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Découvrez trois nouvelles enchanteresses... Le magasin de Noël Fils du propriétaire d'une immense chaîne de magasins de Noël, Hwang Seohyeok est un grand amoureux des fêtes, passion qu'il partage avec son petit frère Seojun. Or quand, une semaine avant Noël, il apprend que son père a revendu l'oeuvre de sa vie à un concurrent, le jeune homme s'inquiète, plus encore quand il rencontre Shin Ilnam, supposé devenir avec lui le co-manager du magasin de Séoul. L'un est fasciné par la magie apportée par Noël, l'autre par les bénéfices que cette fête engendre. Ils vont devoir pourtant apprendre à travailler ensemble, et pourquoi pas à se connaître. L'hôtel de Noël Chauffeur de la famille Hwang depuis quelques années, Euijin est traité comme un membre de la famille, respecté par Seohyeok en Seojun, les propriétaires du magasin qu'Ilnam les aide à gérer. Il accepte donc volontiers de reconduire à Daegu Lee Yeojun, investisseur richissime venu passer une journée au magasin pour en découvrir le fonctionnement une semaine avant Noël. Or, il ne s'attendait pas à tomber sur un garçon si méprisant... et il s'attendait encore moins à tomber en panne au beau milieu des montagnes, désormais piégé avec Yeojun dans un hôtel isolé. Le voleur de Noël Alors que Noël approche et que l'effervescence règne au magasin de Noël, Ilnam et Seohyeok sont confrontés à une difficulté de poids : des vols sont commis de façon récurrente depuis plusieurs semaines, et pas des vols sur des marchandises en vente, mais sur des montres et bracelets qui appartiennent aux clients ! Les gérants ne comptent pas se laisser faire, d'autant plus que cette semaine commencent les festivités organisées par Seojun, et elles doivent être parfaites.
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Seitenzahl: 610
Veröffentlichungsjahr: 2023
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À tous ceux qui ont lu ces histoires
et les ont appréciées.
À ceux qui m’ont aidée à les faire vivre trois années de suite,
chapitre après chapitre, sept jours avant Noël.
Et à l’une des plus merveilleuses personnes que je connaisse,
celle sans qui Noël n’aurait pas la même signification,
ma petite sœur et illustratrice, Alyssa.
Avant-propos
Le magasin de Noël
Prologue
J-7 avant Noël
J-6 avant Noël
J-5 avant Noël
J-4 avant Noël
J-3 avant Noël
J-2 avant Noël
Veille de Noël
Noël
Épilogue
L’hôtel de Noël
J-7 avant Noël
J-6 avant Noël
J-5 avant Noël
J-4 avant Noël
J-3 avant Noël
J-2 avant Noël
Veille de Noël
Noël
Épilogue
Le voleur de Noël
J-7 avant Noël
J-6 avant Noël
J-5 avant Noël
J-4 avant Noël
J-3 avant Noël
J-2 avant Noël
Veille de Noël
Noël
Épilogue
Merci tout d’abord pour l’intérêt que vous portez à ces histoires. J’espère sincèrement qu’elles vous plairont et vous feront rêver.
Ce livre est un recueil de trois nouvelles, je les ai autoéditées dans l’espoir de pouvoir en proposer à mes abonnés Wattpad une version papier. Ces textes ont été corrigés par mes soins, relus à plusieurs reprises, pour autant je ne suis pas infaillible, et il reste probablement de petites erreurs d’inattention.
Je m’en excuse sincèrement, j’espère qu’elles ne gêneront pas trop la lecture.
Note : puisque l’histoire se déroule en Corée du Sud, les prix sont donnés en wons. Le prix en euros est donné en note quand il s’agit d’un montant précis. Pour le reste, gardez en mémoire que 1 euro équivaut à environ 1400 wons.
« Seohyeok, viens un peu ici, mon chéri! »
Le garçonnet accourut aussitôt, sorti d’un des rayons de la petite boutique. Il bondit dans les bras de son grand-père qui le serra tendrement contre lui puis l’assit sur ses genoux, lui-même installé sur une chaise derrière le comptoir.
Devant eux, seize familles attendaient avec un large sourire aux lèvres, et les enfants paraissaient excités comme si le père Noël se tenait face à eux. C’était un peu le cas, dans un sens.
« Tu veux bien faire le tirage au sort? »
Le garçon, âgé d’une dizaine d’années, acquiesça sans hésiter et se tourna vers un bocal au fond duquel avaient été déposés seize papiers numérotés. Il en prit un en fermant les yeux puis en annonça le chiffre. Dans la petite assistance, une fillette poussa un cri de joie et tendit un flocon de plastique qui arborait le numéro tiré.
« Bravo! s’exclama avec entrain le vieil homme. Alors, dis-moi : avec quel cadeau est-ce que tu voudrais repartir?
— Euh…
— Tu as une semaine pour te décider, si tu n’es pas sûre de toi.
— Je veux la poupée, là!
— Oh, la jolie poupée aux cheveux bouclés, c’est bien ça?
— Oui, je la veux!
— Pas de problème. Seojun-ah1, tu veux bien t’en occuper?
— J’y vais! » lança d’une voix fluette un chérubin jusque-là en retrait.
Seojun se hâta de récupérer l’article et de l’emballer. Du haut de ses six ans, l’habitude lui permettait déjà de former aisément un paquet à l’aide d’un peu de papier et de scotch. Il façonna un magnifique cadeau qu’il tendit ensuite à l’autre fillette, qui le remercia dans ce qui ressemblait en vérité plutôt à un cri de joie.
Les clients se dispersèrent et les deux petits garçons se retrouvèrent seuls avec leur grand-père dans une boutique où erraient encore quelques personnes. On venait dans le magasin tant pour les articles que pour l’ambiance qui y régnait.
« Papa, comment vont les enfants? »
Le vieil homme se retourna vers un autre, plus jeune, qui lui offrit un large sourire en le voyant auprès des deux petits. Ces derniers se jetèrent dans les bras de leur père en lui racontant leur journée de manière confuse.
« Vous me direz tout ça quand on rentrera. Filez à la voiture, il faut que je discute avec votre papi. »
Ils obéirent en se chamaillant entre deux éclats de rire.
~~~
Des années plus tard…
Seohyeok remercia sa cliente avec son habituel sourire – que certains prétendaient « charmeur ». La demoiselle, âgée d’une vingtaine d’années, rougit et s’inclina avant de repartir avec son paquet sans tarder. Le jeune homme, alors, retourna à ses tâches : il laissa sa caisse pour s’adonner à un peu de rangement dans les allées de l’immense magasin. Sa préférée? Celle des jouets, bien sûr : c’était là que venaient les enfants, clients de qui les yeux brillaient le plus vivement. Il adorait déceler dans les regards de telles étincelles de bonheur.
Seohyeok passa sa journée à vendre, encaisser, et emballer des articles en tous genres.
Jamais il ne se lasserait de cette ambiance féérique.
Il neigeait à gros flocons lorsqu’il quitta l’enseigne, une fois les portes du bâtiment closes. Il ne trouva pas même le temps de tirer de son sac un parapluie que déjà une limousine s’arrêtait devant lui. Une des vitres teintées se baissa, dévoilant un garçon au large sourire rectangulaire. Son visage arborait des traits aussi harmonieux que ceux de Seohyeok, bien que ce dernier pouvait se vanter de posséder des lèvres plus épaisses.
« Salut, hyung2! lança le nouvel arrivant. Tu montes? Papa nous a envoyé Euijin pour nous ramener. On risquerait de se cailler, sinon.
— C’est gentil, mais je préfère marcher.
— T’en as pour au moins une demi-heure.
— Je sais.
— Faudra vraiment que tu m’expliques un jour ce que tu trouves de si génial dans le fait de marcher dans la neige. J’en ai froid pour toi.
— Suffit d’avoir les bonnes chaussures, Jun, répondit-il avec malice. Allez, on se retrouve à la maison. À toute!
