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Révulsé par la réaction de Jaehan à la découverte de sa blessure, Myeonkook refusait de lui adresser la parole. Il se sentait trahi, lui qui commençait à s'attacher à son charmant auteur et à ses éternelles taquineries. Leurs amis, certains qu'il s'agissait d'un malentendu, tentaient de les convaincre de renouer, ignorant néanmoins qu'une nouvelle s'apprêtait à bouleverser le quotidien du jeune libraire, et peut-être permettre à Jaehan et lui de se retrouver plus tôt que prévu. Or, tant qu'ils refuseraient de se montrer honnêtes l'un envers l'autre, impossible d'envisager une relation.
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Seitenzahl: 1005
Veröffentlichungsjahr: 2023
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À ma famille, mes amis, mes abonnés,
qui demeureront mes plus indéfectibles soutiens.
À ma sœur,
le plus précieux de ces soutiens.
Merci pour toute l’attention apportée à ce livre sur les réseaux,
l’écrire fut une aventure formidable à vos côtés.
À ce groupe que j’admire,
et sans lequel ce roman n’aurait jamais existé.
Du même auteur…
Romans :
Du bout des doigts 1 (août 2021)
Du bout des doigts 2 (octobre 2021)
À la croisée des suicides (novembre 2021)
L’étoile de Noël (novembre 2021)
Boy’s love Café 1 (février 2022)
Boy’s love Café 2 (avril 2022)
Dans l’ombre de sa folie (juin 2022)
Boy’s love Café 3 (juillet 2022)
Boy’s love Café 4 (octobre 2022)
Rookie Games (octobre 2022)
Boy’s love Café 5 (novembre 2022)
Les ailes de papier 1 (février 2023)
La statue de glaise (mars 2023)
Recueils de nouvelles :
Sonate (mai 2021)
Symphonie (mars 2022)
Valse (juillet 2022)
Opérette (septembre 2022)
Symphonie 2 (octobre 2022)
Valse 2 (janvier 2023)
Avant-Propos
Prologue
Chapitre 75
Chapitre 76
Chapitre 77
Chapitre 78
Chapitre 79
Chapitre 80
Chapitre 81
Chapitre 82
Chapitre 83
Chapitre 84
Chapitre 85
Chapitre 86
Chapitre 87
Chapitre 88
Chapitre 89
Chapitre 90
Chapitre 91
Chapitre 92
Chapitre 93
Chapitre 94
Chapitre 95
Chapitre 96
Chapitre 97
Chapitre 98
Chapitre 99
Chapitre 100
Chapitre 101
Chapitre 102
Chapitre 103
Chapitre 104
Chapitre 105
Chapitre 106
Chapitre 107
Chapitre 108
Chapitre 109
Chapitre 110
Chapitre 111
Chapitre 112
Chapitre 113
Chapitre 114
Chapitre 115
Chapitre 116
Chapitre 117
Chapitre 118
Chapitre 119
Chapitre 120
Chapitre 121
Chapitre 122
Chapitre 123
Chapitre 124
Chapitre 125
Chapitre 126
Chapitre 127
Chapitre 128
Chapitre 129
Chapitre 130
Chapitre 131
Chapitre 132
Chapitre 133
Chapitre 134
Chapitre 135
Chapitre 136
Chapitre 137
Chapitre 138
Chapitre 139
Chapitre 140
Chapitre 141
Chapitre 142
Chapitre 143
Chapitre 144
Chapitre 145
Chapitre 146
Chapitre 147
Chapitre 148
Chapitre 149
Chapitre 150
Chapitre 151
Chapitre 152
Chapitre 153
Chapitre 154
Chapitre 155
Chapitre 156
Chapitre 157
Chapitre 158
Chapitre 159
Chapitre 160
Chapitre 161
Chapitre 162
Épilogue
Bonus
Note
Devenue libraire après une grande déception professionnelle, j’ai découvert un univers qui m’a très vite fascinée, au point de m’inspirer. Ce livre est truffé de petites anecdotes qui, pour beaucoup, sont réelles. J’ai beaucoup aimé l’écrire, et avoir l’opportunité de le corriger puis l’éditer est un bonheur.
En effet, il s’agit d’autoédition. De fait, si je demeure très attentive aux erreurs qui ont pu se glisser dans ce texte (aidée par ma sœur qui en relève lors de sa propre lecture), je ne suis pas infaillible pour autant. Je suis désolée, je fais sincèrement de mon mieux pour sortir ces romans avec un nombre de coquilles au plus bas.
Par ailleurs, puisque cette histoire aurait dû sortir en un tome et non deux, j’ai décidé de reprendre non au chapitre 1, mais bien au chapitre 75 pour montrer la continuité entre les deux bouquins.
Il peut y avoir quelques longueurs, ou bien quelques redondances, et dans ce second livre vous trouverez également quelques scènes explicites. Si elles vous gênent, j’en suis désolée. Je me suis contentée de corriger et publier le texte tel que je l’avais posté sur Wattpad, je ne souhaitais pas censurer ces passages. De même, cette histoire se définit par la douceur de ses protagonistes, son côté « soft ». Ça ne plaira pas à tous, mais moi, ça me plaît. J’aime les romans débordants de tendresse et de bonnes intentions. :3
Bref ! Je vous souhaite une bonne lecture et vous remercie encore de vous être procuré ce livre. J’espère qu’il vous satisfera !
Dans le tome précédent…
« Tu voudras en parler, ou pas ?
— J-Jaehan… je le hais…
— Oh, Myeonkook… »
Il savait à quel point il s’était attaché à l’écrivain. L’entendre affirmer ça le blessait, mais il préférait ne pas poser de questions. Myeonkook parlerait s’il s’en sentait capable.
« J’ai été stupide, hyung, mais… j-j’ai cru qu’il me jugerait pas…
— C’est rien, Myeonkook, je suis sûr que ça pourra s’arranger.
— Non, je ne veux plus jamais le revoir !
— Dis pas ça…
— Je lui ai montré ma main, hyung, et… ç-ça l’a écœuré. Il m’avait fait une déclaration si longue hier, mais… a-après ça, il m’a dit qu’il ne m’aimait plus. Juste à cause de ma main !
— Tu… non, il a pas pu dire ça, Kook, t’as dû mal entendre, balbutia Chanwoo qui n’en revenait pas de la violence de ces propos.
— Non, je l’ai entendu comme je t’entends, souffla Myeonkook d’une voix brisée. Il avait l’air horrifié de voir mes cicatrices et ces deux putains de phalanges qu’il me manque. T’aurais vu son regard, je me suis senti si laid !
— T’es pas laid, Myeonkook, affirma son aîné la gorge serrée par la peine, moi je te trouve beau, vraiment beau. Laisse pas Jaehan te faire croire le contraire. Son avis ne vaut rien du tout, d’accord ? Dongnam-ah aussi t’a vu, et ça a rien changé à sa façon de te regarder. Et Inseok, ce garçon avec qui tu fais de la musculation. Lui aussi il t’a vu, hein ? Et ça l’a horrifié ?
— N-Non…
— Voilà. Concentre-toi sur nous tous, pas sur Jaehan. Un avis stupide ne doit pas remettre en question plein d’avis intelligents. Et moi je suis un garçon intelligent, hein Kook-ah ?
— Oui, hyung, sourit Myeonkook en dépit de son chagrin et sans quitter l’étreinte réconfortante de son ami.
— Bonne réponse. Donc si je te dis que ces blessures changent rien à ta beauté, tu peux me faire confiance, je te mentirais pas. Ça peut surprendre si on s’y attend pas, mais c’est pas laid. Regarde. »
Et sur ces mots, avec une délicatesse infinie, Chanwoo repoussa Myeonkook, se pencha, et sans toucher son bras blessé, il embrassa ses doigts qui dépassaient de son attelle. Assis auprès de son cadet, il releva ensuite la tête et posa une main sur sa joue.
« T’as vu, je suis pas mort, pas même dégoûté. Y a pas à l’être. Écoute pas Jaehan, s’il te plaît. »
Le garçon opina et s’avança pour appuyer le front sur l’épaule de son aîné qui l’enlaça de nouveau.
