Addiction-Réaction ! - Vidal Cole - E-Book

Addiction-Réaction ! E-Book

Vidal Cole

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Vidal Cole, à travers ce témoignage, retrace ses trois semaines d’hospitalisation consacrées à un double sevrage alcoolique et tabagique. Ce récit immersif dévoile les protocoles médicaux déployés lors d’une cure, tout en mettant en lumière les rencontres marquantes avec les patients et le personnel soignant, ainsi que leurs parcours et engagements. Plus qu’un simple récit, cette œuvre explore les mécanismes complexes de l’addiction, qu’il s’agisse d’alcoolisme, de toxicomanie ou d’autres formes de dépendance, reconnues aujourd’hui comme de véritables maladies par le corps médical. Enfin, l’auteur offre des clés pour comprendre comment ces pathologies peuvent être traitées et comment accompagner un proche en souffrance sur le chemin de la guérison.

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Seitenzahl: 202

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Vidal Cole

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Addiction-Réaction !

Itinéraire d’un malade

hospitalisé pour sevrage

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Vidal Cole

ISBN : 979-10-422-5755-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À ma fille dont je suis si fier.

À mon père et à ma mère.

À mes deux frères.

À Alice.

À Mylène.

À Nelly.

On ne dit pas suffisamment à nos proches qu’on les aime !

 

À tous ceux qui pensaient me connaître

et qui vont me découvrir. Bonne découverte.

À tous les autres qui ne me connaissent pas. Bonne lecture…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vieillir est obligatoire. Grandir est un choix. La route du bonheur n’est pas droite.

Il faut savoir en négocier les virages et, à la croisée des chemins, choisir celui qui semble nous guider vers la lumière.

 

Vidal Cole

 

 

 

 

 

Préface

 

 

 

La décision d’écrire ce livre a été prise à la veille de ma rentrée dans le service alcoologie d’un hôpital français en avril 2021. J’ai un problème avec l’alcool depuis longtemps et j’ai décidé qu’il fallait essayer d’y mettre un terme. Je suis enseignant dans un lycée professionnel en électronique, informatique et réseau. J’ai plutôt une culture scientifique et pas du tout littéraire. Avant d’être hospitalisé, je n’aimais pas écrire. Lorsque j’ai commencé l’écriture de ce livre, je l’ai considéré comme une activité qui me permettrait de passer le temps lorsque j’en aurai, mais aussi de garder une trace écrite de ce « séjour » qui était prévu pour trois semaines. Je pensais que cela m’aiderait pour la suite, car je savais déjà que le plus dur ne serait pas la période où j’allais être pris en charge, mais l’après-hospitalisation, celle où on se retrouve seul, face à ses démons. Au fur et à mesure que j’expliquais ce que j’étais en train de faire, des patients et des membres de l’équipe médicale m’ont dit qu’ils seraient intéressés pour le lire. Je me suis dit, pourquoi pas ? Et pourquoi ne pas en faire profiter d’autres ?

Au travers de mon témoignage, ce livre va vous expliquer ma vie durant trois semaines d’hospitalisation pour un sevrage alcoolique et tabagique. Je vais vous y présenter les personnes qui m’ont accompagné, patients et personnels de l’équipe médicale : leurs parcours, leurs implications (tous les noms et prénoms ont été modifiés). Vous découvrirez les protocoles mis en œuvre dans une cure de sevrage. Vous comprendrez, du moins je l’espère, tous les mécanismes qui font que l’alcoolisme et la toxicomanie, ou toute autre forme d’addiction et (ou) de dépendance sont considérés aujourd’hui comme une maladie par le corps médical. Pour s’en sortir, il ne faut pas être seul, mais bien entouré. Ce n’est pas dû à un manque de volonté, nous ne faisons que répondre à ce qu’exige la partie incontrôlable de notre cerveau. Je vais vous expliquer comment il est possible d’être soigné et comment vous, qui avez un proche qui souffre de cette maladie, pouvez l’accompagner.

