Carroge - Tome 3 - Gilbert Laporte - E-Book

Carroge - Tome 3 E-Book

Gilbert Laporte

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Beschreibung

Une série de meurtres répondant à un rite religieux spécifique secouent la région parisienne tandis que de nombreux phénomènes étranges affolent l'Afrique et l'Amérique...

En identifiant le logement de l’assassin surnommé 666, le lieutenant Martin Delpech est stupéfait de voir que celui-ci filme les tortures qu’il fait subir à ses victimes en s’inspirant de thèmes bibliques. Pierre Demange, quant à lui, découvrira des évangiles inconnus dissimulés au fond d’une grotte, mais sa découverte tournera mal. D’autant plus que sa femme se retrouvera confrontée au tueur…

Découvrez le troisième tome de l'une des enquêtes du lieutenant Delpech qui tentera de démêler les signes du diable.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Passionné par le sujet de la création des évangiles comme il l’explique à la fin du livre, Gilbert Laporte se sert de ce sujet pour créer une intrigue originale et très bien ficelé, sur un thème qui a déjà été exploité plusieurs fois, autour de la psychologie du meurtrier, et de la cupidité notamment. Un très bon premier roman à l'écriture fluide mais aussi dynamique quand il le faut. A lire ! - Aucafélittérairedecéline, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Gilbert Laporte
est né à Paris et vit dans le sud de la France. Il a effectué ses études supérieures à Nice et a été cadre dans de grandes entreprises. Il partage ses loisirs entre la lecture d'ouvrages historiques, le cinéma, la musique, les voyages et l’écriture.

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Couverture

1 Business angels

La salle de réunion était flambant neuve. Elle avait été aménagée dans l’immense salon d’une propriété au style colonial, une maison de maître située non loin des vertes berges du Delaware, en Pennsylvanie. Une grande baie vitrée laissait apprécier un vaste parc paysager, avec une large pelouse parsemée de massifs de rosiers et bordée d’arbres majestueux. Les autres parois étaient recouvertes de panneaux en chêne mouluré aux motifs Art déco. En limite de plafond, un éclairage indirect imitait à la perfection la lumière naturelle et des plantes exotiques posées aux quatre coins de la pièce rendaient ce lieu de travail plutôt agréable. Ce cadre paisible était juste troublé par un tableau de style contemporain et aux couleurs cramoisies, qui dominait la scène et jurait avec le classicisme de la bâtisse. Une longue table en merisier massif occupait le centre de la pièce, face à un écran plat de grande taille relié à un ordinateur portable.

Une hôtesse, sagement vêtue d’une jupe verte et d’un chemisier blanc, ouvrit la double porte d’accès à la pièce. Une dizaine de participants entrèrent lentement, tout en discutant d’un air grave. Ils s’assirent autour de la table après avoir repéré l’étiquette de leur nom qui était posée dessus. Ces individus étaient d’âges variés, mais tous étaient habillés de complets sombres, souvent sur mesure, qui leur donnaient l’apparence d’hommes d’affaires de haut niveau. Certains se relevèrent pour aller chercher un café vers une cafetière en argent qui reposait sur un meuble bas en acajou.

Au bout de quelques minutes, un jeune homme, vêtu d’un costume strict, mais élégant, pénétra dans la salle et vint se mettre à côté de l’écran pendant que l’hôtesse d’accueil refermait silencieusement la porte derrière lui. Il réfléchit quelques secondes, jeta un coup d’œil circulaire sur les personnes entourant la table pour vérifier que tous les participants prévus étaient bien présents, et prit la parole.

– Bonjour, messieurs, je me réjouis que vous ayez tous pu répondre à notre invitation et j’espère que vous avez fait bon voyage.

La plupart des individus acquiescèrent, mais certains firent la moue.

– Je sais que vous êtes très pris et je vais donc aller directement aux faits qui nous intéressent.

Des graphiques en 3D, faits de savantes courbes et de barres colorées, apparurent sur l’écran.

– Tout d’abord, je vous informe que notre programme a entièrement démarré et que nos équipes sont toutes opérationnelles. Comme vous pouvez le constater sur le premier graphique, les indices de fréquentation sont en forte hausse et nos recettes suivent sur le même rythme.

L’écran était tactile : il fit donc défiler les différentes présentations avec ses doigts et écarta les deux mains pour en agrandir certaines.

