La statue de glaise - Manon Lilaas - E-Book

La statue de glaise E-Book

Manon Lilaas

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Beschreibung

Alors qu'il rentre chez lui, Soochul croise la route d'une boutique d'antiquités qu'il n'avait jamais remarquée jusqu'à présent. Le propriétaire, vieil homme avenant et fascinant, lui confie un objet précieux, une statuette de glaise qu'il a fabriquée lui-même. D'abord ravi, Soochul déchante quand, au matin suivant, il découvre un jeune homme assoupi dans sa chambre. Un jeune homme identique à la statuette qui lui a été offerte, et qui pour sa part a disparu.

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Seitenzahl: 165

Veröffentlichungsjahr: 2023

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À chacun de ceux qui m’ont encouragée, qui m’ont permis de me dépasser, et qui, à leur manière, sont aussi derrière ce livre.

À l’une des plus merveilleuses personnes que je connaisse, celle de qui l’avis est le plus important à mes yeux, ma petite sœur.

À ce groupe fabuleux qui me donne le courage d’avancer en gardant le sourire.

Du même auteur…

Romans :

Du bout des doigts 1 (août 2021)

Du bout des doigts 2 (octobre 2021)

À la croisée des suicides (novembre 2021)

L’étoile de Noël (novembre 2021)

Boy’s love Café 1 (février 2022)

Boy’s love Café 2 (avril 2022)

Dans l’ombre de sa folie (juin 2022)

Boy’s love Café 3 (juillet 2022)

Boy’s love Café 4 (octobre 2022)

Rookie Games (octobre 2022)

Boy’s love Café 5 (novembre 2022)

Les ailes de papier 1 (février 2023)

Recueils de nouvelles :

Sonate (mai 2021)

Symphonie (mars 2022)

Valse (juillet 2022)

Opérette (septembre 2022)

Symphonie 2 (octobre 2022)

Valse 2 (janvier 2023)

Sommaire

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Épilogue

1

Soochul était prisonnier d’une routine à mourir d’ennui, mais dans laquelle il avait vécu si longtemps qu’il n’y prêtait plus attention. Réveillé à sept heures, il allait coiffer ses cheveux bruns – qui n’avaient jamais besoin de l’être, trop courts pour qu’il y apparaisse la moindre mèche folle – et se rafraîchir le visage. Ses traits masculins paraissaient durs mais le rendaient digne de figurer dans un magazine de mode. Or, dès qu’il souriait, il rayonnait d’empathie et de tendresse, et en dépit de son apparence parfois sérieuse, on sentait au premier regard qu’il s’agissait d’un garçon débordant de bonté.

Une fois apprêté pour sa journée, il enchaînait petit déjeuner, vidéos YouTube, vingt minutes de vélo jusqu’à son travail, puis à midi il mangeait avec des collègues en salle de pause et rejoignait son bureau. Il en sortait à dix-sept heures, souvent dix-huit – jamais plus de dix-neuf – et remontait sur sa bicyclette non pas pour rentrer chez lui mais pour s’octroyer une heure à la salle de musculation de son quartier. Douche, puis retour dans son appartement, une vidéo ou deux pendant qu’il dînait, et il passait un moment à lire avant de se coucher.

Chaque jour ressemblait à un copier-coller quasi parfait du précédent – exception faite du week-end, où enfin il avait l’occasion de casser le quotidien. En y réfléchissant, Soochul ne pouvait pas se dire heureux. Pour autant, jamais il ne se prétendrait malheureux. Il s’ennuyait parfois un peu, et quand il songeait à la monotonie de sa vie, il lui arrivait de rêver de ce qui pourrait bouleverser sa routine. Un nouveau travail, quelqu’un à aimer, ou bien un évènement soudain et imprévu.

Or, ça ne risquait pas d’advenir. Il adorait son petit boulot paisible dans une entreprise qui s’évertuait à traiter de façon humaine et bienveillante ses employés. Il ne s’imaginait pas s’en aller, d’autant plus qu’il n’habitait pas loin. De même, lui qui par malheur préférait les hommes aux femmes avait choisi pour lors de demeurer célibataire plutôt que de s’exposer à des regards haineux et d’odieuses réflexions. Enfin, parce qu’il se complaisait dans son ennui, un quelconque évènement inattendu était synonyme plus de danger que d’euphorie.

