Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Passionné de littérature, Jungyu, jeune étudiant particulièrement renfermé, avait jadis tenté de vaincre sa timidité maladive à l'aide de cours de théâtre. Il menait aujourd'hui une vie stable grâce au petit job de serveur à temps partiel qu'il occupait dans un café près de l'université. Cependant, lorsqu'il se vit contraint de quitter ce travail, il lui fallut rapidement se rendre à l'évidence : le seul poste intéressant qui s'offrait à lui désormais était celui de serveur dans un café tenu par un certain Kim Yeonu, un café peu banal...
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 671
Veröffentlichungsjahr: 2022
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
À ma famille, mes amis, mes abonnés,
qui demeureront mes plus indéfectibles soutiens.
À ma sœur,
le plus précieux de ces soutiens.
Merci pour toute l’attention apportée à ce livre sur les réseaux,
l’écrire fut une aventure formidable à vos côtés.
À ce groupe que j’admire,
et sans lequel ce roman n’aurait jamais existé.
Du même auteur…
Sonate (mai 2021)
Du bout des doigts 1 (août 2021)
Du bout des doigts 2 (octobre 2021)
À la croisée des suicides (novembre 2021)
L’étoile de Noël (novembre 2021)
Boy’s love Café 1 (février 2022)
Symphonie (mars 2022)
Boy’s love Café 2 (avril 2022)
Dans l’ombre de sa folie (juin 2022)
AVANT-PROPOS
PROLOGUE
CHAPITRE 102
CHAPITRE 103
CHAPITRE 104
CHAPITRE 105
CHAPITRE 106
CHAPITRE 107
CHAPITRE 108
CHAPITRE 109
CHAPITRE 110
CHAPITRE 111
CHAPITRE 112
CHAPITRE 113
CHAPITRE 114
CHAPITRE 115
CHAPITRE 116
CHAPITRE 117
CHAPITRE 118
CHAPITRE 119
CHAPITRE 120
CHAPITRE 121
CHAPITRE 122
CHAPITRE 123
CHAPITRE 124
CHAPITRE 125
CHAPITRE 126
CHAPITRE 127
CHAPITRE 128
CHAPITRE 129
CHAPITRE 130
CHAPITRE 131
CHAPITRE 132
CHAPITRE 133
CHAPITRE 134
CHAPITRE 135
CHAPITRE 136
CHAPITRE 137
CHAPITRE 138
CHAPITRE 139
CHAPITRE 140
CHAPITRE 141
CHAPITRE 142
CHAPITRE 143
CHAPITRE 144
CHAPITRE 145
CHAPITRE 146
CHAPITRE 147
CHAPITRE 148
CHAPITRE 149
CHAPITRE 150
CHAPITRE 151
CHAPITRE 152
CHAPITRE 153
NOTE
Boy’s love Café est un roman originellement constitué d’un unique tome. Beaucoup trop long pour être édité en un seul livre, cependant, il m’a fallu le couper en cinq alors même qu’il n’avait pas vocation à l’être, c’est pour cette raison que j’ai décidé que pour plus de clarté, ce livre allait commencer non pas au chapitre 1, mais au chapitre 102. Je m’excuse pour ce désagrément et espère que ça ne hachera pas de manière trop gênante votre lecture. Ma sœur et moi faisons tout pour éditer au plus vite et au mieux les tomes suivants.
En effet, il s’agit d’autoédition. De fait, si nous demeurons toutes deux très attentives aux erreurs qui ont pu se glisser dans ce texte, nous ne sommes pas infaillibles pour autant. Je suis désolée, je fais sincèrement de mon mieux pour sortir ces romans avec un nombre de coquilles au plus bas.
À noter également : ce livre contient plusieurs scènes explicites. N’hésitez pas à passer au chapitre suivant si cela vous dérange. Je me suis contentée de corriger et publier le texte tel que je l’avais posté sur Wattpad, je ne souhaitais pas censurer ces passages appréciés par mon lectorat. J’ai donc choisi de les conserver en dépit de leur caractère sexuel. De même, cette histoire se définit par la douceur de ses protagonistes, son côté « soft ». Ça ne plaira pas à tous, mais à moi, ça me plaît. J’aime les romans débordants de tendresse et de bonnes intentions. :3
Bref ! Je vous souhaite une bonne lecture et vous remercie encore de vous être procuré ce livre. J’espère sincèrement qu’il vous satisfera !
Dans le tome précédent…
« Hyung, je crois que je vais mourir…
— Dans ce cas, écrivons rapidement un mot pour demander à ceux qui retrouveront nos cadavres de nous enterrer côte à côte.
— Qu’est-ce que tu racontes encore ? soupira Jungyu malgré le rictus qui venait de naître sur ses lèvres.
— C’est comme tu veux, mais si je suis enterré à côté d’un vieux ennuyeux au point de vouloir en mourir une seconde fois, je vais pas passer un bon après. Autant qu’on soit mis côte à côte, on pourra se faire des soirées mousse au cimetière… avec la mousse des arbres et de nos tombes laissées à l’abandon.
— Je sais même pas quoi répondre…
— Je sens que l’idée te plaît, sourit fièrement Sangchan.
— J’en suis enchanté d’avance, oui, je me demande même comment j’ai fait pour pas y penser moi-même.
— Tss, idiot. »
Sangchan donna un coup d’épaule à l’autre qui lui tira la langue avec malice. Fatigués, ils avaient pourtant tous les deux le cœur léger : c’était mercredi, l’après-midi s’achevait. La veille, les deux amis avaient convenu de se retrouver avant leurs deux rendez-vous du soir, histoire de parler des examens qu’ils venaient juste de terminer.
Enfin Jungyu avait fini son année, d’ici à peine quelques semaines il saurait s’il avait ou non obtenu son diplôme – ou du moins il saurait avec quelles notes il avait obtenu son diplôme. Épuisés mais satisfaits de leur travail, les deux garçons étaient assis sur le lit de l’aîné, chacun avec un verre de jus de fruits et un biscuit entre les mains. Sangchan, pour détendre l’atmosphère, avait décidé de rester fidèle à luimême et de distraire son meilleur ami avec ses inepties.
Et ça avait marché : le coup de fatigue oublié, Jungyu avait retrouvé son habituel sourire timide ainsi que sa bonne humeur. Son cadet était ravi : il allait passer la fin d’aprèsmidi avec Sangchan puis la soirée avec Yeonu. La journée ne pouvait pas s’annoncer plus agréable – en espérant bien sûr qu’elle le soit…
« D’ailleurs j’y pense, reprit Sangchan après avoir croqué dans son biscuit, comment ça avance avec Yeonu ?
— Plutôt bien, sourit Jungyu en opinant pour appuyer sa réponse, on n’a pas pu avoir notre cours lundi mais on va le rattraper ce soir. Je sens que j’ai déjà plus confiance en moi et je…
— Junie, quand je te demande comment ça avance avec Yeonu, je te demande pas ça pour savoir où vous en êtes dans vos cours mais plutôt… pour savoir comment ça avance du point de vue, disons, d’une relation plus personnelle… »
Le sourcil arqué, le regard inquisiteur et le sourire en coin de son ami firent aussitôt comprendre à Jungyu ce qu’il voulait dire. Le jeune garçon vira au rouge et agita les mains devant lui sous l’effet de l’embarras.
« Hyung, qu’est-ce que tu racontes !
— Bah quoi ? Je suis curieux, je veux savoir ! Chaque fois qu’on s’envoie des messages t’as eu ou tu vas avoir un rendez-vous avec Yeonu. À moi on la fait pas, je te connais : ça sent le coup de cœur à plein nez !
— C’est ridicule ! protesta encore Jungyu, pourtant trahi par cette véhémence. Je le vois seulement quand on doit bosser pour mes performances !
— Et à quand la performance dans son lit ?
— Jamais, laisse-moi t’es grave gênant !
— Oh mais t’en fais pas mon Junie, je lui dirais pas à mon Yeonie que t’en pinces pour lui. Je vais t’aider à le faire succomber, tu verras ça va marcher du tonnerre ! Je le connais tellement bien que ça pourra pas louper !
