Blandine, souvenirs d'enfance - Harry Trincheti - E-Book

Blandine, souvenirs d'enfance E-Book

Harry Trincheti

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Beschreibung

Chaque enfant rêve de princes, de princesses, de châteaux, c'est la nature et le sens propre de l'enfance avec son imaginaire et son innocence... Blandine est une princesse ou plutôt était une princesse, avec une maman sculptrice de visages d'hommes et un papa , grand journaliste, elle est en bon chemin... Hélas, la réalité détruit le rêve et l'avenir sombre se fera grand jour. Roman sentimental et émouvant. A lire absolument !

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**********

Pour contacter l’auteur : [email protected]

Paris, par une belle matinée d’été, une jeune fille se promène, vêtue d'un manteau mi-estival, de hautes chaussures vernies, d'une robe trois-quarts stricte et élégante, mais rien de plus, à l'écart de ces filles qui veulent imposer, impressionner ou de montrer ce qu'elles ne sont pas et ne seront jamais ou ce qu'elles n'ont pas et n'auront jamais.

Son physique est simple, voire banal ; un maquillage léger placé sur un look brun ordinaire, cheveux bruns de longueur moyenne retenus par un foulard bleu, attaché hâtivement autour d'une queue-de-cheval basse. Avec un sourire timide sur une bouche mince, presque invisible et un peu stricte, elle paraît un peu fatiguée, lasse, perdue, égarée...

Autant d'indices qui montrent qu'elle vient de quitter un lieu de spectacle, un cocktail ou une cérémonie importante.

De ce genre de cocktails, de demi-réceptions ou de vernissages, qui se déroulent souvent au petit matin parce qu'ils attirent à la fois les promeneurs matinaux et les noctambules qui terminent leur soirée, les randonneurs, les visiteurs ou les découvreurs de cette grande ville. Cela leur permet, plus tard, devant un petit déjeuner commandé au café local, d'avoir un café parfumé avec l'odeur envoûtante, encore jamais bu, de savourer un croissant avec une texture douce et un goût incomparable, pour avoir plus de potins au sujet d’untel ou untel à chuchoter, de croire en quelque chose de meilleur et de mirifique pour et envers chacun et, finalement faire l'expérience de l'espoir en refaisant le monde rempli de succès pour tous…

Elle, préoccupée, ne s’est pas arrêtée au café du coin ; elle marche vite, tourne à l'angle d'une rue qui ne l'intéresse pas pour déboucher sur une avenue. Furtivement, elle se retourne et, ne voyant personne derrière elle, ralentit le rythme et poursuit sa route plus lentement, l'air heureux mais toujours vigilante . Paris est une grande ville, où de nombreuses personnes en suivent une autre sans en avoir envie et parce qu'il doit y avoir un ou une suivante et un ou une précédente, c’est le principe d’une foule.

Mais elle semble bien soucieuse de se méfier ainsi de tous les passants et marcheurs de cette partie de la ville ; pire, elle semble même les fuir. Est-ce qu'elle, venant d'autre part, aurait des inquiétudes avec une personne, ou même plusieurs personnes?... Derrière ces apparences furtives, y a-t-il une peur, une angoisse, un malaise ? Nous ne sommes plus, dans les années 1950 avec, cachés dans tous les recoins, des espions, des tueurs à gages et autres, non ! On est dans notre temps, en 2018, le temps de l'électronique, de l'informatique, de la bonne vie, de la sérénité, de la vie simplement...

De plus, ce n'est pas le soleil ce matin; une brise légère agite les feuilles des arbres en bordure de l'avenue et la température est plutôt agréable, car nous sommes dans la saison fine. Cette jeune fille continue son chemin, maintenant sûre d'elle-même. Ainsi, elle n'est pas perdue dans cette grande ville; elle calme encore sa marche, un peu plus sereine, lorsqu'une voix l'appelle:

-Blandine !

Elle se retourna instinctivement, mais non angoissée, parce que, au fond, cette voix lui est familière, très familière et rassurante.

-Tiens, Gaston ! Que fais-tu là à cette heure ?… normalement, si je ne me trompe, tu es enfermé dans ton bureau en haut de cette tour de 30 étages dans le centre d’affaires de la Défense… Tu es malade ?

-Aucunement ma Blandine, j’ai simplement pris une petite journée de repos, et je me balade, j’ai un pote de travail qui me parle sans arrêt de ce quartier, alors ce matin je me suis levé tôt et je me suis lancé à l’aventure, ainsi je découvre gentiment ce vieux côté ancestral de la grande ville qui m’est totalement inconnue… Mais c’est à toi que je dois poser cette question, que fait actuellement ma vieille amie dans ce quartier ancien de la capitale ? Tu t’es perdue, ou tu cherches un de tes ancêtres en ce lieu centenaire .

-Ni l’un ni l’autre mon Gaston, je sors tout bonnement d’un vernissage que j’avais fait pour une amie Isabel Boturn, cette fille anglaise.

-Ce nom me revient, tu m’en avais parlé voilà quelques semaines, c’était la dernière fois qu’on s’était vu… Alors, cette exposition que tu devais entièrement préparer, qu’en est-il du résultat ?

-Une réussite totale, toutes et tous ne me lancent que des gentils compliments… Une de plus à mon tableau.

-Cela ne m’étonne aucunement, tu as l’art de bien faire les choses, de t’investir entièrement, tu as de plus beaucoup de goût, tout en sachant rester modeste, à l’écoute des autres, et des volontés… Je suis fier de toi, et tu en es à combien déjà ?

-C’est la quatrième en trois ans.

