Angoisses - Davy Artero - E-Book

Angoisses E-Book

Davy Artero

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Beschreibung

Angoisse, n.f. : Grande inquiétude, anxiété profonde née d'un sentiment d'une menace imminente mais vague.

Angoisse, d.a. : treize histoires d'horreur, susceptibles de provoquer une peur latente, des tremblements et des difficultés à dormir paisiblement.

A vous de choisir la bonne définition...

À PROPOS DE L'AUTEUR

Davy Artero est un auteur de romans mêlant fantastique et épouvante, ses principaux récits se classent dans la littérature d’horreur. Mais à chaque côté sombre, son côté clair : il a à son actif également de nombreux contes pour enfants, des romans jeunesse et un ouvrage d'humour... À ce jour, il est impossible de savoir si son prochain ouvrage va ravir les plus jeunes, amuser les adolescents ou s’il va terrifier à nouveau les plus grands…

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Davy Artero

Conte sur moi #1

Une forte inspiration. Je n’ai jamais autant pris d’air dans mes poumons. L’impression d’avoir passé de longues minutes à faire de l’apnée et de devoir remplir pleinement mon thorax, quitte à ce qu’il craque, pour réveiller tout mon être et ne pas succomber. J’ouvre les yeux et je ne comprends rien à ce qu’ils me renvoient. Un plafond en tôle où est suspendu un double néon qui m’éblouit. Je relève la tête. Je suis allongé sur une table en bois. J’ai les poignets et les chevilles attachés par ce qui semble être des ceintures en cuir. Je suis en caleçon et je porte un de mes tee-shirts préférés, celui avec les mots awesome dad inscrits en gros sur le devant, le genre de tenue décontractée que je porte quand je reste chez moi, sauf que ça ne ressemble en rien à une des pièces de ma demeure. Comment suis-je arrivé ici, et pourquoi suis-je harnaché ?

— Enfin réveillé ?

Je tourne la tête. Un homme bourru se tient à quelques pas. Jean et sweat noir, barbe de hipster poivre et sel, il ressemble à un motard qui aurait délaissé sa monture et qui aurait passé trop de temps dans les bars. Derrière lui, une porte avec une vitre opaque et un mur de bois rempli d’ustensiles de jardinage. Je tourne la tête de tout côté. L’endroit est étroit, les murs sont recouverts de lattes en pin, d’étagères pleines de produits divers, et il n’y a que cette personne barbue et moi. Je le regarde à nouveau. Il se caresse la barbe et sourit.

— On va pouvoir commencer à s’amuser !

— Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ?

L’homme se dirige vers une des étagères et en retire quelque chose. Il me le lance sur le ventre alors que je retiens ma respiration. Réminiscence d’un cauchemar flou où mon ventre était pris pour cible. Me lancerait-il un couteau ou un de ces objets aiguisé et rouillé qui pourrait se trouver dans ces lieux ? Je transpire. Ce qui est sur mon ventre est léger. Je relève la tête. L’objet est rectangulaire. Je devine de quoi il s’agit. C’est un de mes ouvrages jeunesse, le dernier paru.

— Vous reconnaissez cette merde ?

Les mots sont un peu forts. Si ce type n’aime pas les histoires pour enfants, il n’est pas obligé d’utiliser de tels termes. Ce n’est pas un brûlot ou une thèse fasciste non plus. J’approuve de la tête.

— J’ai offert ça à mon fils en début d’année et vous savez quoi ? Il a aimé, malgré ses cauchemars et ses réactions bizarres. Les gosses sont comme ça vous savez, ils absorbent et trouvent ça normal. J’ai lu alors votre fichu bouquin et franchement, il a fallu que je m’accroche pour aller jusqu’au bout. Comment pouvez-vous écrire un tel conte ? Comment pouvez-vous raconter des choses aussi horribles et prétendre que c’est pour des mômes ?

L’homme reprend le livre en main et l’agite sous mon nez. « Le loup sanguinaire », le titre donne pourtant un petit indice sur ce que l’histoire peut contenir et elle n’a rien de vraiment terrible cette histoire, pas de quoi en kidnapper son auteur en tout cas.

