Aux Délices d'Amsterdam - Tome 2 - Emily Chain - E-Book

Aux Délices d'Amsterdam - Tome 2 E-Book

Emily Chain

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Beschreibung

La tentative de réconciliation de Tess s’avérera plus difficile que prévu...

Tess et Nolan ont repris leur vie, chacun de leur côté, et consacrent toute leur énergie à leur carrière. Une année s'écoule, sans qu'ils ne prennent des nouvelles l'un de l'autre... Mais le passé rattrape Tess lorsqu'elle aperçoit Nolan dans une émission télé, pour parler du prix qui lui a été décerné et de ses Délices d'Amsterdam qui se déploient à travers plusieurs villes, dont Stockholm. Poussée par Zoé, Tess prendra la route pour tenter de réparer ses erreurs et de retrouver le bonheur... Mais des sombres intrigues et des secrets dévoilés rendront ses rêves quasiment impossibles...
 
Plongez sans plus attendre dans le deuxième tome des Délices d'Amsterdam, toujours aussi addictif et rempli de moments gourmands, de rebondissements et de sentiments intenses...

EXTRAIT

Je m’imagine, parfois, mon grand-père marchant le sourire aux lèvres au bord de l’eau. De notre côté Ouest, j’assiste chaque matin à mon retour de la confiserie, à la plus belle vue sur la baie. Les habitants d’ici me répètent souvent la chance que j’ai de voir ce spectacle exceptionnel chaque matin. Ils ont raison. A chacune de mes marches, je m’arrête un instant, les yeux perdus dans l’horizon. Je revois les dizaines de levers et couchers de soleil auxquels j’ai pu assister en Pologne, Autriche, France, Norvège. Après plusieurs minutes de silence, à profiter de ce silence et ce spectacle de la nature, je dois avouer que rien d’autre ne me parait inégalable. Sauf, un vague souvenir, un seul, que je tente d’oublier coûte que coûte.
Pourtant chaque matin en fixant cette baie aux reflets orangés sous l’étoile solaire montante, je me souviens de son regard brillant. Je revois le coucher de soleil se refléter dans ses cheveux.
Ensuite, mon cœur se serre et je reprends ma marche comme si je n’avais rien vu.
Ce n’est pas l’endroit où nous sommes qui compte parfois. Mais le lieu où notre cœur a décidé de s’ancrer.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

À propos du tome 1 :

"Une superbe romance de noël à découvrir , un moment magique que j'ai passer avec ses personnages , j'ai vraiment hâte de lire en tout cas la suite et de replonger dans cette univers ou on est dans un cocon, l'auteur nous amène dans un univers de noël complet." - Cindy R. sur Babelio

"J'ai été séduite par ce premier tome et j'attends avec impatience le second. La fin de ce roman ne se termine pas très bien et j'ai envie de savoir ce que réserve l'autrice à nos deux protagonistes." - All over the books

À PROPOS DE L'AUTEUR

Âgée de 21 ans, Emily Chain écrit depuis toujours et dans des styles diversifiés : des récits fantastiques aux thrillers en passant bien sûr par la romance. Après la série L'Interne, elle revient chez So Romance pour mettre des étoiles dans nos yeux avec sa saga Aux Délices d'Amsterdam.

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Chapitre 1 Tess

L’air de fête qui résonne du petit père Noël blanc égaie le pot organisé par le comité en quelques heures. Quelle idée de partir au moment des derniers contrats de l’année… C’est en tout cas ce que me répète Bill depuis ce matin. De mon côté, il faut avouer que j’aime particulièrement cette période et pouvoir en profiter dès les premiers jours de ma retraite, je ne serais pas contre.

Sauf que les traits qui se reflètent dans le miroir en face de moi me montrent que je suis loin, très loin de la retraite.

— Tu t’admires ? s’amuse Henri en me reluquant de la tête aux pieds.

Son regard éloquent me fait lever les yeux au ciel. Ma longue robe moulante, d’un rouge vif, semble lui plaire. Je me retiens de l’incendier. Après tout, je n’avais pas à laisser Zoé choisir ma tenue pour cette petite fête d’entreprise. Nicolas, la star du jour, embrasse notre adorable comptable, bientôt heureuse retraitée.

— Juste après les fêtes, je vous laisse partir, lance Bill en lui offrant un clin d’œil chaleureux.

Jade glousse avant d’accepter les petits fours tendus par Nicolas. Le gargouillis qui sort de mon estomac me fait comprendre que ces petits délices pourraient me remplir ce vide. Je m’avance vers eux, un sourire aux lèvres.