— Mais hyung, je t’ai dit que je l’aimais pas, râla Jungyu humilié de sa transparence.
— Bien sûr, bien sûr, dans ce cas si tu préfères, on va dire que dans l’éventualité où tu craquerais pour lui, je vais te faire tout beau pour ce soir ! Tu vas quand même pas sortir avec lui habillé comme un banal étudiant. T’es le magnifique jeune performeur du Boy’s love Café, et puisque t’iras au karaoké en tant que Junie, je vais faire en sorte que tu sois le Junie qu’il attend ! En plus, comme ça, vous pourrez prendre des selfies, ce sera top !
— Mais hyung…
— Opération relooking de Jungyu en Junie ! Allez, c’est parti ! » lança fièrement Sangchan sans se soucier de l’avoir coupé.
Son cadet soupira en voyant l’autre se redresser et lui signifier d’en faire de même.
« Je peux au moins finir mon goûter ?
— Te fous pas de ma gueule, Junie, je sais que t’en prends que quand tu viens chez moi, des goûters.
— Bah tu proposes, je me laisse tenter, c’est tout.
— Dans ce cas, je te propose d’arrêter de t’empiffrer pour venir plutôt te faire tout beau. Et t’as intérêt à te laisser tenter.
— Je me sens obligé…
— Tu l’es. »
Sangchan prit le verre et le reste du biscuit que son cadet n’avait pas terminé et il les posa sur la table. Il lui adressa ensuite un immense sourire ainsi qu’un « tu les retrouveras quand tu seras tout beau, t’en fais pas » qui tira un nouveau soupir de dépit à Jungyu.
Impossible d’échapper à un Sangchan déterminé…
L’aîné amena son ami devant l’armoire. Une chance, ils portaient la même taille de vêtements.
« Bon, grande question : comment te rendre plus beau que tu ne l’es déjà et faire en sorte que Yeonu n’ait d’yeux que pour toi ? Pour un karaoké, faut un truc simple mais sympa, un style décontracté… Si vous êtes amenés à prendre des photos, faudra aussi que ça soit mignon… »
Tandis qu’il réfléchissait à voix haute, Sangchan observait le moindre de ses habits. Il tira de son armoire un pull rose qui le laissa songeur un instant, mais il abandonna l’idée – il faisait beaucoup trop chaud pour une pareille tenue. Il sourit néanmoins en tombant sur une chemise à manches longues légère, bleu pâle ornée de subtiles taches de rose et violet qui se mariaient en délicatesse avec les tons clairs du vêtement et y dessinaient un élégant dégradé si discret que de loin, on en voyait essentiellement le bleu. Il jeta ensuite son dévolu sur un jean droit aux genoux largement déchirés et se retourna vers son cadet.
« Garde ton t-shirt blanc pour aller avec la chemise que tu laisseras ouverte, ce sera parfait. T’as l’habitude de porter de l’oversize, cette fois tu vas changer un peu de style. La chemise est légère, mais il fait bon, tu devrais pas avoir froid avec ça. Ça marche ? On tente ça ?
— J’ai vraiment le choix ?
— Absolument pas, voyons. »
Jungyu leva les yeux au plafond mais ne chercha pas à répliquer. Il connaissait parfaitement Sangchan, et même s’il le trouvait aussi entêté que lorsqu’ils s’étaient rencontrés, il aimait ça : c’était après tout parce qu’il était déterminé que Sangchan avait fini par réussir à discuter avec lui, à le mettre en confiance et à s’en faire un ami. Et c’était parce qu’il n’avait aucune gêne qu’il avait envoyé à la place de Jungyu la candidature de ce dernier à Yeonu, près de deux mois auparavant.
Ce n’était finalement pas une mauvaise chose, Jungyu ne pouvait pas lui en vouloir de se montrer têtu. C’était un peu ce trait de caractère qui l’avait fait succomber au charme de son aîné des années plus tôt. Et Sangchan avait vu juste : c’était désormais pour Yeonu que le cœur de Jungyu battait.
Sangchan lui balança les vêtements dans les bras et le poussa presque jusqu’à la salle de bains. Dépité, Jungyu se changea comme demandé et, lorsqu’il ressortit, ce fut sous le regard ravi de son ami.
« T’es magnifique ! le complimenta-t-il avec un enthousiasme débordant. Yeonu il va totalement tomber sous ton charme : il adore les couleurs, faut avouer d’ailleurs que ça lui va bien. Et ce jean, c’est simple mais efficace, j’adore ! Ne reste plus qu’à te coiffer ! »
Sans même chercher à résister, Jungyu acquiesça et se laissa faire. Sangchan s’occupa également de lui tracer un maquillage léger mais qui mettait ses prunelles chocolat en valeur et, une fois que ce fut terminé, il admira de longues secondes durant son œuvre.
« Mon bébé Junie a grandi… et il est devenu trop sexe, s’émut-il. Je suis un hyung comblé. »
Jungyu roula des yeux mais le remercia et lui promit de lui rapporter dès le lendemain ses vêtements après les avoir lavés. Ils avaient après tout prévu de se voir, autant en profiter. La discussion fut courte et Jungyu eut le bonheur de pouvoir finir son verre et son biscuit. Une fois que l’heure fut venue de se séparer, ils se saluèrent et se souhaitèrent mutuellement une bonne soirée.
Jungyu, son sac sur le dos, se rendit au karaoké où Yeonu et lui avaient convenu de se retrouver. Il était encore tôt, l’étudiant avait marché plus vite qu’à son habitude – faute au stress. Il arriva donc sans surprise avant son ami et s’assit sur un banc près de l’établissement. Il battait des jambes sans s’en rendre compte, vérifiait chaque seconde les notifications sur son téléphone et ne cessait plus de se mordre la lèvre inférieure : l’anxiété le rongeait.
Il relevait les yeux sur la rue pour la énième fois dans la même minute lorsque son cœur s’arrêta brutalement : Yeonu, son magnifique sourire au visage, s’avançait vers lui.
Les jambes de Jungyu cessèrent de trembler, ses mains de pianoter sur son écran et ses dents d’abîmer ses lèvres. L’étudiant se figea et rendit à Yeonu son large sourire avant de se relever pour le saluer rapidement.
Son aîné était toujours aussi beau, habillé de façon sobre mais élégante et le visage à peine plus maquillé que celui de son cadet. Jungyu était envoûté par son charme…
Quelques mots banals furent échangés puis Yeonu balada son regard sur son corps.
« C’est les vêtements de Chan, ça, non ?
— Euh… ouais, il a insisté, j’ai pas pu résister.
— C’est aussi lui, le maquillage ?
— À ton avis ? soupira Jungyu d’un air embêté. Il s’est dit que je prendrais peut-être un selfie pour les réseaux sociaux.
— Ah ouais, pas con. »
Jungyu avait rarement vu Yeonu aussi peu emballé, il se sentit immédiatement honteux de s’être laissé faire ; il devait avoir l’air stupide avec ces vêtements. Lui qui ne portait que des habits basiques, il n’osait jamais la couleur. Quel idiot…
« Ça me va pas, c’est ça ? marmonna-t-il d’une petite voix. Je le savais, je lui avais dit, de toute façon, mais il a pas voulu m’écouter…
— De quoi ?
— La chemise, le maquillage, tout. Vu la tête que tu tires, ça me va pas. »
Jungyu était incapable de fixer son supérieur en face – lui montrer ainsi que son opinion comptait pour lui, ça le gênait –, si bien qu’il avait orienté ses prunelles teintées de peine sur la chemise en question. Il pouvait feindre un léger sourire pour prétendre que ça ne le blessait pas, mais il savait à quel point un regard pouvait se révéler traître.
Yeonu pencha la tête de côté et chercha justement les yeux de son ami qu’il finit par croiser. Jungyu rougit aussitôt que son aîné lui attrapa délicatement le menton pour l’obliger à se tenir droit et à planter son regard dans le sien.
« Jun, bien sûr que si qu’elle te va super bien, cette chemise. T’es tellement mignon que tout te va.