– Les ventes de produits annexes sont très satisfaisantes, d’autant plus que nous n’avons pas encore décliné toute notre gamme d’articles et que nos actions de promotion ne sont pas terminées. De toute manière, le bouche-à-oreille fonctionne actuellement très bien et le relais des médias s’avère positif pour nous.

Des rires et des sourires narquois naquirent autour de la table.

– Bref, les perspectives de développement sont alléchantes. Nos analyses marketing ont démontré toute leur pertinence, à une ou deux exceptions près. Nous devons donc absolument veiller à diffuser une image qui corresponde bien aux principales attentes de notre clientèle, sans la perturber aucunement. Il nous faut, en effet, livrer un service qui matche avec besoins fondamentaux des individus, sans chercher à trop couvrir les demandes spécifiques qui apparaîtraient, de façon à limiter les coûts et à maximiser notre retour sur investissement.

Pour la plupart des personnes autour de la table, leur premier contact avec cette approche marketing de leur activité avait été totalement nouveau et les avait laissés, au départ, assez perplexes, voire dubitatifs quant au résultat. Mais ils devaient désormais tous reconnaître que cette politique fonctionnait.

Pour l’instant, tout au moins…

– Les dossiers qui ont été disposés devant vous font le point sur les actions de promotion et vous trouverez également une synthèse budgétaire. Bien entendu, ces dossiers sont disponibles uniquement pour consultation et devront être laissés sur place lors de votre départ. Avez-vous des questions ?

L’homme qui paraissait le plus âgé de l’assemblée prit la parole.

– Vous savez qu’à l’origine je n’étais pas favorable au lancement de ces « actions ». Cela ne correspondait pas, selon moi, à nos pratiques et à nos marchés habituels. Je dois cependant reconnaître que les résultats actuels sont satisfaisants.

L’animateur était ravi que l’un des principaux responsables de leur organisation partage désormais son point de vue. Il exhiba un large sourire commercial.

– En fait, c’était gagné d’avance. Certaines personnes ont besoin de croire au merveilleux et cela est parfois renforcé par le malheur ou la maladie. De plus, dans un monde dominé par les logiques industrielles et financières, l’homme a de plus en plus la nécessité de rêver…

– … et nous leur en donnons, des rêves.

– Oui, vous avez tout à fait raison, et cela, comme d’autres entreprises commercialisent des films ou des chansons pour nous distraire et nous faire nous évader du quotidien.

Un autre membre de l’organisation prit la parole. Il avait le profil du rabat-joie type qui critique systématiquement tout lors d’une réunion.

– Cela ne rapporte pas grand-chose, la vente des livres et des vidéos, grimaça-t-il.

L’animateur ne se laissa pas démonter par la question. Il savait qu’il fallait contrer immédiatement ce genre de personnage, tout en allant partiellement dans son sens afin d’éviter qu’il ne pourrisse la conférence.

– Non, bien sûr, vous avez effectivement raison, car nous sommes loin de nos marges habituelles. Mais cela constitue quand même une petite source complémentaire de revenus et, surtout, cette activité nous a permis de nous infiltrer au sein de l’Église de Jésus-Sainte Marie.

– Et ils ne se doutent de rien ?

– Absolument de rien. Vous savez, ces gens-là sont des croyants, des idéalistes. Ils n’imaginent pas une seconde que l’on puisse se servir d’eux pour blanchir de l’argent ou puiser dans le denier du culte. De toute manière, nos hommes occupent désormais tous les postes de trésorier de chaque temple. Nous avons même créé pour eux un site internet qui fait appel aux dons, que nous captons en partie avant que les fonds ne transitent dans leur système informatique comptable.

Certains autour de la table eurent une expression admirative :

– La courbe globale des profits est exponentielle, remarqua quelqu’un dans la salle.

– Oui, effectivement. De plus, l’Organisation investit dans l’immobilier sur d’excellents emplacements. Chaque bâtiment que nous construisons ou aménageons pour faire un temple est susceptible d’être recyclé en commerces ou en bureaux, au cas où nous serions dans la nécessité de revendre, ou tout simplement pour réaliser une plus-value.