Bill, habillé de son éternel costume bleu céruléen, glisse sa main dans mon dos pour me parler un peu à part. Je lâche un timide sourire d’excuses à mes deux collègues pour le suivre. Après quelques mètres, il s’arrête au bord du buffet, à l’endroit où l’alcool coule à flots.

Aucun des hommes présents autour de nous ne semble porter attention aux messes basses de mon patron :

— Tess, les contrats de la semaine dernière sont exemplaires, s’enthousiasme-t-il. J’ai su que vous aviez demandé une journée pour un événement familial le week-end prochain… Prenez des vacances ! Vous l’avez bien mérité. Quelque chose comme une semaine ?

Je l’observe un peu dubitative. Bill n’est pas le genre à offrir des vacances sans raison et si j’ai bien compris les retours de mon assistant, il n’est pas véritablement question de chômer dans les semaines qui viennent. De gros contrats sont en préparation.

Je me tortille sur place, un peu anxieuse. Ai-je fauté ? Ce poste n’est pourtant que ma seule raison de respirer en ce moment. Je me donne corps et âme à mon travail… Sous l’épaisse couche de mascara tartinée par ma sœur, je regarde se former un petit sourire contrit sur le visage de mon patron. Malgré mon impatience, j’attends qu’il reprenne la parole pour m’en dire davantage.

— Je vous propose cela car… Je ne peux encore dévoiler ce qui se trame, même à ma jeune associée, rajoute-t-il avec un clin d’œil appuyé. Mais nous avons une piste… sur un contrat juteux.

— De quel ordre ?

Même si j’ai vite compris ces derniers mois qu’être associée de Bill Maas sur le papier n’avait rien à voir avec un partenariat empreint de confiance aveugle et d’un partage égal des tâches et décisions, je ne peux m’empêcher de poser des questions qui m’apparaissent plutôt logiques au vu de mon statut. Il fronce les sourcils et se penche vers le buffet pour se servir un verre de rouge. Par réflexe, je regarde le nom du vignoble. Un bordelais. Vin français, sûrement bon. Cependant, n’étant pas une grande fan de vin rouge, je me tourne vers le jus de pomme. Une fois le verre servi, je tente à nouveau ma chance.Manque de pot, à peine ma bouche entrouverte, un des stagiaires s’approche, avec l’intime conviction de faire une bonne impression face au patron en lui faisant des éloges interminables.

Exaspérée de voir que cela semble plus ou moins fonctionner avec mon associé, je m’éclipse pour rejoindre mon bureau. Je traverse discrètement la masse des salariés et remercie mentalement l’organisation d’avoir placé les festivités dans le hall de mon étage, ce qui me permet de n’alerter personne. Je croise Delphine et Justin en grande conversation devant les toilettes. Légèrement éméchés, ils ne m’aperçoivent pas, trop concentrés sur leurs bouches mutuelles. Mes talons noirs aux reflets mauves claquent sur le carrelage du couloir. Je soupire du peu de discrétion que ce bruit occasionne dans mon déplacement. Ce désagrément m’oblige à me remémorer une conversation datant de plusieurs mois en arrière.

— Pourquoi choisir du carrelage à notre étage ? C’est bruyant, avais-je râlé.

— Nous sommes l’étage des prises de décisions. Les va-et-vient incessants ne doivent pas exister ici. Mettre du carrelage oblige l’intrus à se sentir mal à l’aise et à réfléchir à deux fois avant de traverser le couloir sans raison, m’avait-il répondu, plutôt fier de lui.

Je l’avais observé, un peu dubitative, avant d’être forcée d’avouer que son idée n’était pas complètement insensée. Il était parti sur cette victoire, claquant le peu de talons qu’il avait sur le sol à peine carrelé du bureau encore en chantier.

En quelques semaines, ce lieu s’était transformé en un bâtiment d’excellence. Inviter les collaborateurs de Maas & Abspoel était aussi agréable que de convier des potentiels clients de notre Holding. Après notre démonstration d’expertise, l’image que cela dégageait de notre entreprise confirmait notre professionnalisme. Bill et moi avions fait de véritables découvertes sur le marché. Des dénicheurs de talents comme mon associé aime nous appeler. En moins d’un an, notre entreprise a atteint la moitié du chiffre d’affaires de Maas à Rotterdam. Un départ aussi inattendu qu’explosif. Des contrats affluent encore chaque semaine et nous pensons rouvrir nos portes à un futur collaborateur.