— Alors… enfin, je comprends pas…
— Moi j’aime bien tes vêtements oversize, tes jeans simples, ta petite bouille sans maquillage et tes cheveux toujours un peu en bazar. D’une part parce que ça te va trop bien, et d’autre part parce que c’est toi qui l’as choisi, ce style : il reflète qui t’es. Ces vêtements-là en revanche… ouais, ils sont beaux, mais c’est pas toi. Si tu changes dehors, c’est parce que tu changes dedans aussi, là t’as juste changé ton apparence, et ça fait bizarre. Le jour où tu t’habilleras comme ça pour sortir parce que t’en as envie, je suis sûr que tu seras encore plus éblouissant, mais… en attendant, quand on se voit, même si on risque de prendre un ou deux selfies entre temps, je préfère que tu viennes tel que t’es, Jungyu. Je préfère que tu sois à l’aise. Mets des vêtements parce qu’ils te plaisent, pas parce qu’on t’a dit que ça rendrait bien ou que c’était à la mode.
— Oh… je vois.
— Sangchan a un style vraiment top et un sens de la mode qui m’épate, mais c’est son truc à lui. La prochaine fois qu’il te proposera de te métamorphoser, si c’est pour autre chose qu’une ou deux photos dans sa chambre, aie assez confiance en toi pour t’affirmer et lui dire que tu préfères être toi-même. Crois-moi, il se vexera pas, il est pas stupide. »
Jungyu opina doucement malgré son rictus toujours crispé. Sangchan avait cru bien faire en l’habillant ainsi. Or, si la tenue plaisait à Yeonu, ce dernier n’avait néanmoins pas adressé à Jungyu les compliments espérés par le styliste. Cuisant échec…
« Mais si ça peut te rassurer, t’en fais pas : t’es à croquer avec cette petite chemise, ça te va bien les couleurs, ça change de tes hauts noirs et blancs. »
Le sourire de Yeonu s’agrandit tandis qu’il parlait, conscient que Jungyu avait sans cesse besoin d’être rassuré. Bien faire, obtenir l’approbation des autres, tout ça demeurait essentiel pour lui qui manquait cruellement de confiance en lui.
« Merci, se réjouit Jungyu à son tour malgré une moue gênée, mais t’es pas obligé, tu sais…
— Je sais. Je suis simplement sincère. Allez, tardons pas plus longtemps : j’ai hâte d’entendre de nouveau ta voix, et de ce qu’on m’a dit, ce karaoké propose aussi des en-cas à tomber. On va se faire un vrai petit festin ! »
Jungyu, qui avait retrouvé sa bonne humeur, n’eut même pas le temps d’approuver que déjà Yeonu crochetait son bras au sien pour l’attirer avec lui. L’étudiant put à peine cligner des yeux qu’ils étaient installés dans un espace clos, sur un canapé de cuir et face à un écran qui comportait une multitude de choix différents. Une table basse de bois sombre se trouvait au centre de la petite pièce et les lampes consistaient en des néons colorés qui donnaient à l’endroit une ambiance de boîte de nuit.
« Manque que la machine à fumée, rigola Yeonu en refermant la porte pour s’asseoir vers son ami. Alors, t’en dis quoi ? T’étais déjà venu au karaoké ?
— N-Non, j’ai jamais osé…
— Ça m’étonne même pas… ça va être l’occasion de découvrir ! Il est pas encore tard, mais si tu veux aller prendre un truc au bar, te dérange pas : c’est moi qui offre. »
Les salles étaient alignées de chaque côté d’un large couloir au milieu duquel se dressait, tout en longueur, un bar coloré d’un noir brillant mis en valeur par un éclairage tamisé. C’était un endroit élégant, plutôt sombre, qui offrait une ambiance intime et tranquille. Jungyu avait pu entrevoir brièvement cette décoration sobre quoique chic lorsqu’ils étaient passés rejoindre leur salle. Ça lui avait beaucoup plu, en revanche…
« Si je veux quelque chose, je me l’offrirai moi-même, mais merci beaucoup, refusa-t-il poliment.
— Tu changeras jamais… »
Malgré son soupir las, la moue taquine de Yeonu trahit son amusement. Il aimait cette manie de Jungyu de toujours refuser ce qu’on cherchait à lui donner. D’une certaine façon, ça lui rappelait le comportement de Minwoo, lui aussi gêné d’accepter les cadeaux que ses amis voulaient lui faire. À croire que ceux qui éprouvaient le plus de difficultés financières étaient les plus enclins à décliner un simple présent…
Parce qu’il ne se sentait pas le courage de lutter, Yeonu haussa les épaules et attrapa la télécommande posée en évidence sur la table devant eux.
« Bon, le plus jeune d’abord, sourit-il malicieusement. Pour cette fois, c’est toi qui choisis, mais après c’est moi qui déciderai pour toi et inversement, ça marche ?
— C’est cruel comme règle, hyung, se plaignit Jungyu qui arborait déjà une moue boudeuse.
— Eh ouais, la vie est injuste. Et pire encore, parce que tu sais quoi ? On fera aussi des duos. Mais en attendant, à toi de jouer. Éblouis ton hyung, Junie. »
Il lui tendit la télécommande avec un clin d’œil complice et son éternel rictus malicieux qui n’annonçaient rien de bon.
Junie…
L’étudiant attrapa l’appareil et déglutit. C’était l’heure pour lui de se glisser dans son personnage et, comme prévu, de tenter de séduire son patron. Dans sa tête, ça lui avait semblé être une bonne idée. Quand il l’avait proposé à Yeonu ça lui avait semblé être une bonne idée. Or, désormais face à la situation, il se demandait comment il n’avait pas pu se rendre compte plus tôt qu’il s’agissait sans le moindre doute de la pire idée qu’il ait jamais eue.
Sérieusement, une sortie avec Yeonu consistait déjà en une idée calamiteuse, mais au karaoké en plus ? Et avec la mission de le draguer ? Jungyu ignorait ce qui avait bien pu lui traverser la tête la semaine précédente, mais maintenant qu’il ne pouvait plus reculer, autant se lancer.
Et puis… Yeonu aimait beaucoup sa voix, il la connaissait. Alors même si Jungyu faisait quelques fausses notes, au moins son ami saurait que c’était des suites du stress, n’est-ce pas ? L’étudiant avait conscience qu’il devait se détendre, que s’il parvenait à ne pas se rendre malade d’anxiété, il passerait sans doute un très bon moment… mais c’était si difficile de gérer l’anxiété ! Et avec Yeonu – celui dont son cœur avait eu la brillante idée de s’éprendre –, ça ne risquait pas de s’avérer aisé pour lui.
C’était trop stressant…
Il devait devenir Junie, c’était le seul moyen pour qu’il ait un peu plus confiance en lui – tout simplement parce qu’il lui semblait qu’il n’était alors plus totalement lui-même, qu’il se transformait en quelqu’un d’autre qu’on ne jugerait pas.
Après une profonde expiration, Jungyu concentra son attention sur l’écran devant lui. Quitte à commencer avec une chanson qu’il pouvait choisir, autant commencer avec celle qui le mettait le plus à l’aise. Il lui fallut quelques instants pour comprendre comment l’appareil fonctionnait. Ce ne fut par chance que l’histoire d’une dizaine de secondes, le temps de jeter un œil à la télécommande et à l’écran.
Ses jambes tressautaient sans même qu’il s’en rende compte tandis qu’il cherchait la chanson qu’il préférait, celle de son tout premier cover posté sur les réseaux du café. Question originalité, il aurait pu mieux faire, mais en toute honnêteté il s’en moquait. L’important pour le moment, c’était de donner tout ce qu’il avait pour chanter le plus juste possible et ne surtout pas se ridiculiser devant Yeonu.
Il ne s’en remettrait pas, sinon…
Jungyu dut admettre qu’il fut déçu de constater qu’il s’inquiétait plus de ses performances vocales que de la façon dont allait se dérouler ce moment avec Yeonu. Alors il craignait à ce point le regard pourtant toujours bienveillant que son ami portait sur lui ? Pourquoi ne pouvait-il pas se focaliser, pour une fois, sur le seul fait de s’amuser ?