Il ouvrit un nouveau document en touchant l’écran avec le bout de son index droit. Par ailleurs, nous envisageons une diversification vers le marché de la psychothérapie en visant des personnes dites « fragiles » : dépressifs, alcooliques, divorcés ou autres individus ayant vécu une période douloureuse. Ceci nous permettra de bénéficier d’un deuxième marché de clientèle, avec ceux qui ne sont pas croyants. Bien sûr, nous ne ferons pas appel au merveilleux, mais nous vendrons ici une image plus scientifique. Notre projet consiste à ouvrir des centres de désintoxication, des centres psycho-spirituels et des cliniques de repos de luxe…

Des photos d’ensembles immobiliers ultramodernes apparurent sur l’écran en même temps qu’il s’exprimait.

– Nous comptons également sur la commercialisation à domicile de produits parapharmaceutiques apaisants, de livres et CD de relaxation et d’un appareil à infrarouge bénéfique vendu à 600 dollars pour un prix de revient d’à peine 100.

Il parlait avec une totale absence d’émotion dans la voix. Un quadragénaire blond et élégant leva la main pour signaler qu’il prenait la parole.

– Cet appareil et ces médicaments ont-ils des effets médicaux réels ?

– Bien sûr que non…

Il n’avait même pas répondu sur le ton de la plaisanterie. L’homme ne semblait être qu’une mécanique débitant froidement des chiffres et des arguments.

– Ce sont des effets placebo, seules certaines pilules sont constituées à base de calmants ou de vitamines. L’intérêt pour nous est de créer une dépendance psychologique et d’attirer les adeptes vers des soins de plus en plus chers. Nous envisageons également des stages de « purification » et de « ressourcement », qui seront facturés 250 dollars la journée. Des accompagnateurs seront chargés de suivre les stagiaires et de les amener progressivement au sein de notre mouvement, d’abord en leur faisant souscrire une carte d’adhérent qui les fera bénéficier de fausses réductions de prix sur nos livres et disques vidéo de soutien psychologique, et puis, en sollicitant des dons pour la communauté.

Un autre intervenant, l’inquiet de service, fronça les sourcils :

– Tout cela est très bien, mais je voudrais que l’on parle des apparitions « miraculeuses ». On ne risque pas de se faire prendre, à la longue ?

2 Recherches

– C’est génial ! C’est génial !

Pierre Demange répétait régulièrement cette phrase tout en manipulant avec excitation les papiers froissés qu’il avait soigneusement dépliés et étalés sur la table de la salle à manger. Claire se pencha en avant et posa affectueusement sa main gauche sur l’épaule de son mari.

– Tu t’en sors bien, mon chéri ?

Il acquiesça, tout en prenant un petit chiffon de sa poche de pantalon afin d’essuyer ses lunettes.

– Oui, je pense que je vais arriver à en tirer quelque chose… C’est vraiment super que tu aies trouvé ces notes. Ça doit être ça, l’intuition féminine…

Elle sourit, ravie de lui avoir fait autant plaisir.

– Disons plutôt que vous, les hommes, quand vous suivez vos idées bille en tête, vous manquez un peu d’esprit pratique…

– Oui, peut-être, répondit-il pensivement.

L’historien avait remis ses lunettes et examinait à nouveau attentivement les documents. Elle lui embrassa le front et esquissa une grimace devant la sueur qui le recouvrait.

– Je te laisse travailler…

Il la retint par le bras.

– Non, non, au contraire, protesta-t-il. Tu ne me déranges pas du tout. Tiens, assieds-toi à côté de moi, tu vas m’aider à remettre de l’ordre dans tout cela.

Elle s’exécuta avec plaisir. Ce n’était pas dans les habitudes de son solitaire de mari de lui faire partager ses travaux de recherche.

– Qu’est-ce que tu as comme éléments ? questionna-t-elle, avec curiosité.

– Des bouts de phrases et des mots épars en ancien français… Certains ne sont pas traduits en français moderne, d’autres le sont.

– Par exemple ?

– Il y a, bien sûr, le mot « carroge » qui est souligné deux fois. Ce carrefour avait donc pour lui une importance toute particulière.

– Sans doute. Et puis ?

– Il est question de « croye », c’est-à-dire de la craie. Il est également écrit « estroite sente », un sentier étroit, qui mène dans la « forest » où l’on a « cele », autrement dit, caché des « tes », qui sont des poteries, des vases ou quelque chose dans ce genre, d’où l’origine du mot « tesson ».