Trouver des nouveaux talents, c’est de mon ressort. Les objectifs, couplés aux recrutements, n’intéressent pas Bill. Il me dit plus efficace et pragmatique sur nos besoins et nos capacités. Après plusieurs mois à gérer ce nouvel aspect, je me rends compte qu’il a parfaitement raison. Néanmoins, j’avais prévu que ce nouveau poste m’aurait permis d’obtenir un droit de regard sur nos grands contrats. Mais Bill n’est pas du genre à lâcher ses contacts, qu’importe la mention d’associée sur les papiers officiels.

Terminant le chemin sur la pointe des pieds pour éviter de rameuter tout le monde dans mon bureau, je soupire de soulagement en poussant la porte de mon antre.

La décoration de la pièce, gérée par Zoé, me permet de me sentir vraiment bien dans cet endroit. Des plantes, des fauteuils agréables, me servant souvent de couchage et des tableaux colorés viennent embellir l’immense bureau que Bill m’a assigné.

Deux immenses baies vitrées qui donnent sur Amsterdam me permettent de prendre de la hauteur sur des projets ainsi que d’observer cette ville qui m’apporte autant de bonheur que de peine.

J’ai tenté de passer outre les dernières fêtes de Noël. Plus de onze mois à attendre que la douleur diminue.

Sans une seule amélioration. À chaque fois que le travail s’arrête, que mon esprit se pose, son visage me revient en tête. Je revois son sourire, ses yeux et nos moments. Ma gorge se serre et pour survivre, je recommence à travailler.

Comme ce soir, j’enlève mes escarpins pour m’affaler dans le large fauteuil gris où trône un confortable plaid. Je le tire sur mes jambes avant d’attraper mon ordinateur posé sur une table basse à ma droite.

L’écran s’allume dès que mon index frôle la touche d’identification digitale. En fond d’écran, je vois mes parents devant un temple vietnamien, le sourire aux lèvres. Ils ne sont revenus que quelques jours cette année. Un simple coucou pour nous prévenir qu’ils ne rentreraient plus. Tout du moins, Amsterdam n’était plus leur chez eux. Après maintes négociations, Zoé a récupéré la maison d’hôtes en rachetant une partie de sa valeur immobilière, ce qui a permis à mes parents de s’acheter un camping-car.

En ce moment, ils doivent être en train de faire le tour de l’Asie, sans réellement prendre le temps de nous contacter.

Je sais que ma sœur vit mal le fait de passer une nouvelle fois Noël sans eux. Je comprends sa frustration. Je l’ai moi-même ressentie avant de recevoir leurs photographies. Cette nouvelle vie semble leur convenir parfaitement. À chaque image, ma mère sourit et mon père arbore un visage radieux. Avec leur teint hâlé et leurs vêtements simples, ils m’apparaissent bien plus heureux que bon nombre d’employés ici, sans parler de moi.

J’ai beau faire bonne figure, Zoé et Aurore s’inquiètent depuis quelque temps. Je ne mange que pour pouvoir continuer à travailler. Il en est de même pour dormir.

Le reste m’importe peu. Je ne sors pas, sauf si l’une des deux m’y oblige littéralement. Même si elles comptent énormément pour moi, mon attitude de bosseuse ne leur paraît pas logique et cela m’agace. Travailler n’a jamais été une mauvaise chose lorsque j’étais enfant. Dès qu’on me mettait à l’écart, je redoublais d’efforts pour obtenir des bonnes notes, pour avoir un avenir meilleur. Il en est de même aujourd’hui.

Un peu lassée d’entendre de tout le monde que je dois prendre des vacances, je me mets à fouiller mes e-mails à la recherche d’une excuse parfaite pour éviter cette semaine d’arrêt forcé.

Les premiers sont sans grand intérêt et je commence à perdre espoir quand l’un des plus anciens m’attire l’œil. En temps normal, je laisse mon stagiaire trier à ma place les contenus de chaque message pour ne pas perdre des minutes souvent rares dans mon emploi du temps.

Un bar lounge en faillite dans les jours prochains, voici l’adresse. Une belle opportunité selon moi. Ta frimousse me manque depuis les bancs de la fac. Je suis dispo pour un café quand tu veux. Bises Ced.