Ce journal est sans prétention. Ce n’est pas une œuvre littéraire. C’est une tranche de vie qui pourrait faire écho à des personnes qui sont enfermées dans une dépendance, comme je l’ai été et le serai peut-être encore. C’est un livre qui donne de l’espoir, mais qui se veut réaliste sur les difficultés que l’on a à gérer cette maladie, quand on est soi-même malade, mais aussi quand on est un proche de cette personne.

 

 

 

 

 

Préambule

 

 

 

Ça y est, le jour tant attendu est arrivé. Nous sommes le 12 avril 2021. Après une semaine en « mode ours » tapi dans mon appartement et en isolement souhaité personnellement, je me retrouve dans le service addictologie du Docteur Geurot pour un sevrage alcoolique et tabagique. Cette hospitalisation, je l’ai souhaitée, depuis longtemps, très longtemps, mais il m’a fallu un coup de pied aux fesses pour en faire la démarche et enfin la concrétiser.

Ce coup de pied, ou plutôt cette invitation à me faire soigner est dû à une rencontre… une femme, arrivée par hasard dans ma vie.

La première fois que je l’ai rencontrée, elle était sur scène. Avec quelques membres de ma troupe de comédie musicale, nous étions allés voir son dernier spectacle, une comédie musicale qu’elle avait mise en scène avec sa propre troupe. Ancienne artiste amateure du groupe auquel j’appartenais depuis quelque mois, elle avait monté sa propre compagnie. Notre responsable, Cassandra, avec qui elle avait gardé contact, nous a entraînés pour voir ce nouveau spectacle.

Elle avait un des rôles principaux et pas des moindres… Une jeune folasse psychopathe, avec ses deux couettes, surmaquillée et un timbre de voix à la fois lugubre et infantilisé. Elle était fantastique et prenait pratiquement toute la place sur scène. J’ai beaucoup aimé cette pièce et surtout, je me suis demandé qui était derrière ce personnage totalement loufoque, car il faut être, ou complètement déjanté ou une grande comédienne pour être capable de tenir un tel rôle.

À la fin du spectacle, j’ai pu la rencontrer, mais en retrait. Je ne la connaissais pas, mais faisant partie de la troupe de Cassandra (notre responsable), nous sommes allés la féliciter et avons pu échanger quelques mots. Et là ! Surprise ! Je vois arriver une grande et belle blonde aux yeux bleus (mon fantasme… 😊), démaquillée et qui me paraissait « finalement » très équilibrée. Quel contraste avec la prestation qu’elle venait de nous proposer ! Même si je pense que ce soir-là, elle ne m’a pas du tout calculé, trop occupée à recevoir les félicitations de son public, j’ai trouvé cette femme, particulièrement intéressante, et j’aurais eu envie de la découvrir un peu plus. Mais la soirée s’est terminée et nous sommes rentrés.

Quelques mois plus tard, un couple d’amis me propose de monter un nouveau spectacle, une comédie musicale que Maelis, la femme du couple avait créé de toutes pièces. Pour cela, elle avait besoin d’au moins 7 comédien(ne)s, chanteur (se) s. J’accepte. Ils continuent leur recrutement et nous invitent un soir chez eux, pour que nous puissions tous nous rencontrer et parler plus en détail du projet.

Et là qui vois-je arriver ? La belle et grande blonde aux yeux bleus… accompagnée de son mari ! Mince, il est lui aussi artiste ! Non, il est juste venu l’accompagner pour faire connaissance avec la troupe. Il n’était pas très en forme ce soir-là et s’est rapidement endormi sur le canapé d’Enzo et Maelis, pendant que nous discutions du projet.

Les semaines ont passé, les répétitions s’enchaînaient et Mimie et moi (eh oui ! c’est le petit surnom que j’ai donné à Mylène…) avons commencé à nous rapprocher et à établir une certaine complicité. En tout bien tout honneur, bien sûr, mais on sentait que le feeling passait.