Pourvu qu’il finisse par se sentir un peu plus à l’aise au fil de la soirée…
L’étudiant sélectionna le morceau qu’il maîtrisait le mieux et, alors qu’il s’apprêtait à valider son choix, son attention se tourna furtivement vers Yeonu : le jeune garçon arborait un sourire que Jungyu jugea presque candide, ce genre de sourire qui, même discret, le faisait ressembler à un enfant bienheureux. Il était mignon, ses yeux semblaient plus fins et ses pommettes plus saillantes, quant à ses lèvres, Jungyu les trouvait encore plus désirables quand elles formaient ce doux rictus. Est-ce que Yeonu se rendait compte de son charme ? Bien sûr, après tout il en jouait lors de chaque soirée au café, son caractère malicieux laissait supposer qu’il jouissait d’une importante confiance en lui.
Et ne parlons pas de son charisme écrasant qui donnait sans cesse à Jungyu la sensation d’être un simple moucheron face à un lion magnifique…
Après plusieurs secondes, l’aîné tourna un regard interrogateur vers son cadet qui n’avait toujours pas validé la chanson souhaitée. Il s’apprêtait à lui demander ce qui se passait lorsqu’il croisa ses yeux. Jungyu détourna aussitôt son attention de lui, s’empourprant tandis que le sourire de Yeonu s’agrandissait encore. Il avait bien remarqué que son employé avait tendance à réussir de plus en plus à lâcher prise en sa présence. Le jeune gérant savait que pour l’aider, il devait d’abord le pousser à ses limites – et ce karaoké était l’endroit idéal pour les tester, ces limites.
Son but en vérité, c’était de montrer à Jungyu qu’il n’avait rien à craindre du regard des autres, que le plus toxique pour lui, c’était son propre regard qui l’empêchait toujours de s’amuser et de se laisser aller. C’était quelque chose que son cadet n’ignorait pas mais qu’il ne pourrait mettre en pratique qu’avec un énorme travail sur lui-même – et aux yeux de Yeonu, ce travail sur lui-même allait sans aucun doute bien avancer ce soir. Il fallait que Jungyu se lâche sans aucun complexe ; qu’il s’éclate, tout simplement. Pour une fois qu’ils allaient pouvoir s’évader ensemble, penser à autre chose que le café malgré le défi à relever… Yeonu était ravi de passer du temps avec son ami qu’il percevait comme une véritable petite boule d’amour.
Jungyu se redressa tandis que les premières notes de musique s’échappaient de deux puissantes enceintes près d’eux. Décidé à vivre la meilleure soirée possible, Yeonu prit la télécommande, monta le son et en profita pour régler les lumières colorées. L’ambiance devint plus festive, constat qui tira à Jungyu un rictus amusé. Il garda cependant son attention rivée sur l’écran devant lui et, après quelques secondes, il se mit à chanter.
Sa voix était de velours, son timbre cristallin. Il ne s’était pas échauffé, ça s’entendait lorsqu’il essayait d’atteindre des notes un peu plus aigües qu’il maîtrisait pourtant. Focalisé sur son morceau, Jungyu n’avait pas remarqué l’immense sourire qui affinait les yeux de Yeonu au point de n’en faire que deux adorables croissants de lune. À mesure que son cadet chantait, il gagnait en assurance, sa voix s’affirmait et son corps était sensiblement moins tendu. Il connaissait cette chanson, il l’avait interprétée a capella devant Yeonu. À quoi bon s’inquiéter de la chanter au karaoké ?
Il se sentait dans son élément ici, car même s’il continuait de craindre le regard de son aîné, au moins il savait que seul lui l’entendait. Les cabines étaient insonorisées, closes, c’était comme s’il n’existait qu’eux, enfermés dans cette petite bulle.
Ce fut pendant le court passage musical entre le refrain et le second couplet que Jungyu osa un œil vers Yeonu. Lorsqu’il remarqua son sourire, lorsqu’il le vit balancer joyeusement la tête au rythme de la chanson qui n’était pourtant pas particulièrement festive, lorsqu’il perçut l’amusement et le bonheur qui brillaient dans ses prunelles… tout ce dont il fut capable, ce fut de sourire à son tour comme il souriait rarement. Son cœur bondissait, tout son être était au comble de la félicité et une chaleur agréable s’ajouta aux bourdonnements sourds nés au creux de son estomac.
Jamais il n’aurait pu croire que quiconque témoignerait d’un tel enthousiasme à l’entendre, sans doute l’aîné n’avait-il même pas conscience de la façon dont sa réaction bouleversait son cadet : Jungyu osait… et grâce à Yeonu, il lui semblait que c’était la plus belle chose qu’il ait accomplie.
Il éprouvait le sentiment d’être ce smiley qui arborait un sourire fier et plusieurs petits cœurs autour du visage. Oui, c’était ça : Jungyu était fier de lui et se sentirait presque entouré de petits cœurs tant il était heureux. Ce n’était pourtant pas grand-chose, il ne s’agissait que d’un rictus de son hyung pendant qu’il chantait une chanson qu’il avait déjà chantée devant lui… mais pour Jungyu ça représentait bien plus que ça. Un sourire de celui qui l’aimait, un sourire ravi, encourageant, débordant d’affection. Yeonu souriait souvent en sa présence, mais c’était toujours ou presque des sourires espiègles.
Là, c’était un sourire tellement plus exceptionnel, tellement plus large mais tellement sincère.
Tellement contagieux.
La musique cessa mais la petite salle du karaoké ne fut pas silencieuse pour autant : Yeonu se mit à applaudir vivement et enlaça Jungyu avec un enthousiasme qui réchauffa le cœur de son cadet en même temps que ça le fit éclater de rire.
« Jun, ça fait trop plaisir de t’entendre chanter, ouah, j’adore !
— Mais hyung, c’est pas grand-chose, s’amusa l’autre.
— On s’en fout, ce qui compte c’est que t’as géré, j’aurais pas cru que tu aurais le courage de te lancer ! »
Yeonu le relâcha et prit son visage en coupe pour plonger son regard dans le sien. Ça ne dura qu’un bref instant avant qu’il ne vienne déposer un petit baiser sur le bout de son nez, mais ça suffit largement à Jungyu pour découvrir dans ses yeux la fierté qu’il éprouvait à le voir ainsi évoluer… et ça suffit également à l’étudiant pour rougir de gêne et de plaisir.
« F-Faut croire que… je suis bien ici, avec toi, balbutia-t-il.
— Oh, est-ce qu’il y a quelque chose que tu voudrais me dire, Junie ? »
Jungyu détourna le visage, prit une moue timide et se mordit la lèvre en haussant les épaules de façon à paraître mignon. L’avantage avec ce surnom, c’était qu’il permettait au jeune garçon de savoir immédiatement si Yeonu attendait de lui qu’il performe ou bien qu’il soit lui-même.
Et là, il devait performer.
« Peut-être bien, admit-il. Mais… t-tu te moquerais de moi…
— Je te promets que non, lui sourit tendrement Yeonu en enroulant les bras autour de sa taille.
— Si… hyung, tu te moques tout le temps.
— Pas quand il s’agit de quelque chose d’important, n’est-ce pas ?
— J-Je sais pas…
— Si tu veux, je peux te promettre que quoi que tu dises, je me moquerai pas de toi. »
Et tandis qu’il parlait, le jeune homme avait laissé une main dans le creux des reins de son cadet pour le garder contre lui, quant à l’autre il s’en servait pour lui dégager délicatement le front de quelques mèches rebelles. Ses yeux avaient beau être rivés sur les cheveux bruns du garçon, c’était sur ses mots que son attention était focalisée. Ainsi, une fois qu’il fut satisfait de la coiffure de Jungyu, il reposa sa main désormais libre là où elle se trouvait juste avant et il abandonna un petit baiser sur sa tempe.
