Frayeurs - Davy Artero - E-Book

Frayeurs E-Book

Davy Artero

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Beschreibung

Dix nouvelles, dix manières de se faire peur. Très peur.

Frayeurs, un recueil de dix nouvelles terrifiantes, où une créature malfaisante, capable de toutes les atrocités et des pires actes, sera la cause de vos futurs cauchemars. Mais est-ce bien celle à laquelle vous pensez ?

Découvrez ce recueil de dix nouvelles terrifiantes qui vous donneront, à coup sûr, la chair de poule !

EXTRAIT DE Dissolvant

Un rictus apparaît sur le visage de Pierre. Il se retient même de rire. Lui qui est concentré depuis une bonne heure sur ses mélanges, cette pensée légère le surprend et l’amuse.
Assis devant une enceinte hermétique aux parois transparentes, Pierre manipule des éprouvettes via deux gants en fibres de polyéthylène et d’acier inoxydable fixés sur le devant. Des gants de chevalier moderne, comme il se le dit parfois, sauf qu’ici point de lourde épée métallique à maintenir fermement, juste de fins tubes de verres et des pipettes en plastique qu’il doit manier avec précautions. L’image du preux chevalier aux mains rugueuses et épaisses est bien loin, avec ses mains de pianiste et ses gestes maniérés.
— Messieurs, bonjour ! Avez-vous de bonnes nouvelles à m’annoncer ?
Pierre et Alain, son collègue de travail assis juste derrière-lui face à une autre enceinte hermétique, relèvent leur nez et fixent le grand échalas qui vient d’entrer dans leur laboratoire aseptisé. Longue blouse blanche, visage ovale et austère, le crâne lisse reflétant la lumière vive de la pièce, l’homme regarde tour à tour les deux laborantins par-dessus ses lunettes vissées au bout du nez.
— Pas encore malheureusement, répond Alain en essayant de sourire à son supérieur.
— D’ici deux ou trois semaines peut-être, renchérit Pierre en ne quittant pas ses éprouvettes des yeux.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Davy Artero est un auteur de romans mêlant fantastique et épouvante, ses principaux récits se classent dans la littérature d’horreur.
Mais à chaque côté sombre, son côté clair : il a à son actif également de nombreux contes pour enfants, des romans jeunesse et un ouvrage d'humour..
À ce jour, il est impossible de savoir si son prochain ouvrage va ravir les plus jeunes, amuser les adolescents ou s’il va terrifier à nouveau les plus grands…

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FRAYEURS

Davy Artero

Prologue

Il referme la porte menant à la cave et vient tranquillement s’asseoir dans son fauteuil préféré, placé à quelques pas de la cheminée. Cette dernière comporte quelques bûchettes prêtes à être allumées au cas où le froid reviendrait sans crier gare. Même si le printemps est bien installé depuis quelques semaines, il peut toujours avoir une baisse de température en fin de journée qui l’oblige à remettre la cheminée en route. Sa demeure étant assez ancienne, les fluctuations de température se ressentent rapidement à l’intérieur. Mais ce soir, il n’a pas l’impression qu’il va avoir besoin de s’en servir.

Les mains posées sur les accoudoirs en bois, il attend que son cœur reprenne un rythme normal. Cette journée de travail fut harassante et il était grand temps qu’il se repose. Seulement rester à ne rien faire n’est pas une chose qu’il parvient à effectuer.

Il se lève et se dirige dans sa chambre. Il ouvre le tiroir de sa table de nuit et en sort l’unique livre qui s’y trouve. Il revient dans la salle, allume le lampadaire à côté du fauteuil, puis il se rassoit.

Il regarde la couverture et fait la moue devant le titre intriguant.

Frayeurs… Un titre prometteur ou une arnaque marketing ?