Il ne pouvait s’empêcher de faire la leçon, mais comme il était compétent dans son domaine et pas prétentieux pour deux sous, les gens qui le fréquentaient ne s’en formalisaient jamais.

– Et quoi d’autre ? enchaîna Claire, impatiente de connaître la suite.

– Il y a « la bove qui sos terre est bastie ». Les poteries sont situées dans un souterrain qui a été creusé de main d’homme, une sorte de cave sans doute…

– Et qui se trouve où ?

– Je ne sais pas encore, malheureusement, répondit-il d’un air contrit. Apparemment, on s’y rend en chevauchant « lez une rivière », le long d’une rivière. Mais laquelle ? Elle n’est pas nommée. Il est juste précisé…

Il plissa les yeux pour mieux déchiffrer le manuscrit.

– « enmi le brac une ile avait », il y a une île au milieu du bras de la rivière. Et puis, sur une seconde feuille, il y a une autre indication de lieu : « tant qu’il y eu un tertre amonte », jusqu’à ce qu’il eût monté la colline « en la bonne voie ».

Il chercha un autre papier sur la table.

– Ici, il est question « d’avaler des degres ».

– Cela veut dire quoi ?

– Les « degres », je pense que ce sont des marches. Et « avaler » c’est descendre, aller vers le val. Il faut donc descendre des marches pour trouver les poteries.

Carrel qui était, jusque-là, vautré dans son canapé, releva le nez du manga qu’il était en train de feuilleter distraitement.

– En parlant d’« avaler », je me « descendrais » bien une bière fraîche dans le gosier, lança Mathieu à la ronde. Quelqu’un en veut une ?

Devant l’absence de réaction du couple, il haussa les épaules et alla chercher sa boisson dans la cuisine en bâillant et en se grattant la nuque.

Le double living de l’appartement reflétait le côté paradoxal de la personnalité du policier privé. Il était de style très moderne, avec des meubles de bonne qualité. Des peintures d’art abstrait et des bibelots et statuettes compétaient la décoration. De belles étagères en verre dépoli et acier laqué étaient couvertes de revues populaires. Il y avait là assez de quotidiens sportifs, hebdomadaires people et mensuels automobiles pour rivaliser avec n’importe quelle salle d’attente de médecin ou porte-revue de salon de coiffure…

Pierre Demange poursuivait, quant à lui, son exposé avec le plus grand sérieux :

– Il y a aussi une phrase très étrange dans ce qui semble être la fin du texte : « Criem Deu ne me face pardon. » Il apparaît évident que cela signifie : « Je crains que Dieu ne me pardonne pas. » Apparemment, celui qui a écrit ces mots avait peur de la puissance divine au regard de ce qu’il avait fait. Mais quoi ? Un peu plus loin, il précise qu’il souhaitait « estre en repos eissement… ame alast devant Deu », que son âme soit au repos avant d’aller devant Dieu. Il manque un bout de phrase, mais ce doit être approximativement le sens de ce passage.

– Dis donc, il a des choses à se reprocher, celui-là !

Claire parcourut des yeux les papiers étalés sur la table, en saisit un et le tendit à son mari après l’avoir étudié.

– Regarde.

Pierre fronça les sourcils.

– « tranche le chief » et « moines ». Il a tué le chef de moines, interrogea-t-elle ? ça ne veut rien dire…

– Le « chief » c’est la tête, comme dans l’expression « couvre-chef », et pas un chef, précisa l’historien.

– Il a tranché la tête d’un moine ! Quelle horreur ! s’exclama sa femme.

– Il n’y a pas que cela, dit son mari qui avait continué à lire le texte. Il a « tresperchie », transpercé un autre moine, et a fait « trebuchier aval son cor ». Il a basculé son corps dans quelque chose, un ravin ou un trou. Le document semble indiquer qu’il a tué en tout quatre moines dans la forêt d’Eve !

– Rien que ça ? C’est monstrueux. Pas étonnant qu’il ait peur de Dieu. Et c’est où, ça, la forêt d’Eve ?

Pierre leva les épaules en signe d’impuissance.

– Je n’en sais rien. Jamais entendu parler.

– Qu’est-ce qu’on a d’autre alors ? demanda la jeune femme.

– Il est question d’une « perriere ». Un lieu pierreux, d’évidence, voire une carrière de pierres.