« Je serai toujours là pour te protéger, Myeonkook. Je te le promets. »
Et pour tenir sa promesse, Chanwoo comptait bien demander des explications à Jaehan. Même s’il savait ce dernier parfois un peu trop concentré sur le physique, il était convaincu qu’il n’adresserait pas une déclaration d’amour à n’importe qui, et… il était convaincu qu’il s’était passé quelque chose d’autre, quelque chose dont Myeonkook ne s’était peut-être pas aperçu mais qui avait influencé les paroles de Jaehan plus que la seule main meurtrie du libraire.
Jaehan n’était pas le garçon le plus charmant qui existe, mais il n’en demeurait pas moins délicat et affectueux. Impossible qu’il ait rejeté Myeonkook pour de simples blessures… du moins Chanwoo refusait d’y croire, il avait besoin de l’entendre de la bouche de Jaehan.
Préférant néanmoins garder ses réserves pour lui, le réceptionnaire abandonna un petit baiser dans les cheveux de son cadet avant de l’inciter à s’allonger.
« Repose-toi, Myeonkook. Je vais t’apporter un verre d’eau et préparer le dîner… et je vais aller mettre ça avec le linge sale, sourit Chanwoo avec malice en attrapant du bout des doigts l’oreiller trempé de son cadet.
— T’es le meilleur hyung du monde, merci.
— Je sais, je sais. Allez, calme ce gros chagrin. Jae vaut pas la peine que tu te mettes dans cet état. »
Myeonkook opina et serra entre ses bras un autre oreiller, le regard fixé sur son ami. Malgré les douces paroles de Chanwoo, il souffrait toujours. Avec les jours et les semaines, il avait fini par apprécier Jaehan plus qu’il ne l’aurait imaginé, il tenait bien plus à lui qu’il avait accepté de l’avouer, si bien que lire l’horreur dans ses yeux, le voir le repousser de cette manière… ça lui avait brisé le cœur. Sa déclaration, il l’avait crue sincère. Il avait pensé que Jaehan éprouvait pour lui un attachement capable de dépasser les mutilations de sa main… mais même leur amitié n’y avait pas résisté.
Merde, pourquoi se rappelait-il encore sa déclaration, d’ailleurs ? Elle aurait dû le laisser indifférent, alors pourquoi le perturbait-elle tant ? Pourquoi se sentait-il à ce point trahi ? Pourquoi l’avait-elle ému au point qu’il n’avait rien trouvé de mieux que fuir, la veille ?
Pourquoi aimait-il tant l’idée que Jaehan tenait à lui plus que comme un ami ?
Myeonkook enfonça de nouveau la tête dans son coussin : il s’apercevait qu’une partie de lui affectionnait Jaehan d’une manière qui n’avait plus rien d’amical. Il ne s’agissait pas encore d’amour, mais… il éprouvait bel et bien pour lui une inqualifiable attirance, ce qui expliquait sa douleur actuelle.
Pour une fois qu’il commençait à aimer quelqu’un, pour une fois qu’il osait s’ouvrir un peu à quelqu’un à qui il tenait de façon particulière… il se faisait jeter comme une ordure. Il aurait voulu que Jaehan le rassure, le prenne dans ses bras et lui affirme que ses blessures, il s’en moquait. Il aurait voulu qu’il déclare que rien ne changerait son point de vue à son sujet, et surtout pas des cicatrices.
Et… peut-être que si Jaehan, après avoir dit ces mots, l’avait embrassé, alors Myeonkook ne l’aurait pas repoussé. Parce qu’il aimait la sensation de discuter avec quelqu’un qui partageait ses centres d’intérêt tout en étant capable de lui en faire découvrir d’autres. Il avait adoré chaque moment passé avec Jaehan, il avait… Non, peu importait. C’était fini, il ne comptait plus revoir l’écrivain, à présent. Tout ce qu’il désirait, c’était reprendre sa vie paisible, terminer de payer ses maudites dettes et vivre enfin heureux, un bras en moins. Il s’y habituerait comme il s’était habitué à cacher sa main. Ça viendrait avec le temps.
« Tu crois sincèrement que je pourrai bosser à la librairie avec un bras immobilisé ? s’inquiéta Myeonkook. En toute honnêteté, tu penses que c’est possible ?
— Je pense, acquiesça Chanwoo sans beaucoup hésiter. Ce sera pas simple au début, et on ne pourra plus te confier le téléphone puisque tu ne pourras plus taper à l’ordi en même temps que le client parle, mais ça, ce sera pas bien grave. Pour mettre tes livres en rayon, t’as pas besoin de tes deux mains, et t’es habitué à taper d’une main quand t’as le téléphone dans l’autre, alors ça non plus ce sera pas bien gênant. Donc… je vois pas trop en quoi ça pourrait te pénaliser sur le long terme. Même pour le téléphone on pourra trouver une solution, genre une oreillette que t’enfilerais pour avoir ta main libre. Tu penses pas, toi ?
— Avec une seule main, j’irai beaucoup moins vite pour mettre les livres en rayon et pour taper à l’ordi. J’ai peur de devenir un boulet…
— Je vois pas en quoi. C’est juste qu’au lieu de laisser tes caisses de livres au bureau et prendre une pile avec toi, tu tireras tes caisses en rayon, mais ça reviendra au même, ça te pénalisera pas.
— Mais si y a beaucoup de livres en rayon et que j’ai du mal à les faire entrer, avec une seule main ce sera compliqué, réfuta Myeonkook, et pour les retours, à moins d’avoir une caisse vise et des roulettes, je pourrai vérifier qu’un livre à la fois au lieu d’en prendre une dizaine avec moi.
— Donc faudra que tu prévoies de garder une caisse sur roulettes en rayon.
— Ça peut pas être si simple que ça.
— Et pourquoi pas ?
— Je sais pas… ça a jamais été simple pour moi. »
Myeonkook avait à peine murmuré, mais Chanwoo l’avait entendu malgré tout. Une moue peinée, il regagna le lit pour s’asseoir auprès de Myeonkook, et il passa la main dans ses cheveux.
« À la librairie, on fera tout pour que rien ne change pour toi, je te le promets, Kook. Tu ne souffriras plus de tes blessures. »
Chanwoo – Je peux savoir ce que c’est que cette histoire ? Pourquoi je dois récupérer Myeonkook à la petite cuillère ? Qu’est-ce qui s’est passé, exactement ?
Jaehan – J’imagine qu’il t’a déjà expliqué. J’ai rien de plus à ajouter.
Chanwoo – Il croit que tu l’as rejeté à cause de sa main, Jae, ça l’a énormément blessé.
Jaehan – Je suis désolé, je pouvais juste pas.
Chanwoo – Ça, c’est pas une réponse qui me convient. Pour quelle raison, exactement, t’as décidé que tu préférais lui briser le cœur plutôt que d’essayer de parler avec lui ?
Jaehan – Parler pour dire quoi ? Tout a été dit. Et je pense pas lui avoir brisé le cœur, c’est lui qui m’a ordonné de me barrer, et je savais qu’il ne m’appréciait pas particulièrement, de toute façon. On était juste potes. Mais c’était toujours tellement compliqué : il est trop susceptible, toujours sur les nerfs. Je préfère ne plus l’approcher.
Chanwoo – Tu te fous de ma gueule ? Kook m’a dit que t’étais amoureux de lui, et je sais que si t’as tendance à tomber facilement amoureux, en revanche tu n’avoues jamais ce que tu ressens aux concernés. Tu tenais forcément à Myeonkook, alors arrête de mentir, je suis pas con à ce point, je commence à te connaître.
Jaehan – C’est juste… tout ce qu’il a dit. Et quand il m’a demandé si j’accepterais toujours de sortir avec lui… non, c’était pas possible. Je suis désolé, mais c’était trop pour moi. Je l’aime, oui je l’aime, j’aime tout chez lui… mais tout ce que j’ai appris, je peux juste pas le supporter.
Chanwoo – Et ses blessures ?
Jaehan – S’il n’y avait eu que ça, j’en aurais strictement rien eu à foutre.