Lui qui d’habitude lit des ouvrages de vulgarisation scientifique, principalement sur le monde animal, il a souhaité découvrir un autre type de littérature. La libraire où il s’est procuré ce livre lui en a dit le plus grand bien, mais peut-on vraiment se fier à une femme qui semble vouer une grande passion pour tout ce qui est gothique ? Il verra bien. Au pire, il le rapporte demain et il s’arrange pour prendre un autre livre à la place. Un roman peut-être. Pas sûr qu’un recueil de nouvelles comme celui-ci lui convienne. Il a été faible. Il a cédé aux doux yeux de cette libraire vêtue de noir.

Il tourne le livre et parcourt rapidement la quatrième de couverture. Cette dernière prétend que les différentes histoires qui se trouvent à l’intérieur sont terrifiantes.

Vraiment ?

Il en faut beaucoup pour le terroriser. Aussi loin qu’il s’en souvienne, il n’a jamais réellement été terrifié.

Sauf ces derniers temps…

Non, il réfute cette idée. Ce qu’il a ressenti ces jours précédents, c’était plus de l’appréhension. Une sorte de peur de l’inconnu ou de la nouveauté, ce qui est tout à fait normal et bien loin d’un sentiment effrayant qui vous glace le sang.

Il se cale bien dans son fauteuil, place une jambe par-dessus l’autre et feuillette les premières pages du livre jusqu’à ce qu’il arrive au titre, précédé du nom de l’auteur.

Allez, vas-y, fais-moi peur maintenant !

Le poing de la colère

Obscurité et bruit. Voilà ce qu’est ma vie depuis plusieurs années. Je vis du vacarme que je génère et tous ces corps qui s’agitent dans l’obscurité ont fait de moi un homme riche et idolâtré.

Je presse un bouton, décale un curseur et lève le bras. Le public hurle alors qu’une nouvelle boucle stridente sort des enceintes et que les basses retentissent à deux cents battements par minute.

J’approche un verre d’eau de mon visage, je soulève légèrement mon masque pour pouvoir insérer le bout de la paille entre mes lèvres. Les gens ne le savent pas, mais je perds pratiquement cinq litres d’eau par prestation. Basculer d’un disque à l’autre, mixer en direct et produire de nouveaux sons selon l’attitude du public, c’est épuisant. Il faut être dans de bonnes conditions physiques et se préparer comme un sportif avant chaque set.

Il y a du monde ce soir dans cette discothèque, bien plus que lorsque j’y ai démarré quand j’avais une vingtaine d’années. Le public est différent, enjoué, il me vénère même. S’ils savaient…

J’ai toujours adoré la musique et j’ai toujours été fasciné par les artistes qui apportaient de nouveaux sons dans leur composition. J’amassais les vinyles et je passais des heures à les écouter sur mes deux platines dans ma chambre d’étudiant. Puis un soir, un peu plus éméché que d’habitude, j’ai pris deux galettes et je les ai joués en même temps. À un moment, les rythmes entremêlés des chansons m’ont procuré un frisson étrange et agréable.

 Souhaitant retrouver cette curieuse sensation, j’ai posé mes doigts sur les disques et, chose que je n’aurai jamais faite en temps normal tant je prenais soin de mes vinyles, je les ai fait tourner en sens inverse, le saphir encore posé sur le sillon. Ce fut le déclic. J’ai passé le reste de la soirée à jouer les titres en accéléré, à mélanger les genres, à jouer certains passages à l’envers.

Dès lors, je me suis mis en tête de devenir disc-jockey et de faire découvrir les curieux mix que je parvenais à faire. J’étais jeune et pas vraiment préparé à entrer dans cet univers si particulier. Ma toute première prestation, encore sous mon véritable nom et à visage découvert, je l’ai faite ici même. La discothèque n’avait pas le même décor à l’époque, mais c’était le même patron. Un fils de riche arrogant au brushing impeccable. Je ne sais plus trop ce que j’ai joué, sûrement du funk et du rock, mais je me rappelle bien que le public n’était pas très vivace sur la piste. Impressionné et nerveux, mes tentatives de mix furent désastreuses. Elles provoquèrent des sifflets dans la foule, et un arrêt avancé de ma prestation par le patron, furieux. Plutôt que de suspendre mon set en douceur pour revenir à la programmation musicale gérée par son ordinateur, il a pris le micro et m’a humilié devant tout le monde. Un vrai connard irrespectueux. J’ai été mis dehors manu militari, mon matériel et mes disques sous le bras, presque jeté comme un malpropre par les vigiles. Je suis reparti la gorge serrée, avec le moral plus bas que terre.