— Ouaip, à toute! »
La vitre se referma, mais le véhicule ne redémarra pas immédiatement : avant ça, la portière avant s’ouvrit. Euijin, chauffeur de la famille et également meilleur ami des deux frères, en sortit le buste et la main. Il adressa à Seohyeok un signe jovial accompagné d’un « bonne soirée! » hélé avec enthousiasme.
La limousine partie, le jeune homme se mit en marche, ravi de cette neige qui insufflait à Séoul une ambiance propice aux fêtes de fin d’année.
Il en ignorait la raison, mais il lui semblait que cette fois-ci, il les savourerait plus que jamais.
1Particule coréenne qui marque l’affection.
2Terme coréen utilisé par un garçon pour désigner un garçon plus âgé que lui de qui il se sent proche (un frère, un ami, etc).
Lorsqu’il ouvrit les yeux, Seohyeok se sentit comme un enfant : il ne restait plus que sept jours avant Noël!
Son expression prit tout à coup un pli paniqué. Oh non, sept jours! Ce qui signifiait que…
« Hyung! »
Seohyeok esquiva tout juste son cadet qui, entré comme une furie dans sa chambre, venait de bondir sur son lit. L’aîné roula avec agilité et gloussa quand son petit frère leva vers lui un visage dépité.
« Ça, c’était pas cool, lui reprocha-t-il. Je veux mon câlin!
— Je laisse mon tour à ton copain.
— Je comptais bien lui en faire un, à lui aussi. Mais comment tu veux que je commence cette journée correctement si toi tu me fais pas mon câlin?
— C’est pas un câlin que t’essaies de me faire, Jun, mais un plaquage. Ça fait quinze ans que tu n’as plus six ans, tu te rends compte?
— Et alors?
— T’es lourd.
— Et alors?
— Tss, allez, idiot, viens là, mais en douceur, cette fois.
— Oui! »
Ravi, Seojun se jeta dans les bras ouverts de son aîné qui le serra contre lui : chaque année, une semaine avant Noël, pour célébrer le début de cette magnifique période, ils s’étreignaient. Le jeune homme tenait beaucoup à ce rituel, très affectueux vis-à-vis de son grand frère qu’il idolâtrait.
D’une certaine manière, Seohyeok se désolait de songer que cet attachement qu’il éprouvait pour lui était sans doute causé par l’absence de leurs parents qu’ils avaient peu connus. Ils s’étaient soutenus dans les épreuves et s’étaient construits sans eux, seulement avec leur grand-père qui avait servi de substitut. Par chance, grâce à lui, leur enfance s’était déroulée de manière heureuse, ils avaient su s’épanouir pour devenir de jeunes hommes travailleurs et passionnés.
Seohyeok tapota avec tendresse le dos de Seojun et s’écarta de lui qui le relâcha. Un regard fut échangé, les deux frères se séparèrent. Ils discutèrent en prenant leur petit déjeuner au salon, où se trouvaient déjà leur père et leur grand-père, tous deux attablés devant le journal télévisé.
Dans la famille, chacun se ressemblait : des visages fins, délicatement sculptés, des yeux en amande d’un marron profond, un sourire à se damner et un corps élancé. La bonté marquait leurs traits – ce n’était pas pour rien que le magasin de Séoul attirait une clientèle globalement plus féminine que les autres.
En effet, d’une petite boutique perdue en banlieue de Daegu, le grand-père des deux garçons était passé à une monstrueuse chaîne de magasins qui rapportaient chaque année une véritable fortune aux Hwang. En dépit de cette impressionnante montée en gamme, les lieux conservaient cet esprit de Noël qui les rendait si prisés au moment des fêtes. La famille avait vu son quotidien changer du tout au tout, pourtant chacun gardait au fond de son cœur cette humilité et cette générosité qui faisaient d’eux des personnalités très appréciées dans le monde des affaires.
Comme chaque jour dès qu’il en avait l’occasion, Seohyeok se rendit au travail à pied : d’après son contrat, il était manager du magasin – co-manager avec son grand-père, en vérité –, mais il passait son temps à accueillir, conseiller et encaisser les clients. Lui, ce qu’il préférait, c’était le terrain : rester auprès des marchandises et des acheteurs. Il possédait un sens du contact inné, depuis toujours il aimait déambuler dans les rayons et trouver à chacun l’article idéal.
Il ne s’y connaissait pas juste en jouets, il se révélait spécialisé dans tout ce qui touchait à Noël : nourriture, vêtements, babioles, décorations, livres, etc. Rien ne lui était étranger. Ses compétences l’avaient hissé au rang de meilleur vendeur du magasin… même s’il n’était pas considéré comme vendeur. Il changeait souvent de casquette et contrôlait l’ensemble du personnel avec un talent que tous lui reconnaissaient. Seohyeok était né pour ce travail.
Seojun quant à lui, tout aussi talentueux, s’était tourné vers un domaine bien précis : l’animation. C’était en effet lui qui gérait toutes les activités, qu’il s’agisse de la simple venue du père Noël ou bien d’un concours dans tout le pays avec de nombreux partenaires privés et publics. Les animations qui donnaient son âme au magasin dans lequel il exerçait restaient néanmoins ses favorites. Il s’investissait corps et âme pour ravir petits et grands, ses initiatives toujours couronnées de succès. Il demeurait un des salariés les plus appréciés par ses collègues, tant pour son dévouement que pour sa gentillesse. Seohyeok lui-même l’admirait et espérait lui ressembler.
En arrivant au magasin, le jeune homme sentit un sourire étirer ses lèvres lorsque son regard se posa sur un employé en train de distribuer des flocons de plastique ornés d’un nombre. Si jadis leur grand-père s’en chargeait, aujourd’hui la tâche d’organiser la loterie de Noël incombait à Seojun, qui en éprouvait une fierté qu’il ne savait pas cacher. Ce n’était non plus un mais dix numéros qui étaient tirés, afin de ravir dix clients à l’approche de cette fête si spéciale à leurs yeux autant qu’à leur cœur.
Le tirage au sort se déroulerait à quatre heures de l’après-midi. Seojun terminait les derniers préparatifs, soutenu par plusieurs employés. Seohyeok quant à lui avait prévu de s’occuper du rayon des articles de luxe : son grand-père lui avait demandé d’aller s’assurer que les nouveaux produits étaient correctement mis en avant, de même que les offres promotionnelles. Il avait pour mission de vérifier que l’agencement permettrait une optimisation des ventes.
Son aïeul pourtant savait à quel point Seohyeok méprisait cette partie de son travail : ce qui l’intéressait le plus, c’était la gestion des allées qu’il considérait comme les plus magiques. Or, son grand-père lui imposait de plus en plus souvent des tâches axées sur les bénéfices du magasin – aucun des deux n’aimait ces obligations, mais jusque-là le vieil homme s’en chargeait, si bien que Seohyeok s’inquiétait qu’il lui délègue cette responsabilité.
Le jeune homme, malgré ses réticences, était doué pour cerner ce qui fonctionnerait. Pour autant, il s’en moquait. Son intérêt résidait dans le bonheur de chacun. Jadis, dans leur petit commerce, les chiffres n’avaient jamais importé.
Le rayon des produits de luxe était majestueux, à l’image des articles en vente. Venir ici avait tendance à mettre Seohyeok mal à l’aise : il ne se sentait pas dans son élément. Cependant, il s’acquitta de sa tâche avec sérieux. Il déplaçait des parfums quand on l’interpela.
« Excusez-moi, est-ce que vous pourriez m’aider, s’il vous plaît? »
Il se retourna aussitôt et, en s’inclinant, indiqua avec politesse à son client qu’il se tenait à sa disposition. En relevant la tête, il découvrit avec étonnement un garçon sans doute à peine plus vieux que lui, affublé de chaussures chics de cuir véritable, d’un pantalon qui semblait avoir coûté aussi cher qu’elles, et d’un long manteau élégant dont le vendeur n’osait pas estimer le prix. Son visage affichait un air affable, accentué par un sourire poli et des yeux qui brillaient d’un éclat de bienveillance.
« Je cherche à faire un cadeau à mon père, indiqua-t-il. Je sais qu’il aime beaucoup les vêtements et les accessoires, mais je ne sais pas exactement ce qui pourrait lui plaire.