Mars 2020… Nous avions commencé en septembre 2019. Crise de la COVID et confinement oblige, nous avons dû arrêter nos répétitions. Et cesser de nous voir et de nous contacter…

Un jour, sur Facebook, j’apprends que son mari Pierre est atteint de la COVID et se retrouve en réanimation. Même si elle nous donne régulièrement des nouvelles de son mari, je décide de lui téléphoner pour lui apporter mon soutien et un peu de réconfort dans ces moments difficiles. Elle éprouve visiblement du plaisir à m’entendre et me propose de la rappeler quand je le souhaite. Mais ce confinement était aussi pour moi compliqué. J’étais seul dans mon appartement. Je m’étais séparé de ma compagne, Alice. J’avais pourtant un colocataire natif de la République dominicaine, mais lui était dans sa chambre, moi dans mon salon. Nous nous croisions rarement dans les couloirs de l’appartement et avions peu de contact. Il est vrai que cela faisait un moment que je m’étais refermé sur moi-même et fuyais le contact. Mon seul contact était celui d’avec mon « amie » : la bouteille.

J’étais obligé de faire du « télétravail » avec mes élèves de bac professionnel qui avaient complètement décroché pour la très grande majorité. Alors les journées étaient longues… Très longues… Trop longues. Pour ne pas avoir à les supporter, je buvais, je fumais, je mangeais, je dormais. Quand je me réveillais, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, je regardais si j’avais un message d’un élève sollicitant mon aide pour réaliser le travail demandé. Ils étaient rares. Alors je profitais de ces moments de lucidité pour répondre ou donner un autre travail. J’ai même réussi à faire quelques visioconférences. Mais quand cela se terminait, je buvais, je fumais, je mangeais, je dormais… Je sentais que je m’enfonçais de plus en plus dans cette terrible maladie qu’est l’alcoolisme…

Revenons à ce qui m’a amené à prendre la décision de me faire hospitaliser.

Je ne sais plus quand cela a commencé. Quelques semaines après l’hospitalisation du mari de Mylène, elle et moi avons commencé à reprendre contact par SMS ou par téléphone de plus en plus souvent. Une véritable relation de confiance s’est installée entre nous. Elle me parlait de ses problèmes, je lui parlais des miens. Jusqu’au jour où je lui ai parlé de mon addiction à l’alcool. Et là, je me suis trouvé face à une femme empathique, bienveillante qui ne me jugeait pas et avait une approche très psychologique de nos échanges. Nous avons passé des heures à discuter, parfois j’étais dans un état d’alcoolisation pitoyable, mais elle ne me repoussait pas, elle m’écoutait et m’invitait à réfléchir sur moi, sur mon problème et ses éventuelles solutions. La solution, je la connaissais depuis longtemps. J’avais déjà tenté, en 2014, puis en 2017, de rencontrer un médecin alcoologue, le Docteur Geurot (tiens ! Ce nom ne vous dit rien ?) en ambulatoire. Il m’avait proposé un traitement appelé le « Baclofène » qui était à l’époque très en vogue et qui depuis l’est toujours. Cela avait bien fonctionné durant 4 à 6 mois, puis une peine de cœur m’avait fait replonger. J’étais également suivi par un psychiatre dans le cadre d’une thérapie, mais je ne suis pas sûr qu’elle se soit avérée très efficace. J’avais repris contact avec le même médecin en 2017, mais à ce moment-là, sans grande conviction. La preuve est que ça n’a pas du tout fonctionné et que j’ai arrêté rapidement le traitement. La motivation et l’envie n’y étaient pas. Je me suis fait suivre à ce moment-là par une psychologue. Pas très efficace non plus et la thérapie n’a pas duré très longtemps. J’ai donc continué à errer dans la maladie, la subissant sans la combattre avec tous les problèmes qu’elle peut entraîner.

La solution je la connaissais : être hospitalisé et ne plus chercher les traitements en ambulatoire.

J’avais besoin d’être cadré, plus précisément encadré.

Cela faisait quelques mois que je disais vouloir vivre seul. D’ailleurs, je vivais seul. Certainement pour cacher ma descente aux enfers, mais je donnais comme excuse que pour vivre à deux il fallait d’abord savoir vivre seul. Foutaise ! Je savais pertinemment que je ne pouvais pas vivre seul et surtout me sortir seul de cet engrenage. Il fallait que je combatte en étant aidé par une équipe confirmée et que je change mon mode de vie dans un espace sécurisé et entièrement dédié à ce combat.