— Ce n’est qu’un conte, une histoire banale…

— Vous vous foutez de ma gueule ? Vous êtes forts, vous, les écrivains ! Vous vous sentez supérieurs, vous manipulez la langue comme personne et sous l’apparence de textes simples, vous glissez des messages terrifiants et abjects qui polluent notre esprit. Jamais mon gamin n’a fait autant de terreurs nocturnes depuis ce livre !

— J’en suis désolé.

— Je me fous de vos excuses. Vous êtes si… pervers ! Avoir écrit un bouquin pour gamins alors que vous êtes un auteur de livres d’horreur. C’est n’importe quoi, c’est comme offrir un pistolet chargé à un mioche en lui disant que c’est un jouet !

L’homme se rapproche et pose ses mains sur la table. Il est si prêt que je peux sentir son haleine. Un fumeur a priori.

— Je vous assure que le but n’était pas d’effrayer les enfants…

— Foutaises !

Il tape des poings sur la table, faisant trembler tout mon corps. Ce type doit avoir une force phénoménale. Qui sait s’il ne va pas se mettre à me rouer de coups ou me découper avec une tronçonneuse. Comment un simple livre m’a amené ici ?

— J’ai lu tous vos livres.

Je ne sais comment le prendre. Est-ce un compliment ? Si un simple ouvrage jeunesse le met dans tous ses états, que peut-il bien ressentir en lisant les textes dédiés ?

— Tous, sans exception. Les romans, les histoires courtes. Ce ne fut pas facile tant ce que vous écrivez dépasse tout entendement, mais ce fut très instructif. Comment vous pouvez écrire tout ça et continuer à vivre sereinement ? Vous êtes un grand malade, un psychopathe !

— Ce n’est pas moi qui attache des gens…

Il frappe de nouveau la table. Je n’aurai pas dû répondre.

— Espèce de petit enfoiré ! Vous êtes à ma merci et vous jouez encore au petit malin ? Je me doutais que vous n’étiez qu’un sale connard hautain. Je l’ai su dès que j’ai fait des recherches sur vous. D’ailleurs, vous trouver était facile. Vous auriez dû prendre un pseudo et être plus discret ! Quelques coupures de journaux, un petit tour sur internet, et hop. Connaître vos va-et-vient et trouver le moment opportun pour vous capturer n’était qu’une formalité. Finalement, vos histoires ont déteint sur moi. Vous avez fait souffrir mon môme, à mon tour de vous faire souffrir pour que vous compreniez qu’il ne faut pas plaisanter avec le moral des gens.

— Je ne suis qu’un écrivain, je ne fais rien de mal…

— Vous me saoulez !

Je le vois repartir vers le mur et fouiller dans une caisse. Je suis tombé chez un malade, aussi frappadingue qu’un de mes personnages de roman. Si je m’en sors, je le mettrais comme antagoniste principal d’une prochaine histoire. Il revient vers moi, les deux mains prises. Il se penche sur moi et m’enfonce un chiffon dans la bouche. J’essaye de me débattre, en vain. Il l’enfonce tellement que je déglutis et un goût immonde d’huile traverse ma gorge.

— J’ai besoin de silence ! Et puis c’est une coutume chez vous d’avoir des victimes bâillonnées. Alors, ça fait quoi de se retrouver à leur place ? Ce n’est pas très agréable, hein ? Attendez, ce n’est pas fini !

Il empoigne ma main gauche et la presse contre la table. J’essaye de m’en défaire, mais il exerce une pression trop forte. De son autre main, il approche un fin sécateur. Bordel ! Je tente de retirer ma main, de crier pour qu’il arrête son geste, mais il reste imperturbable. Je crois qu’il écarte mon petit doigt. Je sens la froideur du métal sur ma dernière phalange.

— Savourez-moi ça !

Un éclair traverse tout mon corps et vient se concentrer sur ma main. La douleur est immense. Ma main se couvre de liquide chaud et huileux. Mon sang.