Blandine tout en parlant, se retourna furtivement comme si quelque chose la tracassait.

-Tu es sûre que tout va bien, je te vois regarder derrière toi comme si tu avais un souci, il t’est arrivée quelque chose ?

-Pour être franche, oui et non… si tu le veux, marchons ensemble vers le bout de cette grande rue, je vais t’expliquer… Voilà, je finissais de parler avec une invitée, qui me félicitait et venait de me donner sa carte de visite, lorsqu’un homme, très élégant, la quarantaine, très poli, s’est approché de moi, l’air sûr et charmeur, il m’a abordée mielleusement, essayant de m’envoûter de bonnes paroles gentilles, et de remerciements douteux, ce dont je me méfie depuis longtemps.

-Mais pourquoi le penses-tu ainsi ? des centaines de personnes sont amicales et souriantes, parfois même souvent gracieuses, chaleureuses et ne pensent pas au mal ou à autre chose ? Je ne vois rien d’anormal de ce gars.

-Peut-être pour toi, mais pour moi, en le voyant, il a fait instantanément remonter un passé que je croyais oublié, et aussi des souvenirs que je voulais perdus ou détruits à tout jamais… il faut que je t’en parle.

-Cela ne me dérange pas, s’il n’y a rien de secret ou d’intime pour toi… Allons à une terrasse de bistrot, prendre un petit verre de vin, cela te convient ?

-Juste un léger verre, car pendant le vernissage je viens d’en boire deux avec des bouts de pain ridicules, tartinés de mousses variées et quelques pistaches , je suis plus en manque de quelque chose de consistant.

-Alors, allons chez Tonio, il y a toujours à manger… c’est moi qui t’invite ma meilleure amie Blandine ! ce n’est pas trop loin, si tu peux encore marcher avec tes talons de deux mètres de haut… Comment faites-vous pour porter de telles chaussures à échasses ?… En te voyant, on dirait la tour Eiffel en promenade.

-C’est parce que tu es petit et que tu es jaloux… ta jalousie pour les belles filles et leurs hautes chaussures, c’est normal quand on mesure un mètre cinquante comme toi, avec des chaussures à talonnettes.

-Un mètre cinquante-deux et demi, trois quarts, depuis quelques heures.

-Tu es sûr que tu as grandi, ou ne serait-ce pas tes cheveux qui ont poussé ?

-C’est peut-être mes cheveux, tu as raison… maintenant que tu m’en parles.

-Je m’en doutais, ta croissance était finie pour toi, à l’âge de deux ans… Voilà quelque temps, tu avais encore ton hochet autour du cou. Quand je t’ai connu, tu étais déjà de cette taille, tu étais à jouer dans un parc avec ton seau et ta pelle, souviens-toi, c’était voilà deux ou trois ans.

-Ah, oui déjà ? comme le temps passe vite… Blandine, si tu continues à te foutre de mon beau physique d’Apollon, tu vas m’entendre.

-Physique d’Apollon… en plus, tu es aveugle… Tu dois peser trente kilos avec tes bottes pleines d’eau, franchement Gaston regarde la réalité en face, sois honnête avec toi...

-Justement avec toi à mes côtés, cela jure… moi je fais naturel, pas toi… Tiens, nous voilà arrivés !

Gaston habitué de l’endroit y entra comme chez lui.

-Salut tout le monde, salut Tonio !!!

-Salut Gaston… Tiens Blandine ! ça fait une éternité que je ne t’ai pas vue, tu n’as pas changé !

-Exact, cela doit faire, si je m’en souviens bien, six ou huit mois… Quand Gaston m’a dit ton nom, immédiatement j’ai pensé : « j’ai déjà entendu ce nom quelque part, mais je n’étais pas sûre ». Cela me revient maintenant, je reconnais ce lieu de goinfrerie des bons amis, et de toi, cela me fait tellement plaisir de te revoir.

-Et pourquoi ce silence ?

-Le travail, Tonio, juste beaucoup de travail.

-Et moi, on ne me demande pas ce que je fais ? Je sens mauvais des pieds… Tonio, la mémère a faim et moi aussi, alors une belle table pour deux, et toute ta réserve de manger.

-Asseyez-vous dans le petit coin au bout du restaurant, c’est très calme… je sors immédiatement les sangliers, les pintades, les rôtis, et les chevreuils. Il ne me reste plus qu’à tuer les escargots avec mon harpon, et tout sera parfait pour votre repas.

-Hé Tonio, ne tues pas le cuisinier comme la dernière fois, avec ton harpon, la police ne te croira plus, cette fois...

-Ne t’inquiètes pas Gaston, j’ai le bras long, je connais la concierge du cousin du commissaire.

-Rien ne change ici, cela fait plaisir, c’est un vrai moment de détente.

-C’est parce que j’y suis présent, ce lieu sans moi est d’un triste. Allez la mémère, allons nous asseoir au calme dans notre petit coin.

Gaston et Tonio sont les meilleurs amis de Blandine. Avec eux pas de chichi, pas de prout-prout, c’est du naturel total. Avec eux , c’est confiance, amitié, pas de mauvais coups, pas de trahison, pas de jalousie, rien que de la belle amitié sincère. Même s’ils ne se voient que rarement, ils pensent toujours les uns aux autres. Blandine, loin d’eux, pense à ses deux camarades. Mais, d’un naturel discret, elle ne dit rien, elle a du mal à s’extérioriser avec Tonio.