J’aurais pu tout arrêter après cet évènement le plus honteux de toute ma vie. J’ai décidé au contraire d’y faire face et de persévérer. J’ai stoppé net mes études et je me suis investi corps et âme. J’ai acheté du matériel hi-fi, fais l’acquisition d’ordinateurs, de consoles, et je me suis isolé dans une autre ville, loin de celle qui avait connu ma prestation calamiteuse. N’ayant qu’un chat angora pour seule compagnie, je pouvais à loisir m’exercer et triturer les boucles et les fréquences tel un ingénieur du son maladif, mais chevronné.

Bien m’en a pris de m’installer là. C’était une ville en plein essor musicalement. La dance commençait à s’essouffler et de jeunes talents commençaient à mélanger les titres techno d’outre-Manche à des titres rock et pop, en accélérant les rythmes, et à les diffuser dans les différents clubs de la ville où ils se produisaient. J’assistais en tant que spectateur à différentes soirées avec des disc-jockeys. J’en notais leur technique de mixage et repérait les mélanges les plus efficaces dans leurs compositions. J’ai vécu de près la révolution musicale qui s’était mise en marche, le gabber ne cessait de résonner et de s’inventer au fil des soirées et je reproduisais chez moi les mélanges improbables entendus ici ou là, en incorporant des passages macabres issus de ma vidéothèque de films d’horreur.

Jusqu’à ce que je me sente prêt et que j’envoie une démo de quelques compositions à un des labels surfant sur cette tendance techno. La réponse fut comme une énorme claque. Non seulement ils souhaitaient que mes compositions se retrouvent sur leurs compilations des meilleurs titres du moment, mais ils souhaitaient en plus me voir prendre part à leurs grandes manifestations pour y jouer en live. Le montant à plusieurs chiffres en bas du contrat ne pouvait que me faire accepter.

Seulement la terrible expérience de ma première prestation scénique ne cessait de me hanter. J’étais tétanisé à l’idée d’apparaître à nouveau devant un public. Et si l’on me reconnaissait ? Et si le trac m’envahissait de nouveau et que le ridicule s’abattait sur moi et gâchait tout ? Surtout que ce n’était pas une centaine de personnes qui m’attendaient, mais des milliers.

Il fallait que je trouve une parade, une astuce pour ne plus avoir cette crainte. J’ai trouvé la solution juste avant la période d’Halloween, dans la vitrine d’une boutique de déguisement aménagée pour l’occasion. Un mannequin vêtu du costume de Jason Voorhees était mis en avant. Ce personnage était anonyme, nul ne savait qui se cachait sous ce masque de hockey, pourtant, tout le monde le reconnaissait. C’était ce qu’il me fallait. Un masque identifiable, un costume simple et efficace derrière lequel je pourrais me cacher et ainsi agir sans contrainte. Je suis entré dans la boutique, j’ai essayé un de ces masques sans expression, blanc, en plastique et je me suis regardé dans un de leur miroir. Avec cet objet recouvrant mon visage et mon sweat à capuche, je tenais quelque chose. J’avais mon costume. Il me fallait juste trouver le bon masque et un pseudonyme facile à retenir.

Je n’ai pas mis longtemps à façonner le masque tel que je l’imaginais. Une sorte de curieux mariage entre celui de Jason et la muselière d’Hannibal Lecter. En l’abîmant ici et là, son rendu était parfait, impersonnel et effrayant à souhait.

C’est ainsi que quelques semaines après, je participais à une grande manifestation techno hardcore affublé de mon masque et mon sweat fétiche. Derrière cet accoutrement, je me sentais libre et je ne ressentais aucune pression. Ce fut un moment inoubliable. Mon set fut apprécié et jamais je n’avais ressenti un tel plaisir auparavant.

