Terreurs Nocturnes - Davy Artero - E-Book

Terreurs Nocturnes E-Book

Davy Artero

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Beschreibung

Les nuits se suivent et se ressemblent, à mon grand désespoir. J’enchaîne les cauchemars et les rêves atroces, sans que je puisse les arrêter.

John est pourtant quelqu’un qui n’a pas ce genre de pensées en tête d’habitude. De part son métier, il est amené à imaginer des univers joyeux et romantiques.
Il ne se pensait pas capable d’avoir ce genre de visions, ni d’inventer toutes ces horreurs qui défilent dans sa tête chaque nuit.
Il se réveille en sursaut, avec des nausées et le cœur qui bat à tout rompre. Parfois c’est si abominable qu’il ne peut s’empêcher de hurler.
Cette nuit, il a décidé de se remémorer les dix cauchemars les plus terrifiants qu’il ait eus ces derniers jours, comme si cela pouvait l’aider à ne plus en avoir à nouveau.

J’aimerais que tout ceci cesse maintenant car je n’en peux plus, je suis fatigué ! Mais je crains que cela masque quelque chose de plus terrifiant…

Dix nouvelles horrifiques et fantastiques qui raviront les amateurs de littérature d'épouvante !

EXTRAIT DE VIVE ALLURE

C’est un drôle de sentiment qu’il ressent. L’intérieur sent le neuf, mélange d’odeur de plastique, de caoutchouc et de ce petit quelque chose qu’il ne parvient pas à déceler. Il paraît que c’est un parfum complètement artificiel, créé de toute pièce par les fabricants automobiles pour rassurer les acheteurs. Un ensemble d’odeurs parfaitement étudiées pour faire frissonner les futurs conducteurs, un peu comme ces odeurs factices qui sont diffusées dans les boulangeries industrielles, rappelant le chocolat et le croissant chaud, qui ont pour seul but de donner envie aux gens d’acheter des viennoiseries. Et ça marche. Là aussi, dans cette voiture, l’odeur du neuf est irrésistible. Cela renforce sa joie de conduire à nouveau.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Davy Artero est un auteur de romans mêlant fantastique et épouvante, ses principaux récits se classent dans la littérature d’horreur.
Mais à chaque côté sombre, son côté clair : il a à son actif également de nombreux contes pour enfants, des romans jeunesse et un ouvrage d'humour..
À ce jour, il est impossible de savoir si son prochain ouvrage va ravir les plus jeunes, amuser les adolescents ou s’il va terrifier à nouveau les plus grands…

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Davy Artero

TERREURS NOCTURNES

À ce geste anodin

qui nous fait éteindre la lumière avant de s’assoupir,

Prologue

Il n’y a vraiment rien de bon là-dedans !

Il cesse de regarder la plaquette publicitaire accrochée au mur, vantant les mérites d’une boisson énergisante et listant succinctement le contenu, et retourne à la contemplation du peu de liquide ambré présent dans son verre. Il agite lentement sa main et observe avec nonchalance le whisky tanguer de droite à gauche, laissant sur les parois du verre une trace de plus en plus haute.

— Je vous en sers un autre, m’sieur ?

John relève mollement la tête

et regarde l’homme derrière le bar. Cheveux grisonnants, yeux clairs, rasé de près, ainsi bien mis avec sa chemise blanche et son gilet noir, il lui rappelle ce fameux espion britannique né de la plume de Ian Fleming, quoique la petite cicatrice qu’il présente sous l’œil droit s’approche plus de l’image qu’il s’était forgée du héros torturé de Julie Storm.

Sans dire un mot, il relève son verre en guise de confirmation.

— Excusez-moi, dit le barman en lui remplissant son verre de pur malt, mais il semble que je vous connais…

— Ah !

John fait la moue. S’il est venu ici à cette heure si avancée de la nuit et qu’il s’est mis au bout du comptoir, dos au reste de la salle, c’est pour se faire discret et éviter qu’on le remarque.

— Ça me revient, je vous ai vu à la télévision l’autre jour. Vous êtes l’écrivain, là, Cartan !

— Caltrand, rectifie John en prenant une gorgée du liquide couleur caramel.