Gaston, pour vous le décrire au mieux, est brun, les yeux bleu foncé, les cheveux courts et légèrement ondulés, de taille moyenne et un caractère simple, sans manière, ne se prenant pas pour ce qu’il n’est pas. Pour lui, un chat est un chat. Il ne manque pas d’humour, mais conserve le respect… Il vit en couple avec Sylvie qui est la meilleure amie de Blandine. Une amie très sûre, sur qui elle peut compter. Et puis, elle a ses expositions à préparer et le temps lui manque pour penser à ses amis chaque jour, mais ils sont dans son cœur. Une fois que Gaston eut choisi une table , ils s’installèrent :

-Alors la mère Blandine, si nous reparlions de ton problème qui te tracasse tant ?

-Exact, voilà, tu me connais depuis longtemps, je m’appelle Blandine Lechêne, j’ai 26 ans, je suis fille unique de ma famille, et même en caractère…

-Cela, je le sais déjà, car je dois, hélas, te supporter depuis plusieurs mois… c’est mon calvaire… mais encore…

-Donc pour faire court sur ta gentille demande, cet homme qui m’a abordée dans son élégant costume sur mesure, son amabilité douteuse, sa délicatesse, et surtout son visage d’Apollon, m’a tout de suite ramenée à ma mère qui sculptait dans son atelier, des visages comme le sien.

-Oui, et quel est le problème ?

-Eh bien, j’y viens ! J’avais alors 11 ans, et comme toute jeune fille de cet âge, je passais devant ces hommes, les saluant juste d’un simple bonjour de respect, mais je n’étais point dupe de ce que je voyais. Je me rendais bien compte que dans cet atelier, il y avait des trésors de ce que nous donne vieille dame nature : la beauté de l’être.

-Je ne comprends toujours pas ton problème, la beauté existe, et alors ?

Un serveur arriva apportant les apéritifs et quelques friandises.

-Excusez-moi, c’est de la part de Tonio, il est en cuisine et ne peut venir, je vous pose cela… Avez-vous choisi vos plats ?

-Non pas encore, et toi Blandine ?

-Heu, non pas encore…

-Mettez cela ici pour l’instant, nous vous rappellerons dans quelques minutes, merci, c’est déjà un bon début… Alors la suite de ton histoire ?

-Bien pour être claire tout en ne l’étant pas trop, j’ai commencé lentement à diverger sur une autre branche, à laquelle je n’aurai jamais dû mettre les pieds, et qui a changé tout mon avenir.

-Tu ne vas pas me dire qu’à 11 ans, tu as fait l’impensable…

-Oh, non, pas cela, non, mais la jeune fille que tu connais, s’est prise de courage, et a bifurqué lentement mais sûrement vers un chemin dont elle ne connaissait pas les conséquences dans le futur. 11 ans, c’est l’âge où on ne réfléchit pas à l’avenir surtout, c’est l’âge où encore enfant et immature, on gambade en tombant seule sans voir les gros cailloux placés un peu partout sur le chemin de l’avenir.

-Tu as tout à fait raison, je peux te dire que mes parents se souviendront longtemps de mon enfance turbulente, entre les carreaux cassés, les chutes depuis les arbres, les hôpitaux en urgence, les points de suture, les chutes de vélo, et autres, mes parents sont devenus des saints.

-Tu faisais du vélo avec les 70 centimètres que tu mesurais, enfant ?

-Blandine, je n’ai pas fini mon apéritif, mais si tu veux le reste, continues à te foutre de moi, la vieille.

-Excuses-moi, je ne voulais pas te rappeler ton enfance, mais tu avais un marchepied pour grimper sur ton petit vélo à quatre roues ?

-Serveur, préparez l’addition, nous, enfin moi, je pars de suite.

-Pendant que tu y es, tu peux demander la carte des repas, je commence à avoir faim… N’oublies pas que c’est toi qui m’invites, tu n’es pas obligé de manger, mais moi, j’ai faim… Tu me regarderas.

-Apportez pour mademoiselle, les menus.

-Tenez, voici la carte.

-Je prendrai un menu complet, et pour toi ?

-La même chose… Savez-vous ce que devient Tonio, avec son harpon ?

-Je n’en sais rien, je vais voir…

-Vous pouvez, avant, nous faire une entrée maison rapide et simple ?

-Je vous apporte cela de suite… Un petit mélange ?

-Très bien pensé, nous vous faisons confiance… Alors, tu continues ta conversation la vieille ?

-Oui, où en étais-je ?… Oui, donc à cette époque, la jeune Blandine avait découvert un ou des trésors ne lui appartenant pas et dont elle voulait garder une petite partie. Et étant insouciante de l’avenir, elle s’est gentiment et hasardement engouffrée dans un dédale, dont elle ne calculait pas la suite.

Quelques minutes passèrent et le serveur revint tandis que Blandine continua à parler seule.

-Tenez vos entrées… Pour Tonio, il est en plein combat avec des escargots, m’a-t-il dit de vous avertir, mais il pense gagner le combat.

-J’ai confiance en lui, allez Tonio… Allez Tonio !

Blandine sortie de son histoire, trouva une énorme assiette de charcuterie et de mousses diverses, face à elle.

-Eh, pas tout cela, c’est de trop !

-Mais ce n’est que l’entrée, la viande arrive après… Tu ne vas pas quand même refuser trois kilos de très bonnes charcuteries faites maison, plus ces mousses de crevettes, de pois chiches, de crabes… Tonio va nous en vouloir et faire la tête.

-Au secours, appelle tout de suite les pompiers, qu’ils préparent un brancard !

-Toi et ta fascination pour les pompiers, comme toutes les filles… Penses un peu à Tonio, tout le mal qu’il s’est donné pour faire et te faire plaisir. Il t’aidera s’il le faut… en cas de danger.

