Aux Délices d'Amsterdam - Tome 3 - Emily Chain - E-Book

Aux Délices d'Amsterdam - Tome 3 E-Book

Emily Chain

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Beschreibung

Tess réussira-t-elle à reconquérir Nolan ?

Tess est plus motivée que jamais pour sauver les Délices d’Amsterdam et prouver à Nolan qu’elle n’est pas complice du rachat de sa confiserie. L’aide précieuse de Tomás la surprend et les rapproche plus que jamais... Nolan, quant à lui, revient à Amsterdam avec Lily pour retrouver ses racines et l’origine de sa passion pour Noël et ses créations sucrées. Il se lance dans un projet audacieux pour montrer à Tess sa vraie motivation... Pourront-ils repérer les personnes de confiance dans leur entourage ? Arriveront-ils à se faire comprendre par l’autre ? Car cette fois-ci, c’est leur dernière chance...
 
Plongez dans le dernier tome des Délices d'Amsterdam, au doux parfum de Noël, et découvrez le passé de Tess et Nolan. Un magnifique tome qui clôt à la perfection cette saga délicieuse !

EXTRAIT

— Tout va bien Nolan ?
Lily pose sa main contre ma joue et je ferme les yeux. Mon cœur est rapide, tout comme elle. Un feu bouillonne à l’intérieur de moi, prêt à sortir et nous consumer.
— Plus que jamais, lui répondis-je sans la regarder.
À la place de son visage, j’imagine celui de Tess. Mon esprit ne me demande pas l’accord face à ce stratagème honteux. Mais il me permet d’attraper sa bouche et de vibrer à son contact.
Elle gémit et mord ma lèvre inférieure à ce baiser passionné.
Je sens l’odeur de celle qui déchire mes entrailles et je pousse Lily dans la chambre pour calmer mes ardeurs.
— Attends, souffle-t-elle.
Je comprends qu’elle n’a plus d’oxygène quand elle reprend sa respiration, en faisant deux pas en arrière, les joues rougies par la tension. J’en profite pour tirer les rideaux de l’immense fenêtre, plongeant la pièce dans une semi-obscurité. Ainsi, je peux laisser vagabonder mon esprit et imaginer une tout autre femme à mes côtés.
— Reviens, supplie-t-elle.
— Avec plaisir Tess…
Mon murmure est inaudible pour elle, mais permet à mon corps de réagir tout de suite. Comme à chaque rêve que je fais d’elle, je suis prêt.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

À propos des tomes 1 et 2... :

"Cette histoire m'a beaucoup touchée " - Miss Rosélia de Entre les lignes de Miss Clochette

"Une douce romance de Noël aux efefluces d'oranges et de pain d'épices. Avec des protagonistes aussi efficaces qu’étudiés, l’auteure nous gratifie d’un moment de pure détente et de fusion et nous invite à découvrir la suite des aventures de notre couple…" - Jacinthe du Soupir du Romance

"J’ai trouvé la plume de l’autrice accrocheuse et douce, pleine de promesses. " - All Over the Books

À PROPOS DE L'AUTEURE

Âgée de 22 ans, Emily Chain écrit depuis toujours et dans des styles diversifiés : des récits fantastiques aux thrillers en passant bien sûr par la romance. Après la série à succès L’Interne, elle revient chez So Romance pour mettre des étoiles dans nos yeux avec sa saga Aux Délices d’Amsterdam.

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PROLOGUE

Dans un Amsterdam endormi par l’hiver, Tess, au coin d’un feu de cheminée, cherche à aider Nolan et à s’innocenter dans ce tourbillon ingérable qu’ont créé Bill Maas et le clan de Kuyper.

À ses côtés, Tomás, première fois chevaleresque, l’aide comme un forcené, profitant de la faible luminosité du feu pour parfois l’observer.

Il n’avait pas été proche d’elle depuis des années. Depuis qu’il avait transformé en poussière leur mariage pour sa réussite personnelle… Elle était si belle.

Et bornée.

À peine leur mariage annulé qu’elle était partie tête au front vers Rotterdam pour recommencer sa vie à zéro. Laver son honneur professionnel et se construire une nouvelle vie. Quel étonnement il avait eu de la voir débarquer à Amsterdam dans l’intention de devenir associée d’une si grande entreprise que Maas holding.

Un exploit. Cela l’avait rendu aussi jaloux que fier et ce sentiment n’avait fait que grandir en voyant l’arrivée de Nolan Wells. Jeune et talentueux confiseur, bellâtre selon ses dames et indubitablement gentil garçon.

Un cauchemar quand on le met du côté des concurrents.