En soumettant cette idée à Mimie et avec tout le tact qui la caractérise, elle m’a suggéré de me lancer et d’en faire la demande. Travaillant dans un hôpital psychiatrique, elle a, avec mon accord, d’abord contacté le service addictologie de l’hôpital de jour de son établissement, afin de prendre les informations nécessaires à une éventuelle hospitalisation. Elle m’a même proposé de m’accompagner lors de la consultation si je le souhaitais. Cela a été le déclic. Comment ne pas aller dans le sens de cet ange gardien, qui a su me porter, m’accompagner et qui n’a fait que me suggérer de faire ce que je savais déjà qu’il fallait que je fasse, mais que je n’osais pas ou que je n’avais pas le courage de faire. Elle m’en a donné le courage.

Grâce à ce coup de pied aux fesses, j’ai repris contact avec le service du docteur Geurot et me voilà, aujourd’hui, hospitalisé. Merci Mimie. Je t’embrasse et te fais un gros câlin (je sais que tu en as aujourd’hui besoin). Tu sais que, si je peux t’aider ! 😊 😊 😊

 

 

 

 

 

 

Jour 1

Lundi 12 avril 2021

 

 

 

8 h 45 : je me retrouve devant l’entrée du bâtiment où je vais normalement passer 3 semaines. Alice, ma compagne de nouveau aujourd’hui, m’a amené en voiture. J’ai amené une cigarette, la dernière… car je compte bien faire en plus d’un sevrage alcoolique, un sevrage tabagique. Je sais que les deux sont liés. Être addict à une substance ou à plusieurs, c’est être addict ! Et souvent, une substance en entraîne une autre, puis une autre et cela peut mener vers les méandres des plus grandes profondeurs. Alors, c’est décidé, je veux arrêter les deux. Pour être tout à fait franc, il y a une hiérarchie. La priorité, arrêter l’alcool. La cerise sur le gâteau, arrêter la cigarette. Mais je me rends compte qu’en écrivant cela, je vais déjà à l’encontre de ce que je viens d’écrire plus haut. Il va falloir sérieusement y réfléchir…

Alors, avant de rentrer dans le service, je fume cette dernière cigarette. Sans réel plaisir, comme toutes les autres, mais comme un pied de nez : voilà ! tu es la dernière !

Mais pas folle la guêpe, j’ai quand même amené ma cigarette électronique, qui je pense, pourrait m’aider en cas de manque. Je ne sais pas si les médecins m’autoriseront à l’utiliser.

Car oui, j’arrive dans cet hôpital sans réellement savoir ce qui m’y attend. Je sais que je vais être pris en charge avec des médicaments, que je vais participer à différents ateliers avec des thématiques liées aux problématiques, mais rien de plus. Vais-je être shooté par ces médicaments, vais-je pouvoir prendre l’air de temps en temps, vais-je pouvoir utiliser ma cigarette électronique, le personnel sera-t-il conciliant ou autoritaire, je ne sais pas. D’ici quelques minutes, me voici lancé dans une nouvelle aventure, sans réelle visibilité, avec le seul espoir qu’elle permettra de me sortir de mes problèmes.

Pendant que je fume, je vois sortir deux jeunes femmes. À les voir, je me dis qu’elles doivent venir du même service, car une à l’air complètement shootée et dit à l’autre « que ça fait plaisir de prendre l’air » …

Cigarette terminée, je prends ma valise, j’ai un sac sur le dos avec mon ordinateur à l’intérieur et je rentre à l’accueil. Quelques personnes devant moi en attente d’admission. J’attends un peu et c’est mon tour. Présentation de la carte vitale, je suis attendu (ouf !) et la secrétaire de l’accueil me demande de me présenter au premier étage. Je prends l’ascenseur et la porte s’ouvre sur ce qui sera ma « demeure » durant les 3 prochaines semaines. Je me présente à un membre du personnel qui se renseigne auprès de l’une de ses collègues : « chambre 66 côté fenêtre ». Me voici accompagné dans ma nouvelle chambre. Je ne serai pas seul, un lit défait est à côté du mien. D’ailleurs, l’aide-soignante qui m’accompagne se plaint un peu du lit qui n’est pas fait. Premier détail, il faut faire son lit le matin.