— Nous allons regarder ça, proposa Seohyeok, suivez-moi. »
Il passa devant, arriva au rayon des habits, et s’enquit auprès de son client des goûts de son père, de ce qu’il portait à l’accoutumée.
« J’ai rarement l’occasion de le voir sans son costard cravate, rit le jeune homme, alors je ne saurais pas vous répondre.
— Et pour ce qui est des accessoires? Est-ce que vous pensez qu’il pourrait aimer recevoir une nouvelle montre, ou bien un bijou qui saurait demeurer discret?
— Eh bien… j’imagine que oui, il a une belle collection de montres, une de plus ne lui serait pas particulièrement utile, mais ça pourrait lui faire plaisir.
— Venez, nous avons reçu des modèles très récemment dont je doute que votre père les ait déjà acquis. »
Son interlocuteur acquiesça, ravi. Seohyeok se vantait parfois avec humour de posséder un don pour deviner ce que chacun souhaitait pour Noël. C’était faux, bien entendu, même s’il visait presque toujours juste. Il continuait de se pavaner pour le simple plaisir de voir ensuite son petit frère bouder.
Les deux garçons passèrent de longues minutes à choisir. Enfin, Seohyeok trouva l’article parfait : une montre à plusieurs millions de wons3. Le client tira de son portefeuille une carte de crédit qui prouvait son appartenance à la haute société, et il paya sans même s’inquiéter du prix.
« Je suis sûr que votre père appréciera, sourit Seohyeok en tendant le sac.
— J’en suis certain. De toute façon, l’important, c’est le geste. Tant qu’il y a des cadeaux, tout le monde est heureux.
— Noël, c’est bien plus que ça, rit l’employé avec légèreté. C’est tout un esprit, pas seulement des cadeaux.
— Vous trouvez? tiqua son client avec une mine assurée.
— Oui, enfin… »
Seohyeok se sentit déstabilisé et songea qu’il n’aurait pas dû aborder le sujet.
« Je m’excuse, se reprit-il donc de peur de le froisser, ce n’était pas très délicat de ma part.
— Non, non, ne vous excusez surtout pas. Je trouve que votre point de vue est beau. Un peu naïf, mais beau.
— Naïf? Comment ça?
— Vous m’accorderez que Noël est devenu une fête profondément matérialiste.
— Pour vous peut-être, répliqua avec prudence Seohyeok d’une voix qui demeurait douce, mais pour beaucoup, ça va bien au-delà de ça.
— Vraiment?
— Oui : les enfants qui viennent ici…
— Seraient atrocement déçus s’ils ne recevaient aucun cadeau, le coupa son client.
— Certes, mais parce qu’ils croiraient que le père Noël veut les punir. Et qu’y a-t-il de plus beau et magique que de telles convictions? En grandissant, ils ne croiront peut-être plus au père Noël, mais leur cœur demeurera habité par les valeurs que ces fêtent incarnent à leurs yeux.
— Quel beau discours. Je suis curieux de savoir si vous penseriez toujours ça si vous aviez les moyens d’obtenir n’importe quoi n’importe quand, et pas seulement une fois dans l’année.
— Croyez-moi, rétorqua Seohyeok, je pense que mon avis ne changerait pas si je devenais riche.
— C’est peut-être vous avancer que de prétendre ça.
— Si vous le dites… »
L’employé haussa les épaules d’une manière désinvolte et s’en alla, laissant coi son client qui, s’il lui avait trouvé d’abord l’air sympathique, lui apparaissait désormais comme le dernier des imbéciles. Un privilégié méprisant, sûrement de ceux qui considéraient leurs salariés comme des moins que rien. Pourquoi l’argent mènerait-il nécessairement à devenir une espèce de crétin matérialiste?
S’il existait bien une chose que Seohyeok détestait, c’était qu’on juge autrui en fonction de critères qui ignoraient le fond de leur cœur : le physique, la condition sociale, les résultats scolaires.
Ça l’insupportait.
« Toi, t’as pas passé une bonne matinée, constata Minhyuk avec un air malicieux. Il s’est passé quoi? »
Seohyeok poussa un soupir de dépit. Il se savait transparent, mais là ça frisait le ridicule. On lisait en lui comme dans un livre ouvert.
Assis tous les deux à la cafétéria des employés, les garçons avaient chacun pris un plateau et attendaient, avec leur repas devant eux, l’arrivée de Seojun – éternel retardataire. Seohyeok était étalé sur sa chaise, et si Minhyuk l’avait un instant cru malade, il avait vite remarqué sa moue agacée.
« Laisse-moi deviner, réfléchit son ami. Est-ce que… un client a cassé une boule à neige?
— Je m’énerverais jamais pour ça, répliqua Seohyeok dans un haussement d’épaules.
— Un article de Noël très prisé est en rupture de stock?
— Non plus.
— Euh…
— Un client m’a bien fait comprendre que les riches étaient des personnes matérialistes qui ignoraient tout de l’esprit de Noël.
— Sérieux? Tu le connaissais?
— Non, et il ne savait pas qui j’étais. Mais ça me fout les boules d’entendre des conneries pareilles encore aujourd’hui... surtout que c’était un sale type prétentieux reparti avec une Rolex pour son père. J’avais l’impression que puisque monsieur était friqué, il pensait pouvoir se permettre de me prendre de haut. Mais merde, peu importe ma fortune, j’ai quand même le droit d’aimer Noël, non?
— Du calme, ricana Minhyuk, mange un sucre d’orge, ça te fera du bien. Arrête de penser à ce type, c’est un con et puis c’est tout.
— Ça je sais, mais… ça m’énerve.
— Je peux comprendre.
— Je crois que… je sais pas, j’aime pas ce que ma famille est devenue. Enfin… pas exactement. Juste… j’aime pas qu’on nous colle une étiquette, et celle de « riche », c’est pas un cadeau. Les gens pensent qu’on est forcément pédants, radins, qu’on regarde le fric plus qu’autre chose. Je crois que plus le temps passe, plus ça me rend susceptible. Parfois, je voudrais juste retrouver une condition banale, ou simplement un peu aisée. J’aime pas être considéré comme le petit fils de mon grand-père. J’ai l’impression de grandir dans son ombre, ombre qu’il me faudra reprendre quand lui-même s’en ira. Mais j’en ai pas envie.
— Comment ça? releva Minhyuk qui jusque-là n’écoutait que d’une oreille.
— Je suis pas juste Hwang Seohyeok, j’ai l’impression que si mon grand-père existait pas, j’aurais pas d’identité. Je dépends de lui.
— Non, je veux dire… t’as dit que tu voulais pas prendre sa place s’il devait s’en aller?
— Ouais, acquiesça Seohyeok dans un nouveau soupir. Moi j’aime être avec les clients, les jouets, la magie. La paperasse, les représentants, les contrats, les comptes… ça m’intéresse absolument pas. Même mon grand-père, ça le gonfle.
— T’auras qu’à embaucher quelqu’un à qui ça plaît.
— Je verrai bien, je…
— Hello, les gars! »
Interrompus par une voix familière, les deux garçons firent volte-face en même temps pour découvrir, à l’entrée de la cafétéria, Seojun qui venait de remplir son plateau de mets appétissants. Il se hâta de rejoindre ses proches et posa son déjeuner sur la table avant de se planter devant Minhyuk pour lui réclamer un baiser. Son copain s’était redressé et appuya sur ses lèvres un bisou discret qui ravit Seojun. Chacun s’assit à sa place, et les discussions dérivèrent sur quelque chose de plus léger : la façon dont le couple comptait passer les fêtes.
Seojun et Minhyuk s’étaient connus au magasin de Noël. Seojun était encore enfant, et Minhyuk, du même âge que lui, venait chaque semaine avec ses parents. Les deux familles étaient devenues amies, les deux petits avaient grandi et étaient devenus amants. Il leur avait fallu plusieurs années avant de s’avouer les sentiments qui les dévoraient, et dès lors qu’ils avaient appris que leur amour était réciproque, ils n’avaient plus songé un seul instant aux regards extérieurs. Rien ne comptait plus pour eux, ce qu’ils ressentaient l’un pour l’autre avait comme créé des œillères qui les empêchaient d’accorder la moindre attention à ce qui les entourait.