— Ça alors, ça fait drôle de vous voir en vrai…

John relève les yeux et observe le visage du quadragénaire aux faux airs d’agent secret. Il le connaît trop bien ce regard, tout comme il connaît par cœur la réplique que vient de lui faire le bonhomme. Il se souvient que cela lui faisait plaisir, à ses débuts, de voir cette lueur dans les yeux de ceux qui l’accostaient, comme s’ils voyaient un dieu vivant ou une chose qu’ils convoitaient depuis toujours et qui était enfin devant eux, à portée de main. John en ressentait même une grande fierté. Mais avec le temps, devant tant de personnes adoptant la même attitude excentrique, cette fierté s’est estompée. Maintenant, il trouve ça limite risible, mais il se doit de continuer à jouer les personnes ravies pour éviter de mal se faire voir. Une réputation, cela se détruit si rapidement de nos jours. Une célébrité se doit toujours d’être correcte en public pour éviter les commentaires désastreux sur le réseau ou les critiques incendiaires dans les médias. Une carrière se détruit d’un claquement de doigts désormais. John fait ce métier depuis un bon bout de temps maintenant, mais il ne peut pas s’en passer, c’est devenu vital. Être passé à tabac médiatiquement, devenir ringard du jour au lendemain, il ne sait pas s’il le supporterait.

Pourtant ce soir, il aimerait bien qu’on lui fiche un peu la paix, qu’on oublie qu’il est John Caltrand, l’auteur de best-sellers romantiques, et qu’on voit en lui juste un pauvre homme, fatigué, qui a besoin de rester seul avec son verre pour faire le point sur sa vie.

— Écoutez, répond John à voix basse, je n’aimerais pas trop qu’on me remarque, vous savez…

— Oh je comprends, répond l’homme en baissant le ton également. Les paparazzis, les fans et toutes ces groupies qui pourraient vous ennuyer, je ne dirais rien…

— Merci !

John reprend une gorgée, lentement, mais l’homme reste là, stoïque derrière son bar.

— Et si je pouvais rester seul aussi… poursuit John en lui souriant, afin de masquer tant qu’il le peut le vrai sens de sa phrase, et surtout la façon dont il aurait envie de lui dire.

— Oh oui, pas de soucis m’sieur ! Mais dites, je pourrais vous demander une petite dédicace, tout à l’heure ?

— Oui, bien sûr, pas de problème.

Le barman s’éloigne, retournant essuyer des verres à l’autre bout du comptoir en attendant la prochaine commande d’un client. Il accomplit cette tâche d’un geste appliqué, un peu trop d’ailleurs selon John. C’est comme s’il passait un casting et qu’on lui avait demandé de philosopher en passant le torchon dans ces verres à pied. Curieux…

John plonge à nouveau son regard dans le verre. Le contenu est de moins grande qualité que celui qu’il peut boire chez lui, mais ici, dans ce troquet de bonne facture perdu au centre-ville, il se sent mieux que dans sa grande résidence.

Il avait besoin d’être ailleurs, de sortir prendre l’air et de se poser dans un endroit confiné et confortable, pour prendre le temps de réfléchir à ce qui lui arrive.

Il aurait peut-être dû réveiller sa femme pour lui en parler, mais il ne le souhaitait pas. Il l’avait déjà fait bien des fois, lorsqu’il avait ces petites crises d’angoisses liées à son manque d’inspiration ou avant ces grands évènements médiatiques où il devait paraître jovial et pédagogue, mais là, c’était différent. Lui seul pouvait parvenir à s’en sortir.

Il sait qu’il sera questionné demain par ses enfants ou sa femme et il mentira en leur répondant qu’il devait explorer un lieu ou se renseigner pour un de ses romans en cours, comme il le fait réellement parfois. Cela ne les inquiétera pas plus que cela et ils passeront à autre chose.

Sa famille. Sans doute la meilleure chose dont il est le plus fier et qu’il veut protéger à tout prix. Inutile donc d’ennuyer tout le monde avec ses terreurs nocturnes.

Car c’est bien là le souci depuis deux semaines maintenant. Impossible de passer une nuit sans faire de rêves horribles. D’abord de manière épars et passagers, les cauchemars se sont faits de plus en plus nombreux par nuit, et de plus en plus troublants.

Il ne comprend pas d’où cela peut venir. La première fois que c’est arrivé, il pensait que c’était lié à une indigestion. Un dîner trop gras et un peu arrosé qui lui avait donné des aigreurs d’estomac et lui avait fait passer une mauvaise nuit en lui provoquant de curieux songes. Mais ça s’est répété le lendemain, le surlendemain et chaque nuit depuis avec toujours des choses épouvantables.

