timidité, d’un sentiment d’insécurité dont je voulais absolument surmonter les démons. Je m’y employais chaque jour, en posant des phrases rassurantes, sur mes cahiers d’écolière.

À l’âge de dix ans en 1964, c’était le bonheur, je commençais déjà à écrire de petites histoires, quelques poèmes que forcément je lisais à ma mère Amélie, qui était ma seule lectrice.

Amélie « ma Mounette » comme j’aime à l’appeler, écoutait prédisposée d’une grande admiration, ce que sa fille lui racontait. Elle ne tarissait pas d’éloges à mon égard.

Nos échanges mères, filles se passaient toujours dans la cuisine, pendant que maman préparait le dîner, moi je lui faisais la lecture. J’accourais vers elle, brandissant mes chefs-d’œuvre de petite fille, dans les bras, les mains encore fraîchement tachées, de l’encre bleue de mon porteplume. Je lui lançais fièrement, d’un air jovial :

« J’ai fini ! j’ai fini ! Mon premier petit livre relié et illustré est enfin terminé ! Maman tu es prête ! »

« Allez, je t’écoute ! Donne-moi son titre d’abord ! »

« Les pas dans la neige ! De Monique ZAPATA. Ça te plaît ? »

« C’est un joli titre ! Raconte-moi ton histoire ! » dit-elle, le nez dans ses casseroles.

« Oui, mais tu ne m’écoutes pas ! Laisses tomber le dîner ! Maman ! » Je pensais qu’elle serait distraite.

Elle s’essuya les mains dans son torchon de vaisselle, releva sa chevelure rousse qui cachait ses yeux, retira son tablier de cuisine et vint s’asseoir à mes côtés. Maman était tout à moi.

« Je commence ! » Mes yeux pleins de lumière la regardaient.

Je lisais confiante, sans appréhension, ce premier récit d’une dizaine de pages, du haut de mes dix ans, à ma mère qui écoutait ravie, de toute cette imagination qui sortait de mon esprit.

« Monique, c’est très bien écrit ! » C’était sa manière habituelle de me rassurer ! « Relis-moi le prénom de cet enfant ! Dans quel pays se passe cette histoire ? Quel âge a-t-il ? » Elle m’encourageait, s’intéressait à mes écrits, me posant des questions.

« Maman, il vit au Japon et s’appelle Kinochiti ! Il a 10 ans comme moi ! »

Je m’empressais de lui résumer l’histoire d’un jeune japonais, à la recherche de son père, dans une forêt enneigée à une époque moyenâgeuse où se côtoyaient samouraïs, paysans et monde impérial. Page après page je lui faisais découvrir toutes mes illustrations.

Amélie appréciait toujours mon travail et me répétait que mon grand-père PINERO Jesualdo, son papa, était un excellent poète, qu’il écrivait en espagnol ! Malheureusement, elle n’avait rien à me montrer de ses œuvres. Elle prétendait que j’avais son talent.

« Tu as tout de mon père, ma fille ! L’écriture, le dessin ! C’était un artiste peintre et poète aussi ! »

Ma brave Mounette, comme elle était pleine de compassion pour son enfant prodige.

Après deux années de bataille, mon père Joseph avait remonté son entreprise, celle qu’il avait commencée et grandie en Algérie, s’implantait à présent à Marseille. Ma mère, mes sœurs et moi étions très fières, de cette admirable ambition dont il avait su faire preuve.

Après des mois de maladie, ma chère maman était rétablie, d’une horrible hépatite, cela grâce à son lourd combat, à sa persévérance face à une bataille sans merci, pour la guérison.

Mes jeunes sœurs, quant à elles, Josette et Brigitte, insouciantes, gambadaient dans la verdure de nos belles clairières, chassant les papillons, se rafraîchissant dans les ruisseaux d’eau pure de notre colline.