— Impressionnant, n’est-ce pas ?

Mon auriculaire entre ses doigts, il s’amuse à me le mettre à quelques centimètres du visage. Un doigt si fin, à l’ongle bien ras, à l’embout tranché nettement où l’on distingue bien l’os au milieu de la chair rougeâtre. J’ai envie de vomir. Je n’ai jamais aimé la vue du sang, surtout quand c’est le mien.

— Et si je faisais la même chose avec les autres doigts ?

Je tourne la tête de tout côté, autant pour répondre que pour reprendre mes esprits.

— Les couper tous et les mettre en vente sur internet, c’est une idée, non ? Ça vaut peut-être du fric des doigts d’écrivain !

J’essaye de lui dire d’arrêter, de m’excuser, mais seuls des grognements se font entendre avec ce maudit chiffon obstruant ma bouche.

— Ne vous fatiguez pas, ça ne fait que commencer. Vous savez combien de nuits blanches mon fils a passées ? Une dizaine ! Ça mérite donc bien un blâme pour chaque nuit d’horreur qu’il a vécue, ce n’est que justice. Et puis je sais que ça va vous faire plaisir, surtout celui-ci.

Il se rend à nouveau face au mur. J’entends le bruit d’un objet que l’on jette contre des éléments métalliques. Aurait-il abandonné le sécateur ? Mais en échange de quoi ? Quel outil de torture va-t-il ramener maintenant ?

— J’ai lu quelque part que vous étiez un fervent admirateur de cet autre écrivain américain, là. Je n’ai jamais lu ses conneries, mais j’ai vu un film tiré d’un de ses ouvrages merdiques. J’ai adoré cette scène où il y a une tarée qui bousille les panards de l’écrivain qu’elle a recueilli chez elle. C’est amusant car on est dans une situation similaire, vous ne trouvez pas ? Procéder à la même opération est donc plus que logique.

Le choc est si violent que ma respiration est coupée nette. Mes yeux se révulsent et un long hurlement sort de ma gorge. Ce connard vient de me péter le pied avec une masse. Des milliers d’aiguilles parcourent ma jambe. Je souffre tellement que je manque de m’évanouir. Le second choc sur mon autre pied me sort de ma torpeur. Un nouveau hurlement étouffé. De longues larmes coulent sur mes joues et je sens un tremblement traverser tout mon corps.

— C’est douloureux, hein ? J’ose imaginer ce que vous ressentez et je compatis. Plus que huit supplices et vous serez libéré !

Je remue mes bras, mon torse. Je veux sortir d’ici, m’extraire de ces attaches et courir vers cette putain de porte. Courir… Comment ? Maintenant que j’ai les pieds broyés. Est-ce que je pourrai seulement marcher un jour ? Vais-je finir le cul dans une chaise roulante jusqu’à la fin de mes jours à cause de ce type ? Un lecteur effrayé par mes histoires ?

— Vous vous souvenez de votre histoire avec ce directeur des ressources humaines ?

Je ne sais pas, je ne sais plus. Je souffre plus que jamais et ce crétin me parle de mes récits. Comme si je pouvais me rappeler de tous mes personnages après toutes ces années.

— Une histoire dégoûtante, comme toutes celles que vous avez pondu, mais qui reste bien en mémoire de par la simplicité des instruments de torture que vous utilisez.

Ça me revient. Un type d’une administration quelconque qui se fait martyriser par un ouvrier avec des fournitures de bureau. C’était amusant à écrire. Transformer de simples éléments de papeterie en vraies armes de tortionnaire. Amusant, mais apparemment source d’inspiration pour un psychopathe en puissance.

— Je n’ai pas de trombone ou de compas dans cet atelier, mais j’ai des équivalents. Des tournevis fins feront l’affaire. Hein, qu’en dites-vous, ça devrait bien se faufiler sous les ongles ce genre de petits outils ?

— S’il vous plaît, arrêtez ! Arrêtez, je regrette !