Pourtant son imagination était assez orientée fleur bleue et romantisme d’habitude, ce qui lui permettait de noircir de nombreuses pages pour ses livres en se remémorant ces douces rêveries. Certes, il aimait bien voir des films fantastiques ou des séries un peu sanglantes, mais de là à ce que cela influe sur ses rêves et que son cerveau parvienne à imaginer autant de situations terrifiantes et les enchaîner, c’était assez inattendu et inconcevable. Comme si les plus efficaces des réalisateurs de films d’épouvante s’étaient invités dans sa tête et enchaînaient la diffusion de leurs longs métrages les plus monstrueux.

Il se réveille en pleine nuit, en sueur, et parfois même en criant. Sa femme, qui a le sommeil profond, ne s’en est jamais aperçue, ou alors elle ne dit rien par politesse. Mais John se sent extrêmement gêné.

Quelque chose ne va pas chez lui et cela se traduit en rêves atroces, incongrus. À force, ils l’empêchent de dormir et depuis quelques jours, ils bloquent complètement son inspiration pour ses écrits, son esprit refusant de travailler comme avant, avec autant de facilité. Il n’avait pas connu ce genre de panne depuis des années. La seule fois où cela lui était arrivé c’était à la mort de son meilleur ami, décédé dans un accident de voiture alors qu’il revenait d’un dîner passé chez eux. Il avait mis plusieurs mois à s’en remettre, à accepter que ce tragique évènement n’était nullement de sa faute, et à retrouver la force de se mettre à écrire à nouveau.

Et là, ça recommence. Ces horribles songes le rongent, l’obnubilent et le privent de toute envie littéraire.

Au lieu de tourner en rond chez lui, dans une des nombreuses pièces de sa demeure, il préfère être là, dans ce bistrot, à boire du whisky bas de gamme. S’alcooliser, n’est-ce pas la meilleure des solutions ? Non, mais cela calme ses nerfs, c’est déjà ça.

Ces rêves horribles… Heureusement, il ne se souvient pas de tous. Seuls les plus marquants restent gravés en mémoire.

Il reprend une gorgée en pensant à l’un des derniers rêves affreux qu’il a faits avec cet individu névrosé dans sa voiture…

Partie 1

Nouvelles Terreurs

Vive Allure

C’est vraiment le pied !

Il passe doucement sa main droite sur le volant, caressant le faux cuir du bout des doigts. Il sent un frisson monter en lui. Il esquisse un sourire. Il approche son autre main, la positionne de l’autre côté, à dix heures dix, comme on le lui a appris dans sa jeunesse, et serre fort ses doigts autour de l’arceau rigide.

Il tend ses bras et cale bien son dos sur le siège. L’assise est confortable et l’appui-tête est assez haut pour tenir parfaitement l’arrière de son crâne et le haut de sa nuque. Il aime bien aussi la matière, c’est plus agréable que les pauvres sièges en tissu qui sont par défaut dans les séries bas de gamme, et moins dur et froid que les assises en cuir où l’on n’ose à peine bouger de peur d’en rayer la chère et fine pellicule de vachette. Là, c’est du velours ou de l’équivalent, et c’est top. Il se sent comme dans un bon fauteuil et c’est très agréable.

Ses yeux parcourent le tableau de bord. Le plastique noir qui l’englobe est de bonne facture. C’est simple, sans doute pas cher à fabriquer, mais c’est sobre et cela paraît solide. C’est sûr, il y aurait pu y avoir des éléments chromés ici ou là, voire quelques placages en loupe de noyer, pourquoi pas, mais il déteste ce genre de chose. C’est surfait, ridicule et complètement sans intérêt. C’est comme ce rétroviseur obligatoire là, en haut du pare-brise, qu’est-ce qu’on s’en branle ! Ça gâche la vision ! Le conducteur a le droit aussi de contempler le ciel s’il le veut, sans qu’une barre épaisse où est encastré un miroir ne vienne lui bloquer la vue !

Il avance son pied droit et fixe le compte-tours. Il appuie. Le moteur cesse de ronronner et s’emballe, avant qu’il relève le pied. Un nouveau frisson vient lui soulever les poils des avant-bras. Il les voit. Il sourit.

— Allez, lance-toi ! dit-il à voix haute.

Voilà près de cinq minutes qu’il a allumé le contact. Le moteur est bien chaud à présent, prêt à répondre au moindre de ses ordres.

Il joue des pieds sur les pédales, enclenche la première et regarde dans le rétroviseur extérieur. Rien, pas une seule voiture qui approche. Il avance le doigt pour enclencher la manette puis se ravise. À quoi cela sert de mettre le clignotant s’il n’y a personne à avertir ? Il tourne le volant et s’engage sur la voie, quittant la place de parking parallèle à la route.