-Il est loin d’être pompier avec le poids qu’il fait.

-Tonio… Blandine, elle vient de dire que tu ne feras jamais un bon pompier.

Tonio arriva à leur table, toujours aussi jovial :

-Laisses-la médire, c’est de la jalousie de fille… je vois bien qu’elle est en admiration devant mon corps de sportif de haut niveau.

-Et c’est quoi ton sport de haut niveau ?

-La sieste, ma fille, tout simplement la sieste.

-Tu as compris Blandine, Tonio est un sportif de haut niveau et il faut le respecter et l’écouter.

-C’est vrai que moi, je n’y suis jamais arrivée, respect Tonio ! Bon, eh bien, je suis tes recommandations de bel athlète… À l’attaque de cette montagne de très bonnes charcuteries et de mousses somptueuses et appétissantes à souhait que tu nous as préparé avec amour. Tu peux maintenant Tonio, préparer les chevreuils pour la suite.

-Ça, c’est la vraie Blandine que je connais… Fonce Tonio, et ajoutes-y aussi, une montagne de frites.

-Et une montagne de frites pour mes amis !

Une fois bien installés, ils commencèrent à manger :

-Alors la mémère, tu continues ton histoire ?

-Si cela ne te dérange pas…

-Ne cherche pas, continues !

-Maman, avant que je naisse, faisait de la sculpture, puis après ma naissance avait promis à mon père de s’occuper de mon éducation jusqu’à ce que je sois capable d’aller à l’école seule. Après à cette période, maman a repris son métier dans un petit atelier de notre grande maison. Et c’est pendant cette période que tout a changé pour la famille…

-Si je reviens à l’aube de ta retrouvaille de tout à l’heure, ce gars dont tu me parles, est ou représente ce que tu voyais régulièrement tous les jours dans l’atelier de ta mère.

-Exactement !

Tonio revint les voir :

-Alors les amis, c’est bon ?

-Tu ne peux savoir mon Tonio, tu devrais goûter, un vrai délice, je ne sais pas qui fait la cuisine ici, mais tu devrais y manger régulièrement.

-Gaston, que tu sois petit et moche, c’est une chose, mais idiot et stupide, cela me choque. D’après-toi, qui est le propriétaire de ce lieu miraculeux ?

-Tonio…

-Et qui en est le chef ?

-Bah Tonio, j’espère…

-Alors crétin de bon ami, Tonio mange ici tous les jours.

-Ah, c’est pour cela qu’il est toujours présent et aussi sportif.

-Laisses tomber Tonio, quand Gaston mange, je me suis aperçue que son cerveau court-circuitait, et qu’il n’y en avait rien à obtenir… En tout cas, c’est délicieux, merci pour tout.

-Ce n’est rien ! les amis , c’est fait pour aider, et puis vous voir me fait plaisir… Et c’est quoi ton travail actuellement Blandine ?

-Je prépare des expositions pour des créateurs ou créatrices, qui n’ont pas le temps ni les idées pour le final. Je viens juste de sortir d’un vernissage situé à quelques rues de là, dans le marais, place des Vosges.

-Je connais l’endroit, et je vois où est cette expo… Et cela paie bien ?

-Ouais je ne me plains pas, cela paie aisément le loyer et le reste.

-Et moi on ne me demande pas ce que je fais toute la journée, je dérange certainement ?

-Mon ami Gaston, et toi, que fais-tu toute la journée ?

-Rien d’intéressant, pas de quoi en parler… De plus pendant que je mange je ne parle pas travail, cela me coupe la faim.

-Comment j’ai pu faire pour rencontrer un sale jour, un gars comme toi, Gaston, tu me désoles grandement, pourtant mon horoscope était favorable à une belle rencontre.

-Tu ne peux avoir, ma beauté et mon intelligence…

-Tonio, tapes-moi vite dans le dos, je viens d’avaler de travers… Toi, beau et intelligent, où ? Tu es petit, pas grand, tu manges comme un cochon, tu en mets partout et encore plus loin… même Tonio te voyant venir vers son restaurant, se dit qu’il va perdre hélas de très bons clients, il t’accepte par gentillesse du cœur… Gaston, restes dans ta dimension logique… Tous deux, c’est par pitié que nous te gardons comme ami.

-J’en suis très heureux, merci, et il est possible d’avoir une autre montagne de frites ?

-Tonio, dis-toi bien que ta chère amie Blandine n’est en aucune manière responsable de ce que tu vois et entends. Je ne connais que très peu, cet individu qui… mange ou gloutonne, je ne sais comment donner un nom sur ce que je vois actuellement face à moi, je ne sais en faire une description exacte.

-Je te pardonne Blandine, et je vous apporte rapidement une autre montagne de frites.

-Tonio, je t’aime…

-Moi aussi Gaston…

-Préparez, une montagne de frites pour mes amis !

-Gaston puis-je te poser une question personnelle et délicate ?

-Bien sûr, j’attends…

-Où places-tu tout ce que tu manges ? tu es gros comme un tournevis, et tu manges comme une équipe de rugby.

-Moi, je mange, et Tonio grossit, chacun sa part du gâteau… tiens, il faut que je commande une pêche melba pour le dessert.

Une fois le repas fini, tous deux se levèrent et avancèrent vers Tonio.

-Bon, allez mon Tonio, je dois ramener, la mémère chez elle, c’est à regret que je quitte cet endroit magique… quant à toi la vieille, dis au revoir au monsieur qui t’a gentiment nourrie.

-Au revoir monsieur le pompier sportif de haut niveau… Tonio, cela a été un moment formidable, viens que je t’embrasse, mon Tonio.