Moi, je bichonnais ma petite sœur Corinne, deux ans à peine, qui n’avait de cesse, de se coller à moi. Elle était née les premiers jours, de notre vie à Marseille, les premiers jours, de notre exode en novembre 1962.

Belle et heureuse année 1964, je n’oublierais jamais. Ce fut aussi l’année, d’une promesse que je fis à mes parents.

Oui ! Parce que, dans les moments de solitude, de grande détresse, on se sent parfois délaissé des siens, de sa famille, peut-être par l’éloignement, des uns et des autres. Les difficultés de chacun à trouver sa place dans un pays nouveau avec des coutumes qui ne sont pas les nôtres, sont telles que le temps paraît si long, l’adaptation si difficile. Se faire accepter des autres qui vous refusent dans leur communauté ajoute désarroi et rage d’incompréhension. Alors vous ne pensez qu’à une chose resserrer vos liens et souder avec force et amour votre cercle de famille.

Maman souffrait. Elle le cachait ! Mais un jour… un jour de trop, elle brisa le silence, consternée, accablée.

« Jamais, au grand jamais ! je n’aurais pensé que ce soit si dur d’être loin de sa famille ! Ma mère, ma sœur me manquent tellement !  Tous me manquent ! » Elle pleurait.

Maman se confiait à mon père, qui assis près d’elle, sur le canapé de notre séjour, l’écoutait, une tasse de café à la main et ma sœur Corinne sur ses genoux. Il restait là, réfléchissant, plus réservé sur ses sentiments. Il n’était pas démonstratif, même si l’absence de sa famille le contrarié souvent. Il lui répondit :

« Poulet ! » d’un ton bref, mais doux.

C’est ainsi qu’il l’a surnommée, avec amour.

« Ne t’inquiète pas ! Je vais t’emmener voir ta sœur et ta mère, dimanche ! Écris à Elvire, tu la préviens ! »

« Oh oui ! Maman ! S’écriaient mes jeunes sœurs, avec un grand enthousiasme.

« C’est une bonne idée ! si on partait tous à Orange ! Maman ! Dis oui ! » elles insistaient en chahutant autour du canapé.

« Vous croyez les enfants ? Cela vous ferait plaisir ? »

Nous étions toutes dans les bras de maman, la consolant, l’embrassant de mille baisers.

« Je vais écrire à ma sœur Elvire, tu as raison ! Jojo, J’ai besoin de les revoir ! Depuis ces événements, on s’est tous éloignés. »

Jojo ! Joseph mon père, toujours optimiste maintenait le cap au beau fixe comme il savait si bien le faire.

« Tu dois prendre patience, Amélie ! Ils ont tous des problèmes comme nous ! Tout va s’arranger ! »

Pas besoin de long discours entre eux, ce jour-là, mon père et ma mère se comprenaient.

Pour réconforter mes parents, que je voyais galérer chaque jour, sans pouvoir s’appuyer sur leur clan, que la guerre d’Algérie et cette fuite désespérée, loin de leur noyau familial avaient fait éclater, puis disperser aux quatre coins de France, je n’eus qu’une envie, une promesse à tenir et ce fut celle-ci.

Je pris l’initiative de leur dire à tous les deux ces mots-là :

« Papa ! maman ! jamais mes sœurs et moi nous ne vous quitterons. C’est nous la famille à présent ! C’est nous six ensembles ! » Et chacun de se prendre dans les bras, de s’enlacer, de s’embrasser. Nous ressentions la force de notre union.

Je rajoutais.

« Toute notre vie, nous ne nous séparerons jamais, quoiqu’il arrive, nous formerons toujours un cercle de famille. »

J’avais un énorme besoin, de ralliement, d’affection, autour des miens, après la terreur de la guerre, qui nous avait cruellement séparés, mes parents, mes sœurs et moi.

C’est ainsi que les années passant douces et providentielles, dans le cocon familial, je m’employais solennellement à rendre heureux les miens.