Tess, les yeux dans le vide, pense à l’artisan d’une tout autre manière.

Elle se voit partir le rejoindre à Stockholm après une année d’incompréhension. Une longue et douloureuse année sans lui à ses côtés.

Tout aurait été parfait si…

Voilà que dans leur histoire, il y a toujours cette formulation. Elle les rattrape sans cesse.

À peine retrouvés, qu’ils ont été éloignés l’un de l’autre...

En relevant les yeux vers Tomás, elle se sent tout de même chanceuse d’avoir un ami comme lui. Il ne l’a pas laissé tomber. Même après l’avoir vue retomber dans les bras de Nolan. Peut-être qu’il n’a pas un si mauvais fond, malgré ses erreurs.

Un peu plus proche du centre d’Amsterdam, Nolan pense, lui, tout le contraire. À sa fenêtre, il imagine le visage sournois de son adversaire. Une haine gronde et les mois passés n’ont fait que l’attiser encore plus. Même si entre temps il a pu retrouver la chaleur de Tess, cela n’a pas duré. Ce n’était qu’un mensonge et son cœur saigne encore…

Mais alors, la souffrance aura-t-elle enfin une fin ? Trouveront-ils les réponses à leurs questions ?

Chapitre 1TESS

22 janvier 2021

Tomás m’observe du coin de l’œil. Il a l’habitude que vers 3 heures du matin, mes yeux se ferment. Et alors, les cauchemars commencent. Je ne lui ai rien dit. Il ne sait pas ce que je vois, ce que je ressens et ce que j’imagine. Il a simplement conscience que mes nuits sont agitées. Affalée sur les dizaines de papiers qui m’entourent, je bouge, je gémis. Retraçant les derniers mois, et toutes les émotions par lesquelles je suis passée.

Mon retour à Amsterdam pour cette nouvelle aventure professionnelle excitante, les retrouvailles avec Tomás. Mon envie d’aider ce jeune petit prodigue que ma sœur semblait tant apprécier. Zoé.

L’envie de me rapprocher d’elle et d’avoir une relation soudée m’avait porté dans les bras de Nolan sans le savoir. Et quelle aventure ! J’en étais même arrivée à le rejoindre à Stockholm, persuadée que l’amour pouvait vaincre n’importe quel conflit. Qu’il était possible de passer outre, parce qu’on le voulait.

Assise sur le parquet, le feu de cheminée, comme présence silencieuse, mais réconfortante malgré la température qui remonte à l’extérieur, propage rapidement de la chaleur dans la pièce froide. J’ai trouvé assez vite ce petit appartement. Je n’ai pas vraiment eu le choix. Comment ai-je pu penser cohabiter dans la maison de Nolan, alors qu’il venait de rentrer. Tomás a voulu me proposer d’aller vivre chez lui. Zoé aussi.

J’ai refusé. Je crois qu’il était temps que je pense à moi. Ces deux dernières années, je me suis consacré à Nolan, à mon travail, et ma vie personnelle a été mise de côté. J’étais persuadée que je partagerais mon avenir avec eux.

Un mélange de travail et de Nolan, une vie rangée et plutôt heureuse.

À la place, je suis assise ici, je ressens dans chaque parcelle de mon corps la fatigue.

Je ne sais même pas depuis combien de temps nous avons commencé. Une, deux, trois semaines… Les heures et les jours passent trop vite. Nous cherchons inlassablement une solution, mais rien de concluant ne se dessine.

Je suis vraiment impressionnée de voir à quel point Tomás s’investit. Comme moi, il est présent, corps et âme, pour trouver une solution. Cela n’est pas dans son intérêt. Aider Nolan à récupérer une partie de ses biens, de son magasin, n’apportera rien de bon à son entreprise familiale, cela pourrait même être peu apprécié et le pénaliser pour son futur professionnel.

Zoé ne sait pas très bien si elle doit lui faire confiance. D’habitude, elle est rapidement de son côté. Mais depuis quelque temps, elle ne prend plus parti. Pour elle, je devrais m’éloigner de ces deux hommes. Quand j’observe le visage de Tomás devant moi, concentré face à des lignes et des lignes de lois, de contrats et de chiffres, je suis touchée par son investissement, émue aussi. Mon cœur tressaute. Très légèrement, juste assez pour que je m’en rende compte.

J’ai bien envie de… Et voilà, cela s’arrête. Ma raison m’interdit d’avoir un quelconque désir. Cela n’est pas nouveau, depuis que j’ai quitté Stockholm, c’est comme ça. Cette énième dispute et ce manque, ce vide même de discussion avec Nolan a encore brisé quelque chose. Il m’a, lui aussi, trahie et abandonnée sans réelle explication, me laissant une nouvelle fois démunie.