Jungyu appuya par réflexe les paumes sur son torse. Il ne comptait pas le repousser, simplement le toucher sans franchir la barrière de ses vêtements.
« Hyung, je veux t’entendre chanter…
— Et après tu me révèleras ce qui te tracasse ?
— Peut-être. »
Jungyu hésita mais s’écarta néanmoins de son aîné en lui adressant un sourire timide. Yeonu arborait une moue satisfaite, ravi de voir son ami s’adapter si facilement à son rôle dès l’instant où il comprenait qu’il devait agir en tant que Junie. Ses progrès l’impressionnaient et, même s’il travaillait au Boy’s love Café depuis à présent huit semaines, Yeonu ne pouvait pas s’empêcher de trouver que ça restait rapide pour quelqu’un d’aussi renfermé que Jungyu.
Le cadet s’installa sur le canapé en se raclant la gorge, réellement intimidé cette fois-ci. Par chance, il n’eut pas le temps de réfléchir que déjà Yeonu sélectionnait la chanson qu’il comptait interpréter. La curiosité l’ayant emporté, Jungyu sentit son sourire poindre de nouveau sur ses lèvres ; il était impatient d’entendre son supérieur chanter. Ce dernier possédait naturellement une voix douce, ensorcelante. Elle devait être magnifique.
La musique démarra, puissante au point que les basses firent frémir Jungyu. Son aîné tenait fermement le micro entre ses mains et s’éclaircit la gorge. Dès l’instant où il ouvrit la bouche… Jungyu éclata de rire. Yeonu massacrait volontairement le morceau, pourtant son employé fut plus d’une fois surpris durant cette performance bien particulière : cherchant à exagérer les notes, il s’avérait capable d’atteindre des aigus impressionnants.
Quand il ne faisait pas l’idiot, il devait réellement avoir une voix envoûtante.
Plié en deux pendant les trois minutes et demie que dura la chanson, Jungyu se tenait les côtes lorsque Yeonu arriva au bout de la mélodie. L’étudiant avait les joues douloureuses à force de s’esclaffer, son abdomen était contracté et il avait la sensation d’étouffer tant il avait ri.
Puis ce fut le coup de grâce quand le score s’afficha – très mauvais – et que Yeonu prit un air altier en lâchant un « j’ai pas lu » hautain tandis que déjà il se retournait pour regagner le siège, la tête haute.
Pour être honnête, si Yeonu avait bel et bien prévu de massacrer le début de la chanson, il avait imaginé la terminer sans plaisanter, mais… le rire franc de Jungyu l’en avait dissuadé. Il avait voulu en profiter le plus longtemps possible. Il l’avait si rarement entendu pouffer de cette façon, c’était si sincère et si attendrissant.
« C’était du génie ! affirma Jungyu une fois ses gloussements apaisés.
— Je sais, je sais, se vanta l’autre avant de reprendre avec un sourire encourageant. On est ici pour s’amuser, ça marche ? Détends-toi et profite. Je suis pas là pour te faire passer une audition, je veux juste passer du temps avec mon Junie. T’as rien à prouver, je sais déjà que tu chantes bien. Alors maintenant, montre-moi que tu sais aussi lâcher prise. »
Dans un geste qui tenait plus du réflexe qu’autre chose, Yeonu posa la main sur la cuisse de son cadet. Ce mouvement le fit sourire : c’était pourtant lui-même qui lui avait indiqué, le jour de son entretien, qu’un performeur ne pouvait pas en toucher un autre en dessous des hanches. C’était malgré tout une habitude chez lui de traîner la paume sur la jambe de son ami. Peut-être avait-il remarqué que ça apaisait Jungyu, ou peut-être ne s’en rendait-il simplement pas compte.
Dans tous les cas, ce n’était sûrement pas Jungyu qui lui demanderait d’arrêter, il aimait beaucoup trop sentir la chaleur de la main de son aîné sur son jean. Son cœur battait si fort…
Il acquiesça à ce que venait de dire Yeonu et se pencha pour attraper la télécommande. Son patron néanmoins se révéla plus rapide, il n’avait pas oublié ce qu’il avait promis à son cadet.
« À moi de choisir ta chanson ! se réjouit-il.
— Je le sens mal, murmura l’autre.
— T’as dit quoi ?
— Rien, rien du tout.
— P’tit menteur. Pour la peine, tu vas chanter ici. »
Et, tout fier, Yeonu posa les mains sur ses cuisses pour indiquer à l’autre d’y pendre place.
Quand Jungyu était intimidé, ses joues se teintaient généralement d’un rose discret qui avait la chance de passer inaperçu. Quand il se sentait réellement mal à l’aise, ce rose tirait sur le pourpre et se voyait si la luminosité n’était pas mauvaise. Quand il était particulièrement honteux, gêné ou embarrassé c’était un joli rouge qui envahissait son visage – et c’était difficile pour lui de le dissimuler.
Au vu donc de la couleur de ses pommettes lorsque Yeonu lui demanda de s’asseoir sur ses cuisses, Jungyu était mort de honte.
Son cœur s’était emballé, et ce soudain afflux de sang semblait avoir décidé de se concentrer dans les petits vaisseaux sous la peau fine de son visage. Impossible à cacher, même avec les néons colorés de la pièce ; foutus rougissements.
« Tu peux t’empourprer si tu veux, le taquina Yeonu, ça changera rien à ta punition.
— Pourquoi autant de cruauté ? gémit Jungyu dépité.
— Parce qu’il me fallait une bonne excuse pour être près de toi. Maintenant obéis à ton hyung, Junie. Oh, en plus on pourra faire un selfie trop mignon ! »
Tout excité à l’idée de la photo qu’ils pourraient prendre, Yeonu sortit immédiatement son portable et signifia une fois de plus à son ami de venir sur ses jambes. Jungyu, toujours debout et immobile, le regardait sans réagir. L’autre leva les yeux au plafond et se décala de sorte à s’approcher de lui. Il l’attrapa par les hanches et, après une courte seconde qui lui permit de constater que Jungyu ne cherchait pas à s’échapper et qu’il n’était pas aussi tendu qu’il l’aurait cru, il le tira délicatement à lui. Son cadet se laissa faire, il finit assis précautionneusement sur les cuisses de son ami qu’il voulait éviter de faire souffrir, dos contre son torse.
Il éprouvait l’impression d’une performance au café, son cœur battait trop fort dans sa poitrine pour qu’il ose le moindre mouvement. Déjà ses mains étaient moites, un seul geste lui donnerait encore plus chaud.
Ça empira lorsque Yeonu passa un bras autour de son ventre et posa le menton dans le creux de son épaule pour abandonner un petit baiser sur sa joue.
« T’es cute quand t’es même plus capable de réagir, sourit Yeonu d’un ton affectueux. Mais rappelle-toi qu’on a déjà fait un niveau au-dessus. »
À ces mots, ce furent les souvenirs d’une séance bien particulière entre eux qui revinrent à Jungyu : la fois où Yeonu l’avait pris sur ses genoux – face à lui en revanche – et qu’il lui avait demandé de discuter pendant qu’il s’amusait à le taquiner pour tester ses limites.
Cette fois-ci y ressemblait, à cela près qu’il allait non pas parler mais chanter.
« Allez, photo ! »
Déjà Yeonu levait son smartphone qui leur renvoyait leur image. Jungyu tenta de se dérider pour esquisser une petite moue attendrissante destinée à faire craquer les internautes. Yeonu, à l’aise quant à lui, prit de nombreux clichés et ne s’arrêta qu’après une bonne quinzaine de photos.
« Bon, y en aura une pour les réseaux sociaux et toutes les autres pour moi ! se réjouit-il d’un ton enfantin en passant rapidement en revue les images qui se succédaient dans sa galerie. J’ai grave la sensation d’avoir rentabilisé ma soirée alors que ça fait à peine dix minutes qu’on est là, c’est dingue ! »
Ce fut au tour de Jungyu de rouler des yeux, par chance puisqu’il était dos à son aîné, ce dernier ne s’en rendit pas compte. Après quelques instants à contempler les photos, il porta son attention sur la télécommande qu’il avait abandonnée près de lui.