CHAPITRE 3

La Promesse De Toujours

Cette promesse que je fis, était des responsabilités que me donnait mon père. Elles ont suscité autour de moi, beaucoup de jalousie, en particulier de la part de certains de mes proches. J’étais l’ainée et mon père ne voyait que par moi. Durant toutes ces dernières années dans ma vie de femme, aveuglée par ma naïveté, ma confiance en ces personnes, je n’avais rien vu venir.

Pourtant, depuis mon plus jeune âge, et cela, dès notre retour d’Algérie, où tout avait commencé, je m’étais attelée à tenir ce rôle confié par obligation familiale, en y mettant audace et volonté.

Carpentras ville du Vaucluse, novembre 1962, mon père nous déposa un soir, chez sa sœur Monique ZAPATA FERRAGUT, avec pour bagage un simple cabas. Nous avions fait la route depuis Marseille dans sa camionnette. Maman avait accouché de son quatrième enfant, notre petite sœur Corinne. Nous avions passé la nuit chez ma tante qui nous avait accueillis, installés tous les quatre sur le canapé. Au petit matin, très tôt, emmitouflée sous les draps, les couvertures, enlacée, serrée dans les bras de Josette et Brigitte qui sommeillaient près de moi profondément, j’entendais chuchoter. Ma grand-mère ZAPATA Thérèse dans la cuisine tout près du salon, s’entretenait avec mon père. Elle lui préparait un en-cas et du café pour son retour. Papa s’approcha de moi. Je gardais les yeux fermés. Je ne voulais pas croire ce qui allait se produire.

« Monique ! Réveille-toi, ma chérie ! » il me parlait doucement à l’oreille.

« Papa ? qu’est-ce qui se passe ? »

« Chut ! Je vais partir pour Marseille, rejoindre maman et le bébé ! Ne fais pas de bruit, tes sœurs dorment. Tu dois bien t’occuper d’elles pendant mon absence, ma fille ! »

« Mais papa ! Brigitte va pleurer, si elle ne te voit pas ! » Titi comme nous l’appelions à cette époque n’avait que trois ans. Elle était fragile. Elle avait développé une préférence fusionnelle avec maman, mais depuis quelques jours s’attachait progressivement à papa.

« Je le sais, c’est pour ça que je pars pendant son sommeil, pour qu’elle ne s’en rende pas compte. »

« Et Josette ! Papa ! Tu sais qu’elle est turbulente et pépère ne la supporte pas ! »

Pépère, mon grand-père Joachim ZAPATA le père de papa était très sévère, en particulier avec Josette, qui pleine d’énergie et d’espièglerie, n’avait de cesse de mettre les pieds dans les pires bêtises. Et moi, d’être la grande sœur protectrice, de cette petite chipie de cinq ans, je m’interposais toujours, face à mon grand-père, pour adoucir la punition !

« Écoute Monique, ne t’inquiète pas je reviens vite ! Mémé va t’aider ! J’ai confiance en toi ma grande fille. »

« Non ! Papa ! S’il te plaît ! » je le suppliais en vain et je voulais lui crier, « je t’aime, papa ! » mais on ne se disait pas ces mots-là, par pudeur, on les ressentait réciproquement dans notre for intérieur.

Il m’embrassait rapidement et partait. Je regardais mon père s’éloigner du salon où nous étions couchées mes sœurs et moi.

Mon pépère ZAPATA, sévère et dur comme un vieux chêne, se montrait aussi bonasse, farceur, à l’humeur taquine, avec nous, ses petites-filles. Des moments de nos vies les plus implacables, aux plus clémentes, fortes de son éducation traditionnelle, ancestrale certainement, nous avons appris la moralité !

À MON GRAND-PERE

Avec mon grand-père, j’ai traversé la mer.Il m’a appris le nom des océans, des terres.J’ai parcouru avec lui villes et villages.Ensemble nous avons peint tant de paysages.