De toute manière, leurs proches approuvaient leur relation, quant aux employés du magasin – où Minhyuk travaillait rayon musique –, ils les appréciaient tant qu’ils ne pouvaient décemment pas les mépriser pour quelque chose de si futile qu’une simple orientation sexuelle.
Et qu’est-ce qu’ils étaient heureux, depuis ces trois années qu’ils formaient un couple.
Parce qu’il restait aux jeunes gens une bonne demi-heure avant de reprendre le travail, Seohyeok, Seojun et Minhyuk se trouvaient désormais en salle de repos. Le couple était enfoncé sur un même siège, Seojun sur les genoux de Minhyuk qui avait enroulé les bras autour de sa taille. Avec leurs cheveux bruns courts, raides pour Minhyuk, bouclés pour Seojun, et leurs habits qu’ils avaient pris l’habitude d’accorder, les deux garçons ne cachaient pas leur relation. Installés dans un coin de la large pièce, ils s’étaient enfermés dans leur bulle, et le fauteuil, ils l’avaient retourné face au mur. Ainsi, ils pouvaient s’échanger de petits baisers et de tendres câlins sans être gênés et sans déranger quiconque.
« Seojun-ah, t’endors pas, le rabroua gentiment son compagnon en remarquant ses paupières closes.
— Laisse-moi roupiller si j’en ai envie…
— On reprend bientôt.
— Raison de plus pour me laisser dormir tant que je le peux encore.
— Hyung, dis à ton frère de…
— Laisse-le dormir, Minhyuk-ah, si t’es pas gentil avec lui t’auras pas de cadeaux. En plus, t’adores quand il s’endort dans tes bras.
— Pas quand je suis sur mes jeux. »
Le portable entre les mains, Minhyuk peinait à discerner son écran et râlait depuis plusieurs minutes déjà. Mais ça, Seohyeok s’en moquait : lui, tout ce qu’il voyait, c’était que son petit frère désirait dormir contre son amoureux, et il trouvait ça adorable.
D’une certaine manière, il les enviait. Il n’avait jamais connu ça. Seohyeok se montrait beaucoup trop timide, une fois sorti du cadre de travail – eh oui, même si ça pouvait étonner de la part d’un vendeur. De fait, il peinait à rencontrer d’autres personnes, d’autant plus qu’il consacrait tout son temps au magasin de Séoul, si bien qu’il n’imaginait pas dégager ne serait-ce que quelques minutes pour s’occuper de son cœur.
Pourtant, plus les années passaient, plus il regardait avec envie le couple formé par son frère et leur ami. Lui aussi aimerait quelqu’un à serrer dans ses bras, quelqu’un qui le serrerait dans les siens. Homme ou femme, peu importait, tant que les sentiments étaient au rendez-vous. Parfois, il se sentait sincèrement seul…
Leur pause terminée, les trois jeunes gens quittèrent la salle. Seojun, malgré sa petite mine, reprit son travail : il préparait les ateliers proposés dans les jours à venir aux enfants et assurait la coordination des différentes équipes grâce auxquelles le tirage au sort de l’après-midi se déroulerait sans problèmes.
Seohyeok quant à lui s’attela à son activité favorite : conseiller ses fidèles clients, dont il reconnaissait certains parce qu’ils venaient ici depuis toujours. Le temps, donc, fila, et bien vite advint le moment du tirage au sort tant attendu par les deux frères.
Seohyeok se dirigea vers le rez-de-chaussée du magasin, où un large espace était dédié à toutes les animations organisées. Une scène démontable avait été construite pour l’occasion, sur laquelle trônait un socle surmonté d’un globe de verre rempli de flocons numérotés. Il y en avait beaucoup plus qu’à l’époque, et chaque année le nombre s’accroissait, ce qui émerveillait Seohyeok.
Petits et grands y participaient, et de très beaux souvenirs ornaient le cœur de Seohyeok, liés à cet évènement : deux ans plus tôt, un homme d’apparence modeste avait été tiré parmi les gagnants, il était reparti avec un jouet extrêmement populaire. Quelques jours plus tard, il était revenu et avait remercié chaleureusement le jeune co-manager, car il avait pu offrir à sa petite sœur le Noël dont elle rêvait : parce que leurs parents étaient morts quelques années auparavant, il avait fallu à cet étudiant se charger aussi bien de ses propres frais que de ceux engendrés par sa petite sœur. Il l’avait prise sous son aile, conscient qu’elle serait dévastée d’être envoyée en famille d’accueil après la tragédie qu’ils avaient connue. Ainsi, pour la première fois depuis cet évènement, il lui avait apporté pour Noël le jouet qu’elle espérait depuis trois ans.
Ce récit lui mettait du baume au cœur : le tirage au sort, en cette période, lui donnait la sensation de pouvoir changer des vies.
Apprêté comme pour une soirée de gala, Seojun attira sur lui toute l’attention lorsqu’il monta sur scène. Une foule importante s’était massée pour assister à cet évènement incontournable du magasin. Le jeune homme salua les clients en s’inclinant poliment, après quoi il leva la main, un large sourire au visage devant les applaudissements qui s’élevaient, pareils à un brouhaha qui lui réchauffait le cœur.
« Mesdames et messieurs, clama-t-il dans son micro, je suis fier de vous voir si nombreux pour notre tirage au sort annuel. Tous ici nous avons travaillé afin de faire en sorte que ce moment puisse réjouir le plus grand nombre. Pour commencer, je tenais donc à vous remercier de votre présence et de votre enthousiasme, que j’ai le bonheur de partager depuis des années.
« Sachez ensuite que les deux jolies demoiselles habillées en lutin, qui slaloment entre vous, sont chargées de bonbons qu’elles vont distribuer à tous ceux qui en désirent, petits et grands : il n’y a pas d’âge pour s’offrir une petite douceur.
« Enfin et parce que je sais que vous êtes tous impatients, j’aurais besoin d’une main innocente pour piocher les flocons vainqueurs dans le bocal, afin que rien ne soit susceptible de remettre en question l’honnêteté de notre grand jeu de Noël. Qui voudrait avoir cet honneur? »
Chaque année en effet, c’était un enfant que Seojun invitait sur scène pour choisir dix flocons au hasard. Il les trouvait adorables et ne se lassait pas de les entendre annoncer les numéros de leur voix fluette.
Le jeune homme, donc, se plaça au bord de l'estrade, où déjà plein de petits levaient les mains avec excitation. Il parcourut l’assistance des yeux un instant avant qu’une frimousse n’attire son regard. Elle levait le bras à s’en décrocher l’épaule, si bien qu’elle s’aidait de sa main libre pour maintenir l’autre en l’air. Sur son visage se peignaient à la fois l’espoir et l’impatience dans une moue attendrissante qui le toucha.
Seojun approcha, les prunelles fixées sur la fillette.
« Coucou, princesse, sourit-il en s’accroupissant afin de paraître moins impressionnant. Comment tu t’appelles? »
Il lui tendit le micro.
« Aecha, se présenta l’enfant.
— Enchanté. Et tu as quel âge?
— J’ai eu six ans cette année.
— Oh, t’es grande, ça tombe bien : je vais avoir besoin de ton aide. Tu veux bien tirer les dix flocons pour moi?
— Oui! Oui!
— Vous permettez que je vous l’emprunte? » s’enquit Seojun d’un ton amusé en jetant un regard au père.
Attendri par le visage émerveillé et le bonheur de sa fille, l’homme acquiesça sans hésiter et lui lâcha l’épaule. La jeune Aecha attrapa aussitôt entre ses petits doigts la main de Seojun qui traversa la scène avec elle, jusqu’au socle. Il prit l’enfant dans ses bras et se positionna face à la foule.
« Princesse, je vais te laisser le micro à partir de maintenant. Ta mission, ça va être de bien mélanger les flocons, puis d’en piocher dix. Tu peux mélanger entre chaque tirage, si tu veux. C’est toi qui décides. Et tu annonceras chaque nombre dans le micro, ça marche?