L’aide-soignante me dit de m’installer, m’informant que l’infirmière allait venir s’occuper de moi d’ici peu, après avoir terminé les « transmissions ». Elle me précise le côté de l’armoire qui est le mien pour ranger mes affaires, idem dans la salle de bain. Tiens, il n’y a pas de douche. Et non, les douches sont communes pour l’ensemble des chambres du service. Elle me montrera ça plus tard lors de la visite.

Je range mes vêtements dans l’armoire et commence à organiser ce qui sera ma chambre dans les prochains jours. À peine terminée, l’aide-soignante revient me porter un bocal en plastique pour réaliser une analyse d’urine et me dit que l’infirmière va mettre un peu plus de temps que prévu pour arriver et que si je le souhaite je peux aller faire un tour dehors. Tiens, ça n’a pas l’air si strict que cela, puisqu’on a le loisir de sortir quand on le souhaite. Je prends ma cigarette électronique et vais me promener à l’extérieur dans les parcs de l’hôpital. Je me sens très serein. Je saisis ce moment pour profiter du soleil, marcher et regarder les oiseaux qui se promènent. Des pies, des corbeaux, des moineaux et d’autres, je ne suis pas un spécialiste. Mais je prends le temps de les contempler, je suis bien. Cela fait bien longtemps que cela ne m’est pas arrivé.

Retour dans la chambre où en attendant l’infirmière, je prends un livre que j’ai amené et je commence à lire. Elle arrive quelques minutes plus tard et commence les examens médicaux classiques : tension, saturation, température, puis elle m’interroge sur les raisons de mon hospitalisation. Je lui raconte mon histoire… Elle m’informe que le médecin passera me voir dans l’après-midi pour des examens complémentaires et pour définir le traitement adapté.

Dans un même temps, on frappe à la porte et je vois entrer celui qui partagera ma chambre. Je ferai connaissance avec lui plus tard. Il se nomme Luis. Il était seul dans cette chambre depuis 4 jours et le moins que l’on puisse dire est que cela devait lui peser au vu de son besoin de communication. Je l’apprendrai à mes dépens ensuite, bien qu’il soit très sympa par ailleurs…

L’infirmière partie, je commence à faire connaissance avec Luis, qui effectivement parle beaucoup… Dans la conversation, je lui demande s’il a pris la télé (qui était payante). Il me dit que non. Il était à ce moment-là inconcevable pour moi de ne pas avoir la télévision dans la chambre. Je lui dis dans un premier temps que j’allais la prendre, mais après une rapide réflexion, je me ravise. Il est temps également de sortir de l’oisiveté dont on fait face devant cet écran pour permettre de trouver de nouvelles activités lorsqu’on fait face à l’ennui. C’est aussi un moyen de préparer la sortie de l’hospitalisation et de trouver des substituts aux périodes d’ennuis qui amènent à la consommation d’alcool.

L’heure du déjeuner est arrivée. Un plateau m’est porté dans ma chambre. Il existe une salle à manger, mais à cause de la COVID, le nombre de places est limité et certains des patients sont obligés de manger dans leur chambre à tour de rôle. Je suis surpris par la qualité du repas servi. Cela ne ressemble pas à une cuisine industrielle et les repas sont personnalisés en fonction des goûts (il nous est demandé ce que nous n’aimons pas), des allergies (ce qui me semble normal dans un hôpital… Bien qu’on ne soit pas loin des urgences 😊), il est même possible d’agir sur la quantité (j’apprendrai cela plus tard en rencontrant la nutritionniste…) Je plains les cuisiniers, car nous ne sommes pas le seul service dans cet immense hôpital !

Après le déjeuner, je pars me promener et vapoter dans les parcs, promenade digestive. Je suis de plus en plus persuadé que ce séjour me sera bénéfique.

Je débute l’après-midi en commençant l’écriture de ce livre et en attendant le docteur Justeau qui arrive à 15 h 30. Encore une fois, je vois arriver une femme sympathique avec qui le courant passe tout de suite. Elle m’ausculte, teste mes réflexes, me palpe pour vérifier que l’alcool n’a pas trop altéré mes organes. Je suis surpris par une palpation des jambes : chevilles, mollets, cuisses avec recherche de la sensibilité dans ces zones. L’alcool peut aussi altérer ces zones-là ! Le foie, les reins, le système digestif, le cœur, le cerveau ou autres, OK ! Mais, les jambes ! Décidément, il peut faire beaucoup plus de dégâts que l’on ne peut imaginer ! Après un nouvel entretien, elle me dit que j’aurai une prise de sang le lendemain matin, qu’il faudra aussi une radio des poumons et envisager un test d’efforts pour le cœur.