Chanwoo – Il croit le contraire, à cause de ton comportement. Tu devrais le lui dire.
Jaehan – Je préfère pas. C’est mieux qu’il m’oublie et qu’il pense que je suis un con.
Chanwoo – Vous aviez une si belle amitié…
Jaehan – Peu importe. Mais… et toi, tu savais pour sa main ?
Chanwoo – Bien sûr, depuis bientôt deux ans. Il me dit tout.
Jaehan – Alors… est-ce que tu pourrais juste m’éclairer sur un point ?
Chanwoo – Comment ça ?
Jaehan – Myeonkook a parlé de dettes, d’une opération qu’il peut pas se payer. C’est vrai ? C’est pour ça qu’il s’offre jamais rien ?
L’aîné poussa un soupir à ce message et tourna la tête. Après avoir dîné, Myeonkook s’était endormi, et Chanwoo avait décidé d’ouvrir le dialogue avec Jaehan pour découvrir ce qui s’était réellement passé entre les deux garçons.
Chanwoo – C’est tout ce qu’il a dit ?
Jaehan – J’ai pas tout retenu, juste que les dettes… c’est celles de ses parents, c’est ça ?
Chanwoo – Myeonkook et sa famille ont eu un accident quand il était petit. Pour faire bref et parce qu’il me tuerait si je te racontais les détails, y a eu des problèmes qui ont fait qu’à cause de ça, ils se sont retrouvés avec une dette très importante sur les bras. C’est lors de cet accident que Myeonkook a eu la main foutue et l’avant-bras brisé. Il a été opéré, mais les médecins ont pas remarqué que l’os ne s’était pas ressoudé correctement. C’était à peine visible sur les radios, ça aurait pas posé de problèmes à un adulte… mais Myeonkook était petit, et quand il a grandi, le problème s’est amplifié : un cal osseux s’est formé entre les deux parties de son os mal ressoudé. Au début, ça posait pas trop de soucis, mais maintenant ça frotte les nerfs et les muscles proches à chacun de ses mouvements. Myeonkook s’acharne encore à aider ses parents à rembourser leurs dettes, et l’opération plus les soins que demanderaient son avant-bras… c’est pas envisageable pour lui d’un point de vue financier. Wonjin, son kiné, affirme que si dans un mois il a toujours pas été opéré, il n’y aura sans doute plus de solutions pour réparer tout ça, et Myeonkook est déterminé à ne pas subir d’intervention pour qu’enfin ses parents soient soulagés de tout ce qu’ils ont à payer depuis quinze ans.
Jaehan – C’est une blague ? Il a refusé de se faire opérer parce qu’il a pas le fric ?
Chanwoo – T’as même pas idée à quel point ça a été difficile pour lui de prendre cette décision…
Jaehan – Mais il suffisait de demander, je peux la lui payer, son opération !
Chanwoo – Myeonkook ne supporte pas l’idée de devoir de l’argent à qui que ce soit.
Jaehan – Mais je le lui donnerais, ce fric, je demanderais pas à ce qu’il me rembourse !
Chanwoo – On a déjà essayé de lui faire entendre raison, on a proposé de tous donner un peu pour le soutenir… mais ça a pas suffi. Et je préfère qu’il apprenne pas que je t’ai parlé de ça.
Jaehan – Je comprends, et de toute façon c’est lui qui m’a expliqué l’essentiel de l’histoire.
Chanwoo – C’est vrai. Mais évite de lui parler de ça : il risquerait de le prendre mal, il est vraiment pas bien depuis ce que t’as dit, et je crois qu’il vaut mieux que tu te fasses discret pour l’instant.
Jaehan – Je compte pas revenir vers lui, de toute façon. Je pense que ça vaut mieux pour nous deux. Et puis il est toujours si impétueux, ça m’énerve.
Chanwoo – Il est pas comme ça, c’est faux. C’est quelqu’un de très patient, de très doux, mais… c’est normal que t’aies jamais pu t’en apercevoir : il a beaucoup changé depuis qu’on s’est rencontrés. C’est pas sa faute, il est toujours stressé, justement à cause de son bras. Quand il a appris que sa blessure n’avait pas guéri correctement, Myeonkook a commencé à se ronger les sangs, peu à peu un rien s’est mis à l’agacer, et ça lui arrivait de craquer sans raison apparente, juste quand y avait la goutte qui faisait déborder le vase. Ça fait des mois qu’il est à fleur de peau, irascible. Je connais bien ses défauts, mais je connais aussi ses qualités. Il est juste tellement mal en ce moment, tout est si compliqué…
Jaehan – Il a pas toujours été comme ça, alors ?
Chanwoo – Quand je l’ai rencontré, Myeonkook était déjà soucieux à cause de ses dettes, mais il avait pas de douleurs dans le bras, ou alors juste quand il forçait trop à la musculation, donc ça l’inquiétait pas. Il était habitué à économiser sans arrêt, sa vie a toujours été comme ça, ça le dérangeait pas. Quand je l’ai connu, Myeonkook était quelqu’un de calme, de patient, et la douceur de son sourire faisait chavirer le cœur de bon nombre de clientes. Il souriait beaucoup.
Jaehan – Je vois…
Chanwoo – Je suis vraiment désolé que tout se soit déroulé de cette façon. Et toi, ça va, quand même ?
Jaehan – J’avais prévu de passer la soirée avec Hajoon, heureusement qu’il est là, ça va déjà un peu mieux.
Chanwoo – Ça me rassure, alors. Prends soin de toi, bonne soirée.
Jaehan – Merci, toi aussi… et prends bien soin de lui.
Chanwoo – Compte sur moi. ♥
La conversation s’acheva ainsi, et Chanwoo poussa un nouveau soupir en éteignant son portable. Désormais en pyjama, il se glissa auprès de Myeonkook, prit bien soin de ne pas même frôler son bras, et il ferma les yeux. Il ignorait encore ce qui avait poussé Jaehan à décider de s’éloigner de son cadet, mais… au moins il avait pu mettre les choses à plat avec l’écrivain, et cette conversation, il l’espérait, l’aiderait peut-être à mieux cerner Myeonkook et à se réconcilier avec lui tôt ou tard.
Chanwoo s’endormit, son meilleur ami serré contre lui pour lui tenir bien chaud.
~~~
En se réveillant, Myeonkook jura que ses paupières pesaient une tonne et que ses yeux étaient toujours gonflés du fait des larmes versées la veille. Chanwoo à ses côtés, Myeonkook se sentit un peu consolé en dépit de son cœur qui demeurait meurtri. La nuit portait sans doute bel et bien conseil, car désormais, Myeonkook en était convaincu : il éprouvait pour Jaehan quelque chose de plus fort qu’une simple amitié, une attirance qu’il ne qualifierait pas encore d’amour mais qui s’en approchait peu à peu.
Une attirance qui accentuait d’autant plus la douleur qui le minait aujourd’hui.
Myeonkook resta allongé, le regard fixé sur le plafond, à songer à tout et rien pendant d’interminables minutes, jusqu’au moment où son réveil sonna et que Chanwoo sortit à son tour de sa torpeur.
« Coucou mon Kook-ah. Comment tu vas ?
— Bien, et toi ?
— Ça va. Prêt pour cette nouvelle journée ?
— Oui, mais seulement si tu me fais un câlin.
— Ça peut s’arranger. »
Myeonkook lui adressa un sourire et se blottit contre lui. Il frotta sa joue contre le t-shirt de son aîné et ronronna presque de bonheur quand Chanwoo lui embrassa le front. Ce dernier le garda de longues minutes dans son étreinte, conscient que Myeonkook avait besoin de se sentir aimé comme n’importe quel garçon.
« Merci, hyung, souffla-t-il en s’écartant, ça va mieux.
— J’en suis heureux. »
Il regarda sa montre.
« Je vais bientôt devoir y aller, soupira Chanwoo. On se revoit tout à l’heure.