-J’aurai dû faire pompier… avec les filles, il faut toujours faire pompier.

-Mais ne sois pas jaloux Gaston, Tonio va te faire la bise aussi…

-J’aime pas les sportifs de haut niveau.

-C’est normal, tu es trop petit pour comprendre… Allez, à plus Tonio et merci pour ton amitié sincère et honnête, pour le bonheur que tu apportes et pour tout le reste… Gaston, où as-tu garé ton vélo à quatre roues ?

-Toi la mémère, attends que nous soyons seuls et tu vas voir mon petit vélo… Allez, merci pour cet excellent repas et pour tout mon Tonio, grosse bise et à la prochaine.

-Rentrez bien, et j’espère à très bientôt.

Blandine et Gaston sortirent du restaurant , ils se mirent en marche , se dirigèrent sur le grand boulevard.

-Bien trop mangé, je suis serrée dans ma robe de vernissage.

-Pour être franc, je ne suis pas mieux dans mon pantalon, les pinces que m’avait faites Sylvie vont craquer.

-Que devient ta charmante copine et future femme ?

-Elle est actuellement chez ses parents, son père est tombé dans l’escalier de chez eux… il vient d’être opéré d’un genou, il en a pour plusieurs mois de soins. Quant à Sylvie, elle continue sa progression sociale, elle va devenir chef de service dans sa boîte de méthodologie.

-Je suis fière pour elle, et toi, normalement tu briguais un poste à responsabilités, qu’en devient cette possibilité ?

-C’est repoussé à quelques mois, il y a eu entre-temps, une restructuration, suite à un rachat d’une autre société par la nôtre.

-Et le mariage ?

-Il se fera comme prévu cette année… Quoique avec tout ce qui change et nous pousse vers d’autres postes, le travail passe avant tout, et les préparations sont légèrement mises sur le côté. Et toi, pas d’homme dans ta vie ?

-Ça ne va pas !… il faut déjà que je te supporte comme ami, alors un autre et ma vie va devenir un enfer.

-Tu dis cela parce que tu m’aimes.

-Moi, aimer un cochon qui mange comme un porcinet, petit et bientôt marié avec une fille… Tu fais erreur… je suis responsable et j’ai la tête sur les épaules, moi… de plus je sais fortement que je finirai ma vie seule, vu ce que j’ai vécu.

-L’avenir te donnera tort la mémère, nous en reparlerons le jour de ton mariage.

-Me marier, moi, tu devrais changer tes lunettes, ta vue a encore baissé… Je ne veux en aucun cas me marier, vu ce que j’ai vu… Quant au soi-disant homme de ma vie, il doit être loin d’ici et en sécurité.

-Nous en reparlerons à cette période, dans ta belle robe blanche… Pour l’instant, je dois aller dans un magasin, tu viens avec moi ?

-Pourquoi pas, cela me changera… Allez mon Gaston en route !

Le temps a passé très vite et la soirée est arrivée, les deux se sont séparés et chacun a recommencé sa jonction. Gaston a simplement pris le métro et Blandine est retournée chez elle à pied, pas trop loin.

Lorsqu'elle est arrivée à l'avant de l’immeuble, elle a poussé lentement, la lourde porte en bois, puis elle est passée sous le porche et appuya sur le bouton lumineux qui illuminait doucement les quatre demi-lanternes placées sur chaque mur. Une ancienne cour intérieure d'une autre époque encore plus ancienne, dont le sol est recouvert de pavés anciens, comme cette ancienne piste cyclable, appelée Paris-Roubaix. L'endroit est silencieux, très silencieux, voire effrayant, mais les claquements de serrure électrique lui ont redonné confiance. Elle se déplaçait lentement, non pas par crainte que quelque chose ou quelqu'un d'autre la suive encore, mais plutôt par peur de se tordre les pieds et les talons hauts sur les pavés ou entre ceux-ci. Dans cette cour éloignée du bruit, ses talons résonnaient étonnamment, puis elle se mit à marcher sur la pointe des pieds. Une voix lui cria alors:

-Bonsoir, mademoiselle Lechêne, avez-vous passé une bonne journée ?

-Madame Lelong… excusez-moi, je ne vous avais pas vue, je faisais attention à ne pas tomber, car j’ai aujourd’hui des chaussures à hauts talons et avec ces pavés, pour être franche, j’ai peur de me rétamer ou de me tordre une cheville…

-Vous avez fortement raison, je ne porte jamais de chaussures hautes ici, mais d’où sortez-vous vêtue de tout de belle ?

-De mon vernissage pour cette exposition dont je vous avais parlé voilà une semaine…

-Exact, alors c’était aujourd’hui le grand jour et tout s’est bien passé ?

-Formidable, je suis heureuse vu les compliments nombreux que j’ai reçu…

-Cela me fait très plaisir pour vous… je vais vous laisser, je dois courir à l’épicerie chercher de l’huile, j’ai oublié d’en prendre ce matin, et comme on dit, « quand on n’a pas de tête, on a des jambes »… je fonce, bonne fin de soirée et bravo.

-Merci et faites attention à ne pas chuter ou glisser sur les pavés…

-Ne vous inquiétez pas, je les connais depuis mon enfance, ils n’ont plus de mystère pour moi, je les ai domptés avec le temps.

Blandine continua son chemin vers la seconde cour pavée et arriva à se retrouver sur une cour en béton lisse où elle respirait d'arriver entière. Elle poussa la clé dans la serrure de sécurité placée devant l'escalier privé, poussa la porte, l'endroit était calme et silencieux. Il faut dire qu'il n'y a que deux étages, et que le second est occupé par un couple aisé, presque jamais présent, toujours en voyage. Lui était un ancien diplomate ou un truc du genre, donc rester chez eux, ce n’est pas grand-chose pour eux. Ils se trouvent en ce moment en Malaisie pour deux ou trois mois.