Il fronça les sourcils et cita un passage de la suite du texte à voix haute :

– « … est d’une lame couverte. » Cherche-moi le mot « lame » sur ton téléphone s’il te plaît.

Claire mit quelques minutes à trouver la solution à l’aide de son smartphone.

– « Bande mince » ou « pierre sépulcrale ». Oui, c’est certainement une pierre tombale. Il est question d’un trou recouvert par « un grand perrun de marbre bis », une grande dalle de marbre gris. Une tombe, cela aurait un rapport avec l’assassinat des moines ?

– Non, les meurtres c’est autre chose. Je pense qu’il s’agit d’une cachette.

– Qui dissimulerait quoi, d’après toi ?

– Les poteries probablement, mais je n’arrive pas à trouver ce qu’elles peuvent bien contenir. On manque d’éléments. Nous n’avons pas la totalité du texte original, mais seulement des notes éparses…

Il réorganisa les différents bouts de papier devant lui pour tenter d’obtenir des phrases cohérentes.

– Il est aussi question d’« aovrir », d’ouvrir pour accéder à l’endroit où les moines ont… Il y a le verbe… « enfosser », donc « ont enfoui des vases ».

Il rongea nerveusement l’ongle de son pouce gauche.

– Bon sang, qu’est-ce qu’il peut y avoir dans ces pots ? rouspéta-t-il entre ses dents.

– Un trésor ? rêva Claire.

– Non, je pense plutôt à des reliques. Il y a un « rochal » marqué d’une « crois », de toute évidence une croix.

– Toujours pas d’autres indications de lieu ?

– Si, écoute : « por mener an ce bois » il faut tourner « a senestre », à gauche, après « la vanne Charles ».

– C’est quoi une « vanne » ?

– Je ne sais pas. Une vannerie, peut-être ?

– Moi je sais ce que c’est « une vanne », intervint Mathieu de son canapé.

– Non, tu sais pas ! contestèrent les Demange en chœur.

Ils éclatèrent de rire pendant que leur ami mimait une expression de débile en leur tirant la langue :

– Attends, je cherche… poursuivit Claire. Ah, voilà. C’est une pêcherie, en fait.

– Une pêcherie ?

– Oui, apparemment, il est précisé que l’origine du nom provient du fait que les pêcheurs prenaient les poissons dans des pièges en vannerie. Et après ?

– Il faut longer une « cort », une ferme ou une cour de ferme, juste avant le village des « bolges ». Des « bolges » ?

Claire avait instantanément saisi le mot sur Internet.

– J’ai trouvé, ce sont des cavernes, c’est une autre forme du mot « bove ».

– Un village de cavernes ou de grottes ?

– Oui, apparemment.

Il déchiffra le mot suivant avec difficulté.

– Après, il faut prendre une… « l-a-i-e ».

– Une quoi ?

– Une laye, c’est un sentier de forêt, tu sais, comme dans Saint-Germain-en-Laye ou le vin coteaux-du-layon ».

– Ça, je connais, interrompit Mathieu Carrel.

– On s’en doute, répondit Claire en se retournant sur sa chaise. D’ailleurs, s’il t’en reste une bouteille, nous ne sommes pas contre le fait que tu nous en proposes, parce que moi la bière, ce n’est pas mon truc…

Mathieu souffla entre ses lèvres d’un air fatigué.

– Bon, tout ça me fait penser qu’il est l’heure de préparer à bouffer. Vous avez faim, les chercheurs ?

– Pas trop, avec cette chaleur, répondit Claire en s’éventant de la main tandis que son époux demeurait le nez plongé dans ses papiers.

– Bon, je fais quelque chose de léger, genre poisson et salade.

– Ça ira très bien pour moi.

Puis, se retournant vers son mari :

– Tu as trouvé autre chose ?

– Non, on a fait le tour de ce que l’on avait, à part la phrase : « Deu m’a esleu a un suen servise faire que nus ne porroit faire se je non » qui doit vouloir dire approximativement : « Dieu m’a choisi pour faire un service que nul autre que moi ne saurait faire. »

Claire résuma l’état de leurs recherches :

– Bon, on récapitule. On a donc un bonhomme qui a tué quatre moines, dont un en le décapitant et un autre en le jetant dans un ravin ou un trou. Il se reproche ces meurtres, bien qu’il les ait commis au nom de Dieu.