J’étais persuadé qu’avec mon mariage avorté et la duperie à laquelle il était lié, je ne pouvais pas souffrir plus. Pourquoi pensons-nous que nous avons déjà vécu le pire ? Comment peut-on vraiment imaginer que plus rien ne peut nous anéantir autant ? Parce que c’est ça, j’ai cru que j’étais invincible, que l’amour n’avait plus de secret parce que je connaissais le goût amer de la trahison.

Mais est-ce aussi simple ? Non au contraire. J’ai l’impression de souffrir dix fois plus. Comme si la trahison d’avant, au lieu de me préparer, m’avait fragilisée pour la suivante. J’avais envie de me lever, dès le premier matin, et de l’oublier. J’étais plutôt convaincue que ça allait marcher. Et puis j’ai vu son visage, ses yeux et son regard sur le seuil de sa propre maison. C’est son expression qui m’a le plus marquée, comme si la situation attestait réellement que j’étais la cause de tout. Impossible de me défendre, il avait déjà jugé sans chercher.

Et je me suis rendu compte que ça avait toujours été comme ça entre nous. L’un contre l’autre, et lui prenant acte des faits sans aucune once de communication et de compréhension. Sauf qu’au lieu de fuir cette fois-ci, il est venu au front. Il est déterminé, mais sans nous, il ne gagnera pas. La haine m’a, pendant un instant, occupé l’esprit, elle m’a donné un désir de revanche. Je n’ai pas l’habitude d’être comme ça. Même après mon mariage avorté, les trahisons qui ont suivi, je n’ai jamais été jusque-là. La vengeance voudrait s’insinuer en moi, mais elle n’amène rien de bon. Pour tourner la page, je dois l’aider. Je le sais et je le sens.

Tomás m’aide pour ça.

Peut-être espère-t-il qu’on se remette ensemble. Aurore a l’air de le croire. Nous n’avons jamais reparlé de sa déclaration et je lui en suis reconnaissante de ne pas avoir abordé le sujet.

— Tess, ça va ?

Je cligne des yeux, essayant de comprendre les lignes noires inscrites sur le papier que je tiens dans les mains. Il doit s’approcher de trois heures et je commence à fatiguer fortement.

— Tu devrais te coucher.

Il a beau me dire ça pour être sympathique, j’ai l’impression d’être un petit chaton sans défense avec ce genre de réflexions et je n’aime pas ça. Je suis toujours un peu sur la défensive ces derniers temps.

Apprendre à ne pas être toujours parfaite, voilà ce que m’a déclaré la psychologue que je vais voir sur les conseils de ma sœur.

Quand elle m’a suggéré de rencontrer un ou une spécialiste, je pensais qu’elle se moquait de moi. Ma sœur plutôt yoga, sophrologie et autres petits moyens de régler les conflits internes, me proposait d’aller consulter une femme ayant fait des études en psychologie. Alors qu’elle me répète depuis des années que ce n’est qu’une pseudoscience.

— Je sais… En temps normal, je ne te conseillerais pas ça. Mais là je crois que ça te ferait du bien. Juste de parler, pas forcément l’écouter ou suivre tous ses conseils, m’a-t-elle déclaré le week-end dernier autour d’une tasse de thé.

— En quoi est-ce intelligent, de payer une fortune une psychologue pour lui parler sans accepter aucun de ses conseils, ai-je répondu.

Zoé a alors tout de suite tenté de m’expliquer qu’elle ne m’avait jamais vue dans cet état-là. Qu’après l’annulation de mon mariage, même si je n’avais pas géré comme il le fallait cette situation, j’avais au moins trouvé une bouée de sauvetage. Alors que là, pour elle, je dérivais.

Sur le coup, je n’allais pas lui avouer que je trouvais qu’elle avait peut-être un peu raison. D’ailleurs, elle ne sait même pas que je vais voir une psychologue. Surtout parce que cela serait contre-productif. Pour moi, ma sœur veut faire des efforts. Malgré tout, elle ne croirait pas au conseil de la docteure que je vais consulter. Je l’ai trouvée par le biais de mon boulot. Je ne suis pas sûre que ce soit vraiment une très, très bonne idée. Parce qu’aisément la secrétaire à qui j’ai demandé ses coordonnées, nos collaborateurs dans ce milieu, pourrait tout balancer. Et je n’ai pas tellement envie que Bill soit au courant que son bras droit, celui sur qui il compte énormément, est en train de perdre la boule et de travailler dans son dos contre lui.