Il se sent bien dans l’habitacle. Le moteur se fait entendre juste ce qu’il faut, il n’y a aucun autre bruit parasite qui vient gêner ce doux ronflement. Il pourrait mettre l’autoradio, mais il ne le souhaite pas. Il ne veut pas couvrir ce son de moteur si plaisant.

C’est un drôle de sentiment qu’il ressent. L’intérieur sent le neuf, mélange d’odeur de plastique, de caoutchouc et de ce petit quelque chose qu’il ne parvient pas à déceler. Il paraît que c’est un parfum complètement artificiel, créé de toute pièce par les fabricants automobiles pour rassurer les acheteurs. Un ensemble d’odeurs parfaitement étudiées pour faire frissonner les futurs conducteurs, un peu comme ces odeurs factices qui sont diffusées dans les boulangeries industrielles, rappelant le chocolat et le croissant chaud, qui ont pour seul but de donner envie aux gens d’acheter des viennoiseries. Et ça marche. Là aussi, dans cette voiture, l’odeur du neuf est irrésistible. Cela renforce sa joie de conduire à nouveau.

Et là, assis aussi confortablement, dans un tel décor et une telle ambiance, cela dépasse tout ce qu’il espérait.

Quelle est la couleur de la carrosserie déjà ? Il ne sait plus, il s’en moque. Et la forme de l’extérieur ? Il ne saurait dire vraiment. Ce qui lui importe, maintenant, c’est de se sentir extrêmement bien à l’intérieur. Il ne voit que le tableau de bord avec le compte-tours, le compteur de vitesse et la route qui s’étale devant lui.

Une belle ligne droite bordée de maisons et de parcs.

Il enclenche une autre vitesse et accélère. Voir l’asphalte défiler un peu plus rapidement le met en joie. Il est comme un gosse utilisant son jouet de Noël pour la première fois. Un putain de jouet mécanique qui lui avait tant manqué.

Une autre vitesse puis encore une autre. Il ne s’en est même pas aperçu, mais il sourit béatement et ses poils sont restés hérissés. Le bruit du moteur, le son des pneumatiques sur le bitume, c’est si bon.

Soudain quelque chose traverse la route juste devant lui.

Un truc, petit, blanc.

Il n’a pas le temps de réagir. Juste un petit soubresaut du côté droit de la voiture quand la chose passe sous les roues.

Il freine brutalement. Les pneus crissent et le véhicule s’arrête. Il soupire et regarde dans le rétroviseur central.

— Tu vois bien que cela sert ce bordel ! marmonne-t-il en bougeant légèrement le rétroviseur pour voir ce qui gît au milieu de la route.

Il plisse les yeux. De part et d’autre d’une bande rouge dégoulinante se trouvent deux morceaux couverts de poils blancs, où il devine sur l’un d’eux une truffe.

— C’est juste un clébard !

Il a comme une petite pointe au cœur, et son sourire a disparu. Il regarde à nouveau droit devant lui. Il se sent déçu.

L’avenue est encore vide, il est seul sur cette grande route. Cela va être difficile, mais il sait qu’il en est capable.

— Tu peux mieux faire.

Il passe la première et appuie à fond sur l’accélérateur. À peine le compte-tours s’affole qu’il change de vitesse et rappuie. L’aiguille du compteur de vitesse s’approche du trait rouge délimitant la vitesse maximum autorisée dans ce pays. Autorisée sur les autoroutes, pas dans les villes comme ici…

Mais il n’en a rien à faire. Il passe la dernière vitesse et appuie encore. L’aiguille franchit la limite et continue elle aussi sa course.

Rien. Toujours rien à part des arbres, des pylônes et des boîtes aux lettres. Sauf là, ici, sur le trottoir, une petite vieille tire un caddie d’où dépassent des feuilles vertes, sans doute des poireaux ou ce genre de connerie acheté au marché du coin.

Il tourne légèrement le volant. La voiture tressaute lorsqu’elle grimpe sur le trottoir, mais il maintient bien le volant pour garder une trajectoire droite. Il sourit.

Le choc est si brutal que son torse part vers l’avant et que sa tête frôle le haut du volant. La vieille dame n’a rien vu venir. Son caddie est complètement écrasé sous la voiture, éparpillant son contenu un peu partout. Quant à elle, elle se trouve plaquée sur l’avant du capot, s’encastre ensuite dans le pare-brise, éclatant celui-ci de part en part, avant de se retrouver projetée à quelques centimètres au-dessus de la voiture et atterrir bien plus loin derrière, sur le goudron.