Soochul quittait peu son appartement. Casanier, il privilégiait la lecture lors de ses jours de repos, peu attiré par une course aux bars avec les collègues desquels il se sentait le plus proche. Il lui arrivait de s’accorder une sortie au musée, ou bien en pleine nature.

Il était seul et solitaire, à la fois insatisfait et incapable de mettre le doigt sur un moyen de jouir de son existence.

Ainsi, ce matin-là, après quelques vidéos pendant lesquelles il avait pris son petit déjeuner, le jeune homme – car il était âgé de vingt-cinq ans – s’interrogea quant à son programme du jour. C’était le week-end et la veille, il en avait profité pour se reposer et errer chez lui. Or, à présent, il désirait sortir… mais pour faire quoi ?

Puis il se rappela cette galerie d’art à quelques kilomètres de chez lui et qui avait récemment annoncé une nouvelle exposition. Il ne s’y était pas encore rendu par pure paresse, mais aujourd’hui, il se sentait d’humeur à marcher une demi-heure. Il faisait beau et, pour une fois, pas trop chaud malgré l’été qui approchait. C’était le jour idéal pour se balader avant de s’enfermer dans une galerie, véritable caverne d’Ali Baba à ses yeux.

Inutile de vérifier les horaires de l’établissement ou bien le trajet : il les connaissait par cœur. Il en côtoyait même le fils du propriétaire. Hwang Yongbae – c’était là son nom – travaillait à l’accueil, et pour avoir souvent discuté avec lui, Soochul savait que le jeune homme, un passionné, comptait bien reprendre l’affaire de son père qui ne tarderait plus à partir en retraite.

Heureux donc à l’idée de retrouver en plus ce garçon d’une vingtaine d’années qu’il considérait comme un ami, Soochul arrêta sa décision : cet après-midi, il irait découvrir la nouvelle exposition qui lui faisait envie ! Ravi d’avoir quelque chose de prévu – tous ses weekends ne se passaient pas de cette manière –, il se prépara puis s’accorda un peu de temps devant un film. En dépit d’une petite chambre, il avait tout agencé de manière à y faire entrer à la fois son bureau, son meuble sur lequel trônait sa télévision et sa bibliothèque, pleine à craquer. Le tout, disposé de façon harmonieuse et aux couleurs boisées, était accompagné de son lit et de plusieurs plantes d’intérieur dont Soochul adorait prendre soin.

Son déjeuner avalé, il attrapa sa sacoche et fila.

Dans la rue, il se baladait en profitant du soleil qui lui caressait la peau sans la brûler, et il se réjouissait de cette brise agréable qui rafraîchissait d’autant plus l’air printanier. Équipé de son fidèle smartphone, il songeait déjà à toutes les photos qu’il pourrait prendre, aussi bien dans la galerie qu’à l’extérieur, puisqu’en chemin il croisait toujours un charmant parc qu’il aimait beaucoup.

En effet, si Soochul ne comptait pas parmi ceux qui sortaient souvent ou passaient leur temps sur les réseaux, il alimentait néanmoins de façon régulière sa page Instagram de clichés de ses promenades ou bien de citations de romans qu’il lisait. Il était peu suivi, mais il s’en moquait, car l’essentiel à ses yeux était que tout ça constituait son propre petit musée.

Ainsi, après une demi-heure de marche paisible dans les rues de la capitale sud-coréenne, Soochul atteignit enfin sa galerie d’art favorite. L’exposition à laquelle il désirait assister n’était pas des moindres ce jour-là, puisqu’il s’agissait du célèbre Lee Ufan, de qui Soochul avait eu le bonheur d’admirer les œuvres quelques années plus tôt, dans cette même galerie. L’endroit ne disposait que d’une mince partie de la collection, mais des tableaux qu’il n’avait encore jamais pu observer s’y trouvaient, si bien qu’il n’avait pas hésité longtemps.

Soochul poussa la porte et, après quelques secondes pendant lesquelles il chercha son ami des yeux, de larges mouvements attirèrent son attention. Yongbae, un immense sourire aux lèvres, lui adressait des signes peu discrets, et aussitôt il vint à lui.

« Soochul-ssi1, je suis content de te voir ! J’étais sûr que tu passerais !