Sachant qu'elle était seule et en sécurité, elle s'assit calmement sur les premières marches, laissa la lumière s'éteindre et pensa au retour des images du passé. Elle ne comprenait pas vraiment la raison de ce retour si éloigné, mais laissait lentement ces images revenir à sa mémoire, oubliant où elle était assise.

J’avais demandé à maman, vers l’âge de onze ans et demi, de surtout ne plus m’appeler devant les personnes, ma petite, ou bien d’un diminutif idiot comme, ma fifille ou ma nénette, mon bébé, mon ange, et pourquoi pas ma nounoune…

Mes sourires d’une minute de ces beaux visages, en entendant cela, se seraient joyeusement moqués de moi, et m’auraient cataloguée comme une petite, une enfant, une immature, une rien, pas comme une princesse. Là, mon honneur était sauf… Je devenais ! J'ai fermement imposé mon nom, il est doux, et a été choisi par mon père qui à ce moment-là avait une vénération pour sainte Blandine. J’en étais fière étant la seule dans ma classe, mais surtout j’étais passée à côté de ces prénoms horribles et disgracieux que je ne peux citer par peur de faire honte à celles qui les portent, et surtout que on entend régulièrement à chaque coin de rue. J’avais cherché dans le village, il n’y avait que deux Blandine, moi, et une vieille femme âgée et gâteuse. Entendant mon prénom, ces beaux visages ne pouvaient plus tard, que penser ou se souvenir non pas de la vieille femme toute tordue et pas droite, mais de moi, le petit oiseau commençant à gazouiller, et aux plumes colorées. J’apportais de l’importance aussi à mon entourage de beaux visages qui me croisaient momentanément, et rapidement, jetant un regard furtif d’adulte sur une toute jeune fille, innocente. Cependant de mon côté, je biglais vers eux de la même façon. De plus, je ne tenais pas à passer mes nuits sans personne à qui parler et faire disparaître définitivement mes voyages de nuit, mes amours nocturnes et mes chevaliers souriants, transits d’amour pour Blandine la douce. Comme toutes celles de mon âge, il y avait des jeux pour enfants.

Et malicieusement, de temps à autre, j'ai eu l'idée, de jouer devant ou au moins pas très loin de ce lieu mystérieux. N'ayant pas de sol dur, pour jouer à la marelle, j'ai simplifié ma vie, en revenant au rituel ancestral, l'éternelle corde à sauter. Lorsque vous êtes un enfant, et pas trop enveloppé, ce jeu vous donne déjà un peu de ressort, également accompagné de flexibilité. Il est simple et plait à tous, surtout aux messieurs, qui voyant cette jeune fille jouer avec sa corde souplement et lestement, regardent gentiment avec un beau petit sourire de plaisir cette jeune fille se dépenser. Je passais des heures à apprendre avec cette maudite corde, à lever les deux jambes sans tomber et me ridiculiser devant eux… J’étais souple comme une tige en acier, voyez le travail. Seule sur mon chemin d’école, j’avais ma corde, et je me contraignais à apprendre, et donc devant eux, à ne pas me faire passer pour une cruche. Étonnamment, parfois, je tombais par inadvertance, et je les voyais accourir pour venir me chercher et vérifier ce qu'il en était. Une chute donne à ce que je m’en apercevais, plus de résultats qu’une victoire. J'ai dû arrêter, en voyant le visage de maman, légèrement irrité par mes petites bêtises calculées. Je me tournais donc vers un autre jeu, j’avais la marelle, hélas, sur du gravier, autant jouer à la poupée, j’avais 1, 2, 3, soleil, mais toute seule, le résultat est vite trouvé, J’avais cache-cache, mais toujours seule, impossible de me trouver. Enfin un jour, parlant à papa du cirque et des jongleurs, il a gentiment rapporté tout le matériel de jonglage... Quel plaisir ! Je me mis de suite au diabolo, ce petit appareil qu'on lance avec une ficelle. Eh bien, au début, je l'ai fait le dimanche et à l'arrière du parc pour ne pas casser la maison, ou coincer l' appareil dans les caniveaux. Après quelque temps, ayant annulé la corde à sauter, sur les regards inquiétants de maman, je me jetai passionnément dans cette petite démonstration en me plaçant devant l'atelier. Avec un gentil sourire angélique, je me faisais alors admirer par ces beaux messieurs, sous le charme de cette jeune fille si adroite. Je n’en demandais pas tant. Mais tous les jeux ont un temps.

C’est étrange, chaque fois qu’on se souvient, il faut toujours y voir un ciel bleu sans nuages, où sont-ils passés tous ces nuages ? Il doit y avoir des ciels gris argile ou gris souris, je ne demande pas la lune… En parlant de ciel gris, justement, il m’en revient un en mémoire, et celui-ci m’était resté dans la gorge pendant longtemps…