Le mail de mon ancien colocataire à la faculté me fait sourire. Je reçois parfois des petites informations de sa part, gratuites et souvent très intéressantes. Lui et moi, avons partagé des cours d’économie et de gestion de patrimoine ensemble. À la suite de ça, il a préféré devenir agent immobilier, laissant les affaires de rachat à d’autres. Avoir un tel atout dans la manche m’a été souvent bénéfique au fil des années. Un vendeur ne veut pas toujours faire appel à nous. Il nous voit comme des arnaqueurs, baissant les prix de façon abjecte en trichant sur les réalités du marché. Je réponds souvent à ça d’une manière très simple. Les agents immobiliers sont là pour vous vendre du rêve, les requins de la négociation des opérations de rachat immobilier et financier vous vendent du réel.

Cedrick est sûrement le meilleur agent d’Amsterdam et des environs. C’est d’ailleurs lui qui m’avait trouvé ma maison, actuellement en travaux. Je n’ai relancé ce projet que depuis quelques semaines, grâce à lui, à Zoé et Aurore également. Elles m’ont tellement harcelée pour que je m’investisse dans un véritable projet, que j’ai finalement craqué. De toute façon, depuis ma visite avant le mariage d’Aurore, l’envie de relancer les travaux me trottait dans la tête, assez pour céder rapidement face à leur insistance.

Heureuse d’avoir une excuse pour rester ici et balayer l’idée ridicule d’une semaine de congé, je me mets à lui rédiger une réponse :

Merci pour cette info ! Un café ou un verre avec plaisir. Tu ne devais pas me présenter cette fameuse Suédoise ? J’attends toujours que tu me racontes ton voyage… Je suis disponible quand tu veux pour parler.

PS : Je contacte cette personne en te nommant ou cela reste uniquement entre nous ?

Encore merci ! Passe de bonnes fêtes de fin d’année.

Une fois les coordonnées de ce bar lounge et de son propriétaire imprimées, je referme l’ordinateur, satisfaite. Au vu de l’heure tardive, je ne peux pas appeler ce potentiel futur client, mais avertir Bill de cette nouvelle est dans mes cordes. Assez satisfaite de la solution trouvée, je me redresse, ouvre le premier tiroir de mon bureau pour en sortir des chaussures plates que je glisse à mes pieds et sors prestement de mon bureau.

Bill est en pleine conversation quand je me faufile à ses côtés. Mon sourire victorieux lui fait hausser les sourcils et il coupe court à sa conversation pour m’interroger :

— Qu’est-ce qui peut bien vous faire sourire autant ? s’étonne-t-il suspicieux.

Armée d’un grand sourire, je lui agite la page imprimée des coordonnés de ma nouvelle piste. Il plisse les yeux pour réussir à voir ce qu’il y figure avant de me fixer, le visage impassible.

— Cela ne change rien à vos congés, dit-il. Les contrats des prochaines semaines sont déjà planifiés. Il est mis sur vos informations que ce bien n’est pas encore à vendre officiellement. Vous pouvez simplement contacter le vendeur et acter un arrangement. Non, j’ai mieux. Ce petit assistant compétent qui vous suit partout pourrait s’en charger.

Je grimace sous la mention de mon fidèle et collant employé. Des jours que je tente de l’occuper en vain. À chaque tâche, il y met un tel cœur à l’ouvrage que je n’ai pas le temps de lui trouver une véritable occupation chaque jour. Ne sachant pas déléguer, je ne me résous pas à lui offrir de véritables missions. Bill sait que mon souci est ce manque de lâcher-prise. C’est sûrement la raison première de cette obligation de vacances. Mais elles tombent mal. Je n’ai pas envie de rester chez moi ou à la chambre d’hôtes en pleine période de Noël. Pas cette année.

Une boule dans ma gorge se forme quand Bill reprend :

— Voilà, c’est réglé. Votre assistant se chargera de ça. N’ayez aucune crainte, la maison va tourner, même sans vous durant une semaine.

Il n’attend pas une réaction de ma part. Après une petite tape amicale sur mon épaule, il s’éloigne pour reprendre sa conversation entamée avant mon arrivée.

Un peu estomaquée, je repars vers mon bureau, silencieuse. Moins discrète que la première fois, je ne prends pas la peine de voir ce qui m’entoure. Une fois entrée dans mon bureau, je pousse la porte et m’affale dans le fauteuil. Le plaid me recouvre rapidement le corps entier. La contrariété me provoque des frissons. Je dégage mes pieds des chaussures plates pour les ramener jusqu’à moi.