Sauf que j’ai toujours la bouche colmatée. Aucune parole ne peut sortir correctement. L’homme fait un nouvel aller-retour vers son mur d’outils et en revient avec une petite boîte en plastique pleine de tournevis de précision. Il en sort un et agrippe ma main droite.

— Je vais vous faire passer l’envie d’écrire de tels récits et de reporter votre monstruosité dans des histoires pour mioches, moi ! Vous avez commis deux erreurs ! Transposer votre monde effrayant et débile dans des contes pour enfants et que mon fils soit terrifié par votre histoire !

Il plie un de mes doigts et approche un tournevis fin. Ses yeux semblent lancer des éclairs et un sourire narquois se dessine sur son visage.

— Vous allez le regretter !

Il enfonce d’un coup sec l’embout sous mon ongle. Le supplice est si pénible que tous les muscles de mon corps se raidissent. Je n’arrive plus à respirer et je sens mes poumons au bord de l’implosion. Je me mets à crier et à me relever d’un bond.

Je regarde autour de moi. Je suis plongé dans l’obscurité. Seule une lumière rouge faiblarde me ramène à la réalité. Mon radio réveil. Je suis dans ma chambre et il est très tôt. Je m’extirpe de la couette et me dirige lentement vers la cuisine. Quel cauchemar ! Voilà que je me mets à rêver de situations dignes de mes écrits où le personnage central, c’est moi. Quelle merde ! Je me sers un verre d’eau puis vais dans mon bureau. C’était si réaliste. Je pouvais ressentir chaque mutilation, discerner l’odeur âcre du sang, les effluves de tabac froid, les relents boisés des lieux… Je m’installe sur mon fauteuil et sors le carnet à spirale où je note mes idées d’histoires. Et si ce rêve atroce était une sorte de prédilection ? Un message pour me faire comprendre que je dois cesser de faire des histoires répugnantes et changer complètement de registre ? Après tout, mes premiers récits étaient des contes. Revenir à des histoires simples pour enfants n’est pas une idée saugrenue. Je tourne une page et prends mon critérium. Je note quelques phrases. Il était une fois un joli mouton rose qui vivait… Je regarde ce que je viens d’écrire. Voilà, faire une histoire toute mignonne avec des animaux joyeux, des actes positifs dans un univers coloré, acidulé, où règne la joie et les bons sentiments.

Je m’adosse pleinement contre le dossier de mon fauteuil. Encore plongée dans l’obscurité à cette heure, la maisonnée est bien silencieuse. J’aime cette ambiance nocturne, propice à laisser vagabonder mon esprit et imaginer de sombres récits. Je me redresse et me mets à barrer la phrase que je viens de noter sur le carnet. Pourquoi changer ? Qu’importe l’âge du lecteur, mon univers ne doit pas être une honte. Je recommence le début de mon histoire. Il était une fois un terrible loup sanguinaire...

Ordures

Brûlez, détritus infects qui nous gâchent la vie !

Tino sourit. Il pourrait devenir poète à ses heures perdues. Et pourquoi pas ? Il n’y a pas d’âge pour se découvrir une passion complètement débile. À la retraite, il faudra bien qu’il s’occupe. Écrire des âneries puis les proposer à des clubs du troisième âge pour leur après-midi littéraire, c’est une possibilité. Enfin, il verra ça dans une dizaine d’années, quand il aura vraiment besoin de se pencher sur le sujet et trouver une saine occupation.