Il pile. Après quelques mètres la voiture s’immobilise. Il regarde le pare-brise qui ne ressemble plus qu’à un grand film mou composé de milliers de bouts de verre, couverts de taches rougeâtres.

— Salope !

Il s’avance et tape du poing. Les milliers de bouts de verres se détachent d’un coup et recouvrent le capot et le dessus du tableau de bord.

— Fait chier !

Un si beau tableau de bord. Il perd un peu de son charme en présence de ces éclats transparents et rouges.

Il balaie nerveusement le dessus du tableau devant lui, puis il tourne le volant complètement à gauche et accélère. Il fait demi-tour. Il veut voir le résultat, voir ce que cela donne vu d’ici.

Il avance le véhicule jusqu’à être à la hauteur du corps inanimé et flasque gisant au milieu de la voie de droite.

Ventre à terre, les bras et les jambes désarticulées, une large flaque d’un rouge épais s’est formée sous elle et continue de s’élargir. D’ici, il peut voir quelques viscères trôner de chaque côté du corps et des morceaux couleur rose pâle, teintés légèrement de rouge, éparpillés au-dessus de ce qui lui reste de tête.

Il appuie sur l’accélérateur et commence à parcourir la grande avenue dans le sens inverse. Un long rictus se dessine sur son visage. Ça valait le coup, c’était un super spectacle !

Voir cette personne âgée réduite à un amas de viandes sur le macadam, c’est vraiment jouissif. Savoir qu’il doit y en avoir quelques bouts de collés sur le pare-choc, ça lui réchauffe le cœur.

La voiture a encore repris de la vitesse, sans qu’aucun autre véhicule ne vienne gêner sa folle course.

C’est vraiment une putain de belle invention. Toute cette mécanique à son service, répondant du tac au tac au moindre geste de ses pieds et de ses bras, c’est génial. Il a l’impression de faire corps avec l’automobile. C’est comme s’il s’était fondu en elle, ou qu’elle faisait partie de lui. C’est le prolongement de ses bras, de sa chair. Cette bagnole, c’est son arme. Une saloperie d’arme biomécanique à la portée du moindre connard d’humain. Les gens n’en ont pas conscience, mais ils possèdent tous cette arme de destruction massive entre les pattes, une arme puissante, imparable, à la portée de toutes les bourses, de tous les âges.

Le décor qui défile devant lui est familier, il se met à ralentir jusqu’à ce que le véhicule soit à l’arrêt. Il reste là, planté au milieu de la route, le moteur effectuant toujours ce joli ronronnement harmonieux.

Là-bas, à quelques mètres, c’est l’école de la ville. C’est l’heure de la récréation et des centaines de mouflets sont dehors, à jouer et brailler comme des ânes, insouciants du monde adulte qui les entoure. Ils sont désinvoltes et bruyants.

Ils ne leur apprennent donc pas le respect des autres dans le milieu scolaire ?

Il pose rapidement le pied droit avant de le relever. Le moteur qui s’emballe et qui revient à la normale lui procure encore cette agréable sensation d’intense plaisir.

Il va poser à nouveau son pied sur la pédale d’accélérateur et foncer tout droit vers cette école. Les barrières de bois ne lui résisteront pas et il déboulera aussitôt dans la cour, fonçant droit sur tous ces marmots qui braillent et qui virevolteront de tout côté.

Un bon petit carnage. Il sourit à pleines dents et pose lourdement son pied droit.

— Georges ?

Il cligne des yeux.

— Georges, tout va bien ?

Son regard quitte le flou et il réalise qu’il est trop proche de la vitre. Il recule légèrement la tête et perçoit le reflet de la femme qui vient de le sortir de ses pensées.

Il pose l’index sur le court joystick de l’accoudoir et lui fait faire un mouvement circulaire. La roue gauche de son fauteuil s’anime et il fait un tour sur lui-même, se retrouvant ainsi face à l’infirmière qui vient d’entrer dans sa chambre.

— Oui, ça va… Je contemplais la nature ! lui dit-il en finissant par un long sourire charmeur.

— Hum. Tiens, voilà ton goûter ! annonce-t-elle en déposant un plateau sur la tablette en bois posée au bout du lit médical.

Il regarde le contenu du plateau. La même chose que d’habitude. Un verre d’eau plate et un verre contenant un liquide jaune orangé, tous les deux avec deux longues pailles.

— Ah, je vais encore me régaler !

L’infirmière ne relève pas le trait d’humour. Il y a bien longtemps qu’elle a cessé de trouver le moindre amusement dans son travail. Elle sort un carnet de la poche de sa blouse et le consulte.