Parce que c’est ça en réalité, en travaillant pour aider Nolan à ne pas tout perdre et surtout à me déculpabiliser de la situation, nous travaillons contre nos deux entreprises. C’est ce que je pense quand je regarde Tomás ce soir. Il prend des risques inconsidérés pour moi. Sa famille ne lui pardonnerait pas une telle chose.

Et pourtant il travaille jusqu’à des heures indues, vient chez moi chaque soir après le boulot. Et comme si de rien n’était, se remet quotidiennement à travailler sur des lignes et des lignes de paperasses. Je ne sais même pas au final ce qu’il a à gagner dans cette situation. Parfois, j’ai peur qu’il s’imagine des choses, qu’il espère un avenir commun. Non pas que sa présence me dérange, bien au contraire, elle m’apaise et me fait du bien. J’ai retrouvé celui que j’avais envie d’épouser il y a déjà pas mal de temps. Nos moments passés, nos pauses-café à répétition en plein milieu de la nuit, nos mensonges envers nos familles et nos amis nous rapprochent ces derniers temps. Néanmoins, je ne me vois pas recommencer quelque chose avec lui, pas encore. Peut-être un jour.

— Tu veux qu’on arrête ou je prépare quelque chose ? propose gentiment Tomás.

— Je ne sais pas. Tu as avancé de ton côté ?

Il hausse les épaules. Voilà notre quotidien depuis des jours. Chercher en vain un alinéa, un article ou autre petite faille.

Zoé ne sait pas vraiment si Tomás joue franc jeu, après tout, c’est sa famille et mon patron qui ont lancé les hostilités. Aux yeux de l’extérieur, il paraît inconcevable que l’un ou l’autre n’ait pas une part de responsabilité dans les événements et sachant que je n’y suis pour rien, Tomás apparaît suspect à ses yeux.

— Peut-être. Il y a cette petite ligne… Tu m’as dit que tu avais un ami notaire non ?

— Oui… Je ne suis pas sûre qu’on peut dire ami, mais oui j’ai quelqu’un… je connais quelqu’un.

— Tu devrais l’appeler, je pense. Je ne suis pas sûre de ce que j’ai vu ni de comment l’interpréter, mais ça pourrait beaucoup nous aider d’avoir son avis.

— D’accord… Je l’appelle demain alors.

Je me lève d’un coup. Trop vite, la fatigue et la rapidité de mouvement me provoquent un vertige. Il ne faudrait pas que cette situation s’éternise au risque d’y perdre la santé et peut-être plus encore.

Chapitre 2 NOLAN

04H07 — 22 janvier 2021

— Il y a longtemps que je n’avais pas fait cela. Je ne le faisais plus parce que je trouvais ça pitoyable. Je t’imagine me regarder de là-haut, de ton piédestal auréolé autour des gens qui t’aiment. Je n’ai pas envie que tu me trouves idiot. Mais je pense souvent à toi, un peu trop même. On m’a dit que c’était normal. Qu’il ne fallait pas que je m’inquiète. C’est gentil de me dire ça, mais ça ne change rien. Quand je ferme les yeux, quand je définis l’amour, quand je pense à l’avenir, c’est une version de toi Flo, lointaine et presque oubliée qui s’affiche devant moi. Tu sais, lorsque je suis parti sur un coup de tête, j’ai tout jeté. J’ai voulu tourner la page de manière définitive, tout effacer pour tout recommencer ailleurs. Je n’ai pas pensé à l’après. Sur le moment, cela m’a fait du bien, je me suis dit que c’était la bonne solution, car je ne voulais plus et je ne pouvais plus nous regarder. J’étais tellement en souffrance… Et puis tout d’un coup, tout s’est assombri, j’ai compris alors à quel point c’était idiot. À cause de ma bêtise, je n’avais plus qu’une photo, une seule preuve de notre existence commune, de ces mois et années merveilleuses passés à tes côtés. J’étais persuadé que les souvenirs continueraient à exister indéfiniment dans mon esprit. Mais la vérité, c’est qu’un jour, même si on n’oublie pas complètement, on doute. Je ne sais plus si tes yeux étaient ovales, grands, si ton nez était un peu trop court ou un peu trop long. Je me souviens que tu disais souvent que tu étais imparfaite et que c’est ça qui te rendait belle. Mais quels étaient tes défauts ? Plus le temps passe et plus je te vois parfaite. Comme si mon cerveau avait envie de se souvenir d’une version de toi différente. C’est un peu idiot, mais je te veux toi. La vraie. Celle qui avait un sourire étrange et un rire abominable. Je veux celle de mon ancienne vie et pas un modèle transformé dans le monde présent. Ce que je vois maintenant dans mes pensées, dans mes rêves, ce n’est plus toi. Mon esprit est incapable de changer de manière réaliste. Il sait que tu ne pourras jamais vieillir, alors au lieu de te rajouter quelques rides, quelques rondeurs que la vie aurait pu t’apporter avec une vie de famille à mes côtés, il gomme tes imperfections, te rendant moins vraie, moins palpable, moins réelle. Cela me rend malade. Cette façon de faire te rend encore plus absente. Je ne vais pas bien, tu me manques tellement… Apprendre la vie sans toi est compliqué. Mais je…

« Si vous souhaitez modifier votre message, tapez… »

— Tais-toi.