D’où je suis, je peux voir les lumières de la ville illuminer les quartiers moins chanceux. Sans pouvoir lire les enseignes d’aussi loin, je reconnais tout de même aisément la maison d’hôtes de ma sœur. Elle va être si heureuse d’apprendre que j’ai pu me libérer pour les fêtes, moi qui rabâche depuis des mois que lorsqu’on se lance professionnellement, on ne peut pas se permettre de flancher ou de prendre des vacances en de pareilles périodes.

Un peu honteuse d’un tel mensonge, je me mets à relativiser. Depuis le départ de mes parents, la relation que je partage avec Zoé est extrêmement importante pour moi. Passer les fêtes avec elle n’est peut-être pas si catastrophique que ce que j’ai pu croire ces derniers mois. Un sourire passe sur mes lèvres à l’idée qu’elle pourrait m’apprendre à faire ce fameux lait de poule, tiré d’une des recettes de nos arrières grands-mères.

— Cela ne va pas être si horrible tout compte fait, dis-je tout haut pour me motiver, après l’échec de ma proposition à Bill.

— Cela m’est adressé ou l’alcool te fait parler toute seule ?

La voix qui s’échappe du seuil de ma porte m’est plus que familière.

Les épaules carrées de Trévis, l’un de nos plus jeunes collaborateurs, sont appuyées au chambranle de la porte qui donne sur mon bureau.

Décontracté, un immense sourire aux lèvres, il me détaille. Sa main tenant une coupe de champagne fait plusieurs fois l’aller-retour jusqu’à sa bouche. Sa manière de garder le silence tout en agissant d’une façon si éloquente m’amuse.

Les femmes de l’étage ne cessent de dire qu’il a un charme fou. Même Bill m’a annoncé qu’il devait avoir ce petit quelque chose d’envoûtant pour avoir fait signer Mme Chest aussi rapidement. À mon avis, il a surtout cette passion qui surplombe toute détermination calculée. Il est ce qu’on peut appeler un très bon élément, sans parler de son physique de rêve.

Je me mords la lèvre inférieure quand je constate que je le dévore des yeux depuis un petit moment. Le rouge qui me monte aux joues agrandit son sourire malicieux. Une rangée de dents parfaites, sorties des publicités de dentifrices, termine d’habiller son visage bronzé. C’est bien le seul ici à avoir un tel teint en fin d’automne. À le regarder, ni sa chemise bleu ciel légère, ni son chino marron clair et ses petites tennis n’indiquent le froid polaire qui s’abat sur Amsterdam depuis plusieurs jours.

— Un vrai temps de fêtes, s’est exclamée Zoé, dimanche dernier. J’ai haussé les épaules.

Malgré mes efforts pour profiter de décembre, l’ombre de l’année dernière plane encore. L’idée de ma sœur serait de remonter en selle, avec un dieu grec de préférence.

Je ne sais pas si les divinités étaient blondes, les yeux gris bleutés et le teint hâlé, mais Trévis ressemble bien à ma version d’homme séduisant. Si j’oublie que son regard pétillant me plonge dans cette petite crevasse à l’intérieur de moi. Celle que je tente de ne plus nommer.

— Pensive à ce que je vois, dit-il.

Je sursaute. Sa présence physique et silencieuse m’avait mise dans une bulle de protection. La solitude me pèse en ce moment et pourtant je n’arrive pas à me voir avec quelqu’un. Tout du moins, pas complètement.

Je lui lance un sourire un peu maladroit avant de me redresser, incapable de savoir si mon plaid cache entièrement le haut de mes jambes, dévoilées par ma robe un peu courte.

Même si ma position n’avait rien de très classe, il n’en fait pas état et rentre dans le bureau pour s’asseoir dans le fauteuil en face de moi.

Comme à son habitude, il ne prend pas la peine de s’y installer complètement, préférant utiliser l’accoudoir comme cale.

À la lumière de la petite lampe allumée près de moi, je constate que ses joues sont plus rouges que d’habitude. La coupe de champagne qu’il tient ne doit pas être la première de la soirée. Après les semaines de folies que nous avons passées dans ce bureau, je comprends son envie de décompresser. Je regrette moi-même de ne pas m’y être mise, mais il me faut être honnête, l’alcool ne m’a jamais réussi.

— Combien de fois j’ai vu ce plaid sur toi, rigole-t-il en montrant l’objet molletonneux contre moi.

D’une main protectrice, je l’englobe de mon bras, telle une mère avec son enfant. Ce plaid reste le seul objet dont je ne peux me séparer depuis plusieurs mois.