— Oui! »
Déjà la fillette se penchait pour plonger la main dans le bocal. Elle remua de longues secondes durant, et tira un premier numéro, celui d’un petit garçon. Les flocons se succédèrent, et chaque fois que l’un d’eux était dévoilé, un bras dans l’audience se dressait tandis que s’élevait un cri de bonheur.
C’était de ça que Seojun nourrissait la passion qu’il entretenait pour Noël : ces sourires, ces expressions qui trahissaient une joie débordante… quel plaisir!
« Le neuf cent douze! » annonça-t-elle enfin.
Par réflexe, chacun promena son regard autour de lui, de manière circulaire, pour chercher la main levée… or aucune main ne l’était. Seohyeok fit la moue : il arrivait chaque année qu’un ou plusieurs gagnants n’assistent pas au tirage. Ça n’avait cependant aucune importance, puisqu'ils disposaient d’une semaine pour se manifester à l’accueil du magasin et réclamer leur cadeau.
« Et moi qui avais cru que tous nos chanceux seraient dans l’assistance, pour une fois, rit Seojun en reposant sa petite collaboratrice sur la scène. Merci encore, princesse, tu peux retourner vers ton papa. Oh, et n’oublie pas d’aller vers les deux lutins : puisque tu as tiré tous ces numéros, elles te donneront une petite récompense. »
Il s’agissait d’un sachet entier de sucres d’orges et de chocolats de Noël.
« Je vous remercie tous pour votre présence ici, dans le magasin de mon enfance, celui dans lequel je compte bien faire vivre encore longtemps la magie des fêtes, conclut-il. Le magasin de Noël vous souhaite une bonne soirée et une heureuse fin d’année. Puissent tous vos rêves se réaliser, à bientôt! »
Seojun quitta la scène sous les ovations de l’assistance. Il adressa un rapide signe à son frère, qui le rejoignit quelques instants plus tard à son bureau.
« Et un tirage de plus de terminé, soupira Seojun en finissant de ranger des documents. C’est dingue de voir autant de monde alors qu’à l’origine il y avait quoi… dix personnes à tout casser?
— Ouais, moi aussi je trouve ça merveilleux. Y avait plus d’étoiles dans les yeux de cette gamine que dans le ciel. C’était incroyable! »
Son cadet lui offrit un regard rempli de reconnaissance. Il ressentait une immense fierté, et se faire ainsi complimenter le ravissait d’autant plus. Seohyeok le quitta pour retourner à ses activités, et ce fut de cette manière que s’acheva leur journée au magasin. À l’approche de Noël, les deux garçons avaient développé l’habitude de travailler chaque jour de longues heures : ils chérissaient tant leur métier que les heures défilaient sans qu’ils s’en rendent compte, si bien qu’ils ne voyaient aucun problème dans le fait de s’ajouter une montagne d’heures supplémentaires en fin d’année.
« Minhyuk vient ce soir? s’enquit Seohyeok en grimpant dans la limousine avec Seojun.
— Non, son frère et lui avaient prévu une soirée films. Mais demain, oui, il sera là.
— Pas trop fatigué?
— Si… mais j’ai quand même la pêche! »
Il lui adressa un regard ravi que son aîné lui rendit, enchanté de le savoir aussi épanoui. Ils discutèrent durant le trajet, observant avec émerveillement le vent qui hurlait et la neige qui chutait abondamment. Leur chauffeur ne râla pas longtemps, car à peine se fut-il plaint une première fois que déjà ses deux passagers se chargèrent de lui redonner le sourire. Parler avec lui demeurait le meilleur moyen de le divertir lors de soirées comme celles-ci où les conditions météorologiques difficiles bloquaient la circulation.
En rentrant, les jeunes gens s’installèrent au salon avec Euijin, à qui Seohyeok alla préparer une tisane bien chaude. Les trois étaient occupés à discuter devant un plateau de petits biscuits quand un vieil homme fit son entrée. Il arborait une expression qui témoignait à elle seule de sa bonté, et son visage débonnaire inspirait confiance à quiconque croisait sa route. Dès qu’ils le virent, les deux frères se redressèrent pour s’incliner.
Leur grand-père se joignit à eux pour les questionner sur leur journée. Chacun raconta quelques anecdotes, toutefois, lorsqu’Euijin leur souhaita une bonne soirée et s’éclipsa, le vieil homme poussa un soupir de dépit.
« Les garçons, il faut qu’on parle, indiqua-t-il.
— Comment ça? s’inquiéta Seohyeok. Tu vas bien, hein?
— L’âge me rattrape, mais tout va bien, oui.
— Qu’est-ce que tu veux dire? »
Les frères échangèrent un regard soucieux que leur aïeul surprit. Il tint d’abord à les rassurer, après quoi il poursuivit.
« J’ai quelque chose d’important à vous annoncer : je compte prendre ma retraite dans les semaines à venir. Je suis fatigué, je n’arrive plus à assumer des journées entières de travail, et les papiers m’ennuient profondément, ce n’est plus fait pour moi.
— Et… qu’est-ce qui va se passer pour les magasins? demanda Seojun.
— J’ai… j’ai beaucoup réfléchi à cette question, admit-il en baissant les yeux dans un nouveau soupir. Pour tout vous dire, j’y songe depuis des mois. En fait, je voulais faire de Seohyeok le président de la chaîne, mais… je sais bien que ce n’est pas ce que tu veux, n’est-ce pas?
— Effectivement, reconnut le concerné.
— Ces missions que je t’ai confiées ces dernières semaines me servaient à estimer ta capacité à prendre ma place : tu t’en es brillamment sorti, en revanche j’ai compris que ça ne te plaisait pas, que tu n’y prenais aucun plaisir. Il est pour moi hors de question d’imposer à mon petit-fils une responsabilité qu’il serait écœuré d’assumer. Je ne souhaite pas que tu subisses ton travail, j’aime te voir t’y épanouir.
« Il y avait cependant cette chaîne de magasins de jouets qui me faisait des propositions de rachat depuis plusieurs années… j’ai fini par accepter le mois dernier.
— Pardon! »
Outré, Seojun venait de se redresser dans un mouvement si vif qu’il faillit renverser le plateau devant eux. Son visage exprimait toutes ses craintes quant à l’avenir de ce magasin qu’il chérissait tant.
« Calme-toi, Seojun-ah, le rabroua gentiment son grand-père, tu n’as rien à craindre. J’ai négocié tout ce qui pouvait l’être : aucun employé ne sera renvoyé sans l’accord de Seohyeok, qui sera consulté pour les décisions les plus importantes. Lui et toi êtes également assurés d’un travail à vie dans le magasin, dont vous possédez de très nombreuses actions. Nos collaborateurs savent ce que vous incarnez pour nos clients : vous ne pouvez pas partir sans amener avec vous l’âme de l’entreprise de Séoul, vous y resterez tant que vous le souhaiterez.
« Seojun, tu seras chef de l’équipe en charge de l’événementiel. Ça ne changera rien à ton quotidien. Seohyeok, tu seras manager du magasin. Je sais, cependant, que la paperasse t’ennuie, et nous avons trouvé un terrain d’entente : tu seras assisté par un co-manager qui s’occupera avec toi du magasin. Toi, tu t’occuperas des rayons, de l’organisation du personnel – bref, de ce que tu aimes –, et ton associé gèrera pour sa part le côté administratif.
— T’as réussi à négocier tout ça? lâcha Seojun d’un ton admiratif.
— J’ai accepté leur offre sans discuter : l’argent n’est pas ma priorité, je vis bien assez confortablement. Tout ce que je souhaite, à une semaine de Noël, c’est m’assurer que mes petits-enfants seront heureux, et que je ne pars pas en laissant à mes employés un goût amer.
— Merci! se réjouit Seohyeok.
— Merci, merci! » renchérit son cadet.
