Comment je suis devenu formateur en institut de formation en soins infirmiers - Marcus Enyouma - E-Book

Comment je suis devenu formateur en institut de formation en soins infirmiers E-Book

Marcus Enyouma

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Beschreibung

Marcus Enyouma, dans cet ouvrage, revient sur son parcours singulier d’enseignant en sciences humaines, droit et recherche au sein d’un institut de formation en soins infirmiers, où il officie depuis 1995. Porté par une réflexion profonde sur la construction identitaire des étudiants, il explore les chemins parfois chaotiques de la déconstruction et de la reconstruction personnelle et professionnelle. Avec lucidité et engagement, il raconte son intégration dans un univers aux normes bien établies, les résistances rencontrées, les tensions d’équipe, mais aussi les transformations pédagogiques qui ont marqué l’enseignement des sciences humaines en IFSI. Auteur des ouvrages de référence Sciences humaines et pratiques de soins en 2010 et La recherche appliquée aux soins infirmiers en 2012, Marcus Enyouma a également signé de nombreux articles sur les enjeux de la formation et l’évolution des savoirs infirmiers.

 À PROPOS DE L'AUTEUR 

Marcus Enyouma est enseignant en sciences humaines et en droit au sein d’un institut de formation en soins infirmiers depuis 1995. Spécialiste des enjeux pédagogiques et de l’évolution des savoirs infirmiers, il est l’auteur de plusieurs ouvrages de référence dans le domaine. À travers ses travaux, il interroge la construction identitaire des étudiants et les dynamiques de transformation des pratiques éducatives.

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Seitenzahl: 108

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Marcus Enyouma

Comment je suis devenu formateur en institut de formation

en soins infirmiers

Récit d’un itinéraire atypique

© Lys Bleu Éditions – Marcus Enyouma

ISBN : 979-10-422-7415-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À mes trois enfants adorés et inspirants :

Emmanuelle, Marie, Laurent

Introduction

Rien ne me prédestinait à devenir formateur en Institut de formation en soins infirmiers (IFSI).

C’est au gré des rencontres et du hasard de celles-ci que je me suis retrouvé dans un Institut dédié à la formation des futurs professionnels paramédicaux (infirmier.e.s, aides-soignant.e.s, ambulancier.e.s) et du service social (assistant.e.s du service social, éducateurs des jeunes enfants, éducateurs spécialisés), rattaché à la Croix-Rouge française (CRF).

En effet, la CRF est un acteur de l’économie sociale et solidaire et gère cinq grands domaines d’activités à savoir : l’humanitaire, le sanitaire, le social, le médico-social et bien sûr la formation.

Tout avait commencé avec des entretiens de sélection des candidat.e.s devant entrés dans un Institut de Formation en Soins infirmiers (IFSI) de la Croix-Rouge française sis à St-Etienne dans la Loire.

C’est à ma descente d’avion, du retour d’une conférence sur les Droits de l’Homme à la faculté de droit de Kigali au Rwanda, que j’appris la nouvelle par ma belle-sœur qui était venue exprès pour me l’annoncer et me servir de taxi pour me conduire jusqu’à destination.

Elle avait prévu des habits de change pour que je sois présentable aux entretiens de sélection des candidats.

J’avais été invité à ces entretiens en tant qu’enseignant puisque le référentiel de formation prévoyait, dans ce cadre, la présence de trois membres de jury : le formateur de l’Institut de formation, un cadre de santé exerçant ou pas dans un établissement de santé, un psychologue ou un enseignant. C’est ainsi que je fus choisi.

À l’issue de ces entretiens de sélection, longs et fatigants où défilaient près de six candidats par demi-journée pendant quatre jours, je fus invité à intervenir dans cet institut de Formation dans le cadre des Sciences humaines et sociales.

Nous sommes en 1992. Le nouveau référentiel de formation en soins infirmiers vient de sortir et sévit déjà dans les Instituts de Formation avec son cortège de changements.

Changement de dénomination où il ne sera plus question d’« école d’infirmières », mais d’« Institut de formation en soins infirmiers » (IFSI).

Autre changement remarquable sera l’inscription massive et visible des Sciences humaines et sociales, législation, droit, éthique et déontologie dans le programme de ce nouveau référentiel de formation.

La présence de ces disciplines, dites profanes, dans un projet de formation professionnelle infirmière incitait à diversifier les intervenants et même à intégrer les « non infirmiers » comme formateurs permanents.

Ce fut mon cas. Il était loin d’être unique, puisqu’on en trouvait ailleurs dans l’ensemble du contexte national où le besoin se faisait sentir.

Comme l’appétit vient en mangeant, s’ensuivit l’accoutumance, laquelle déboucha sur une embauche à temps partiel, comme « formateur permanent » le 23 janvier 1995. C’était dans un des Instituts de Formation en Soins infirmiers de la Croix-Rouge française (CRF) en Région Rhône-Alpes sis à Valence dans la Drôme.