Celui qui m’attendait au pied du sapin à la chambre d’hôtes. Zoé a mis trois mois à me l’offrir. Les mains tremblantes, elle est venue vers moi un matin où je venais boire le café en sa compagnie. Je lui parlais très peu à cette époque, préférant me perdre dans le travail plutôt que dans sa compagnie. Elle balançait de droite à gauche le sac en carton qui refermait le cadeau, cachant maladroitement la petite carte agrafée sur le dessus du paquet. J’ai dû lui offrir un regard exaspéré avant qu’elle n’ose me le tendre, m’avouant qu’elle avait pesé le pour et le contre, apeurée que je retombe dans cette spirale des derniers mois, dont je peinais déjà à sortir.

Les mots en encre noire et rouge de Nolan ont fait ruisseler des larmes sur mes joues maquillées.

« Aimer, c’est vouloir protéger l’autre. Quand je ne pourrai pas te serrer dans mes bras, il sera là pour toi. »

J’avais glissé mes mains dans le paquet, consciente que ces mots n’avaient pour lui plus le même sens. La douceur de ce plaid ne m’a plus jamais quittée un seul instant. Comme si je ne pouvais m’en défaire sans tourner la page.

— Ce plaid et moi, c’est une longue histoire, déclaré-je pour répondre à son air interloqué.

Il me sourit d’une manière si bienveillante que je m’oblige à desserrer ma prise sur le tissu. Mon attitude froide et rebelle avec lui ne date pas d’hier. À l’instant même où j’ai posé les yeux sur lui, j’ai su que deux options se s’ouvraient devant moi. L’une d’elles impliquait de lâcher ce plaid définitivement.

À la place, je suis devenue la femme distante et pragmatique. La collègue sympathique, mais évitant les ambiguïtés. Sauf que Trévis ne semble pas dupe. Notre attirance est si visible que ces dernières semaines, il a tenté plusieurs fois de m’inviter à dîner.

Après avoir sorti la carte, on ne mélange pas vie privée et vie professionnelle, qui est tombée à l’eau quand Bill lui a donné les rênes d’une nouvelle branche très éloignée de la mienne, j’ai ignoré tant bien que mal ses appels du pied.

Cependant, ce soir, les effluves de son champagne et cette solitude pesante me font voir la situation sous un nouvel angle.

Je me redresse sur mon fauteuil pour laisser choir mes longs cheveux détachés sur le côté. J’ai rarement l’habitude d’être ainsi coiffée. Être associée est pour moi une responsabilité nécessitant un certain standing, qui permet de mettre une distance plus facilement avec le reste. Mais porter des chignons à longueur de journée m’épuise. La sensation des mèches qui me frôlent le cou découvert par cette robe moulante et si rouge me fait frissonner.

Les yeux de Trévis ne me quittent pas un seul instant.

— Ta robe est… époustouflante, murmure-t-il.

Il n’est pas timide et pourtant je m’étonne de l’entendre parler aussi bas. Par réflexe, je me penche vers l’avant pour entendre la suite de sa phrase. Ses yeux pétillent tandis qu’il entrouvre la bouche avant de la refermer. Je me rends compte que ma position laisse dévoiler une partie de ma poitrine. Je pique un fard et me redresse un peu mal à l’aise.

— Tu devrais t’habiller plus souvent comme ça, s’amuse-t-il.

Je me gratte légèrement le sommet du crâne à la recherche d’un autre sujet que cette robe indécemment courte et moulante sans parler de cette couleur affriolante. Je note dans un coin de ma tête de remercier ma chère sœur pour ce petit moment de gêne quand il se redresse d’un seul coup.

— Je comptais passer seulement en coup de vent, m’explique-t-il. Tu restes longtemps ?

Je secoue la tête de gauche à droite. Ce genre de pot n’a jamais été ma tasse de thé, mais j’aime dire au revoir à des collaborateurs, les remerciant pour les années partagées.

— Non, j’ai une réunion importante demain après-midi et j’aimerais bien revoir l’ensemble du dossier avec mon équipe, lui expliqué-je en prenant conscience que je n’ai pas été très loquace.

Son sourire incroyable revient sur son visage quand il me tend sa main droite. Je la regarde sans trop comprendre quand il m’adresse un clin d’œil.

— Je te ramène, pas besoin de faire payer deux taxis à la boite !

La première réponse qui me vient est de décliner la proposition poliment en cherchant une excuse bidon qu’il prendra comme un refus poli ou lâche, selon le point de vue.