Les deux jeunes gens prirent leur grand-père dans leurs bras. De larges sourires avaient remplacé les moues inquiètes : leur aïeul ne leur avait donné aucun détail au sujet du contrat, il s’en occuperait dès le lendemain. En revanche, ses quelques rapides explications avaient suffi à rassurer les frères : les magasins qu’ils chérissaient tant ne seraient pas transformés par leur acquéreur, ils n’avaient rien à craindre à ce sujet. De même, ils n’avaient pas à se faire de souci à propos de leur emploi, maintenu tant qu’ils le désireraient – autrement dit, ils l’espéraient, à vie.
Pourtant, il demeurait dans le cœur de Seohyeok l’appréhension que tout ne se passe pas comme espéré : un pressentiment lui murmurait qu’il valait mieux ne pas se réjouir trop vite s’il ne voulait pas ensuite être déçu. Malgré tout, le simple fait de s’imaginer débarrassé des tâches que son rôle de gérant lui imposait le soulageait au point qu’il préféra mettre ses craintes de côté pour le moment.
Le vieil homme serra ses petits-enfants contre lui, l’âme réchauffée par leur éternelle tendresse. C’était des garçons en or, il se savait chanceux de les avoir à ses côtés.
« Seohyeok, reprit-il quand ils s’écartèrent, ton comanager est arrivé hier à Séoul, demain il te rencontrera. Il s’agit du fils de notre collaborateur, alors je compte sur toi pour l’accueillir comme il faut : j’aimerais que jusqu’à Noël, tu t’occupes de lui présenter le magasin, son fonctionnement, les employés, les animations, etc. Tu veux bien?
— Pas de problème, mais est-ce que c’est vraiment nécessaire?
— Je veux qu’il se sente chez lui : c’est un garçon qui revient tout juste des États-Unis où il a étudié le business sous toutes ses coutures. Il est extrêmement intelligent, mais il manque d’expérience sur le terrain. Je veux qu’il voie comment tu fonctionnes, et que de cette manière vous deveniez amis. Vous serez amenés à travailler ensemble quotidiennement pendant des années, probablement pour toujours. Je veux être certain que tout se passera bien pour vous une fois que je serai parti.
— Ne t’en fais pas, tout se passera bien, le rassura Seohyeok.
— Je l’espère. Il t’attendra demain matin dans ton bureau.
— Celui dans lequel je passe si peu que le mois dernier, j’y ai retrouvé des toiles d’araignées?
— Oui, celui-là. »
Seohyeok songea qu’il le laisserait à son futur comanager. Ce petit cadeau pourrait les rapprocher.
« Et comment il s’appelle, le fils de notre collaborateur? demanda-t-il d’ailleurs.
— Shin Ilnam. »
3Un million de wons équivalent à environ 700 euros.
Ce matin-là, en se levant, Seohyeok affichait un large sourire : Noël approchait, et aujourd’hui il allait découvrir son nouveau collègue. Son grand-père lui avait indiqué qu’Ilnam était un garçon de deux ans de moins que lui. Il s’impatientait déjà de le rencontrer.
« En fait, ce soir, c’est pas Minhyuk qui viendra là, c’est moi qui irai passer la nuit chez lui, » prévint Seojun en entrant au salon pour le petit déjeuner.
Il était à moitié réveillé, pourtant il tenait à la main son smartphone qu’il consultait les yeux miclos. Leur grand-père se contenta d’opiner en ajoutant qu’il prévoirait une part de moins pour le dîner, quant à Seohyeok, une fois les deux frères seuls dans la chambre du cadet, il lança à ce dernier un regard équivoque.
« La soirée sera animée? le taquina-t-il.
— T’es vraiment bête, ricana Seojun qui mettait dans son sac sa tenue pour le lendemain ainsi que quelques produits d’hygiène.
— D’accord, donc je les ai rêvés, les préservatifs que t’as glissés le plus discrètement possible dans ta trousse de toilette?
— Ouais, exactement.
— T’es sûr?
— Pas vraiment…
— Eh, Jun… »
Le plus jeune releva les yeux vers son aîné, dans le regard de qui brillait une lumière affectueuse.
« Tu peux être fier de ton couple, souffla-t-il. Profite bien, avec ton Minhyuk.
— Merci, hyung. Compte sur moi. »
Ses pupilles débordaient d’une infinie reconnaissance : c’était à Seohyeok qu’il avait avoué sa relation en premier. Au fond de lui, il savait que son frère ne le mépriserait pas, et quand ce dernier l’avait pris dans ses bras en le félicitant, la pression était retombée de manière si brusque qu’il avait versé quelques larmes.
« T’as pensé au lubrifiant? continua Seohyeok d’un ton espiègle.
— Minhyuk en a acheté.
— Ça m’étonne même pas… »
Le couple avait mis du temps avant de franchir le pas pour la première fois, mais ils avaient trouvé cet instant magique. Dès lors, leur conviction qu’ils étaient faits l’un pour l’autre avait été confirmée. Depuis, s’ils se voyaient régulièrement, ils ne s’accordaient cependant des moments intimes que dans l’appartement qu’habitait Minhyuk : un studio situé près du magasin des Hwang. Les vingt mètres carrés dans lesquels il vivait faisaient pâle figure en comparaison avec l’immense demeure de la famille de son compagnon, pourtant c’était bel et bien dans ce tout petit endroit que les deux tourtereaux préféraient se retrouver.
Ainsi, ils dormaient souvent chez l’un ou chez l’autre, et quand ils profitaient de la villa, c’était également un bonheur. Tous y soutenaient Seojun, de sorte que Minhyuk était traité comme n’importe quel invité de marque, avec un respect qui en venait parfois même à le gêner. Son visage enfantin digne de celui d’un ange lui attirait la sympathie de chacun dès le premier coup d’œil – et c’était aussi le regard de Seojun que son physique avantageux lui avait attiré lorsqu’ils avaient grandi.
Ce jour-là, donc, Seojun avait coiffé ses cheveux bruns comme il le faisait en de trop rares occasions. Il savait que Minhyuk aimait les voir un peu ondulés, et de même, il s’était habillé de manière décontractée, style que son petit ami adorait. Quant à ce dernier, Seohyeok devinait déjà de quoi il aurait l’air : les cheveux coiffés avec un effet désordonné, un haut large qui soulignerait cependant ses clavicules délicates, et un pantalon pour mettre en valeur ses jambes fines – la même tenue que Seojun, en somme.
Aucun doute, il connaissait bien ces deux jeunes gens!
Une fois prêts, ils firent appeler Euijin, qui habitait un charmant appartement aménagé pour lui dans une des ailes de la demeure. Ils se rendirent au magasin et, tandis que Seojun filait retrouver son âme sœur, Seohyeok quant à lui alla découvrir son nouveau collègue. Il slaloma dans le dédale de couloirs que dissimulait une banale porte derrière l’accueil. Plusieurs bureaux importants s’y trouvaient, puisqu’il s’agissait, pour les étages supérieurs, du quartier général de l’entreprise.
Seohyeok frappa deux fois et poussa la porte.
« Excusez-moi, déclara-t-il en refermant, je ne vous ai pas trop fait attendre, j’espère.
— Non, rassurez-vous, je suis arrivé il y a quelques instants. »
Seohyeok se figea.
Il se tourna avec lenteur sans pour autant oser y croire. Et pourtant, quand leurs deux regards se croisèrent, le doute ne fut plus permis : Shin Ilnam, son co-manager, était « le sale type prétentieux reparti avec une Rolex » dont il s’était plaint la veille à Minhyuk.
La catastrophe…
« J’imagine que vous n’êtes pas vendeur, remarqua Ilnam sans se départir de son ton neutre mêlé d’une pointe de cynisme.
— Effectivement, répliqua avec froideur son interlocuteur.
— Hwang Seohyeok?
— C’est moi-même.
— Enchanté, je suis Shin Ilnam. J’espère que notre collaboration se passera bien et que nous serons efficaces. Je remercie votre grand-père de m’avoir confié la responsabilité de la gestion de ce magasin. »
Seohyeok se contenta d’acquiescer.
« Vous n’avez pas l’air de m’apprécier beaucoup, remarqua Ilnam.
— Je suis désolé de paraître distant, voire méfiant, mais notre seul échange m’a laissé un souvenir quelque peu… amer.
— Je vois… L’histoire des riches et du Noël matérialiste?