Le visage ruisselant de larmes, je raccroche violemment avant de composer une nouvelle fois le numéro de téléphone.

Le fait de tomber sur la messagerie m’est naturel. Il est impossible qu’il en soit autrement.

— Au final, ce n’est pas ce que je voulais te dire. Je ne sais pas si tu vois d’en haut, mais j’ai rencontré quelqu’un. Tu sais que j’avais promis sur ta tombe que ça n’arriverait jamais. Tu remplissais tellement mon existence, et mon bonheur avec toi était si parfait que ton départ m’a anéanti. Je pensais sincèrement, à ce moment-là, ne plus pouvoir combler ce vide. Mais sans que je m’en rende compte, c’est arrivé. D’une manière complètement inattendue et dévastatrice, Tess est entrée dans ma vie. Ce qui me fait souvent sourire, c’est que tu ne l’aimerais pas du tout. Et je te promets que c’était mon cas au début. Elle était si… tu sais, ce genre de femme qui ne pense qu’au travail et qui tire un trait sur la famille. Le style que j’aurais exécré et toi aussi. En parlant de famille, je me rappelle à quel point tu aimais ton grand-père. Tu sais que je suis allé le voir jusqu’à son dernier jour. Il a toujours cru que tu étais à côté de moi. À chacune de mes visites, il avait l’air si heureux. Je ne suis pas sûr qu’il ait vraiment réalisé que tu étais partie. Son esprit était déjà ailleurs et le jour où je suis venu lui annoncer, il a seulement compris que je partais. Il m’a dit que j’avais raison. Je n’ai jamais trop su pourquoi il me disait cela. Peut-être avait-il mieux appréhendé la situation que je le pensais. En tout cas, ça m’a fait du bien. J’avais besoin que quelqu’un me dise que je faisais la bonne chose. Que je prenais une décision saine et raisonnée. Même si ce n’était pas le cas.

Je m’arrête en tendant l’oreille. Les poutres grincent et je n’y suis pas encore habitué.

Recroquevillé sur la petite banquette sous mon immense fenêtre, je me perds dans la contemplation d’Amsterdam sous la nuit. Un lampadaire clignote sous un faux contact et je ne vois que par alternance les rues de ma ville. Les pavés sur le sol, les maisons mitoyennes, basses et recouvertes de grandes ouvertures.

J’aperçois le salon de mon ami Sergio, un bassiste italien, adorable et qui aime particulièrement ouvrir ses fenêtres aux moindres rayons de soleil pour faire partager sa musique.

Une façon de nous montrer une passion dévorante qui l’anime. Comme moi avec mes confiseries… Si j’arrive à les sauver.

Je lève les yeux au ciel, pensant à ceux qui tenaient autant que moi à cette petite affaire. À ceux qui m’observent sous un ciel étoilé comme je n’en ai pas vu depuis longtemps. Perdre le temps d’observer ce qui nous entoure pour ne s’attacher qu’au superficiel… C’était un peu mes derniers mois.