— Ouais, à toute. »
Une fois habillé, le réceptionnaire fila, et Myeonkook attrapa son attelle qu’il avait abandonnée au pied du lit pour l’enfiler en vitesse et se recroqueviller ensuite sous ses draps. Il n’avait aucune envie d’aller travailler aujourd’hui, sans compter que son avant-bras le brûlait au moindre geste. S’il ne prenait pas un antidouleur au plus vite, il risquait de souffrir…
De sa main valide, il saisit son portable laissé sur la table de chevet. Aucun nouveau SMS. Aurait-il souhaité découvrir que Jaehan lui avait écrit ? Oui. Il refuserait de l’admettre à voix haute, mais oui, il avait espéré que Jaehan s’excuse, s’explique. Or, rien. Et Myeonkook, de toute façon, estimait que rien ne pourrait jamais excuser ni expliquer sa réponse, ce « non » qu’il avait vécu comme une gifle.
Décidé à tourner la page en dépit de son désespoir, le libraire envoya un message à son père. Ils discutèrent un peu, échangèrent des nouvelles, et Myeonkook se sentit plus serein au moment de retirer son écharpe pour enfiler une chemise oversize.
À peine le magasin fut-il ouvert que Myeonkook poussa un profond soupir : la journée allait être longue si déjà le premier client lui demandait où se situait le rayon jeunesse, information mentionnée dès l’entrée ainsi que sur un panneau près des escaliers qui menaient aux étages.
Quant au deuxième client, il était tout juste arrivé que Myeonkook l’entendit marmonner « je vais demander, ça m’évitera de chercher ». Le vieil homme donc braqua son regard sur lui, approcha et lui demanda s’il avait reçu le nouveau roman d’un auteur si populaire que Myeonkook répliqua que oui, il y en avait même une centaine d’exemplaires sur la tête de gondole devant laquelle il était passé quelques secondes plus tôt – et sur laquelle il n’avait pas jeté le moindre coup d’œil, focalisé sur le libraire qu’il comptait déranger.
Myeonkook crut halluciner quand, quelques minutes plus tard, on lui demanda s’il vendait des préservatifs ! Une fois son client parti bredouille et son faux sourire évincé de ses lèvres, Myeonkook fila en réserve. Lorsqu’il entendit l’épaisse porte claquer derrière lui, il déchaîna toute sa frustration.
« Hyung, tu m’expliques pourquoi aujourd’hui, les gens ont décidé d’être encore plus cons que d’habitude !
— Développe, dit Chanwoo d’un ton nonchalant sans lâcher les livres qu’il scannait.
— Alors en moins d’une heure j’ai eu droit à un abruti qui sait pas lire des panneaux, un qui est capable de rater cent bouquins en tête de gondole, et un qui veut savoir si on vend des préservatifs. Mais ils se sont passé le mot ou quoi ? Ils veulent me rendre dingue !
— Une journée banale, en somme. Va savoir, cet après-midi, on te demandera peut-être pire.
— Je te jure, parfois je me pose vraiment des questions. Genre… des gens aussi paumés sont vraiment capables de trouver un travail et s’occuper seuls d’eux-mêmes ? Pitié, ils ont autant d’autonomie que des enfants de six ans !
— Du calme, Kook, rit Chanwoo devant son désarroi. Ils sont juste pressés.
— Et alors ? Ils peuvent être pressés sans être cons, ça n’empêche pas ! Le panneau indiquant les rayons est à l’entrée, tout comme la gondole avec ma centaine de bouquins ! Quant aux préservatifs, c’est pas putain d’évident qu’on en vend pas ? On me fait perdre un temps fou avec des conneries, je te jure, je suis à deux doigts de punaiser une FAQC, à mon bureau !
— Une quoi ?
— Une FAQC, répéta Myeonkook avant de préciser. Une foire aux questions connes !
— Bien sûr, suis-je bête…
— Hyung, il est même pas dix heures du matin et j’ai déjà besoin d’un lait à la banane…
— Aïe, la journée promet d’être difficile… »
Myeonkook esquissa un maigre sourire, la joue posée sur la tête de son ami assis devant et dos à lui. Après un court silence et un soupir, le libraire se décida à retourner en rayon, songeant qu’une nouvelle âme égarée le cherchait peut-être pour une autre question stupide.
Même s’il aimait son travail, il existait des jours tels que celui-ci où il enverrait bien ses clients se faire voir pour ne répondre qu’à ceux qui ne semblaient pas déterminés à lui faire perdre son temps. Malgré tout, il enfila son plus beau sourire et partit avec des livres à ranger, priant pour que le reste de la journée se révèle un peu plus réjouissant que ce début de matinée.
Jaehan avait passé une soirée catastrophique la veille et se réveilla seul dans l’appartement de Hajoon puisque ce dernier avait dû s’en aller tôt au travail. L’écrivain resta étendu dans le lit, les paupières closes, perdu dans ses pensées. Les blessures de celui qu’il aimait toujours refusaient de quitter son esprit. Bien sûr qu’il aimait Myeonkook : il ne s’imaginait plus sortir avec lui, mais il l’aimait encore.
Jaehan se connaissait : une fois qu’il était tombé amoureux, à moins d’une désillusion douloureuse ou d’une trahison, il s’avérait difficile pour lui d’oublier ses sentiments, et Myeonkook… il ne l’avait ni déçu ni trahi. Son petit libraire demeurait pour lui un garçon aussi sexy qu’attachant. Or, il en était convaincu : pour leur bien à tous les deux, mieux valait qu’ils se tiennent à bonne distance l’un de l’autre. Que Myeonkook le haïsse, dans ce cas au moins il ne chercherait plus à l’approcher.
Après avoir finalement versé bon nombre de larmes la veille, il éprouvait à présent la sensation que ses yeux étaient toujours humides alors même qu’ils avaient séché. Ils lui paraissaient gonflés, il se sentait hideux, autant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Il savait qu’il devrait justifier à Myeonkook son rejet… mais il n’y parviendrait pas. Pourtant, il se détestait de faire ainsi souffrir son pauvre libraire.
Morose, Jaehan erra dans l’appartement de son ami, et quand il remarqua au pied du lit une peluche représentant un adorable chaton blanc, il esquissa un sourire. Bien sûr que Hajoon lui avait parlé de Hayan, il reposait avec lui toutes les nuits désormais, comme s’il s’agissait de son compagnon. Il lui avait expliqué son erreur avec Chanwoo et leur actuel moyen de communication. L’écrivain s’inquiétait pour son illustrateur, même s’il gardait ses soucis pour lui : tant que Hajoon était heureux, rien d’autre n’importait.
Jaehan rentra chez lui sans manger. Il se réfugia dans la chambre d’amis, celle qu’il avait aménagée dans l’espoir que son frère et sa sœur viennent un jour y dormir. Quand il se sentait sincèrement mal, il s’installait ici : cette pièce où ses deux cadets n’avaient jamais vécu, Jaehan s’était malgré tout persuadé qu’elle habitait une partie d’eux, si bien que ça le réconfortait, comme si Yeongho et Yeonmi se tenaient auprès de lui, en train de le consoler.
Les larmes montèrent, comme chaque fois qu’il pensait à eux. Il serra un oreiller contre lui en se recroquevillant à la manière d’un enfant effrayé. Après d’interminables minutes, une fois ses larmes taries, il quitta la chambre et se rendit dans la sienne. Son ordinateur l’attendait, posé sur son matelas. Il s’y assit, alluma l’appareil devant lui et, s’abreuvant de sa peine, il reprit son ouvrage.
Si jusqu’à présent Hajoon s’était toujours montré très enthousiaste vis-à-vis de ses livres, pour ce qui était du roman qu’il écrivait à présent, le jeune homme avait surtout manifesté une incompréhension mêlée de crainte. Il trouvait son histoire trop sombre, même pour un livre à destination des adolescents, et à la lecture du synopsis, il s’était beaucoup inquiété pour Jaehan qui avait tenté de le rassurer.
Or… Jaehan n’était pas convaincu lui-même de ce qu’il avait affirmé.
Peut-être qu’il était comme le personnage de son histoire, après tout.
Peut-être que lui aussi, il était un garçon de qui la peine avait brisé le cœur au point que pour le sauver, il avait fallu le remplacer par une pierre extraite des contrées les plus froides au monde, afin que plus jamais sa sensibilité exacerbée ne le blesse.