— Comme d’habitude, opina son aîné. J’allais pas rater ça. »

La discussion ne se poursuivit que quelques instants avant que chacun retourne de son côté : Yongbae alla accueillir des visiteurs tandis que Soo-chul tirait son portable de sa poche pour photographier les œuvres. La décoration de la galerie, épurée, mettait en valeur les tableaux. Le jeune homme étudia chacun d’entre eux avec un intérêt tout particulier. Il s’interrogeait sur ce que cherchait à transmettre l’artiste, il se questionnait sur les émotions que ces couleurs faisaient jaillir en lui, puis son esprit se perdait dans mille considérations qui avaient pour unique point de départ l’œuvre sous son regard distrait.

Deux heures passèrent pendant lesquelles il lui sembla avoir voyagé dans un monde qui n’appartenait qu’à lui. Songeant qu’il était encore tôt pour s’enfermer chez lui, Soochul quitta la galerie et s’offrit, dans un café tout proche, une canette de soda ainsi qu’une glace. Armé de ce qui constituerait un petit en-cas, il s’installa sur l’herbe chaude du parc voisin où il flâna un long moment, étendu sur la pelouse à rêvasser. Il en profita pour poster ses photos et, lorsqu’il faillit s’endormir, il estima que l’heure était peut-être venue de rentrer.

Même s’il n’était pas dix-sept heures.

D’un pas tranquille et pour se dégourdir les jambes, il emprunta un chemin qu’il connaissait et qui lui permettait de rentrer après un détour qui rallongerait sa promenade. Habitué à ce trajet, il fut surpris quand, après une dizaine de minutes, alors qu’il traversait une ruelle peu fréquentée, il découvrit une boutique qu’il n’avait jusque-là jamais remarquée. Un antiquaire. L’échoppe, loin de la modernité sobre de la galerie précédemment visitée, possédait un charme vintage qui, pour Soochul, n’avait rien de désuet. Une façade de pierre sombre et une enseigne « Antiquités » fixée au-dessus de la porte laissée ouverte.

Attiré par la vitrine, il approcha : lui qui aimait les musées, rien d’étonnant à ce qu’elle l’intrigue.

Des tableaux, des meubles de diverses origines et époques, des bibelots en tous genres. Émerveillé, Soochul se décida à entrer. Une clochette sonna, et il salua le propriétaire : un vieil homme qui se tenait derrière un comptoir de bois sombre et verni. Le temps avait marqué sa peau sans pour autant s’en prendre à son regard aussi vif que celui d’un adulte dans la fleur de l’âge. Ses cheveux blancs étaient coupés court et coiffés de façon élégante. Il paraissait affable avec son sourire avenant, et sa chemise immaculée de laquelle il avait laissé deux boutons ouverts lui donnait un air décontracté plutôt que sévère. L’endroit, loin de sentir le renfermé, dégageait une agréable odeur de produits ménagers, preuve qu’il était entretenu avec amour.

« Bonjour jeune homme, lui répondit le propriétaire, vous avez vu quelque chose qui vous intéressait ?

— Oh… non, en fait, je… ça ne vous dérange pas que je me contente de regarder ?

— Bien sûr que non, au contraire, je suis heureux qu’on prête une attention si particulière à ce que certains ne considèrent que comme des vieilleries inutiles. Si vous avez du temps, je peux même vous les présenter : chaque objet ici a une histoire, et je connais chacune d’entre elles.

— C’est vrai ? »

L’homme opina et quitta sa caisse. Il se fraya un passage pour rejoindre Soochul. Le magasin en effet, s’il présentait une allée large qui menait jusqu’au comptoir, ressemblait cependant davantage à un amas de bibelots. Tout semblait pourtant bien rangé, agencé de manière propre et sans que ça paraisse désordonné. Il y en avait beaucoup – trop –, mais aucun risque de faire tomber quoi que ce soit. En revanche, pour ce qui était d’atteindre les meubles du fond… mieux valait être mince… très mince. D’étroits couloirs permettaient d’accéder aux étagères les plus lointaines et, si Soochul comprit vite que le propriétaire était habitué à les emprunter, il n’en allait pas de même pour lui qui, pénalisé par sa maladresse, craignait de tout détruire à la manière d’une file de dominos : qu’un seul objet chute et il en entraînerait bon nombre à sa suite.

« N’ayez pas peur, s’amusa le vieil homme en remarquant le visage de son client, je vous assure que vous ne casserez aucune de ces antiquités. »

Soochul, peu sûr de lui, opina malgré tout et le suivit à travers un premier petit couloir qui les mena à une vitrine. L’étagère la plus haute présentait diverses médailles et coupes, celle en dessous arborait un nombre impressionnant de pièces placées dans de précieux écrins, et les deux rayonnages les plus bas étaient remplis de vaisselle rare.