— À chaque fois que je regarde les étoiles, je pense à toi. Tu disais qu’un jour, si tu avais de l’argent, tu en achèterais une. Je m’étais moqué de toi, en disant que tu allais offrir à quelqu’un une étoile qui ne lui appartiendrait même pas. Je sais que tu voulais la petite, celle que l’on voyait du toit de ma chambre. Ici, dans mon nouveau chez moi, la vue me semble différente, je ne sais pas vraiment à quelle étoile cela correspond et il y en a tellement dans le ciel, j’en vois des milliers. Mais je suis persuadé que la tienne est là, aussi brillante que les autres. Tu sais, j’ai choisi d’être éloigné le plus loin possible de notre ancien quartier. Ce n’est pas pour t’oublier. Mais je sais que tu insisterais pour que je continue ma vie et c’est ce que je tente chaque jour de faire. C’est pour ça que je suis ici ce soir à regarder les étoiles et à te parler. J’ai besoin que tu m’aides. Parce que même si cette femme n’a rien à voir avec toi, qu’elle est exigeante et qu’elle ne pense qu’au boulot, je crois que je suis tombé amoureux d’elle. Je ne pensais plus cela possible. C’est terrifiant. Est-ce que toi tu m’as aimé du premier coup ? Je ne sais pas ce que c’est que d’aimer sans retour, sans réciprocité, sans échange permanent. Avec toi, j’ai été comblé de notre premier regard jusqu’au dernier. Je n’ai pas eu besoin de me poser de questions. Même si elle ne te ressemble pas, que la situation est différente, j’aimerais retrouver la paix et la sérénité que j’avais avec toi. Cette certitude que tout se passera bien, qu’un avenir est possible. Mais j’ai l’impression que cette sensation a disparu au moment où votre voiture a percuté cet arbre. Qui sait si aujourd’hui, si l’accident n’avait pas eu lieu, peut-être ne serions-nous plus ensemble. Même si je n’y crois pas, la vie nous apporte des changements inattendus, je le vis actuellement. Mais je sais que j’aurais toujours pu en parler à ma mère. Elle essaierait de me convaincre que je fais une erreur, elle t’aimait tellement. Elle serait sûrement en train de te défendre et de dire « Nolan, qu’as-tu fait ? » Et même, si je suis sûre que ça m’aurait énervé, aujourd’hui, je donnerais tout pour me faire remonter les bretelles par elle. Pour avoir la possibilité de te reconquérir. Parce que sache qu’à tes côtés, je ne serais pas perdu. Tandis qu’avec Tess, je ne comprends rien. Qu’elle soit fautive ou que ce soit moi, aucun de nous deux ne réagit de la bonne manière. Au lieu de s’aimer, on se fuit. Au lieu de se haïr, on se trahit. Je croyais qu’à partir du moment où on aimait la personne, on commençait à la comprendre. Eh bien là, ce n’est pas du tout le cas. On croit déchiffrer les signes, les attitudes, les mots et en réalité, c’est l’incompréhension mutuelle. C’est fou d’aimer autant des personnes, mais pas du tout de la même manière. Je me rends compte que c’est ça. Je t’ai aimée facilement, comme une évidence. Tandis qu’avec elle, ce sont des montagnes russes émotionnelles. Et à vrai dire, je crois que je préférerais la tranquillité. J’en ai marre de ne plus dormir sereinement. De me regarder honteux dans le miroir. Je doute de mon avenir et je me sens impuissant face aux obstacles.

Un taxi passe sous la lueur de la lune et je repense à mon arrivée, il y a trois semaines. Le téléphone toujours dans la main, je décide de te dire au revoir avant de raccrocher. J’espère ne plus avoir besoin de faire cet étrange manège sur une boîte vocale fictive.

— Je vais te laisser. J’ai l’impression que cette nuit, je vais être assailli par des souvenirs. Tu n’en feras pas partie, je le sens. Je suis tellement désolé pour ça. J’étais persuadé que tu aurais cette place à vie. Et que tu serais la seule responsable de mes insomnies. J’avais tort. Maintenant, c’est Tess qui en cause la plupart. Je te promets que j’aimerais qu’il en soit autrement. Sauf que c’est impossible. Elle hante mes nuits et…

— Nolan ? Qu’est-ce que tu fais ici tout seul dans le noir ?

Je sursaute même si je sais que je ne suis pas seul dans cet appartement. Elle m’observe, de ses grands yeux ronds. À contrecœur, j’éteins mon téléphone discrètement. Puis je me lève, quittant la quiétude de mon petit coin, cette petite avancée architecturale de la maison qui m’avait tant séduit lors de mon achat. Si j’étais honnête avec moi-même, je serais revenu de Suède tout seul et pas avec une prétendue fiancée. Sauf que j’avais l’appréhension de retrouver Tess avec Tomás. Et malheureusement, contre toute attente, c’est ce qui s’est passé.

3 SEMAINES PLUS TÔT — 1er janvier 2021 - 13 h 45

Ma tête posée contre le bord de la porte, la vitre glacée me maintient éveillé.

Ma joue est quasiment endolorie par le froid. Mon esprit vagabonde, cherchant à savoir ce qu’il y a encore pour moi à Amsterdam.

Le chauffeur de taxi est plutôt discret et j’apprécie.

Le seul bémol de mon voyage, ce sont ces babillages incessants. Depuis notre départ de Stockholm, elle ne cesse de donner son opinion sur absolument tout. Elle n’est jamais venue ici et pourtant elle fait comme si elle savait tout de ma vie. Elle critique sans cesse faisant des commentaires inopportuns sur mes relations, mes amis et même mon pays. Je ne suis pas d’humeur à entendre son discours égocentrique.