Avec mon grand-père, j’ai connu la joie et les rires.Il m’a appris l’amitié, la sincérité et le pire.J’ai parcouru avec lui la vie et la tendresse.Ensemble nous avons peint bonheur et sagesse.

Avec mon grand-père, j’ai traversé l’amour et la passion.Il m’a quitté, sans m’apprendre la déception.Je vais parcourir sans lui, la tristesse et les louanges.Et je marcherai derrière lui, sur le chemin des anges.

12 FÉVRIER 2016Poème De Monique ZAPATA-OTTAVIANI

Encore un épisode difficile de mon enfance où je devais me tenir droite et forte.

Certes ma grand-mère nous donnait tout son amour. Elle nous couvrait de baisers, de caresses, de petits mots réconfortants. C’était une mamma un peu italienne, un peu espagnole, simple et douce, rieuse et merveilleuse. Mémé ZAPATA était notre refuge quand on pleurait, quand on avait faim, quand on avait peur. Grâce à ma grand-mère, j’ai surmonté bien des épreuves et j’ai appris à être digne de mes parents.

Un retour à Marseille quelques semaines plus tard, me fit découvrir d’autres réalités sur notre vie familiale si difficile. D’autres déboires m’attendaient.

Un scénario catastrophe se déroulait dans ma vie à toute vitesse ! Une maman souffrante, un papa travaillant très dur, l’insuffisance d’argent, les carences en nourriture, l’absence de soutien psychologique, la défaillance sociale et l’inexistence matérielle, mais encore, trois petites sœurs, pleines de vitalité, qui ne demandaient qu’un peu d’affection, insouciantes au drame de leurs parents, tel était le tableau noir de ma destinée.

Alors, du haut de mes huit ans, avec toute mon insouciance juvénile, j’ai accepté la demande de mon père. Une sollicitation, comme une prière s’imposait à moi. Face à une situation dramatique qui échappait à mon père, je ne pouvais que l’aider, dans le quotidien. Pour la première fois de ma jeune existence, je prenais les rênes de la maison.

J’ai donc été une seconde maman très tôt, pour mes trois sœurs !

Quelques tâches qui soulagèrent ma chère mère m’étaient déléguées.

Je planifiais l’essentiel de ces missions, à l’accompagnement scolaire, matin et soir, de ma cadette Josette et ma benjamine Brigitte, à l’approvisionnement alimentaire, chez l’épicerie SOUCHE du village, deux fois par semaine, mais surtout, à l’aide aux soins de toilette, puis aux repas de la petite dernière, Corinne.

Plus tard, à mon adolescence, entre mes 14 et 17 ans, je m’étais consacrée, en dehors de mes études, à seconder mon père, dans le cadre de son entreprise de serrurerie et ferronnerie de bâtiment. Je menais efficacement le traitement du courrier administratif de son bureau. J’apprenais déjà, auprès de lui, toutes les ficelles commerciales, ce qui ne me déplaisait pas. Quant à ma mère, c’est quotidiennement, dans ses tâches ménagères que je l’assistais, m’appropriant souvent l’étendage des lessives, le pliage et le rangement du linge. Je trouvais ces travaux très ingrats pour nous les filles, détestables à souhait, mais je me résignais par respect pour ma chère maman. Heureusement, chaque samedi après-midi, je pouvais exercer mes talents de cuisinière et m’appliquais dans la préparation des plats et des gâteaux du dimanche.

L’esprit d’entr’aide grandissait en moi, il ne me quittera jamais, tout au long de ma vie.

Maman était dépassée par nos études, elle manquait de temps, de concentration. Elle s’affairait dans la gestion du secrétariat de papa en journée, tandis que le soir, elle n’avait pas le moindre moment, la moindre place dans son planning, déjà surchargé, pour s’occuper de ses filles. Sa patience lui filait entre les doigts. Volontairement, je pris donc le rôle de maîtresse d’école, afin de donner des cours de soutien à l’éducation de ma fratrie, jusqu’à leur entrée au collège.