« Allez, déclara-t-il en reposant son téléphone pour lui préférer le petit boîtier, maintenant je choisis ta chanson… »
Jungyu ne montra pas de réaction, de toute façon il savait qu’il ne pouvait pas y échapper, et puis… il se sentait déjà plus à l’aise, ses craintes s’étaient en grande partie dissipées. Yeonu l’avait affirmé, il devait simplement se laisser aller.
Si Jungyu avait du mal avec ça, Junie en revanche s’avérait un peu plus téméraire.
Le regard de Yeonu s’illumina sans que son ami, concentré sur l’écran, s’en rende compte. L’aîné décida du morceau qu’il voulait l’entendre interpréter, Jungyu ne sembla pas mal à l’aise. C’était une chanson que ce dernier connaissait bien, qu’il avait peu chantée mais dont les notes ne lui posaient pas de problèmes particuliers.
En vérité, le seul problème qui allait se poser… c’était l’endroit où Jungyu lui-même était posé, à savoir les jambes de celui qu’il aimait. Difficile de faire fi d’un détail aussi important…
Il n’eut par chance pas le temps de s’étendre sur le sujet que déjà la musique commençait, enveloppant la pièce de ses sons délicats. C’était une ballade que Yeonu lui avait choisie. Ça n’avait rien d’exceptionnel, et pourtant… Jungyu sentit que l’ambiance de la petite salle changeait. Si quand Yeonu avait chanté, il se serait cru dans une boîte de nuit, c’était désormais bien ailleurs qu’il pourrait se croire. Lui qui avait toujours détesté la sensation de se trouver sous les feux des projecteurs, il ne craignait plus la lumière de ces néons que Yeonu avait décidé de programmer en bleu.
Une couleur froide, mais la couleur du romantisme. Yeonu l’avait-il choisie intentionnellement ? C’était la fleur bleue de Novalis, seule couleur qui éclairait leur obscurité. Mais n’était-ce pas justement de la nuit dont on disait qu’elle opérait d’innombrables métamorphoses, capable de révéler les merveilles du monde ?
Jungyu fredonnait distraitement, son esprit était ailleurs ; est-ce que ce rendez-vous allait révéler quoi que ce soit ? Pourquoi éprouvait-il soudainement l’impression que… que quelque chose allait changer ? C’était sans doute son cœur qui demeurait trop naïf, mais il avait l’intuition que cette soirée était tout simplement trop particulière pour qu’une fois terminée, tout continue comme s’il ne s’était rien passé.
Il s’agissait d’un sentiment indescriptible. Cette ambiance intimiste, paisible, eux deux si proches… Jungyu n’avait encore jamais vécu ça. Était-ce normal de ressentir ça dans de telles circonstances ou bien était-ce lui qui se montait la tête comme son imagination débordante le poussait souvent à le faire ?
Il ne s’était même pas rendu compte qu’il chantait plus bas. Yeonu fit la moue, surpris. Il attribua ça à une soudaine timidité de la part de Jungyu, pourtant ce dernier lui semblait détendu contre lui : il avait le dos droit pour ne pas caler son corps contre le sien, certes, mais il n’était pas crispé. De même, il n’exprimait à travers sa posture et ses gestes aucun signe de renfermement.
Alors, taquin, Yeonu songea qu’il était temps de tirer son ami de ses pensées. Il posa la télécommande et, de sa main nouvellement libre, il n’hésita pas à caresser la hanche de son cadet. La réaction ne se fit pas attendre, et elle fut imprévue : Jungyu sursauta et lâcha le micro sous l’effet de la surprise.
« Jun, s’étonna aussitôt l’autre, ça va ?
— O-Oui, balbutia son employé en récupérant le micro, t-tu m’as juste surpris, je… j’étais concentré sur la chanson.
— T’es sûr ? T’avais l’air ailleurs.
— J’étais vraiment très concentré sur la chanson, tenta-t-il de plaisanter malgré une moue gênée. Tu me connais, je me laisse vite distraire.
— Toujours aussi rêveur, hein ?
— Ouais… »
Le jeune garçon se frotta la nuque avant de reporter son regard sur l’écran. Yeonu sourit quand son cadet reprit sa place sur ses jambes sans même se poser de question. Il l’enlaça de nouveau au niveau du ventre pour le garder contre lui ; Jungyu ne parut même pas y prêter attention.
« On fait une mini pause pour aller prendre un truc au bar puis on fait un duo ? proposa Yeonu dans l’espoir de couper court à toute forme de malaise. Pour l’instant on peut aller se chercher des boissons, et un peu plus tard on reviendra pour prendre quelque chose à manger. Ça marche ?
— Ouais, pourquoi pas. »
La voix de Jungyu avait retrouvé sa tranquillité habituelle, il sembla plus serein à Yeonu, même si ce dernier ne pouvait pas voir son visage. De toute manière, Jungyu se montrait toujours si transparent qu’il demeurait simple de deviner quand il était mal à l’aise ou non.
Tout ce que Yeonu espérait, c’est que quelle que soit la chose qui avait distrait Jungyu pendant sa chanson, elle ne reviendrait pas le tourmenter.
Jungyu se redressa, quittant – il fallait l’admettre – à regret les cuisses de Yeonu qui l’imita et lui adressa un sourire avenant en lui faisant signe de le suivre. Ils sortirent de la petite pièce dans laquelle ils laissèrent leurs affaires, n’emportant que leur téléphone et leur porte-monnaie.
Le couloir était large de plusieurs mètres, ce qui offrait au bar qui s’y tenait toute la place nécessaire pour accueillir ses clients qui souhaitaient s’éloigner un peu des salles de karaoké. Sur les tabourets se trouvaient essentiellement des groupes de jeunes gens venus passer une soirée sympathique entre amis, même si on pouvait aussi y voir des adultes plus âgés, parfois avec des enfants.
L’endroit était familial, c’était ça que Yeonu appréciait ici : il suffisait de consulter la carte pour s’en rendre compte, on y vendait plus de variétés de jus de fruits que d’alcool. L’ambiance tamisée était trompeuse, c’était loin d’être un lieu où seuls les couples pouvaient s’amuser. Ça servait à donner au bâtiment des airs de boîte de nuit accessible à tous.
« On prend de quoi manger dans notre cabine ou tu veux boire au bar ? s’enquit Yeonu.
— Dans la cabine, je préfère. Ça te dérange pas ?
— Au contraire, moi aussi je préfère. »
Les deux garçons prirent une carte laissée sur le côté du petit bar et la consultèrent ensemble – Yeonu aurait pu en trouver une autre, mais il voulait lire celle de Jungyu. Les regards s’attardèrent sur les collations proposées puis se dirigèrent vers les boissons. L’alcool, l’étudiant en consommait très peu, il préférait le goût bien sucré d’un soda – et surtout, il fallait admettre qu’il avait toujours craint son comportement s’il s’enivrait, il aurait peur de perdre le contrôle de lui-même… et d’être jugé.
De toute manière, il ne s’était jamais présenté à lui l’occasion de boire : il préférait passer ses soirées à travailler ou écrire plutôt qu’à sortir, il n’était jamais allé en boîte de nuit. Il était casanier, tout simplement.
Mais… être ici avec Yeonu, ça avait une saveur particulière, un goût de nouveauté que Jungyu appréciait beaucoup et qui lui donnait des ailes. Il ne saurait pas mettre un mot sur ce qu’il ressentait : il n’était pas – du moins il n’était plus – intimidé, c’était différent. Il se sentait avant tout heureux, sentiment naïf mais qu’il aimait.
Même avec Sangchan il n’avait jamais osé participer à un karaoké, alors avec Yeonu… c’était drôle, dans les deux sens du terme : étrange et amusant à la fois. Il ne pouvait toujours pas empêcher son esprit de penser à mille choses obsédantes et confuses, mais il comptait bien oublier tout ça peu à peu pour se concentrer sur cette soirée – et sur son patron.