J’ai envie d’ouvrir la fenêtre et de sentir l’odeur de la neige et de la cannelle se mélanger. J’ai envie d’entendre le rire de ma mère devant ma réaction exagérée d’après fêtes, me voyant ouvrir de grands yeux face aux personnels de la mairie en train d’enlever les décorations de Noël. Un sacrilège selon moi. Je disais toujours qu’il fallait au moins les garder une année pour avoir les yeux qui brillent et la magie de Noël dans notre cœur. Mon père répondait toujours que si je voulais faire perdurer la magie de Noël, je n’avais qu’une chose à faire : cuisiner ces douceurs chaque matin, comme si cette fête ne s’arrêtait jamais. C’est ce qu’Amsterdam me fait ressentir. Même plusieurs semaines après ce jour particulier, mon cœur bat toujours à son rythme, le charme opère toujours.

— On dort à l’hôtel non ?

— Non. Je t’ai dit que j’avais déjà une maison ici.

— Mais il va faire super froid dedans… s’indigne-t-elle.

Il arrive parfois que je regrette la bonne éducation insufflée par ma mère. Elle m’oblige, un trop grand nombre de fois, à retenir en moi ce que je pense réellement. Et c’est comme ça qu’à la place de lui répondre de manière sèche et acerbe, je lui offre un petit sourire.

Étonnamment, Lily descend la première du taxi. Je règle la course et la vois trépigner d’impatience pour savoir quelle est ma maison. J’ai beau avoir décidé moi-même comme un adulte de sa présence, je regrette déjà ma faiblesse. J’ai accepté qu’elle m’accompagne simplement pour ne pas être seul. Sans être complètement égoïste, je ne voulais pas revivre ma dernière arrivée à Amsterdam pour qu’encore une fois je ne revienne pas ici, étant attendu par personne dans un aéroport et traversant la ville dans un taxi vide, rentrer chez moi comme si j’étais un étranger.

Même si, avec un peu de recul, être seul, c’est souvent mieux qu’être mal accompagné. J’aurais dû savoir que sa présence me dérangerait. Maintenant qu’elle est avec moi, je ne peux pas faire grand-chose. Je me vois mal la renvoyer tout de suite, à peine une heure restée sur le sol amstellodamois. J’inspire profondément l’air pur de ma ville d’enfance, avant de me retourner vers elle, un sourire un peu constipé sur le visage. Elle n’y voit que du feu comme d’habitude. Ce qui est bien avec elle, c’est qu’elle ne voit que ce qu’elle veut voir. Et moi, auprès d’elle, j’ai tendance à faire abstraction de ce que j’entends et de ce qui se trouve devant moi. Tout du moins, c’est la conclusion à laquelle je suis arrivé en me rendant compte de qui elle était vraiment. Je comprends mieux pourquoi Lucas et sa femme la détestent profondément, ne comprenant pas ma décision.

Je passe à côté d’elle en l’ignorant, pour me diriger vers ma maison.

Les souvenirs refluent par centaines à la vue de la façade couleur brique. Peu de temps passé ici et pourtant tant d’attachements. Cette ville reste un ancrage pour ce que je suis, je ne peux le nier.

Mon ami Gustave, qui est également mon notaire, m’a dit que la locataire est une femme charmante, prenant soin des plantes et ayant de très bons rapports avec le voisinage.

Je suis reconnaissant qu’elle ait accepté de me loger le temps de mon passage ici. Elle m’a assuré que cela ne la dérangeait pas le moins du monde. Elle n’y était pas obligée, mais elle semble habiter seule et partager un moment avec des invités paraît lui faire très plaisir. De plus, nous attribuer une chambre dans une si grande maison n’est pas un problème selon elle.

Un peu gêné, je sonne chez moi. Des bruits de pas qui s’activent m’apprennent que je vais bientôt découvrir la personne qui loge chez moi depuis quasiment un an.

La porte glisse aussi aisément que la première fois. Je relève les yeux vers un visage, plus que familier. Ma bouche s’entrouvre pour chercher de l’air. Je crois tout d’abord à une hallucination.

Mes cils clignent plusieurs fois pour être sûr que je ne rêve pas.

Le visage de Tess reste impassible face à mon incompréhension. Si elle est choquée de me voir, elle le cache très bien.

Elle se mord la lèvre inférieure en se reculant pour m’inviter à entrer.

Je reste stoïque sur le pas de la porte. Incapable de passer le seuil de ma propre maison.