Un soir sortant de l’école, il avait fait un temps mitigé, mais avec une petite victoire pour le soleil. J'ai quitté la maison le matin, vêtue d'une jupe, de demi-chaussettes et de chaussures basses. Hélas, le temps, le mauvais temps, tu t'étais joué de moi, et maintenant, à la sortie de l'école, une pluie moyenne, je dirais, arrivait. En regardant le ciel et en essayant de regarder le vent par les branches et d'autres points de repère, rien n'a été remarqué. Qui allait me donner une quelconque réponse ? J’attendis dix minutes, mais rien ne changea. Je me pris alors de courage, et changeant mon itinéraire, non par le petit chemin habituel, mais par la grande route plus rapide, je m’élançais. En essayant d'éviter les flaques d'eau et les trous, j'ai commencé à courir pour éviter de manquer mon «beau visage» de la journée. J'avais 12 ans à ce moment-là, et manquer cette réunion privée était impossible. Hélas, la campagne et les routes ne sont parfois pas sûres, et il y a toujours à ce moment, ou une voiture passe près de vous, et vous envoie gentiment et galamment beaucoup d’eau sur les vêtements. Ainsi, en quelques minutes, la jeune princesse Blandine, devint « soupe à l’eau », toute trempée, même inondée par divers éléments parfois malsains et volontaires, des personnes croisées. En plus, la terre devenant liquide et pâteuse, crottait gentiment, généreusement et affectueusement mes bas de jambes, cachant peu à peu, mes chaussures et mes demi-chaussettes. En gros pour me décrire, j’avais les jambes pleines de boue. Cendrillon devant moi aurait ressemblé à une reine, et aurait remporté le concours de beauté avec brio maintenant. J’étais d’un ridicule affligeant, car mes cheveux dégoulinaient de partout. Me sachant en retard, j’espérais fortement que pour ce jour triste et morbide, mon chevalier au beau visage soit parti plus tôt, et ne me voit pas dans un tel accoutrement et une telle détresse profonde.

J’arrivais à la grande maison, me dirigeais vers le hangar, et ne voyant personne, d’abord je respirais fortement, puis ressortis de l’endroit, allégé. Je marchais, quand soudainement la porte de l'atelier s'est ouverte... Maman et le beau visage est sorti de là... l'horreur. Me voyant, tous deux ils se mirent à rire fortement, et lui, cet idiot, au lieu comme tous les chevaliers, de prendre pitié pour sa princesse, a dit :

-Mettez-vous au sec, il paraît qu’il va bientôt pleuvoir, jeune fille.

Et maman de dire traîtreusement :

-Mais si tu m’avais écoutée ma petite fille, cela ne serait pas arrivé, tu es encore une enfant… Écoutes toujours ta maman, mon bébé !

-Mon bébé… l’humiliation, l’infamie, la traîtrise, le coup de couteau au cœur d’une mère pour sa fille, elle ne se rappelait donc pas ce que je lui avais demandé quelque temps avant. Je rentrais dans la maison humiliée, en colère et bafouée. Ce fut la première fois, qu’un beau visage me fit tant de mal et ce premier coup de poignard allait après quelques années, me changer dans mes rêves de princesse et de chevaliers. Oh, celui-ci la nuit venue, je me suis assurée que ses vieux jours seraient horribles. Il a fini au fond d’une prison de basse-fosse, dans un château en ruine, rempli de rats lui dévorant les pieds… Et devra se nourrir de bouts de pains secs comme des cailloux… Vengeance, vengeance d’une douce et gentille princesse, très tendresse nommée Blandine. Pour maman, mon regard d'enfant sur elle et ma confiance l'avaient tous deux fait descendre dans mon estime de princesse. Quant à l'autre, en me réveillant le matin, il avait complètement disparu de la liste de mes prétendants. Depuis, je n'ai pas eu de nouvelles de lui dans mes rêves.

Lorsque je pense à toute cette enfance, le subterfuge du hangar, et ma volonté de voir pour quelques secondes, ces hommes, ces visages, je ne sais plus qui je suis. Elle est très loin cette Blandine... A-t-elle mûri, réfléchi, oublié ou simplement compris que demain ne serait pas comme ça ? Non, je pense surtout que ça, ou plutôt que cette sale journée allait mettre un terme à ses rêves mystiques, enfantins et innocents, un peu bêta sur les bords… mais cela, c’est pour plus tard. Si vous voulez bien m'excuser, ma tête n'est pas à sa place avec ce triste souvenir de maman, j'ai oublié l'essentiel, vous expliquer le hangar.

Vers l'âge stupide, lorsque les garçons ou les filles réalisent qu'il y a quelque chose d'autre dans leur vie d'enfance. Ils cherchent alors à dépasser les limites du possible et à aller vers l'interdit. Ce fut mon cas. J’avais alors onze ans et demi et de voir tous ces beaux visages de loin ne m’était plus possible, je devenais effrontée dans la volonté de les voir plus longtemps. Ça fait du bien de les voir et de leur sourire comme ça, mais j’en voulais plus. J’ai alors cherché, je ne pouvais demander clairement à maman si je pouvais participer à la pose, en candidate libre, elle aurait immédiatement refusée, et se serait posée des questions sur moi. Je me serais fait griller.

Quant à l'alibi de «Maman, j'aimerais faire ce métier plus tard», lui jetterait un doute total, que même moi je ne croirais pas du tout. Je devais les voir à tout prix, alors j'ai encerclé l'endroit, je cherchais des échappatoires, je regardais, je fouillais, j'examinais partout les murs. Puis j'atterris dans ce hangar abandonné, plein de saletés diverses laissées là au fil du temps. En y réfléchissant, tactiquement, il détenait la palme du meilleur emplacement. Mais il me fallait me faire ma position interne, mon campement, mon repli, mon secteur, ma base avancée. Maintenant, c'est un gros problème, parce que si je devais commencer à nettoyer ouvertement l'endroit, Maman trouverait la chose douteuse. Alors, millimètre par millimètre, je déplaçais, poussais, écartais, virais, faisant peu de place, pour que finalement la princesse puisse, en tout respect pour son titre et sa beauté, observer en paix, ces beaux visages.