— Exactement.
— On peut se tutoyer?
— Si tu veux.
— D’accord. C’était une généralité, tu sais, ça implique qu’il y a des exceptions. Faut pas s’indigner pour si peu.
— Ma famille entière est une exception, dans ce cas.
— Tu m’en vois ravi. »
Seohyeok poussa un profond soupir : Ilnam ne semblait pas méchant. C’était quelqu’un de calme et de très terre à terre – trop pour lui, d’ailleurs. Sans doute étaient-ils partis du mauvais pied, tout simplement. Il suffisait qu’il tente de faire bonne figure, et peut-être ensuite pourrait-il le percevoir de manière plus valorisante.
Il l’espérait…
Ilnam se frotta la nuque en se raclant la gorge. Seohyeok, sans s’en apercevoir, le dévisageait avec une mine sombre, ce qui le déstabilisait – et il en fallait beaucoup pour le déstabiliser. Le regard du jeune homme était perçant, gelé, comparable à une flèche de glace qui lui transpercerait l’âme pour en extraire l’essence. Seohyeok en effet possédait des prunelles d’un brun profond, des cheveux châtain clair qu’il avait coiffés de façon sérieuse, et il arborait une tenue propre qui pourtant se trouvait à mille lieues de l’élégant costard avec lequel Ilnam aurait cru le voir arriver. Il était doué de traits d’une beauté sans égal, et le nouveau venu se surprit à se demander à quel point un sourire pouvait embellir ce visage fermé. Ses lèvres charnues devenaient certainement plus que désirables lorsqu’elles s’étiraient en un rictus, même léger.
Ilnam se ressaisit aussitôt.
« Est-ce que tu serais disposé, donc, à me faire visiter ton superbe magasin?
— Pour commencer, je voulais te dire de prendre tes aises dans ce bureau : je n’y travaille jamais, je n’y ai installé aucune affaire personnelle. Tout ce que j’ai ici, ce sont des documents que je déteste avoir à consulter. Alors si tu veux qu’il devienne tien, n’hésite pas, je te le laisse avec plaisir. Tu me soulages d’un sacré poids, je voulais t’offrir ça pour ton arrivée, un espace pour toi.
— Vraiment? E-Enfin, je veux dire… merci beaucoup. Ce serait un plaisir de pouvoir travailler ici. »
Effectivement, le bureau de Seohyeok était le plus grand. Il s’agissait d’une large pièce tapissée de bibliothèques qui débordaient de dossiers en tous genres traitant des finances de l’entreprise, des contrats avec divers fournisseurs, etc. Seul le mur du fond, simple vitre, offrait aux jeunes gens une vue imprenable sur Séoul et apportait à la pièce l'éclat du soleil qui se levait. Au centre trônait un long meuble de bois clair surmonté de quelques affaires, derrière lequel était installé un siège de cuir élégant à roulettes. Enfin, à l’écart, on avait disposé trois confortables fauteuils autour d’une petite table basse qui servait à accueillir d’éventuels collaborateurs pour une boisson.
Les meubles étaient faits d’un bois pâle, les sièges d’un cuir blanc : Ilnam s’imaginait sans mal passer dans cette pièce apaisante et lumineuse des heures à étudier les dossiers qui s’entassaient. Ça le fascinait. Seohyeok avait beau ne pas l’apprécier à sa juste valeur – du moins, c’était son avis –, Ilnam se sentait malgré tout valorisé à l’idée qu’à peine arrivé, on lui déléguait un des plus importants bureaux. Ce geste prouvait que son nouveau collègue lui faisait confiance… ou bien qu’il s’impatientait tant de se débarrasser de ce bureau qu’il était prêt à le céder à n’importe qui, même lui.
« Je t’en prie, répondit Seohyeok. Maintenant, allons-y : le magasin est grand, mieux vaut s’y mettre tout de suite. »
Ilnam se laissa guider, et très timidement la conversation reprit une fois les deux garçons hors du bureau.
« Tu as quel âge? s’enquit Seohyeok, déterminé à faire des efforts.
— Vingt-trois, et toi?
— Vingt-cinq.
— Tu as fait quelles études? Plutôt dans le marketing?
— J’ai arrêté les études à dix-huit ans. Mon grand-père me formait depuis l’enfance, et tous les deux on préférait que j’apprenne sur le terrain plutôt que dans une université qui m’inculquerait des savoirs que je connaissais déjà ou bien qui s’avéreraient inutiles.
— Je trouve qu’on apprend beaucoup, à l’université, lui opposa Ilnam.
— Certes, mais pas dans mon domaine, et pas avec toute l’expérience que j’avais déjà. J’aurais appris uniquement du superflu, je savais déjà tout ce qui m’était nécessaire.
— Tu travaillais beaucoup dans ce magasin, alors?
— Après l’école, quand les autres allaient aux cours du soir, moi j’allais au magasin. J’y passais mes week-ends, j’y faisais mes devoirs, et dès que j’avais des vacances, c’était là que je venais. »
Seohyeok avait levé les yeux vers le plafond du couloir qu’ils traversaient. Sa voix était teintée non plus de méfiance ou de froideur, mais bel et bien d’un indubitable bonheur. Ilnam comprit un peu mieux la réaction de son interlocuteur lorsqu’il avait prétendu que les personnes riches étaient nécessairement attirées par le côté matérialiste de Noël : il se tenait devant quelqu’un qui chérissait les fêtes plus que tout. Seohyeok avait grandi entouré de Noël, sa famille sans aucun doute lui avait transmis cette passion dévorante qu’il nourrissait encore aujourd’hui et dans laquelle elle le soutenait.
Pas étonnant, donc, qu’il se soit vexé.
Or, comment Ilnam aurait-il pu deviner que ce vendeur au style sobre voire négligé dissimulait en vérité le petit-fils du président-directeur général d’une immense chaîne de magasins, un garçon riche et brillant? Ilnam s’était attendu à faire face à un jeune homme élégant, tiré à quatre épingles et aux cheveux soigneusement peignés.
« Et toi, reprit Seohyeok, tu as toujours voulu bosser dans l'entreprise de ta famille?
— Pas exactement, mais je me suis plié à leurs exigences de sorte à les rendre fiers. J’avais un don naturel pour les chiffres et, pour être honnête, je m’intéressais quand même un peu aux achats, aux ventes, aux bénéfices. J’aimais bien les jeux de gestion, et accompagner mon père dans son travail, c’était comme un jeu grandeur nature. C’est pour ça qu’après le lycée, j’ai été à l’université : moi aussi j’avais de solides bases, des tas de choses apprises sur le terrain, mais dans mon domaine, il me fallait passer par les études supérieures pour bien saisir toute cette complexité, tous ces enjeux. Ça m’a beaucoup plu, d’autant plus que j’ai eu l’opportunité d’aller aux États-Unis, ce dont je rêvais. C’était vraiment cool. »
Seohyeok glissa un regard à son co-manager tandis qu’ils arrivaient dans le magasin. On devinait que le jeune homme était passionné par son travail, et si cela n’avait peut-être pas toujours été le cas, au moins il avait su y trouver son compte. Pas étonnant, pour quelqu’un d’aussi fasciné par les chiffres, de finir par développer un certain matérialisme – et dire que Seohyeok n’aimait pas les généralités… Ils se ressemblaient un peu : il brûlait en eux un feu dévorant qui les avait menés à tout donner pour devenir ceux qu’ils étaient aujourd’hui.
Seohyeok respectait cette détermination.
« On y va? s’enquit Ilnam.
— Ouais.
— On commence par quoi?
— On va faire dans l’ordre : rayon décoration. »
Son collègue acquiesça avec un sourire que Seohyeok devina forcé, pour autant il ne lui adressa pas la moindre remarque et se contenta de l’inviter à le suivre. Il ne leur restait qu’une porte qui les séparait du magasin, et le jeune propriétaire se sentit étrangement anxieux lorsqu’il posa la main sur la poignée.