À 16 h, j’ai droit à mon premier atelier animé par ce même docteur Justeau, dont le titre est « Mécanisme addictif » et la thématique d’aujourd’hui est « le craving ».

Cet atelier me permet de faire connaissance avec l’ensemble des personnes présentes aujourd’hui dans le service. Je dis aujourd’hui, car j’apprends rapidement que 2 d’entre eux partent demain et qu’un autre se fera virer dans 2 jours. Je reviendrai sur ce dernier cas plus tard. Nous sommes douze (3 femmes et 9 hommes allant de la vingtaine d’années à la soixantaine). Cet atelier est basé sur des approches théoriques données par le médecin, mais aussi et surtout sur l’échange avec les patients en cherchant à leur faire trouver les problématiques et surtout une ébauche de solution pour lutter contre ce « craving ».

Mais d’abord qu’est-ce que le « craving » ? C’est le besoin irrépressible de consommer une substance addictive. Cela peut être l’alcool, la drogue, le tabac, les médicaments (sédatifs, hypnotiques, anxiolytiques) ou encore des hallucinogènes ou des substances inhalées à base d’hydrocarbures. Cela peut également concerner les jeux d’argents pathologiques, mais ce n’est pas exhaustif.

Dans le cas d’une addiction, le sevrage physique est le plus simple à traiter. Il se fait en quelques jours (plus ou moins long) en ayant un traitement adapté à la ou les substances en cause. Le plus long dans le traitement de la maladie est le sevrage psychologique dont le principal danger est la gestion du « craving ». En effet, à la sortie de l’hôpital, nous aurons tous à gérer ce symptôme de l’addiction. Et malheureusement, nous aurons à le gérer tout au long de notre existence. Car l’addiction est une maladie chronique, qui ne guérit pas, qui reste enfouie dans notre cerveau et qui peut ressurgir à n’importe quel moment si nous nous relâchons. Tout cela peut paraître très pessimiste et insurmontable, mais il y a heureusement des horizons positifs.

Tout d’abord, l’intensité du craving diminue avec le temps.

Prenons une échelle de 0 à 10 : 0 un craving très facile à gérer et 10 une pulsion pratiquement impossible à maîtriser. Au début du sevrage, il est à 10. Les médicaments prescrits nous permettent d’en atténuer les effets. Au bout de 1 mois d’abstinence, il descend à 5. Au bout de 6 mois, il tombe à 2, pour être à zéro au bout d’un an.

Mais ce n’est pas parce qu’il est à zéro que la partie est gagnée, car la moindre reprise de la substance addictive le fait remonter, et ce d’autant plus vite que l’on consomme beaucoup ou longtemps et… La descente aux enfers recommence.

Certains addicts ont rechuté au bout de 7 ans, c’est le cas d’un des patients présents et d’autres au bout de 15 ans selon les infirmières du service. Il faut garder à l’esprit que c’est une maladie à vie…

L’objectif de cet atelier est donc de nous amener à réfléchir sur les causes de notre consommation, sur comment les éviter, et donc de prévenir l’arrivée du craving. Il consiste donc à nous donner des exemples de solutions au cas où nous aurions à le gérer. Il y a énormément d’éléments qui peuvent le stimuler : la vue, l’odeur, une situation, une émotion… La difficulté est que tout cela est très dépendant de l’individu et de la substance addictive et que chacun doit mettre en place ses propres solutions.

J’ai beaucoup apprécié ce premier atelier, d’une part grâce à son contenu (il a été une bonne entrée en matière pour se rendre compte que la guérison n’était pas gagnée : elle ne le sera jamais… mais que des solutions pour éviter la rechute existent…) D’autre part, il m’a permis d’avoir un premier contact avec les autres patients avec qui j’allais passer « quelques jours ».