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« Bonsoir, hyung !
— Salut, Hajoon-ah, sourit Chanwoo devant la mine réjouie de son compagnon. Comment tu vas ?
— Toujours aussi bien quand on discute, et toi ?
— Très bien, merci. »
Plus les jours passaient, plus Chanwoo tombait amoureux de son adorable cadet. Malgré tout, il se sentait encore incapable de le lui avouer : Sungyeol avait utilisé l’affection qu’il lui vouait pour abuser de lui… et malgré sa confiance en Hajoon, Chanwoo demeurait terrifié à l’idée qu’à son tour il se serve de ses sentiments pour le manipuler.
La peur restait pour lors plus forte que l’amour…
Les deux compagnons se racontèrent tour à tour leur journée avant de pousser en chœur un soupir.
« Jaehan est vraiment pas bien, affirma Hajoon d’un ton peiné. Je l’avais rarement vu aussi hébété que quand il est arrivé chez moi hier. Il a refusé de me raconter ce qui s’était passé, je sais juste que ça a un rapport avec Myeonkook, et qu’il ne veut plus jamais le voir.
— Ouais, en gros. Jae a fait une belle connerie, Kook l’a chassé de sa vie, et lui aussi se sent plus mal que jamais. Il est vraiment sur les nerfs – encore plus que d’habitude, je veux dire, et je pensais pas que c’était possible.
— À ce point ?
— Oui, j’ai sûrement autant peur pour lui que toi pour Jae…
— Ça j’en doute…
— Tu crois ? »
Hajoon se mordit la lèvre en acquiesçant tandis que son regard exprimait une douleur immense.
« Ce midi puis ce soir, juste avant de t’appeler, je lui ai envoyé un message, en apparence pour savoir s’il voulait discuter un peu, mais en vérité pour m’assurer qu’il avait pas fait une connerie.
— Hajoon…
— N’importe quel crétin interrogé au hasard dans la rue pourrait prétendre que Jaehan a tout, mais il a rien. Il est vide, pareil à un corps duquel on aurait arraché l’âme. Hyung, Jae ne parle plus à sa famille, il vit isolé, il a presque aucun ami et ne sort avec personne parce que tous les mecs qui s’intéressent à lui s’intéressent avant tout à son fric. Il passait ses journées à broyer du noir avant que Myeonkook arrive, et… maintenant qu’il l’a aussi violemment repoussé, j’ai peur, j’ai tellement peur…
— Ça va aller, Hajoon…
— Non, ça va pas aller, protesta le cadet d’une voix tremblante. Tu veux savoir l’intrigue de son prochain roman ? C’est l’histoire d’un garçon de qui un drame a brisé le cœur, et pour y survivre il s’arrache le cœur et demande à ce qu’on le remplace par la roche la plus froide du monde, pour qu’il ne souffre plus de cet écoulement de lave qui lui brûle le corps. Et après ? Il erre sur Terre sans but, parce qu’il se rend compte que la vie et les sentiments sont trop profondément liés pour être dissociés. Il ne vit plus, il meurt à petit feu. Et tu me permets de te spoiler la fin, hyung ? Le garçon au cœur de pierre se rend dans l’endroit glacial d’où provient son cœur, et quand il pose la main sur le bloc de granit sans vie devant lui, la pierre bat… mais pas son cœur. Alors il ferme les paupières… et il ne les rouvre jamais, termina Hajoon dans un sanglot.
— Hajoon-ah, pitié, pleure pas…
— Chanwoo, j’ai peur qu’une fois que son personnage aura fermé les yeux, Jae décide de faire pareil ! »
Son cri de détresse agit comme un éclair qui scinda l’aîné. La peine monstre de son cadet, communicative, lui fit monter les larmes aux yeux. Il détestait voir Hajoon pleurer, et s’il pouvait s’arracher le cœur à la manière du personnage du roman de Jaehan, sans doute se l’arracherait-il pour le tendre ensuite à Hajoon dans l’espoir que son amour le console.
« Hajoon, je bosse pas les après-midis : je te jure que je ferai en sorte de passer autant de temps que possible avec Jaehan et m’assurer qu’il va mieux.
— Il déteste montrer quand il se sent mal, souffla son ami en essuyant ses yeux humides. Il te laissera pas deviner que ça va pas.
— Peu importe, je resterai.
— C’est vrai ? Tu ferais ça ?
— Je tiens beaucoup à lui, même si on se voit peu. Je veillerai sur lui quand tu seras pas là, fais-moi confiance.
— Merci, Chanwoo, ça me rassure un peu. De mon côté, je réfléchis à m’installer chez lui, ou bien à lui proposer de s’installer chez moi : je pense que ça pourrait lui faire du bien et lui permettre de se vider un peu la tête.
— Oh, c’est vrai que c’est une super idée !
— Tu trouves ?
— Carrément !
— Alors je vais lui envoyer un message tout de suite, attends deux secondes ! »
Sans couper leur appel, Hajoon attrapa son portable et quitta le plein écran pour rejoindre sa messagerie. Il se hâta d’envoyer un SMS à Jaehan, lui proposant d’habiter chez lui quelques semaines. Il savait à quel point Jaehan détestait la solitude qui le rongeait quand il se retrouvait isolé dans son immense appartement, si bien qu’il songeait que la chaleur de son petit cocon pourrait lui être bénéfique.
Comme toujours, Jaehan lui répondit sans tarder.
Jaehan – Habiter chez toi ? Pourquoi ?
Hajoon – Je me fais beaucoup de souci pour toi, ça me rassurerait.
Jaehan – T’as pas à t’en faire, ça va aller. ♥
Hajoon – Je suis désolé, mais je te crois pas.
Jaehan – Et pourquoi ça ?
Hajoon – Parce que j’ai récolté une à une chacune de tes larmes cette nuit, Jae. Tu vas pas bien du tout. Avant tu pleurais juste dans leur chambre, maintenant tu craques chez moi aussi. Et quand tu parles de Myeonkook… ça se sent que t’es anéanti. Je te connais.
Jaehan – J’ai pas envie de te déranger…
Hajoon – Ça me dérangerait pas. Et les après-midis où je serais pas là, Chanwoo a proposé de venir te tenir compagnie. On veut seulement ton bien.
Jaehan – C’est vraiment gentil de votre part, ça me touche énormément (vous formez un très beau couple :3).
Hajoon – Merci ! Alors c’est oui ?
Jaehan – Oui, je veux bien, mais je resterai peut-être pas très longtemps. Juste quelques jours.
Hajoon – C’est déjà largement suffisant ! On s’amusera bien, tu verras ! Bon, en général je rentre tard alors je passe juste un rapide coup de fil à Chanwoo-hyung pendant que je dîne, puis je vais me coucher, mais on pourra aussi regarder un truc avant de s’endormir, ou bien jouer à un jeu pas trop long ! ^^
Jaehan – Non, bouscule pas tes habitudes pour moi, surtout pas si ça implique de dormir moins. T’as besoin de te reposer. Moi, je serai juste heureux de pouvoir passer un peu de temps avec toi, et de dormir à tes côtés.
Les prunelles de Hajoon s’illuminèrent et, après un dernier message, il agrandit son écran sur lequel on voyait Chanwoo feuilleter un livre en patientant.
« Désolé, hyung, la conversation s’est un peu éternisée, affirma-t-il – et Chanwoo quitta son roman des yeux pour se concentrer sur lui à qui il sourit avec tendresse.
— C’est rien du tout. Il en a pensé quoi, de ton idée ?
— Il aime beaucoup nos deux idées : il accepte de venir s’installer chez moi pour quelques jours, et il serait heureux que tu passes de temps en temps. Je sais qu’on se voit pas pour le moment, toi et moi, mais à quelques exceptions près, je finis tard tous les jours, alors je pourrai te prévenir dix minutes avant d’arriver, comme ça tu pourras partir sans qu’on se croise. Ça t’irait ? Jae a besoin de monde autour de lui, et…
— Oui, ça m’irait, l’interrompit Chanwoo. T’en fais surtout pas, Hajoon. Et c’est gentil, je veux bien que tu me préviennes avant de rentrer, ça me rassurerait.