Ilnam était déjà venu : aucune surprise, aucun émerveillement ne le prendrait aux tripes. Rien ne créerait chez lui cette étincelle féérique, son cœur ne s’emballerait pas. Aucune émotion… et ça dérangeait Seohyeok. Pourquoi? Aucune idée, lui-même ignorait en quoi il était si important pour lui que son magasin fasse naître une quelconque émotion chez ses clients. Et pourtant, ça comptait, ça comptait vraiment.
Il y avait quelque chose dans cette fête qui lui était vital, et il refusait de se rappeler ce qui l’avait amené à un besoin si désespéré de magie.
Lorsque s’ouvrit devant eux le rayon des décorations de Noël, Ilnam n’exprima aucun sentiment particulier, quant à Seohyeok, il conserva un air professionnel – autrement dit neutre. Ses yeux pourtant brillaient de bonheur : retrouver son petit paradis lui paraissait toujours si agréable et lui procurait une sensation fabuleuse! C’était brûlant, c’était caressant, c’était vif, c’était tendre.
Toutes les couleurs avaient leur emplacement, si bien qu’on croirait faire face à un arc-en-ciel festif. Seohyeok trouvait ce rayon magique!
« Voilà, les décos, lâcha-t-il d’un ton presque las. Je vais te montrer un peu comment les rangements sont pensés. Un bon manager doit connaître son magasin sur le bout des doigts, c’est la base. Je te présenterai aussi nos chefs de rayons, et jour après jour, tu croiseras tous les employés. Mais faut en priorité que tu connaisses les responsables de chaque secteur.
— Vous avez un sacré rayon pour les décorations…
— Ouais, il est pas mal. C’est super important pour Noël, nos clients viennent essentiellement là pour ça, on est le plus gros magasin de la ville pour ce qui est de la décoration, on ne pourrait pas se permettre un rayon désordonné ou mal fourni.
— Vous avez un rayon de livres? »
Surpris par la question, Seohyeok jeta un regard étonné à son collègue qui, déjà, avait reporté le sien sur les articles devant lesquels ils se tenaient à présent, les guirlandes.
« Oui, on en a un. On y a tous les gros succès, les plus réclamés pour Noël, mais aussi tout un rayon d’histoires qui ont pour thème central la période des fêtes. Mon frère y fait chaque année la lecture aux enfants : il leur lit son conte de Noël favori, les gosses adorent et ça permet aux parents de faire leur shopping tranquillement ou bien de s’octroyer un peu de temps pour eux. Ça a pas mal de succès en général.
— Oh, je vois. C’est une bonne initiative, effectivement.
— Oui, ses animations ont toujours un succès fou.
— C’est pas surprenant, les enfants adorent les fêtes, et leurs parents vont absolument partout où ils veulent, c’est un bon point.
— Comment ça?
— Si vous proposez autant d’activités, ça fait des clients en plus, c’est super d’avoir pensé à booster la fréquentation de cette manière, je suis sûr que vous faites de super chiffres.
— De super chiffres? répéta Seohyeok surpris.
— Ouais, c’est une bonne chose. J’ai vu des magasins où ils n’offraient rien de particulier pour Noël, alors que vous… vous proposez tellement d’activités pour les petits, ça vous a sûrement beaucoup aidés à fidéliser votre clientèle. »
Et tandis qu’il réfléchissait tout haut, Ilnam notait ses propres idées sur un calepin qu’il avait tiré de sa poche si rapidement que Seohyeok avait cru un instant avoir affaire à un prestidigitateur. Gêné par ses remarques au sujet des bénéfices générés par ce que Seojun ne considérait que comme un moyen de faire plaisir à des enfants avides de magie, Seohyeok préféra ne rien répliquer. Il savait à quel point ces animations comptaient pour son frère, doué pour amuser les plus jeunes. Il savait aussi que Seojun ne regardait jamais en premier l’aspect commercial des activités qu’ils proposaient, et plus que tout il savait que leur grand-père tenait énormément à ce que ça continue ainsi : ce qui lui importait, c’était que Seojun se plaise dans son travail, car de cette façon il rayonnait, et sa passion devenait aussitôt contagieuse.
Leurs clients sentaient sa sincérité.
Des guirlandes lumineuses jusqu’aux boules de verre, tout était merveilleux, magique. Ilnam demeurait concentré et prenait des notes de tout ce qui lui était indiqué. Son collègue lui trouva des airs de parfait petit élève obéissant, ce qui le laissa perplexe autant qu’agacé. Toutefois, décidé à se réconcilier avec lui – si d’aventure on pouvait les considérer brouillés –, il garda le silence et poursuivit sa visite du rayon avant de lui présenter la vieille dame qui le gérait : une des plus anciennes employées du magasin, incollable dès lors qu’il s’agissait de questions au sujet de son domaine.
Plus d’une fois elle avait conseillé les deux frères, qui achetaient chaque année une décoration différente à l’approche des fêtes.
S’ensuivirent les jouets, l’un des endroits préférés de Seohyeok – si ce n’était son favori.
« Alors, cette matinée? T’as pas l’air dans ton assiette, remarqua Minhyuk avant de croquer dans son déjeuner.
— On va dire que c’était pas trop chiant, répondit Seohyeok d’un ton boudeur.
— Comment ça? Encore un client agaçant?
— Pire…
— C’est-à-dire?
— Tu te souviens du client dont je me plaignais hier?
— Oui.
— C’est Shin Ilnam, mon nouveau co-manager.
— Oh… la boulette.
— Je te le fais pas dire.
— Tu vas t’en remettre? le taquina-t-il.
— Je vais essayer.
— Et il est compétent, au moins?
— Un peu trop, je pense : il prend des notes de tout, absolument tout. Il a tenté d’estimer la rentabilité de l’organisation des rayons, il pose des tas de questions sur les bénéfices, et…
— Il veut juste bien faire son boulot, songea Minhyuk, ça n’a rien de mal, au contraire. Tu devrais te sentir soulagé qu’un autre se charge de ça à ta place, non?
— Il se réjouit du haut potentiel commercial des activités proposées par Seojun… »
Au magasin, chacun savait une chose : les animations du jeune homme étaient sacrées. Ce qu’il offrait attirait de nombreux clients, rien de plus n’importait. Seojun souhaitait plus que tout que son travail conserve cette part d’innocence et de pureté que lui-même avait conservée, sans doute ce qui le rendait si doué. La bienveillance de ses actes se ressentait.
« Même ça? lâcha Minhyuk sans cacher sa surprise.
— Ouais… et ça m’agace. Qu’il me juge, moi, ça me plaisait déjà pas des masses, mais c’était presque rien, alors je savais que j’étais juste susceptible. Sauf que ça… je veux dire… on touche pas aux activités de Jun.
— On est d’accord, » sourit Minhyuk.
Ça l’amusait d’imaginer que son compagnon apparaissait comme un véritable ange intouchable. Seojun ne s’avérait pas si naïf, il n’ignorait pas que son rôle était d’attirer les clients pour les faire consommer… mais sa préoccupation première était de divertir les petits avec ses idées toujours plus nombreuses.
Le concerné justement venait d’arriver dans la salle. Il adressa un signe aux deux autres et les rejoignit avec son déjeuner qu’il était pressé de commencer. Seohyeok dut une nouvelle fois expliquer ce qui le mettait d’une humeur si morose alors que Noël approchait, et Seojun rit en apprenant la nouvelle. Assis à côté de son compagnon, Minhyuk avait enroulé un bras discret autour de sa taille, détail qui ravissait Seojun, heureux de sentir la présence de son bien-aimé auprès de lui.
« Et là, d’ailleurs, il est où, ton collègue? demanda Seojun.
— Il a absolument tenu à manger dans son bureau pour se concentrer sur ses chiffres. Quand je vous disais qu’il était ultra sérieux, c’était pas pour rire…
— Ah ouais, quand même… Je suis sûr que c’est le genre de gars qui a un manuel d’économie dans ses toilettes pour réviser le temps de la grosse commission, songea Minhyuk avec humour.
— Ça m’étonnerait même pas, figure-toi. Ce gars est vraiment à fond dans son projet. Il veut faire gagner encore plus au magasin.
— T’es pas d’accord avec lui? s’étonna son petit frère.