« Junie, tu voudrais boire quoi ? »
Junie…
Un léger sourire s’étira sur ses lèvres et il songea que son objectif était après tout de draguer Yeonu. Il allait lui en falloir, du courage, mais il voulait montrer qu’il débordait de bonne volonté malgré sa timidité ; que le petit incident qui l’avait poussé à interrompre sa seconde chanson soit oublié rapidement. Son regard se dirigea en bas de la carte et son rictus se fit malicieux lorsqu’une idée lui vint à l’esprit.
« Regarde, hyung, déclara-t-il d’une voix volontairement attendrissante, ils proposent… enfin… des boissons, là, en bas à droite… »
Yeonu resta silencieux un instant, sans doute cherchait-il de quoi son cadet lui parlait. Jungyu comprit qu’il avait trouvé lorsque le bras de son patron s’enroula doucement autour de sa taille et qu’il colla son torse à son dos.
L’étudiant se surprit à ne pas s’empourprer ; il était satisfait d’avoir réussi à étonner son ami qui ne s’attendait probablement pas à ce qu’il propose ça. La fierté avait remplacé l’embarras, le rictus les rougeurs.
« Des boissons pour couple, souffla doucement Yeonu tout près de son oreille. Junie, est-ce que t’essaierais de me dire quelque chose ?
— Peut-être…
— Et tu préfères quoi ?
— Je sais pas trop, et toi ?
— J’hésite : le chocolat chaud servi avec chantilly, éclats de biscuits et coulis de chocolat, ou bien le smoothie aux fruits avec chantilly à la vanille, petits morceaux de fruits et coulis de framboise. Ton avis ?
— Plutôt le smoothie, décida Jungyu d’une voix timide derrière laquelle se cachait pourtant une certaine assurance.
— Ah bon ? Je croyais que t’aimais pourtant bien le chocolat chaud.
— Mais hyung… j-je… tes bras me tiennent déjà vraiment chaud… »
Bon d’accord, cette fois-ci Jungyu ne put pas s’empêcher de rougir, même en dépit du sourire amusé qu’il arborait à cette réplique. Il ignorait d’où lui venait cette témérité dont il témoignait parfois tout à coup et qui permettait à Junie de prendre le dessus sur Jungyu. Quoi qu’il en soit, il adorait cette sensation de jouer dans des situations réelles un personnage fictif. Il avait beau se montrer encore un peu timide, il lui semblait devenir le protagoniste de sa propre histoire.
Il fallait simplement qu’il se laisse aller, qu’il s’abandonne à Junie. Ça commençait à fonctionner.
Yeonu en effet fut plus que surpris – agréablement surpris – à la réplique de son cadet. Ce n’était pas la première fois que Jungyu réussissait à lâcher prise, mais il se réjouissait toujours de ces moments de courage où il ne réfléchissait pas, où il se contentait d’incarner Junie, son petit personnage timoré et attachant.
Pourvu que ça dure.
« Est-ce que tu veux dire que tu voudrais que je m’écarte ? lui demanda Yeonu d’un ton presque sensuel.
— Non… juste que je voudrais une boisson froide.
— Dans ce cas, puisque c’est ma faute, c’est moi qui paie. Et pas de discussion, compris ?
— T’es sûr que ça te dérange vraiment pas ?
— Si je te le propose…
— Alors… merci beaucoup.
— Mais de rien. Je prends soin de mon Junie, c’est normal.
— Mais comment je vais faire, moi ? bouda Jungyu. Je dois te draguer alors que c’est toi qui paies et qui prends soin de moi…
— Y a tellement de choses que tu peux faire pour me séduire, t’inquiète pas pour ça. Reste mon adorable Junie toute la soirée et je suis certain que je finirai par tomber sous le charme. »
Et pour appuyer ses dires, Yeonu traîna les lèvres dans la nuque de son ami qui en frémit. Le cadet déglutit et acquiesça : Yeonu l’encourageait à rester dans son rôle.
L’aîné ne se détacha de lui que pour commander ce smoothie qui lui fut servi dans un large verre au bord duquel avaient été posées deux petites cuillères argentées ainsi que deux pailles de carton. Jungyu en eut aussitôt l’eau à la bouche : le smoothie arborait une jolie couleur rosée, de gros morceaux de fruits rouges y avaient été ajoutés et donnaient un aspect des plus gourmands. Par-dessus, une alléchante spirale de chantilly d’un blanc crémeux avait été disposée, versée avec générosité, et les lignes écarlates du coulis de framboise cassaient cette forme de cercle parfait.
C’était si appétissant, Jungyu jurerait que ses yeux brillaient !
Yeonu attrapa deux serviettes en papier et les jeunes gens retournèrent d’où ils venaient. De nouveau installés dans leur salle, Jungyu prit place sur le sol, face à Yeonu qui, pour sa part, s’était assis sur le canapé de faux cuir. La table basse les séparait, le verre y trônait fièrement.
« Je crois qu’on pouvait pas mieux choisir, sourit Yeonu, ce truc a l’air trop bon.
— Carrément ! »
L’enthousiasme de Jungyu se reflétait jusque dans son regard. L’aîné attrapa une paille et, imité par son ami, il prit une première gorgée du smoothie. C’était sucré, fruité, rafraîchissant. Un vrai régal !
« Ah merde, songea Yeonu en relâchant sa paille après quelques instants, je viens de penser à un truc…
— De quoi ?
— Réfléchis un peu, Junie : dans les films, c’est un plat de spaghettis que les protagonistes prennent pour deux, comme ça y a forcément un moment où comme par hasard ils s’embrassent. Mais nous on a des pailles…
— La vie est cruelle, tu l’as dit toi-même tout à l’heure, lui rappela Jungyu avec malice.
— Trop injuste…
— Attends, je… j-j’ai peut-être une idée. »
Yeonu lui lança un œil interrogateur avant de le voir attraper sa cuillère. Jungyu la plongea dans le verre tandis qu’il penchait la tête de côté pour observer ce qu’il faisait. Il trouva ce qu’il cherchait et, satisfait, il remonta lentement… une fraise. Il la prit délicatement entre le pouce et l’index puis jeta un regard timide à Yeonu.
« C’est pas des spaghettis ni des peperos, mais… disons que c’est plus fruité. T’en dis quoi, hyung ? »
Il porta le petit fruit à sa bouche et le plaça entre ses dents avant de relever le visage vers son aîné qui n’avait pas détaché ses yeux de lui.
Ses yeux désormais affamés.
« Et toi qui te plaignais de pas savoir comment me séduire… »
Jungyu esquissa un sourire en entendant son ami susurrer ces quelques mots.
Son teint devint aussi rouge que le fruit qu’il gardait entre les dents lorsque Yeonu se leva pour s’asseoir à côté de lui. Il se tourna pour lui faire face et, sans attendre, son aîné passa les bras autour de sa nuque avant de rapprocher lentement son visage du sien. Le cœur du pauvre étudiant battait si rapidement : la fraise était petite, leurs lèvres allaient nécessairement se frôler… et puis Yeonu était si beau, si près ! Comment son cœur pourrait-il ne pas palpiter tout à coup à ce moment qu’il avait pourtant lui-même provoqué ?
Tout parut s’arrêter : leurs gestes, le temps, l’univers entier. Yeonu s’était avancé au point que Jungyu sentait son haleine fruitée couvrir tendrement sa bouche. Ils étaient vraiment… proches. L’aîné pencha la tête, entrouvrit les lèvres, et les deux garçons partagèrent le fruit de cette manière, croquant dedans au même moment.
Le cœur du malheureux Jungyu cogna brutalement sa cage thoracique lorsque, pour récupérer le morceau qu’ils n’avaient pas mangé avant qu’il ne tombe, Yeonu posa les lèvres juste en dessous des siennes, au niveau de son menton, là où s’était échoué le bout de fraise restant.
Un brûlant frisson remonta le long de la colonne vertébrale du cadet. Finalement, Yeonu s’écarta de lui, de quelques centimètres seulement.
« Junie, jamais une fraise ne m’avait paru aussi délicieuse…
— Ah bon ?