La deuxième est plus étonnante et franchit mes lèvres sans hésitation :

— Avec plaisir.

Ma voix ravie l’étonne sur l’instant. Mais sans se démonter, il serre ma main pour m’aider à me relever dignement. Ma position a fait des plis dans ma robe, mais au vu de son tissu moulant, je doute que cela reste imprégné longtemps. Galant, il m’apporte mes escarpins que j’enfile rapidement avant de récupérer mon téléphone que je glisse dans mon sac à main accroché près de la porte à côté de mon long manteau d’hiver.

Ce dernier, choisi une nouvelle fois par ma sœur, recouvre l’intégralité de la robe. Sa longue traîne s’arrête à la moitié de mes mollets et me procure une chaleur indescriptible en ces temps froids.

— Prête ? me demande-t-il avant de fermer le bureau à ma place.

Mon côté perfectionniste me démange de le faire moi-même, mais je vois qu’il veut se comporter en gentleman. Je décide donc de lâcher prise et de me laisser guider malgré mon envie de prendre les devants. Nous saluons nos collègues présents sans apercevoir Bill, ce qui ne me déplaît pas, avant de nous glisser dans le premier ascenseur ouvert.

Trévis garde le silence jusqu’à notre entrée dans le taxi commandé par ses soins avant même de rentrer dans mon bureau. Sa façon si naturelle d’engager la conversation avec le chauffeur m’amuse. Nous apprenons rapidement que notre conducteur d’un soir est père de trois merveilleux enfants. Un d’une précédente union, puis des jumeaux de sa deuxième femme.

— Les deux mêmes, s’exaspère-t-il. Les défauts à l’identique. Mais je peux pas me plaindre, j’ai les mêmes qu’à mon premier mariage, c’est donnant donnant, rigole-t-il en pointant deux photographies représentant ses trois enfants nouveaux nés. Les deux femmes sur chacune d’elles sont diamétralement opposées physiquement.

Trévis le complimente sur la beauté de ses trésors et je l’observe, admirative face à cette simplicité qu’il dégage. C’est visible qu’il ne se force pas le moins du monde. Ses gestes et sa voix sont doux. Et je me perds à le contempler tandis qu’ils continuent leur discussion. Ce n’est qu’à la mention de mon prénom que je reviens à eux.

— Ce n’est pas vraiment moi qui décide, continue-t-il faisant comme si mon nom n’était pas sorti dans la conversation.

Je passe de l’un à l’autre sans comprendre. Amusé, le conducteur me lance un clin d’œil dans le rétroviseur.

— Vu comme elle vous regarde, croyez-moi, elle craquera rapidement sous votre charme, rajoute-t-il en ralentissant.

Mes joues deviennent écarlates quand Trévis se retourne vers moi légèrement étonné de la réflexion de l’homme.

J’ouvre la bouche pour me défendre, mais je n’ai rien à dire. À l’instant, il est probable que mon regard envers lui ait pu être mal interprété.

— Vous êtes arrivés, nous annonce-t-il.

Sans trop réfléchir, je suis Trévis sur le trottoir et ferme la porte derrière moi. Il fait quelques pas quand il réalise que je suis sortie à sa suite.

Le taxi s’éloigne déjà et je regarde l’immeuble inconnu qui se dresse devant moi. Un peu mal à l’aise, je sors mon téléphone portable pour rappeler un autre taxi avec l’application dédiée à ça quand la main de mon ami m’arrête. En quelques enjambées, il m’a rejointe.

Ses yeux brillent sous la lumière des lampadaires nous encadrant. Le silence de ce quartier résidentiel nous englobe en un instant. Je relève les yeux vers lui, cherchant à comprendre ce qui est en train d’arriver.

— Tu ne veux pas boire un verre ? Un café ?

Incapable de verbaliser mon refus, je secoue la tête. Il rit sous mon attitude juvénile et réitère sa question.

— Veux-tu venir chez moi ? Oui ou non ?

Je me mords la lèvre incapable de me décider entre la raison qui me pousse à rappeler une voiture et ce petit pincement au cœur qui chaque soir revient me rappelant le fait d’être seule et triste.

— Si tu hésites, c’est que tu dois dire oui, dit-il.

Je souris face à son assurance, chose que je n’ai plus quand je franchis les portes de l’immeuble du bureau. La Tess quotidienne n’est plus ce requin sans pitié depuis longtemps. Elle s’est emmurée dans une tour d’ivoire, protégeant son cœur en s’isolant du monde.