« Vous vous rendez compte, songea le propriétaire, j’ai rencontré la famille de chaque sportif à qui ces médailles ont appartenu. Des familles qui avaient perdu beaucoup et qui espéraient que vendre un bien si précieux leur permettrait de remonter la pente. »

Le garçon, qui savait qu’il avait devant lui tout le temps nécessaire pour se permettre d’écouter ces récits, garda un silence religieux pendant que son interlocuteur lui expliquait tout ce qu’il avait appris. Tout y passa : aussi bien l’histoire de ces objets que celle de ceux qui les avaient possédés. Admiratif face à un tel flot d’informations débitées sans une hésitation, Soochul ne vit pas les heures s’écouler. Le vieil homme avait un véritable don de conteur, le plus jeune buvait ses paroles avec un intérêt qui ne faiblissait pas.

C’était fascinant, il prit même quelques antiquités en photo.

Lorsqu’il se rendit compte que la nuit était tombée, le pauvre se demanda comment il avait pu passer près de quatre heures ici. Il lui semblait se trouver là depuis bien moins longtemps. Par conséquent, tandis que le propriétaire terminait son explication détaillée de la vie d’un meuble occidental daté du dix-neuvième siècle, Soochul décida de partir. L’homme se tut, l’autre s’apprêtait à le saluer quand son regard coula sur un objet posé de façon discrète vers une vitrine, sur un guéridon de chêne sculpté.

« Je ne vais pas vous ennuyer plus longtemps, indiqua donc Soochul, mais… avant que je parte, est-ce que vous pourriez me dire d’où vient cette statuette ? »

L’antiquaire se tourna pour découvrir qu’il parlait d’une statuette de terre glaise, haute d’environ vingt centimètres. Elle représentait un garçon d’une vingtaine d’années au physique angélique : des yeux fins, des joues rondes adorables, un petit nez qui mettait en valeur des lèvres pulpeuses, et une silhouette mince soulignée par un hanbok2 aérien – une tunique qui lui tombait mi-cuisses et un pantalon large.

« C’était un prince ? s’enquit Soochul qui s’émerveillait de chaque détail dont était pourvue la sublime figurine.

— Oh… je suis honoré que vous imaginiez qu’il s’agisse d’un prince, mais cette statuette n’est rien d’autre qu’une de mes œuvres.

— Vous ? C’est vous qui l’avez sculptée ? s’étonna Soochul, les yeux pétillants d’admiration.

— Eh oui, c’est moi. Mon neveu venait souvent ici, il adorait tous ces objets. Il n’avait pas beaucoup d’amis, vous savez, et il était plutôt renfermé. Quand il a commencé ses études supérieures, il n’a plus eu le temps de venir. J’ai façonné cette statuette pour lui porter bonheur, mais je n’ai jamais eu l’occasion de la lui remettre.

— Vous ne le voyez plus ?

— Pratiquement plus, non.

— Oh… j’en suis désolé.

— Vous n’avez pas à l’être.

— Elle est magnifique en tout cas, vous pouvez être fier de vous, je vous assure, sourit Soochul avec tendresse.

— Je vous en remercie. »

L’homme contempla la figurine quelques secondes durant avant de se tourner de nouveau vers son client.

« Si elle vous plaît, je vous l’offre, décida-t-il. Pour vous remercier d’avoir passé cet après-midi avec moi : vous m’avez rappelé mon neveu, ça m’a fait sincèrement chaud au cœur. À votre âge, vous pouvez encore profiter de la vie de mille façons différentes, mais vous, vous avez préféré écouter un vieux radoter. J’ai été heureux de partager mes histoires avec quelqu’un, comme autrefois. Prenez-la, termina-t-il en attrapant avec délicatesse la statuette pour la lui tendre, elle est à vous désormais.

— V-Vous êtes sérieux ? balbutia Soochul. Vous me l’offrez ?

— Je serais honoré que vous acceptiez.

— C’est pour moi que c’est un honneur, merci beaucoup ! J’en prendrai grand soin !