— Parfait, on fait comme ça ! Je me sens déjà beaucoup plus léger, j’ai hâte de passer quelques jours avec Jaehan ! »
Tout ce que Hajoon espérait désormais, c’était que ces quelques jours suffiraient à son ami pour se reconstruire, ou du moins pour se remettre de cette nouvelle déception amoureuse qui avait représenté la goutte de trop pour Jaehan. Il ignorait tout de ce qui s’était passé ce soir-là entre Myeonkook et lui, mais il savait une chose : jamais Jaehan n’aurait fait souffrir le jeune libraire sans une excellente raison. L’écrivain en effet prenait grand soin de ceux à qui il tenait, et il reconnaissait volontiers ses torts.
Hajoon était convaincu que le soir où tout avait basculé, Jaehan avait eu le cœur brisé avant même que Myeonkook ne lui ordonne de sortir de chez lui.
Plusieurs jours étaient passés, et en ce mercredi chaud mais supportable de juin, Myeonkook sortit de la librairie l’estomac noué. Il avait reçu un appel en absence, un appel de Wonjin, son kinésithérapeute. Ils ne se voyaient plus depuis près d’un mois, et le jeune homme savait que son médecin venait aux nouvelles. Malgré tout, il ne pouvait pas s’empêcher de s’inquiéter à l’idée qu’il désire peut-être lui annoncer quelque chose de grave.
Wonjin n’avait pas laissé de message vocal, si bien qu’après avoir pris son courage à deux mains, Myeonkook se résigna et appuya sur la touche pour contacter son correspondant.
À peine sorti du magasin, il sentit tout à coup un frisson lui caresser la colonne vertébrale en dépit des températures élevées. Son cœur tambourinait contre ses côtes et battait de plus en plus fort à mesure que les sonneries se succédaient.
« Allô ?
— Salut, hyung. T’as essayé d’appeler ? demanda Myeonkook d’une voix qu’il cherchait à rendre la plus naturelle possible.
— Oh, Kook ! Oui, pardon ! Je voulais juste savoir comment t’allais. Ça fait un bout de temps et… je m’inquiète, tu comprends ?
— Oui, je suis désolé. »
Bien sûr qu’il comprenait : Wonjin et lui s’étaient beaucoup rapprochés au fil des mois et des ans, et la générosité du jeune kiné avait beaucoup aidé Myeonkook qui lui en resterait toujours reconnaissant. Même s’il n’était plus son médecin, Wonjin continuait de se soucier de son cadet.
« Ton bras, ça va ? s’enquit-il donc.
— Je porte toujours pas d’attelle.
— Mais ça va ?
— Tant que je bouge pas, oui.
— Myeonkook, je t’en prie, fais cette opération… avec le temps, j’ai peur que ça commence à te faire souffrir même quand tu bougeras pas, c’est risqué ce que tu fais…
— Je t’ai déjà dit que je le ferai pas, la discussion s’arrête là.
— Juste une dernière question, Myeonkook : est-ce que tu peux tenir ton portable de la main gauche pour me parler ?
— Pourquoi ?
— C’est juste une question. Est-ce que tu pourrais le faire sans avoir mal ? »
Myeonkook laissa un bruyant silence s’étirer de longues secondes durant avant de soupirer.
« Non, pas sans avoir mal. »
Nouveau silence, aussi pesant que le premier.
« Si à la fin de la semaine prochaine tu ne t’es pas décidé, il ne s’agira plus d’une simple ostéotomie, Myeonkook. Les muscles et les nerfs auront subi des dégâts trop importants. »
Le kinésithérapeute lui avait demandé, pourtant, de continuer les étirements et les exercices afin de prendre soin de son bras… mais peu importait, aux yeux de Myeonkook : que l’opération ne soit plus possible fin juin ou mi-juin revenait au même, puisqu’il ne comptait pas la subir.
« C’est tout ce que tu voulais me dire ? demanda Myeonkook d’un ton en apparence neutre.
— Je ferai ce que je peux pour t’arranger ça, Myeonkook, je te le promets. Depuis que t’es parti, j’ai pas arrêté une seconde : j’essaie de passer des coups de fil pour te trouver un hôpital qui accepterait de t’offrir la rééducation et les médicaments, je me renseigne pour savoir combien la mutuelle te rembourserait… je te jure que je te laisse pas tomber. Mais si tu m’avais laissé un peu plus de temps, j’aurais pu…
— C’est pas la peine, le coupa Myeonkook avec émotion, c’est déjà vraiment généreux de ta part d’avoir cherché à me soutenir de cette manière, je t’en suis très reconnaissant, mais j’ai pas besoin qu’on me paie tout. Ça ira, je te le promets.
— D’accord… mais toi, tu pourrais me promettre que si je trouve un moyen de t’offrir cette opération et tous les soins, tu l’accepteras et tu feras ton possible pour guérir ?
— Hyung, ça impliquerait que j’arrête de bosser pour au moins trois mois, sans doute plus… Même si une partie de mon salaire me sera versée, je gagnerai moins.
— Et ça vaut vraiment la peine que tu refuses une intervention et des soins offerts ? »
Myeonkook voulut se pincer l’arête du nez de sa main gauche, geste qui tenait plus du réflexe qu’autre chose. Il stoppa néanmoins son mouvement à peine commencé quand son avant-bras le rappela à l’ordre, diffusant une douleur horrible jusque dans son coude.
« Si tu trouves quelque chose qui me coûterait rien à part un arrêt de travail temporaire… alors c’est d’accord. Je te promets que je subirai l’intervention.
— C’est tout ce que je voulais savoir : je retourne tout de suite à mes recherches ! Fais-moi confiance, je trouverai ! »
Et Wonjin enchaîna en lui demandant des nouvelles de la librairie, conscient que Myeonkook aimait parler de son travail et des derniers romans qu’il avait lus. La conversation s’éternisa, et une fois terminée, elle laissa pour Myeonkook place à un silence désespérant, celui de son studio.
Pas de Jaehan bruyant pour lui proposer une promenade entre amis, juste lui et le silence, ce silence qu’il avait jusque-là toujours apprécié mais qui le terrifiait désormais.
Pour Myeonkook, le silence était devenu pareil au rugissement de la solitude, et il se hâta de le briser en mettant de la musique sur son smartphone avec un son assez bas pour qu’elle ne le dérange pas malgré tout. Il ouvrit un livre dont il lut quelques pages, stressé sans savoir pourquoi.
Il mourait d’envie de sortir, incapable de tenir en place sur son lit… mais il n’avait pas envie de sortir seul. Maudit Jaehan, Myeonkook se doutait que tôt ou tard, l’enfermement lui pèserait du fait de leurs régulières escapades auxquelles il avait pris goût !
Furieux contre lui-même, Myeonkook se força à rester sur son matelas avec son portable et son roman, déterminé à se réhabituer à ne pas bouger. S’il souhaitait sortir, qu’il aille à la salle se muscler, ça l’occuperait de manière utile au moins !
Après une demi-heure de remontrances silencieuses contre lui-même, Myeonkook râla et se décida à se rendre à la salle de sport, envoyant au passage un message à Inseok pour savoir s’il comptait l’y rejoindre. Il prépara ses affaires en quelques instants et fila, abandonnant son livre dont il n’avait lu que quelques misérables paragraphes.
Chaque fois qu’il désirait se vider la tête, rien de mieux qu’un peu d’exercice, même s’il n’effectuait pas de mouvements impliquant les deux bras.
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Jaehan était arrivé chez Hajoon le lendemain de sa discussion avec ce dernier, autrement dit il passait son deuxième jour chez son meilleur ami, et Chanwoo avait prévu de venir directement lui tenir compagnie après son travail. Ainsi, quand on sonna à quatorze heures, il se hâta d’ouvrir et de faire entrer le réceptionnaire. Chanwoo le salua d’un geste de la main, retira ses chaussures et lui tendit un petit sac en papier.
« D-Désolé, j’ai… y avait du monde au magasin, alors… ça m’a pris un peu de temps, mais je voulais pas venir les mains vides.
— Oh, hyung… c’est tellement gentil, merci beaucoup !