Pourquoi à temps partiel ? Pour une raison très simple : je n’étais pas infirmier. Je n’avais que des qualifications universitaires en sciences humaines, éthique et déontologique.

Cette différenciation, entre autres, me collera à la peau au point d’en devenir une sorte de mantra chez mes collègues formateurs qui ne rataient aucune occasion pour me le rappeler en clamant : « toi, tu n’es pas infirmier ». Pour noyer ce refrain sous un ton humoristique à la limite du cynisme, ils ajoutaient : « toi, tu es universitaire ».

Embaucher un « non infirmier » dans un institut dédié à la formation des professionnels de santé où le corporatisme et l’entre-soi sont de règle était un pari audacieux que s’était risqué la CRF à l’époque.

C’est ainsi que je passerai vingt-sept années, comme « formateur permanent », dans ce nouveau projet de Formation des futurs professionnels de santé grâce au référentiel de 1992.

Il y a eu des années de découverte, suivies de celles marquées par la phase d’adaptation, pour finir sur celles que j’appelle les années de plénitude.

Cette longue traversée connaîtra des moments de déceptions, de trahisons, de discriminations feutrées sans effets sensibles sur mon enthousiasme quant à ma fonction de « formateur permanent » en IFSI.

Au contraire, tout cela me rendait plus fort, plus agile et plus performant.

C’est donc cette histoire que je veux partager.

Il y aura, sans doute, des oublis, mais c’est ce qui m’a marqué dans un sens comme dans un autre que j’ai envie de relater ici.

I

Les années découvertes

(1992-1998)

Tout va donc commencer en 1992 par la participation aux entretiens de sélection pour l’admission des candidats à la formation infirmière à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers CRF sis à Saint-Étienne dans la Loire.

Je revenais d’une mission au Rwanda où j’avais été mandaté par l’Institut des Droits de l’Homme de l’Université catholique de Lyon pour participer à la conférence sur les « Droits de l’Homme » organisée par la faculté de droit de Kigali et sous le patronage du ministère de la Justice du Rwanda.

C’est ainsi qu’à ma descente d’avion, je trouvai dans le hall de l’aéroport ma belle-sœur qui m’attendait avec un message m’invitant à me rendre sans tarder à Saint-Étienne pour des entretiens de sélection des candidat.e.s. devant entrer en IFSI. Le temps de me changer, puisqu’elle m’avait apporté chemise et pantalon, elle m’emmena jusqu’à destination.

C’est ainsi que je commençai mon cycle d’entretiens de sélection qui dura trois ans. À chaque fois, j’étais invité en tant qu’enseignant quand un psychologue faisait défaut ou pas.

En effet, le référentiel prévoyait la présence d’un psychologue ou d’un enseignant dans ces entretiens de sélection. L’on y trouvait aussi le formateur de l’Institut de Formation hôte, le cadre de santé venant d’un service ou pas du terrain.

Des entretiens souvent longs à la limite ennuyeux, non pas du fait du nombre de passages des candidats (six candidats par demi-journée), mais surtout des échanges entre les trois membres du Jury. Certains campaient sur des positions inflexibles, pendant que d’autres se contentaient d’un simple alignement sur les arguments majoritaires sans que l’on sache quels étaient leurs points de vue.

C’est ainsi qu’il y avait des coalitions à deux isolants l’autre membre qui était obligé de s’aligner sur la frange la plus forte.

Il arrivait aussi que face à certains candidats prolixes, ou alors complètement éteints, presque égarés, un membre du jury ait des moments d’absence ou soit pris dans les « oraisons de St Pierre », sorte de somnolence marquée par les balancements inconscients de la tête de haut en bas.

Sans oublier ceux qui affichaient déjà un préjugé favorable à travers les propos tels que : « Je le vois ou la vois déjà infirmier ou infirmière. » Quand d’autres ne démordaient pas de leur impression défavorable de départ avec des expressions telles que : « Il ou elle n’est pas fait.e pour ce métier. »

À force de me voir participer, pendant trois ans, à ces entretiens de manière assidue et méthodique, je serai contacté par la directrice de l’IFSI pour assurer, en tant qu’intervenant occasionnel, des interventions en sciences humaines et sociales auprès des étudiant.e.s infirmier.e.s.

Il faut dire que l’on était au lendemain du nouveau référentiel 1992, lequel apportait son lot de changements.

Au niveau législatif, on passait de « École d’infirmières » à « Institut de Formation en Soins infirmiers » (IFSI).

Sur le plan des disciplines, une place importante fut accordée aux sciences humaines et sociales, droit, éthique et recherche.