Et j’ai enchaîné les concerts et les titres depuis ce jour. Mon objectif était de proposer de nouveaux sons, de pousser les basses au maximum et de distordre ce qu’on nomme bruit pour le rendre harmonieux et entraînant. Je suis allé très loin, trop loin.

La célébrité a des avantages. Conquêtes et argent s’amassent sans peine. Seulement derrière ce masque et ces apparitions derrière des platines, un sentiment de plus en plus grand n’a cessé de croître en moi jusqu’à ce qu’il imprègne tout mon être. L’ennui. L’envie de passer à autre chose.

Je pianote sur les jogs, tourne un pitch, déplace des curseurs, je manipule la grande console qui se trouve devant moi comme personne, produisant des titres endiablés qui s’enchaînent, accompagnés par les stroboscopes et les lasers automatiques de la grande salle. Je ne suis pas comme ce blondinet français ou tous ces DJ de pacotille qui font composer leurs titres par d’autres et qui se trémoussent en play-back sur une bande-son. Je maîtrise ce que je produis, je ne fais pas semblant et c’est à force de travail et d’investissements que je suis devenu ce que je suis. Malgré tout, je suis devenu à mon tour un produit marketing. Mon apparence énigmatique est source de merchandising et de profit pour des managers peu scrupuleux. Mes créations sont pressées en quantité limitée et elles s’arrachent à prix d’or sur la toile ou dans les milieux underground, eux aussi gangrenés par cette folie mercantile. Il faut de tout pour faire un monde, même si celui-ci part en sucette.

Je dois mettre fin à ce personnage créé de toute pièce et de la meilleure des façons qu’il soit pour que plus personne ne puisse le regretter. Il y a bien longtemps que je réfléchis à cette ultime prestation en public, et ce jour est arrivé.

Le patron de la discothèque est monté sur l’estrade où je joue, pour s’asseoir non loin de moi. Ce connard n’a pas changé. Ses cheveux sont moins épais et bien plus grisonnants qu’à l’époque, et le sourire qu’arbore son visage, celui que l’on fait quand on sait que la caisse de la soirée va être bien pleine, n’a rien à voir avec le faciès renfrogné qu’il avait lorsque j’ai fait mes premiers pas ici. Faire les derniers en sa présence, alors qu’il n’a pas du tout conscience de l’homme à qui il a affaire, est un juste retour des choses.

Il est temps de passer au titre final. Je défais le casque audio présent sur mes oreilles depuis près d’une heure trente et le remplace par celui qui gît au fond d’une de mes caisses. Je le positionne délicatement. Le silence fait place à la fureur et voir toutes ses personnes se mouvoir sans entendre la musique est assez cocasse. Mais je n’ai pas le temps pour contempler cette scène étrange. Je prends une grande inspiration, lève les yeux au ciel comme pour m’excuser, puis je déplace tous les curseurs vers le bas, et tourne le bouton principal de plusieurs crans pour que ma dernière composition emplisse pleinement la salle, au volume maximum.

Silly cat. C’est le nom que j’ai donné au son principal de ce titre. Un son surpuissant trouvé un soir de pluie. À force de rechercher l’alchimie parfaite entre bruit et symphonie, je suis tombé sur une sonorité particulièrement néfaste. Le casque sur les oreilles, je ne comprenais pas pourquoi d’un coup mon chat miaulait et bougeait comme un dératé. J’ai soulevé légèrement mon casque pour entendre le bruit sans altération, et je l’ai remis tout de suite. C’était horrible, perçant et désagréable. Plutôt que d’éteindre tout, j’ai eu le réflexe d’attraper mon chat pour le calmer, sauf que la tête de ce dernier m’a explosé dans les mains. J’ai tout éteint d’un coup et n’ai plus tenté d’utiliser ce son, jusqu’à aujourd’hui.