Chapitre 3 TESS

1er janvier 2021 - 13 h 47

On sonne à la porte d’entrée, certainement les visiteurs de passage dont m’a parlé le notaire. J’ouvre et reste quasiment paralysée devant la vision de deux personnes aux physiques malheureusement pas inconnus. Je raccroche mon téléphone au nez de Zoé, les yeux rivés sur Nolan. Son expression me paraît plus blême que lors de notre dernière rencontre. L’image que je garde de lui reste celle d’un visage énigmatique, presque froid, qui m’a observée étrangement dans ce parc, m’interrogeant sur le fait de l’aimer ou non. Une question piège. Quelle qu’ait été ma réponse, il ne m’aurait pas crue. À l’époque, je ne le savais pas sinon tout aurait été différent.

— Tess…

Mon cerveau met un instant avant de comprendre que la voix que j’entends n’est pas celle de mon visiteur, il s’agit de Tomás derrière moi. Il jauge du regard Nolan et pose une main sur mon épaule. Je ne bouge pas, paralysée.

Gustave lui a-t-il dit que j’étais la locataire ? À son air atterré, j’en doute. À moins que cela soit dû à la présence de Tomás dans sa maison. Je pince mes lèvres. Ce n’est vraiment pas une bonne idée de débarquer ainsi, sans prévenir. Mais si j’avais su que Nolan ferait partie des invités de passage, aurais-je accepté ?

Je regrette de ne pas avoir répondu à ma sœur avant, j’aurai pu anticiper un minimum cette situation scabreuse en me retrouvant seule ici pour…

Une silhouette plus fine se dessine derrière lui. J’écarquille les yeux. Lily, moulée dans un simili cuir qui lui va à merveille, jette de petits coups d’œil au-dessus de son épaule.

Je bous intérieurement en la voyant. Nolan voit mon changement de comportement, mais ne dit rien. Il reste muet tandis que je ressens le besoin de coller ma main contre le visage de quelqu’un de manière violente. Je respire profondément pour maîtriser toute la fureur qui est en moi.

Il a osé venir avec elle. Après ce qu’il m’a fait, il y a tout juste une semaine, il est là. La bouche en cœur accompagné de cette… J’arrête mes pensées ici, ne souhaitant pas insulter cette femme ridicule. Cela serait perdre du temps, de l’énergie et de l’espace mémoriel pour du vent.

Pire qu’une plante verte, Lily est un pissenlit. Si seulement une simple brise pouvait la faire s’envoler pour ne plus jamais la revoir. Mais elle n’a pas l’air de comprendre et si je dois me transformer en ouragan pour ne plus avoir à poser mes yeux sur elle, c’est avec plaisir.

Je suis sur le point de dire une bêtise quand Tomás compresse mon épaule. Il n’en faut pas plus. Pas plus pour que j’en comprenne le sens. On a dit qu’on ne devait rien dire de ce que nous avons fait depuis les derniers jours. À personne.

— Pour être sûr que rien ne nous échappe Tess, on doit parler le moins possible aux personnes sensibles à l’affaire. Cela concerne Bill, ma famille, mais aussi Nolan, a-t-il expliqué le premier soir.

— Je n’ai aucune intention de lui reparler un jour.

— Vraiment ?

Son étonnement, je l’ai traduit par un manque de confiance. Quoi de plus ironique que de le voir douter de moi après tous les mensonges qu’il m’a faits. Néanmoins, il avait raison. La colère me dévorait à cet instant-là et ma réponse n’avait rien de définitif, même si je ne m’en rendais pas compte.

— Oui, ai-je répondu en le fixant droit dans les yeux.

Mon assurance a su le convaincre. Et sa curiosité a pris le dessus.

— Alors, pourquoi faire tout ça ?

— Pour être droite dans mes baskets et parce que je suis un peu à l’origine de cette situation.

Je tressaille. Suis-je droite dans mes baskets ?

Sur l’instant, cela m’a paru être la vérité. J’avais l’impression de faire les bons choix. De pouvoir tout reprendre à zéro, d’effacer l’ardoise. Ensuite, je reprendrais le cours de ma vie. Avec de nouveaux objectifs. Professionnels, mais aussi personnels.

Depuis je suis revenue de Stockholm, j’ai beaucoup pensé à ma maison, aux travaux arrêtés.

Mais face à Nolan, je doute. Le cœur ne cicatrise pas en quelques jours. Revoir son visage, son corps et cette expression indéchiffrable au fond de ses yeux, c’est si violent et en même temps si bon.

Et puis, il y a cette femme à l’arrière, celle devant laquelle il s’est agenouillé, celle qu’il a demandée comme épouse, celle avec qui il m’a trahie.