— Ouais… c’est dingue. »
Avec un regard profondément affectueux, Yeonu retira un de ses bras de la nuque de son employé pour glisser la paume sur sa joue. Jungyu s’y blottit par réflexe, les yeux clos. Il les rouvrit cependant lorsque Yeonu passa le pouce sur ses lèvres.
« Le smoothie, c’est aussi perfide que le chocolat, sourit-il malicieusement, t’en avais un peu là. »
Pour preuve, il montra son doigt couvert de quelques gouttes teintées de rose… puis il le porta à ses lèvres et n’eut qu’à le sucer rapidement pour le nettoyer.
« Faut pas gâcher, se justifia-t-il d’un ton amusé devant les yeux ronds de son cadet, ce truc est trop bon pour terminer sur une vulgaire serviette en papier… du coup, tu sais ce qui t’attend si tu t’en mets autour de la bouche. »
Étrangement – ou non –, jamais jusque-là Jungyu n’avait à ce point désiré se tacher en mangeant…
Satisfait de sa propre réplique, Yeonu esquissa un rictus espiègle et déposa un petit baiser sur la joue de son ami.
« Encore du smoothie, mentit-il d’un ton désinvolte, c’est tout. »
Sa remarque eut le don d’amuser Jungyu à son tour. Le jeune homme roula des yeux et regarda l’autre regagner sa place sur le canapé. Ils finirent tranquillement leur boisson, discutant avec légèreté de sujets frivoles. L’ambiance avait changé, redevenue bon enfant elle permettait au pauvre cœur de Jungyu une petite pause après toutes ces folles palpitations qu’il avait subies.
Bien évidemment, Yeonu s’était senti obligé de jouer avec la chantilly : il avait absolument tenu à ce que ce soit lui qui nourrisse son Junie, allant même jusqu’à lui confisquer sa cuillère pour l’inciter à accepter. Jungyu, réticent plus par timidité que parce qu’il n’en avait pas envie, n’avait pas mis longtemps à céder, ce qui avait ravi son ami qui s’était empressé de plonger la cuillère dans la chantilly surmontée de coulis de framboise. Il l’avait tendue à Jungyu qui avait mangé sans rechigner.
Ça avait été étrange mais pas désagréable, amusant même quand Yeonu avait eu l’idée soudaine de le surprendre en lui déposant un peu de chantilly sur le nez. Jungyu avait protesté en s’essuyant, au plus grand désarroi de son aîné qui s’imaginait déjà lui croquer le bout de son adorable petit nez.
Jungyu avait décidément réussi à devenir une véritable faiblesse pour lui, il le trouvait beaucoup trop mignon…
La boisson terminée, il fut pour les deux garçons l’heure de s’essayer à un duo. Ils se mirent d’accord sur la chanson qu’ils souhaitaient interpréter et, une fois sélectionnée, ils se levèrent pour se placer côte à côte. Yeonu avait voulu une chanson d’amour, son cadet s’y était vivement opposé et avait proposé le plus récent single d’un artiste populaire qu’il aimait bien et qui plaisait également à son patron.
La musique s’était lancée… et Yeonu avait chanté. Il avait chanté juste.
Le chant de Jungyu se transforma en un simple murmure alors qu’il tournait la tête vers son aîné. Ce dernier l’imita en l’entendant chanter tout à coup si bas, et il lui adressa un clin d’œil amusé en lisant sur son visage une telle surprise.
Jungyu se ressaisit alors. Il tenta de se focaliser sur la mélodie ; il en avait perdu le fil, heureusement que Yeonu était là pour l’accompagner, il n’aurait sinon pas été en mesure de s’y retrouver.
Ce fut lors du premier refrain qu’une fois de plus, les deux amis se rapprochèrent – au sens propre comme au sens figuré. Yeonu se plaça si près de Jungyu que leur jambe touchait presque celle de l’autre, et il enroula un bras autour de sa taille pour le garder tout contre lui. L’étudiant, cette fois-ci davantage concentré sur la musique, posa sans même en rougir la joue contre son épaule.
Ils continuèrent ; Jungyu songea que s’ils avaient choisi une chanson d’amour comme Yeonu l’avait suggéré, le moment aurait risqué de devenir tout à coup plus gênant. Il avait bien fait de refuser…
Le morceau terminé, ce fut Jungyu qui s’écarta d’abord. Ils retournèrent s’asseoir, et la première chose qui vint à l’esprit du cadet, bien évidemment, ce fut la voix de Yeonu.
« Je savais pas que tu chantais aussi bien ! s’étonna-t-il. T’es impressionnant !
— Merci beaucoup, mais ta voix aussi est très belle. Je trouve d’ailleurs qu’elle va bien avec la mienne, t’en penses quoi ?
— C’est vrai, oui.
— Je me demande ce que ça donnerait si au lieu de chants, c’était des soupirs que nos voix décidaient d’entonner en chœur… »
Jungyu sourit, loin d’être déstabilisé par cette remarque qui ne constituait rien de plus qu’une énième phrase ridicule que Yeonu était capable de lui sortir.
« T’es bête, soupira-t-il, concentre-toi sur le karaoké.
— D’accord, d’accord. Mais du coup… ça te plaît ? Tu t’amuses bien ?
— Oui ! »
Il répondit en acquiesçant de façon franche, prouvant par là que plus qu’apprécier cet endroit, il l’adorait. Ces lumières qui brillaient, cette petite pièce pour eux seuls, cette atmosphère si particulière… et plus que tout cette sensation qu’il était libre de laisser entendre sa voix sans être jugé. C’était tout ça qui plaisait autant à Jungyu. Jusque-là, il n’aurait jamais cru pouvoir entrer dans un karaoké et y chanter, mais… quand il s’agissait de Yeonu, il se sentait pousser des ailes.
C’était plus fort encore que quand il était tombé amoureux de Sangchan. Yeonu, lui, il avait réellement pour objectif d’amener le jeune homme à faire ressortir son côté séducteur, à l’aider à prendre confiance en lui. C’était pour ça que Jungyu était si bien avec lui. Sangchan était un excellent ami, certes, mais il n’aurait jamais conduit Jungyu dans ses retranchements.
Théoriquement, c’était pour son travail que Yeonu agissait ainsi avec Jungyu, pourtant plus rien n’était lié à ses performances, du moins le cadet n’en éprouvait plus l’impression. Yeonu et lui s’étaient tant rapprochés, ils s’étaient tous les deux confiés sur des aspects si personnels de leur vie qu’il était impossible d’imaginer que même dans ce moment où il se métamorphosait en Junie, tout ne reste que professionnel.
Jungyu ignorait si Yeonu le percevait de cette manière lui aussi, mais à ses yeux en tout cas, rien de leurs actes ou de leurs mots ne s’avérait ni complètement vrai ni complètement faux. Jungyu était Junie au même titre que Yeonu incarnait son personnage. On le lui avait répété plusieurs fois : on n’attendait pas des performeurs qu’ils se transforment en quelqu’un d’autre, on attendait d’eux qu’ils exagèrent leur caractère pour devenir un cliché.
Mais même en se cachant derrière un cliché, on pouvait tomber amoureux.
C’était de cette manière que, sous couvert du masque de Junie, Jungyu vivait ce soir-là et par procuration une douce idylle avec Yeonu. Avec son expérience et son propre tempérament, son patron peinait probablement moins à se détacher de son personnage. Celui qu’il jouait était sans doute plus faux que celui de Junie dans lequel Jungyu s’investissait beaucoup…
Yeonu posa la main sur la pommette de son cadet et lui adressa un large sourire tandis qu’il plissait le nez sans même s’en rendre compte.
« J’en suis heureux, affirma-t-il, moi aussi je passe une super soirée, t’as eu raison de proposer de venir ici. On continue les duos ? C’est ce que je préfère ! »
Jungyu acquiesça, peu gêné de la paume de son ami contre la peau chaude de sa joue teintée de ce fameux rose qui avait la chance de passer inaperçu. Oui, il était ravi, toute sa journée se déroulait à la manière d’un agréable rêve dont il ne voulait pas se réveiller.