Le contexte était favorable et porteur. Je répondais donc aux critères qui nécessitaient la présence d’un enseignant qualifié dans ces disciplines. C’est ainsi que je me suis trouvé à enseigner la sociologie, l’anthropologie et la législation à l’Institut de Formation en Soins infirmiers de la CRF de Saint-Étienne en Région Rhône-Alpes.

En 1995, au regard des statuts de la Convention CRF, je fus embauché à hauteur de 70 % comme « enseignant permanent » où j’avais en charge les sciences humaines, la législation et la recherche.

Mon poste d’affectation fut le site de Valence dans la Drôme, toujours en Région Rhône-Alpes. J’y étais accueilli le 23 janvier 1995. Soit deux mois après la naissance de ma fille aînée Emmanuelle.

L’ensemble de l’équipe pédagogique était réuni au complet pour la circonstance. Café, croissants étaient au rendez-vous. Accueil chaleureux. Ce dernier ne dura qu’un instant. Il fallait passer à la phase présentation.

Quand j’annonçai que je n’étais pas infirmier, tout se crispa comme si je venais de lâcher une mauvaise blague. Les réactions ne se firent pas attendre. Soudain je fus foudroyé du regard par une ancienne formatrice, cadre de santé, reconnue pour sa hargne et le mépris de tous ceux qui n’étaient pas cadres de santé et pire encore ceux qui, comme moi, n’étaient pas infirmiers. Un sacrilège. Elle m’apostropha en me demandant si vraiment je n’étais pas infirmier. Je répondis d’une voix calme que je n’étais pas infirmier. Elle leva les mains et les yeux au ciel en disant : « comment peut-on embaucher quelqu’un qui ne peut pas faire des mises en situations professionnelles (MSP) dans un institut de formation dédiée aux professionnels de santé » alors que nous en avons besoin ?

La réplique vint d’une autre formatrice infirmière, plus jeune, pas cadre de santé : « Nous avons besoin des personnes en dehors de notre champ de compétence pour enrichir l’enseignement qui est proposé aux futur.e.s professionnel.le.s infirmier.e.s. »

Cette intervention, bien calibrée, mit fin à la dispute générée par la « cadre de santé formatrice ».

Malgré cet incident, la direction me désigna coordinateur de l’équipe deuxième année et en charge de l’enseignement des sciences humaines, législation et recherche.

La tâche en tant que coordinateur d’équipe ne fut pas simple puisqu’il fallait affronter la résistance de mes collègues qui s’étaient sentis désavoués dans leurs tâches d’organisation et d’encadrement.

L’une de mes collègues d’équipe était cadre de santé et avait du mal à supporter ma simple présence depuis le moment où, lors d’une intervention auprès des étudiants, elle m’invita à apporter quelques correctifs dans le cadre de l’initiation à la démarche de recherche. Elle devint livide quand les étudiants eurent applaudi à la fin de mon intervention. Devant les étudiants, elle décida de se dessaisir de l’enseignement sur la recherche en me le confiant. Dès cet instant, l’enseignement de la recherche appliquée aux soins infirmiers en IFSI ne me quittera plus.

Mais cet épisode avait ravivé les hostilités qui étaient déjà là, mais de manière sournoise. Au point que tout ce que je pouvais proposer était sujet à critique ou constituait un sujet de conversation autour du café à mon insu. Mais, malgré tout, je gardais une relation humaine et respectueuse avec elle. De temps en temps, elle me le rendait jusqu’au moment où je me suis rendu compte qu’elle était en très grande souffrance, car la direction l’avait sur le viseur au point qu’elle fut invitée à quitter l’institut complètement meurtrie du fait d’un harcèlement managérial qui ne disait pas son nom. À mon insu, je fus associé à sa « mise à mort » symbolique puisque je ne fis rien pour assurer sa défense.

En effet, j’avais été mis dans la confidence de son intention, avec l’autre collègue, de voir l’Institut de Formation en Soins infirmiers s’adosser au Centre hospitalier public, contrairement à la direction qui militait pour garder l’Institut sous l’égide de la CRF et non sous la dépendance d’un service relevant de la fonction publique hospitalière.

Justement l’autre collègue, plus sournois dans son adversité envers moi, était infirmier du secteur psychiatrique. Il assurait méthodiquement la défense de sa collègue en lui servant de parapluie toutefois qu’elle était attaquée ou en difficulté dans ses missions de formatrice. Il n’hésitait pas à contredire, en grande réunion d’équipe, ce que nous décidions en réunion de petite équipe.

Nos relations pouvaient donner l’impression d’être cordiales puisque nous avions des échanges qui ne souffraient d’aucune animosité. Mais tout cela était superficiel. Le climat de tension était tel que lui aussi fut invité à quitter l’Institut.

C’est ainsi que pendant deux ans j’eus à gérer les tensions entre nous et entre nous et les étudiants. Ces derniers affichaient un mépris à peine voilé vis-à-vis de mes deux collègues au point que j’étais obligé d’intervenir pour redynamiser le groupe.