Je vois des gestes désordonnés. Plus personne ne danse, tout le monde cherche à fuir, sauf qu’ils n’ont aucune échappatoire. La sortie est bien trop loin. Le stroboscope ne parvient plus à suivre le rythme et illumine constamment la piste, éclairant de sa lumière cinglante des corps qui s’écroulent les uns après les autres. La scène est apocalyptique.

Je me retourne et fixe le patron de la discothèque qui a la bouche grande ouverte, les yeux écarquillés. Du sang coule de ses oreilles. Mes doigts maintiennent encore le bouton du volume. Je le tourne à nouveau, jusqu’à ce qu’il soit bloqué. La réaction ne se fait pas attendre. Du sang sort de ses orbites et de sa bouche, puis il tombe au sol tel un pantin désarticulé.

J’observe tout autour de moi puis je presse l’interrupteur principal de la console. J’enlève mon casque. Il n’y a plus de musique. Juste des pleurs au loin et des cris, provenant sûrement des vestiaires ou du corridor menant à l’extérieur. Un sentiment étrange m’envahit. J’ai causé un massacre et ce que je ressens est une sorte de soulagement. Je n’ai que faire de tous ces écervelés gisant à terre. Seule ma condition m’importe.

Je me baisse, retire mon masque et défais mon sweat. J’enfile ce dernier sur le corps flasque du patron, puis je lui plaque mon masque sur le visage.

Je reste quelques secondes à le regarder. À me regarder. Voici comment je suis mort, en pleine nuit, et comment une musique jusqu’au-boutiste a cessé d’exister.

Je me lève, descends de la plateforme, enjambe ce qu’il reste de danseurs extasiés et me dirige vers la sortie. Je vais rejoindre ceux qui ont pu sortir sains et saufs. Je vais redevenir comme eux, un anonyme de plus, et continuer mon parcours plus au calme, plus serein, à visage découvert.

Je vais revivre, tout simplement.

Dissolvant

Une main de velours dans un gant de fer.

Un rictus apparaît sur le visage de Pierre. Il se retient même de rire. Lui qui est concentré depuis une bonne heure sur ses mélanges, cette pensée légère le surprend et l’amuse.

Assis devant une enceinte hermétique aux parois transparentes, Pierre manipule des éprouvettes via deux gants en fibres de polyéthylène et d’acier inoxydable fixés sur le devant. Des gants de chevalier moderne, comme il se le dit parfois, sauf qu’ici point de lourde épée métallique à maintenir fermement, juste de fins tubes de verres et des pipettes en plastique qu’il doit manier avec précautions. L’image du preux chevalier aux mains rugueuses et épaisses est bien loin, avec ses mains de pianiste et ses gestes maniérés.

— Messieurs, bonjour ! Avez-vous de bonnes nouvelles à m’annoncer ?

Pierre et Alain, son collègue de travail assis juste derrière-lui face à une autre enceinte hermétique, relèvent leur nez et fixent le grand échalas qui vient d’entrer dans leur laboratoire aseptisé. Longue blouse blanche, visage ovale et austère, le crâne lisse reflétant la lumière vive de la pièce, l’homme regarde tour à tour les deux laborantins par-dessus ses lunettes vissées au bout du nez.

— Pas encore malheureusement, répond Alain en essayant de sourire à son supérieur.

— D’ici deux ou trois semaines peut-être, renchérit Pierre en ne quittant pas ses éprouvettes des yeux.

L’homme remonte ses lunettes, cherche une missive en réponse, regarde son bloc-notes, puis hausse les épaules. Il ressort de la pièce sans dire un mot. Ces deux rats de laboratoire ont encore du temps pour parvenir à un résultat probant, inutile de les houspiller pour l’instant. Dans quelques jours par contre, il ne s’en privera pas. C’est toujours exaltant et jouissif de mettre la pression sur des sbires, surtout quand on leur fait comprendre de manière insidieuse que tout échec se soldera par une mise à la porte pure et simple. Il a toujours fonctionné ainsi et a toujours eu des résultats en retour, qui lui ont valu de belles primes en tant que responsable du centre de recherche. C’est une méthode exécrable certes, mais payante. Donc c’est une bonne méthode.