— Ouvre. »
Jaehan obéit aussitôt, et son sourire s’élargit quand il découvrit un manuel pour apprendre le français, qui vantait son exhaustivité et les nombreux exercices corrigés qu’il proposait.
« Je sais que t’adores la France et que tu y es déjà allé à plusieurs reprises pour découvrir le pays, alors… c’est cadeau. Je me suis dit que ça t’occuperait un bon moment, c’est pas une langue facile.
— Oui, j’avais déjà essayé de l’apprendre, mais j’avais juste deux ou trois phrases de base, j’ai jamais essayé d’apprendre la grammaire.
— Bah là, tu pourras. »
L’écrivain feuilleta le bouquin.
« Il a l’air vraiment bien… Je te promets que je ferai de mon mieux pour apprendre le français, hyung !
— Je te crois, j’espère que ça te sera utile.
— J’en suis convaincu ! Encore merci !
— Je t’en prie, ça me fait plaisir. Alors, comment tu vas ?
— Un peu mieux…
— Jaehan…
— Je sais que Myeonkook est ton meilleur ami, et… il sait que t’es là ?
— Pourquoi il devrait savoir ? demanda Chanwoo en se rendant dans le salon avec son ami.
— Je sais pas… et toi, pourquoi t’as proposé de me tenir compagnie ? Je veux dire… j’apprécie sincèrement ton geste, vraiment merci, mais… tu m’en veux pas de… de ce que j’ai dit à Myeonkook ?
— Honnêtement, si, je t’en veux. Mais Hajoon avait l’air de dire que t’avais tes raisons, alors pour l’instant, je préfère mettre ça de côté pour me concentrer sur l’essentiel : même si t’as mal agi, tu restes quelqu’un que j’apprécie, et tant que j’ignorerai pourquoi t’as répondu ça, je te jugerai pas.
— C’est vrai ?
— Oui. T’as pas de chance, Myeonkook est beaucoup moins posé que moi, lui il fonce et, s’il y pense, il se pose des questions après. Il a été abattu que tu le repousses.
— C’est pourtant lui qui n’a eu de cesse de me repousser depuis qu’on se connaît.
— Myeonkook peut sembler froid, mais quand il s’attache à quelqu’un, il s’y attache de toute son âme. C’est sûrement ça qui fait de lui un ami si fidèle et si précieux. Il est très attentif à ceux qu’il aime, et quand il veut, il peut témoigner de beaucoup de tact.
— Ça se voit qu’il tient à toi plus qu’à quiconque, approuva Jaehan.
— Il tenait aussi beaucoup à toi, sinon crois-moi, ton avis, il s’en foutrait. Mais là… ton avis comptait. Il n’a révélé sa blessure qu’à très peu de personnes, et seulement des personnes en qui il a toute confiance.
— Il m’a montré sa main sur un coup de tête.
— Il l’aurait pas fait, même sur un coup de tête, s’il avait pas envisagé de le faire plus tôt. Myeonkook déteste montrer ses faiblesses, et tout particulièrement sa main. Il t’estime beaucoup, Jaehan, et il est aussi abattu que toi, je t’assure.
— Je vois…
— Je suis désolé de ce qu’il s’est passé entre vous, et j’entends bien que t’as tes raisons pour avoir réagi de cette manière… mais t’es vraiment sûr qu’il vaut pas mieux avouer à Myeonkook que t’as pas répondu ça à cause de sa main ?
— S’il croit que c’est à cause de sa main, il sera en colère contre moi, et ça l’attristera pas bien longtemps qu’on ne soit plus amis. Je préfère ça.
— T’es vraiment sûr ? C’est dommage de le laisser croire ça… et j’ai peur que sa confiance en lui en prenne un coup, admit Chanwoo.
— J’en suis désolé, mais ça vaut mieux, et puis… j’ai pas envie qu’il me pose de questions. S’il te plaît, comprends-moi.
— Je te comprends. »
Chanwoo non plus n’aimait pas qu’on lui pose des questions à propos de ses phobies, il comprenait qu’il existait des choses que Jaehan ne souhaitait pas avouer.
Les deux garçons, après avoir bu un verre de soda ensemble, se rendirent à la chambre. Jaehan, resté en pyjama, prit place sur une chaise alors que Chanwoo s’était installé sur le lit. Une petite boule de fourrure blanche attira aussitôt son attention, et l’écrivain s’en aperçut.
« Hayan… Hajoon ne peut plus s’en passer, gloussa-t-il.
— Oh, vraiment ? s’enquit Chanwoo en jetant un regard surpris à son ami.
— Oui, je t’assure, mais je pense que tu le savais déjà, non ?
— Hajoon m’a dit qu’il ne le quittait plus, mais… ça me fait plaisir d’entendre une confirmation. »
Il saisit le chaton, songeant que son copain l’avait enlacé toute la nuit, et une douce chaleur coula dans ses veines tandis qu’à son tour il étreignait de façon timide le petit animal. Jaehan lui jeta un regard attendri avant de baisser les yeux. Chanwoo reposa la peluche et redirigea son attention sur son cadet qui prit la parole en premier.
« Hajoon parle beaucoup de toi, affirma-t-il. Il t’aime énormément, tu sais ?
— Oui, moi aussi je l’aime, et… même si je suis pas encore capable de le lui avouer, j’essaie de le lui montrer. Je fais de mon mieux.
— Je le vois : Hajoon a les yeux qui brillent quand il pense à toi, et il a un sourire débile, aussi. Il est heureux, ça me rassure.
— Je ferai en sorte que ça dure, je te le promets. Je veux qu’il soit heureux. »
Jaehan opina, le visage radieux, et les deux garçons décidèrent de lancer un jeu vidéo pour faire passer le temps.
Hajoon – J’arrive d’ici une dizaine de minutes, petit elfe, passe une bonne soirée. ^^
Chanwoo – D’acc. Merci beaucoup, profite bien de ton temps avec Jaehan, bonne soirée à toi aussi. :)
L’aîné reposa son téléphone et tourna les yeux sur l’écrivain. Ce dernier feuilletait le livre de français qu’il lui avait offert avec un intérêt qu’il ne feignait pas : depuis plus d’une heure à présent il s’essayait aux premiers exercices, étudiait les leçons, et s’exerçait de nouveau. Chanwoo pour sa part avait sorti de son sac un roman qu’il lisait dans son coin. Ainsi, une fois qu’il eut reçu le message de son copain, il rangea ses affaires et salua son ami avant de s’éclipser.
Il éprouva néanmoins un pincement au cœur à l’idée de ne pas même voir Hajoon, si bien qu’après une hésitation, il décida de l’attendre à l’extérieur de son bâtiment. L’idée qu’il se retrouverait face à son compagnon le stressait autant qu’elle lui plaisait. Dans la rue, il était exposé, mais ça le rassurait que des gens circulent autour d’eux.
Les minutes passèrent, et son anxiété aussi : la tranquillité de la rue l’apaisait. Or, quand il remarqua la voiture de Hajoon qui approchait, il sentit sa peur grimper en flèche et se crispa aussitôt. Pourtant, il resta en place, prit une longue inspiration et rouvrit les paupières une fois plus calme. Hajoon se gara non loin et descendit de son véhicule, un large sourire aux lèvres : il avait aperçu Chanwoo. Le cadet adressa à celui qu’il aimait un signe de la main, et il se hâta de le rejoindre, gardant un bon mètre et demi de distance avec lui. Ses prunelles brillaient de bonheur ; il salua son copain.
« Comment tu vas ? lui demanda-t-il. L’après-midi s’est bien passé ?
— Super bien, Jaehan est devenu un étudiant studieux : je lui ai offert un manuel pour apprendre le français, ça devrait l’occuper un bon moment. Et toi, ça va ?
— Super aussi ! J’ai eu mes meilleurs élèves cet après-midi, alors on a pu passer un super bon moment, on s’est bien éclatés !
— Dans quel sens ?
— Je les ai massacrés, un plaisir ! se réjouit Hajoon dans un gloussement.
— Tu maltraites toujours tes élèves ?
— Seulement les meilleurs, et seulement quand eux-mêmes le réclament.