Il manipule le joystick près du fauteuil de commande et de l’autre côté de l’épaisse vitre, le grappin se met en branle. Après quelques mètres, ce dernier descend et attrape un tas de sacs-poubelle bleus ainsi que diverses immondices dans la fosse, avant de les soulever dans les airs. Tino ramène le joystick vers lui, et le grappin se rapproche avant de s’immobiliser net au-dessus du four, puis lâcher ses prises. Les sacs et divers objets tombent en contrebas, près du brasier atteignant les mille degrés. Tino délaisse le joystick et presse un des boutons du panneau de contrôle. Un petit son bref indique que le mode automatique est enclenché. Tino suit des yeux le va-et-vient du grappin qui, dans un balai parfaitement cadencé, sûrement pondu par des ingénieurs bardés de diplômes, plonge ses puissantes mâchoires métalliques dans la fosse, en retire des ordures et vient les jeter sur la grille inclinée du four. Les détritus ménagers se transforment alors peu à peu en purée rouge étincelante à l’approche du brasier. Une lave nettoyante, purifiante, qui engendrera après coup de la chaleur et de l’électricité via tout un système complexe au sein de l’incinérateur. Tout ça le dépasse. Il n’est qu’un simple manipulateur au sein de cette immense machinerie malodorante, malgré les systèmes de dépression qui sont censés capturer les émissions d’odeur des déchets.

Il se tourne vers la pendule murale. Six heures quinze. Bientôt l’heure de la relève, enfin. Il quitte le fauteuil de commande faisant face au four numéro trois, et va vérifier sur l’îlot central les différentes données affichées sur les écrans. De jolies courbes et une multitude de chiffres verts et bleus qui indiquent que tout est correct. Formidable. Il peut donc passer le relais de surveillance au suivant et retourner à ses pénates le cœur léger, fier du travail accompli une fois de plus cette nuit, justifiant vraiment le salaire minable qu’il aura en fin de mois.

Alors qu’il se met à bailler, il entend le claquement caractéristique de l’ouverture de la double porte derrière lui.

— Buongiorno, Tino ! Vattene da qui ora ! {1}

Tino se retourne et sourit au type corpulent qui lui fait face.

— Salut Ralph. Tu fais des progrès en italien, dis-moi. Ça ne te dirait pas de devenir interprète plutôt que de surveiller des poubelles, enfermé dans un bocal ?

— Plutôt crever ! Je m’entraîne pour me faire adopter par ta famille Sicilienne.

— Napolitaine.

— Ouais, c’est pareil. Mafioso et compagnie, tous ces ritals ! Rien à signaler cette nuit ?

— Attends que je réfléchisse. Ah si, à un moment les tenailles ont pris une vieille Toyota rouge dégueulasse. Ainsi, t’as décidé de te débarrasser de ta vieille caisse pourrie ?

— Vaffenculo !

Tino s’approche et lui donne une tape sur l’épaule

— C’est demandé si gentiment… Allez, bon week-end Ralph, à lundi !

Ralph grommelle et alors qu’il se dirige vers les écrans, Tino sort de la salle de contrôle et se rend dans les vestiaires.

***

Tino grimace, comme à chaque fois qu’il sort du travail au volant de son pick-up. Malgré le sapin suspendu au rétroviseur, il lui semble percevoir encore l’odeur de l’usine d’incinération dans l’habitacle. Il a hâte de rentrer, de prendre une bonne douche et de se reposer un peu. S’il sort dans la journée, il prendra son autre véhicule, une citadine bas de gamme qui n’a jamais été imprégnée par le mauvais parfum de son taf. Il se demande s’il ne devient pas plus sensible aux odeurs avec l’âge. Possible.

L’aube se lève en ce vendredi matin, premier jour de son week-end de repos avant de reprendre le travail dimanche soir. Être ainsi décalé ne le gêne pas. Il s’y est habitué à force et ça lui permet d’avoir un salaire un peu moins ridicule que s’il travaillait de jour. Il faut bien qu’il subvienne convenablement à ses besoins, et ses week-ends de sortie lui reviennent chers, parfois. D’ailleurs, où va-t-il se rendre cette fois ? Au nord, au sud ? Il réfléchit. Il doit faire le coin opposé à sa dernière virée, c’est à dire le nord-est cette fois-ci. Pas mal. Il y a une grande ville près de la limite frontalière qui ne demande qu’à l’accueillir pour ces deux jours. Qu’il en soit ainsi ! Après avoir récupéré quelques heures de sommeil chez lui, il s’y rendra, gaiement. Inconsciemment, il se met à siffloter Bella Ciao.

***