— Je ne sais pas… soufflé-je.

Il se gratte la tête, en pleine réflexion :

— Je ne peux pas t’assurer que mes lèvres ne voudront pas rencontrer les tiennes.

J’écarquille les yeux sous cette franchise inattendue quand il pose un doigt sur ma bouche pour m’empêcher de réagir.

— Néanmoins, je ne te volerais jamais un baiser, soyons clairs. Si tu montes et que tu ne souhaites qu’un thé, tu n’auras que cette boisson pour te réchauffer, rajoute-t-il un sourire espiègle au coin de la bouche.

Je ris sous sa manière de présenter la situation avant d’acquiescer d’un mouvement de tête. Je le côtoie suffisamment pour savoir que c’est un homme de parole.

C’est ainsi que je me retrouve à le suivre dans un hall d’immeuble inconnu, une étrange sensation dans le ventre.

Chapitre 2 Nolan

~ YOU’RE GONNA BATTLE ~

Les premiers mots de la chanson de mon réveil m’ouvrent immédiatement les yeux.

~ YOU’RE GONNA FIGHT

WIN OR LOSE

YOU’RE GONNA BE ALRIGHT ~

D’un bond, je me lève du lit immense où je me suis assoupi quelques heures, pour me poster devant mon miroir. Le manque de sommeil est flagrant sous mes yeux à demi-fermés, mais je ne m’en préoccupe pas. Laissant les paroles de la chanson m’emporter dans cette énergie si vitale pour moi.

~ REGARDLESS OF THE SCOREBOARD

YOU CAN DO ANYTHING THAT YOU WORK FOR~

L’image que me renvoie la paroi vitrée de mon dressing m’apprend qu’une bonne douche pour maîtriser cette crinière de plus en plus importante ne sera pas de trop. Sans arrêter la musique, je m’éclipse dans la salle de bain. La douche italienne au centre de la pièce me tend les bras quand je laisse tomber le seul vêtement avec lequel je dors, sur le sol carrelé.

D’un geste, j’ouvre l’eau et m’éloigne pour ne pas me prendre des jets froids et trop vivifiants pour un réveil rapide.

J’en profite pour sortir deux serviettes du placard de la pièce entièrement carrelée, avant de me glisser sous les vapeurs chaudes.

Aux premiers contacts, mes muscles se détendent instantanément.

La voix américaine d’Apollos Hester, que je devine à peine sous le brouhaha de la douche, est couverte par la mienne, moins chantante, mais tout aussi énergique.

Je reprends les paroles de la chanson au moment où j’ai quitté la chambre :

— Do it for use, do it for one another, do it for yourself, do it for each other…

Je me revois la chanter chaque matin en arrivant à la nouvelle confiserie ouverte avec l’aide de mon mécène et maintenant ami, Jack Lees. Les apprentis, motivés, mais épuisés, m’ont observé incrédules pendant plusieurs heures avant de comprendre à quel point la motivation est l’élément clé de la réussite. Les compétences s’apprennent. L’expérience se forge. Mais rien ne peut remplacer ce qui fait battre notre cœur.

À l’image des paroles de ce joueur, je n’ai jamais cuisiné sans âme. Il y a eu des moments durs, mais le prix à payer ne vaut rien comparé à ce qui m’attend aujourd’hui.

Le sourire aux lèvres, je sors de la douche détendu et confiant. Le stress que je pensais avoir en un tel jour est introuvable. Même après avoir enfilé ma plus belle chemise, au-dessus de ce pantalon que j’ai mis des heures à faire retoucher chez la couturière.

Cette dernière m’ayant averti une bonne dizaine de fois que je n’avais pas le droit de perdre un gramme jusqu’à aujourd’hui si je ne voulais pas perdre mon pantalon dans le pire moment. Au moins, l’image que cela avait produite en moi m’a obligé à prendre soin de ma ligne. Malgré les journées chargées, j’avais fait attention à ne pas perdre de poids en mangeant trois repas par jour. Une véritable bataille quand on peut voir les heures non-stop de travail qui s’enchaînent depuis que je suis ici. Mes employés gagnent quasiment un deuxième salaire grâce aux heures supplémentaires. Pour ma part, je perds simplement des heures de sommeil que je compte bien rattraper dans quelque temps. Une fois la chemise bien en place dans le pantalon, je me rends compte que je suis encore en chaussettes.

Après un tour sur moi-même, je vois les précieuses posées sur une des étagères de l’entrée.