— Ah parce qu’ils réclament, en plus ? s’étonna Chanwoo avec un rictus amusé.
— Bah carrément ! Au moins une fois par mois ils veulent se mesurer à moi, je crois que ça leur plaît de se dire qu’ils ont un défi à relever. Alors on fait plein de petits matchs, limite un tournoi, et c’est toujours moi qui gagne !
— Tu pourrais les laisser gagner, au moins une fois.
— Pff, hors de question : soit ils se rendraient compte que j’ai perdu volontairement et ça les vexerait, soit ils s’en rendraient pas compte et ils se vanteraient. Donc chaque fois je les bats ! »
L’air ravi sur le visage angélique de son compagnon fit presque oublier à Chanwoo que Hajoon lui expliquait qu’il écrasait successivement tout le groupe de ses meilleurs élèves en taekwondo. Il peinait à croire son copain capable d’un tel exploit ! Hajoon paraissait si innocent qu’il ne se le figurait pas en train de se battre.
« Et… si je peux me permettre, reprit Hajoon, je croyais que tu voulais pas qu’on se croise, alors… pourquoi m’avoir attendu, au juste ?
— Oh… bah… faut croire que je voulais quand même te voir, même juste dans la rue.
— Je suis vraiment heureux que tu m’aies attendu, dans ce cas, moi aussi je suis content de te voir.
— Oui… Jaehan doit t’attendre, marmonna Chanwoo d’un ton gêné alors que Hajoon le fixait.
— Donc j’ai pas le droit de te regarder plus longtemps ?
— C’est embarrassant.
— T’es vraiment beau, hyung, autant que t’es gentil.
— M-Merci, Hajoon-ah. Toi aussi tu l’es.
— Passe une bonne soirée, à bientôt. »
Chanwoo lui retourna son salut et fila sans demander son reste, sentant ses joues s’empourprer – et il détestait rougir devant ses proches !
Une fois rentré chez lui, il se jeta sur son lit et serra son oreiller contre lui, le cœur battant. Comme ça lui avait plu de voir Hajoon ! Comme il avait aimé leur proximité alors que jusqu’à présent, ils n’avaient plus communiqué que par visio ! Même le mètre et demi entre eux n’avait pas su les séparer.
Il voudrait tant réussir à prendre Hajoon dans ses bras et s’abandonner aux siens… Il se maudissait de craindre toujours autant le moindre toucher, mais il ne parvenait pas à s’en empêcher : un seul pas vers Hajoon le terrorisait, alors un câlin, un baiser… impensable !
Il aurait souhaité trouver auprès de lui le même réconfort qu’auprès de Myeonkook, mais sa relation avec ce dernier ne ressemblait en rien à celle qu’il entretenait avec Hajoon. Myeonkook ne risquait pas de poser la main à un endroit qui le dérangerait, il ne risquait pas de le regarder de façon lubrique. Alors que Hajoon…
Chanwoo frémit à cette idée. Hajoon avait vingt-quatre ans, bien sûr que ce genre de pensées lui viendrait le jour où Chanwoo accepterait une étreinte de sa part… et ça le tétanisait. Il ne voulait plus jamais qu’un regard empli de désir se dirige sur lui. Pourtant… il adorait sentir son regard affectueux sur lui. Il le fixait avec une telle innocence que Chanwoo ne percevait aucune luxure dans ses prunelles, et il souhaitait que ça continue ainsi.
Il ne devait donc jamais laisser Hajoon l’approcher de trop près…
~~~
Sept jours que l’amitié de Myeonkook et Jaehan avait volé en éclats. Le libraire profitait de son dimanche… du moins il essayait. En dépit du fait qu’il s’agissait de la première semaine de juin, le voilà prostré dans son lit depuis son réveil trois heures plus tôt, avec d’insupportables douleurs au bras et de la fièvre. Il avait avalé deux comprimés peu après avoir ouvert les yeux, mais ils étaient restés inefficaces contre sa souffrance. Le visage maculé de larmes, Myeonkook comprit qu’il ne tiendrait pas plus longtemps : il attrapa son portable et contacta sans réfléchir son ancien kinésithérapeute.
« Allô ? Myeonkook ? demanda Wonjin d’un ton surpris en décrochant.
— Hyung… je sais pas ce qui s’est passé cette nuit… j’ai tellement mal !
— C’est ton bras ? Bien sûr que c’est ça, je suis con… merde, t’as pris des cachets ?
— Oui, mais ça change rien, je t’en supplie, c’est horrible !
— Faut que t’appelles les urgences, Kook-ah, tout de suite, affirma Wonjin en tentant de garder son calme malgré la détresse de son cadet qui lui brisait le cœur. Ils pourront peut-être…
— Non, pas l’hôpital ! Pitié, hyung… je peux pas, ça me fait peur…
— D’accord. Écoute, je viens de retrouver ton adresse dans mes fichiers. J’arrive dans dix minutes, tu veux qu’on reste en ligne ?
— Non, ça va aller, je t’attends, merci.
— Je fais vite. »
Myeonkook raccrocha dans un sanglot, et il se recroquevilla en veillant à ne pas bouger le bras. S’il demeurait immobile, la souffrance restait tolérable. Or, au moindre mouvement, même infime… Myeonkook ferma les paupières aussi fort que possible, tout son corps tendu au point que des crampes risquaient bien de le surprendre dans les minutes à venir.
Une éternité s’écoula pour Myeonkook avant qu’enfin Wonjin ne frappe à la porte de son studio. Le jeune homme alla ouvrir en se maudissant pour chaque geste effectué, et son ami l’enlaça aussitôt avec une délicatesse telle que Myeonkook éprouva un instant la sensation que son corps s’abandonnait à son étreinte. Les yeux clos, il poussa un soupir et sentit tout à coup un vertige s’emparer de lui. Il ne bougea pas.
« Va t’asseoir sur ton lit, Myeonkook, ça va vite aller mieux, je te le jure. T’as ton attelle ?
— J’ai mal dès que je bouge le bras, je peux pas la mettre.
— Je vais la chercher. Elle est où ?
— Pitié, hyung… »
Les prunelles humides de Myeonkook n’eurent pas raison de la décision de son aîné qui, posant les mains sur ses joues, essuya de ses pouces les larmes qui lui échappèrent. Son air désespéré peina Wonjin qui, néanmoins, ne céda pas à ses émotions. Il devait aider Myeonkook, et pour ça, le libraire devait immobiliser son bras.
« Tu dois l’enfiler, d’accord ? Tu la ranges où ?
— Au fond du placard de la salle de bains… mais ça va faire mal, je veux pas, je t’en prie…
— Je m’assurerai que ça ne fasse pas mal, ça te va ?
— Comment tu peux en être sûr ?
— Tu me fais confiance ?
— Non. »
Ce mot, prononcé avec sa petite moue grognonne, tira un sourire à Wonjin qui leva les yeux au ciel avant de passer une main dans les cheveux de son ami.
« Va t’asseoir dans ton lit, s’il te plaît. J’arrive. »
Myeonkook préféra baisser les armes et obtempéra. Il retourna à son lit, remonta les draps jusqu’à sa taille en dépit des températures agréables, et un frisson le prit quand il vit son médecin le rejoindre et poser au bord du matelas le matériel. Myeonkook le considéra d’un œil torve, hostile.
« Myeonkook, c’est une attelle et une écharpe médicale, elles peuvent pas faire de bataille de regard avec toi, se moqua Wonjin avec tendresse en se dirigeant vers son coin cuisine.
— Si je me concentre assez, je pourrai peut-être y mettre le feu, non ?
— Continue d’essayer, si tu veux. »
Myeonkook sentit un sourire élargir ses lèvres pour la première fois de la journée, mais ses prunelles se chargèrent d’interrogations quand l’autre revint avec un verre d’eau et deux gélules.
« C’est quoi ? »
Ça ne ressemblait pas aux antidouleurs qu’il prenait.
« J’ai apporté ça pour t’aider à te détendre. Tu les avales, et dans vingt minutes, tu mets ton attelle.
— Et j’aurai pas mal ?
— Promis. »