— Je compte sur vous : cet objet est unique, et les objets les plus rares sont les plus fragiles. Il faut en prendre soin : s’ils se fissurent, ils auront besoin d’attention pour que les fêlures se referment puis s’effacent… et s’ils n’en reçoivent pas, ils risquent de se briser. Alors, il ne sera plus possible de les réparer, et ils perdront ce qui les rendait si exceptionnels.

— Comptez sur moi, je veillerai sur lui.

— Je vous fais confiance. »

1Particule qui marque le respect.

2Vêtement traditionnel coréen.

2

Soochul fut touché de lire dans le regard du vieil homme une telle sincérité et un tel amour pour cet objet qu’il avait fabriqué de ses mains. Il remercia le propriétaire pendant encore de longues secondes avant de le saluer et de quitter l’échoppe, avec entre les mains le porte-bonheur emballé dans du papier. Enchanté, il rentra chez lui et, arrivé dans son studio, il réfléchit à l’endroit parfait où installer sa statuette.

Celui qui lui parut le plus sûr fut sa bibliothèque : calée entre deux livres avec devant elle l’enceinte miniature de Soochul, la figurine ne risquait pas de tomber !

Il jeta ensuite un bref coup d’œil aux photos qu’il avait prises de cette merveille à la boutique. Il hésita, puis décida de ne pas les poster. Sans pouvoir l’expliquer, il désirait les garder pour lui. Il souhaitait que ce garçon de glaise reste son secret. Son porte-bonheur.

Parce qu’il devait se lever tôt le lendemain, Soo-chul se coucha peu de temps après, et il ferma les paupières dans un dernier regard pour cette œuvre d’art qui lui appartenait désormais, lâchant dans un murmure :

« Je prendrai soin de toi. »

~~~

Soochul s’éveilla dans un sursaut après avoir entendu le bruit d’un vase qui se brisait.

Sauf qu’il n’avait pas de vase chez lui.

Son esprit embrumé ne saisit pas tout de suite ce que ça impliquait, il doutait même que ce vacarme ait été provoqué par un réel objet : il l’avait peut-être rêvé, après tout… Ainsi, peu effrayé, il se contenta de vérifier l’heure sur son portable puis de refermer les yeux.

Au petit matin, alors que ses rideaux laissaient le soleil baigner sa chambre d’une lumière encore tamisée, le réveil sonna. Soochul bâilla, s’étira de longues secondes durant, puis finit par réussir à garder les paupières ouvertes. Une masse étrange au pied de son étagère attira son attention. Il fronça les sourcils, songeant d’abord à un amas de couvertures, puis il sursauta en reconnaissant la forme d’une personne.

Quelqu’un s’était introduit chez lui !

Paniqué, Soochul se redressa et bondit hors de son lit. Il demeura immobile, le regard fixé sur… l’endormi ? Même s’il n’était pas convaincu du sexe de son intrus, les cheveux courts rappelaient plutôt un garçon. Or, impossible de voir son visage : il était recroquevillé de sorte à le cacher. Son corps qui bougeait à un rythme lent et régulier laissait penser qu’il s’était assoupi, et bien qu’il vienne à peine de se réveiller, Soochul tenta de comprendre ce qui avait pu se passer.

Il essaya de se souvenir de la veille : non, il était rentré seul, il avait juste rapporté… sa statuette !

Aussitôt le jeune homme dirigea son attention sur l’étagère de sa bibliothèque sur laquelle il avait posé la figurine de glaise. Disparue. Son porte-bonheur avait disparu. Ahuri, incapable de saisir ce qui lui arrivait, Soochul attrapa le livre qui traînait sur son bureau, un beau livre sur la peinture. Avec sa couverture dure et ses six cents pages, il s’agissait là de l’arme idéale pour le pauvre qui ne trouva rien d’autre.

Il hésita à approcher et décida de s’emparer plutôt de son portable : le bouquin lui servirait de moyen de défense, mais hors de question d’affronter son adversaire s’il ne s’y voyait pas contraint. Il allait d’abord contacter la police. Soochul dut s’avancer vers l’étranger pour prendre son smartphone, si bien qu’il en profita pour s’assurer qu’il dormait bel et bien.

Le garçon – c’en était un – ne bougea pas, et Soochul non plus. Car de ce nouvel angle, il pouvait enfin discerner le profil de son cambrioleur… et il en demeura stupéfait. La bouche entrouverte et les yeux écarquillés sous l’effet de la surprise, il reconnut aussitôt ces traits angéliques.

« La statue de glaise ? » balbutia-t-il sans réfléchir.