Durant des années, j’étais fière de mes sœurs et j’aimais être en leur compagnie.

J’étais loin de me douter, de ce qui se disait derrière mon dos, cette médisance maléfique, désastreuse pour ma famille. Cette médisance si proche de moi qui a blessé mon amour propre, trahi ma confiance.

Aujourd’hui j’ai beaucoup de peine que ma position de fille aînée est autant entachée celle de mes sœurs.

Près de moi, la seule qui me soit restée fidèle est ma cadette, Josette.

Dès mon entrée en école primaire, mon père n’aspirait qu’à ma réussite ! Papa « ce bon Joseph » ne souhaitait de sa fille que la meilleure note de la classe et par-dessus tout, la première place ! C’était facile pour moi ! J’en voulais à l’éducation nationale de m’avoir humiliée et jamais je n’aurais pu décevoir mon père en ramenant un mauvais classement. Étudier, réussir ! Quelle revanche pour moi et mes parents ! Cela ne suffisait pas. Je sentais grandir en moi une passion d’apprendre plus, mais je n’avais pas les outils. Les livres d’école m’aidaient certes, également le petit dictionnaire de poche, le Larousse français qui ne me quittait jamais, lors de mes devoirs du soir, enfin tous ces pauvres soutiens mis à ma disposition, ne comblaient pas mes recherches de savoir.

Pas de bibliothèque, pas d’encyclopédies, encore moins internet où puiser des infos. L’interconnexion entre réseaux mondiaux accessibles à tous publics n’existait pas. Mes parents n’avaient pas les moyens de m’acheter des livres. Je devais m’instruire seule.

J’allais donc à la pêche dans ces maigres ressources, de ce que j’apprenais à l’école et de la richesse de l’apprentissage de la vie que me donnaient mes parents.

Parfois je puisais les mots de vocabulaire, en lisant les petites filles modèles, de la Comtesse de Ségur, ou les malheurs de Sophie, livres que mes copines de classe me prêtaient. Quelquefois c’est à travers les chansons d’amour, que nous chantions mes sœurs, mon père et moi sur des textes d’Aznavour, de Chaplin, de Trenet, Jacques Brel, Jean Ferrat que je découvrais la poésie des mots, leur beauté, leur réconfort.

Les comédies musicales américaines avec Elvis Presley, romantiques à souhait, celles avec Fred Aster ou Gene Kelly ont été pour mon éveil, des rêves merveilleux, des envies d’écrire, de chanter, de danser

Les années qui défilèrent après 1964, apportèrent avec elles d’énormes changements.

Amélie, ma mère, nous avez dégotté un logis dans une résidence privée, quartier des Caillols à Marseille. Cela s’appelait les Cigalons, 1er étage au 1 avenue des Écureuils, une adresse enchanteresse.

Ma famille et moi étions installés dans un superbe appartement tout neuf, équipé d’une cuisine et d’une salle de bains indépendantes, mais surtout de trois belles chambres, un grand séjour avec balcon.

Le déménagement d’Eoures fut rapide ! Nous n’avions rien à emporter ! Il fallait tout recommencer à zéro puisque tous nos biens étaient restés en Algérie.

Ma mère ne s’inquiétait pas plus que ça, du moment que nous étions tous les six réunis, sains et saufs.

J’observais mes parents et j’admirais leur courage et toute cette force qui se dégageait d’eux, cette ambition de réussite. Aucun des deux ne se plaignaient. Ils accusaient leurs tristes sorts et savaient qu’ils n’avaient pas d’autres choix que de se battre avec bravoure devant leurs quatre filles.

Le jour de notre installation, mon père déposa au centre du séjour, la grosse caisse qui avait servi à transporter notre linge, lors de la traversée en bateau en 62. Elle fut notre table à manger pour tous les jours suivants.

Joseph ! Papa ! Quel brave homme mon père ! Il s’empressa d’acheter pour le soir même des matelas pour que nous puissions dormir.