Arriva le grand jour, et là, enfin, ils étaient là au rendez-vous, merci courage, merci la vie, merci la possibilité et merci à Blandine, vous êtes intronisée immédiatement, duchesse du comté. Quant à la fin de l’école, le soir, je revenais en courant dans le petit chemin, ne regardant plus, arbres, rivière, buissons et oiseaux, car un panorama beaucoup plus beau m’attendait au bout de ce chemin, eux, mes beaux visages… Là, je me cachais soigneusement, subrepticement pour le spectacle. Dans cet endroit légèrement en coin, j’avais précautionneusement creusé un petit trou, où par lequel, je pouvais observer mon visage du jour. De plus, pour que maman me voie, elle devait tourner complètement sur un angle, quant à mes beaux visages, tourner un peu la tête sur le côté. Heureuse de mon camouflage, je me languissais de leur beauté. J’attendais en rêvant que finisse la période de pose, et rapidement, allais m’installer devant le parterre de fleurs placé à quelques mètres de la porte de sortie de l’atelier, et faisant semblant de m’en occuper tout en ayant l'air de m'en inquiéter, il y avait aussi le truc de ramasser ou de m’occuper étrangement du massif de fleurs placé devant l’atelier, et disant, « J’aime cet endroit, maman je pense que cette fin de semaine, je vais aérer ces belles fleurs, envahies par la mauvaise herbe »... etc. Mais ce petit coin de rêve pour la princesse, n’était que temporaire attirant ainsi leurs regards sur moi, de me faire importante, et surtout qu’ils me gardent dans leur mémoires, qu’ils me sourient, que je devienne un coin de rêve pour eux. Je pense et j’en suis sûre, que maman avait très vite compris mes intentions, mon stratagème et mes semblants d’amour pour ce parterre de fleurs… car j’apercevais parfois un petit sourire me disant « J’ai compris ma fille, profites-en bien, tu es jeune, et cela te passera vite ».

Une lumière au loin la sortit de ses pensées, c’était madame Lelong qui revenait de l’épicerie et rentrait dans son bâtiment situé dans la deuxième cour.

-Depuis combien de temps suis-je ici ? Je n’ai pas vu le temps passer.

Elle se leva, accrochée à la balustrade de bois verni marron foncé, lentement grimpa les quelques marches en bois du vieil escalier verni, puis arrivant à sa porte, ouvrit la serrure, poussa la porte, alluma la lumière dans la petite entrée, referma l'ancienne porte.

Elle se débarrassa rapidement de ses hauts talons et de son manteau, qu'elle a rapidement placé sur la boule prévue pour lui et, finalement, marcha rapidement sur le tapis doux et chaud du salon. Elle se sentit ainsi libérée et à l'aise.

-Home sweet home ! dit le petit texte, maison douce maison, me revoilà chez nous, tu me manquais mon chez-moi, j’aime bien sortir, mais je suis heureuse de te retrouver.

Blandine rassurée, ferma ses volets électriques, s’avança vers la salle de bain et se détendit sous une bonne douche chaude et réconfortante. Et après avoir sereinement vérifié ses messages, s’enfonça moelleusement dans la couette de son lit et vite fait s’endormit.

-Maman, qu’est-ce que tu fais de tous ces visages que tu as sculptés ?

-Une fois finis, secs et passés au four, ils sont envoyés dans un endroit qui m’est inconnu, et de là, je n’en sais aucunement la suite… pourquoi ?

-Tu n’en gardes jamais ?

-Au tout début, si… mais comme ils sont achetés et sans importance, je les vends.

-Mais, il n’y en a pas parfois que tu peux garder, parce que…

-Parce que quoi ?… Voudrais-tu me dire que mon atelier doive devenir un musée des têtes ?

-Non, mais, ne te donnent-ils pas parfois envie d’en garder un, parce que.

-Ton père a été clair là-dessus, que je sculpte d’accord, mais pas de souvenirs. Et je suis en accord avec ses volontés… De plus, j’ai un monsieur tous les deux jours, alors quand la commande se fait, elle est comptabilisée, il en faut tant et pas moins.

-Et au tout début ?

-Ah, il y a des restes, mais ceux-là sont affreux… Je ne veux pas dire qu’ils étaient moches, ne te méprends pas, je veux dire qu’ils sont ratés, car c’était mon début… ce n’est pas la même chose. Ne va pas t’imaginer que je fantasme sur ces personnes, aucunement… je suis la femme de ton père, exclusivement… Mon regard sur eux est simplement professionnel, sans plus. Ils sont modèles, et moi sculptrice.

-Si c’était moi…

-Je ne suis et ne serai aucunement toi… Tu comprendras en grandissant et vieillissant. Tu verras la différence entre le travail et la volonté. Allez, retournons à la maison.

Cela lui revint en rêve et finit par la réveiller. Un peu mal à l’aise, elle se retourna dans son lit pensant que ce réveil arrêterait ce mauvais retour, finit par se rendormir, mais cela continua :

-Maman, serais-tu d’accord pour faire une sculpture de mon visage ?

Me regardant étrangement, elle me répondit :

-Tu es trop jeune, cela ne donnerait rien, de plus actuellement, je n’ai que peu de temps, et une fois finie ma séance de pose rapide, je suis éreintée. Quant à ma fin de semaine, je la privilégie pour ma fille et son papa… fermé l’atelier.

En clair, vas voir ailleurs si j’y suis, ma fille… Je n’avais rien dit, comprenant gentiment que mon visage serait fait, si cela était possible, le 35 février du siècle prochain. Je n’avais aucune colère, ni rancune, je