Covid-19 40-45 - Charles Boucaud - E-Book

Covid-19 40-45 E-Book

Charles Boucaud

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Beschreibung

Ayant vécu une période nazie, Charles Boucaud a développé des sentiments peu nobles à l’endroit des Allemands. Plus tard, côtoyant ces derniers, notamment comme employeur et amis, l’auteur, enrichi d’une certaine philosophie et d’un humour certain, a reconsidéré sa vision de la vie. Ceux qui ont pratiqué l’esclavage sont morts et leurs familles n’en sont pas responsables. Dans ce monde nouveau, le dialogue a été instauré. Cet ouvrage est une invite à exploiter cette voie plus sage et plus enrichissante afin que règne la paix sur cette Terre déjà sévèrement atteinte.

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Seitenzahl: 117

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Charles Boucaud

COVID-19 40-45

Sans vaccin

© Lys Bleu Éditions – Charles Boucaud

ISBN : 979-10-422-0346-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre premier

C’était pire en 40, l’endémie était inhumaine et humaine. Je veux dire qu’elle était manipulée par des hommes inhumains. Nous ne savions pas ce que nous allions devoir supporter, pendant combien de temps, ni même l’issue de cela, la mort peut-être ? Le traitement nous semblait incalculable tant la douleur était subite et grande. Les adultes et vieillards étaient les premières victimes en cherchant le moyen de nous épargner, à nous autres enfants, le contact de cette pandémie. Quatre ans, elle aura duré, en laissant des cicatrices que le monde, même actuellement, ne peut oublier. Les traitements auront mis quatre ans à se concrétiser et là encore, il aura fallu la coopération presque mondiale pour l’éradiquer. À l’époque, il existait une solution, elle était matérielle, et on nous en avait privés… finance et politique obligent. Aujourd’hui, c’est différent, ils s’expliquent, bizarrement, un peu comme Pétain. Faut chercher. Et quand des chercheurs cherchent, cela peut demander un certain temps, et cela s’explique. C’est le cas aujourd’hui, rien ne peut s’improviser. Les finances et les politiques ne peuvent rien en matière de santé.

Et la santé n’a pas de prix, elle choisira son camp, sans distinction aucune. L’âge, le sexe, la fortune ne sont pas ses critères de choix. À l’époque, pas comme aujourd’hui, on a connu les masques, ce qui nous faisait mieux comprendre la gravité de ce qui allait nous arriver. Nos anciens avaient connu les gaz et on pouvait mieux s’imaginer ce qui nous attendait. Notre confinement n’avait rien de comparable et reste pour nous une leçon qui nous oblige à penser qu’aujourd’hui, c’est moins grave.

J’avais à peine cinq ans lorsque la guerre s’est déclarée. Pourtant je m’en souviens comme si c’était hier. Oh, non pas de la déclaration, ni même des premiers jours, et encore moins qui elle opposait. Ce dont je me rappelle, et c’est à partir de cet évènement que ma mémoire s’est enclenchée, je me revois, juché avec mes sœurs, à l’arrière d’une camionnette sur un amoncellement de matelas et couvertures. Le vent nous fouettait le visage, et nous étions assez excités, sans comprendre ce que voulait dire le mot « exode ».

La camionnette montait péniblement la rue Gambetta, et en arrivant au petit jardin de la Motte, en regardant vers l’Évêché, j’aperçus quelques prêtres, aux fenêtres, qui nous saluaient. Puis nous avons tourné vers la rue Desfossés, juste avant le commissariat de police qui me semblait désert. Ensuite, je me suis réveillé à ce que j’apprendrai plus tard être Melesse. Une enivrante odeur de foin séché ainsi que le jacassement de la basse-cour ont eu raison de mon sommeil.

Quelle ne fut pas ma surprise, en me levant, de marcher dans une demi-obscurité, sur un véritable tapis de foin, guidé par les rais lumineux que laissaient filtrer les planches disjointes de la porte. En ouvrant cette dernière, le sol humide m’apparaissait à plusieurs mètres en contrebas, et en apercevant l’échelle de bois, je compris que nous avions passé la nuit dans un grenier à foin.

Les premiers soldats allemands, dans leur uniforme de drap couleur vert de gris, qui prirent position dans la cour de la ferme où nous nous étions réfugiés, m’ont flanqué une belle trouille. Leur mine patibulaire, leur accoutrement, et surtout le long interrogatoire que subit mon père, firent qu’une espèce d’inquiétude germa en moi. Après leur départ, mon père prit la décision que nous rentrerions à Rennes retrouver notre appartement, au troisième étage sous les toits.

Nous n’avions qu’une seule fenêtre qui donnait sur la rue, celle par laquelle ma grande sœur Jeannette était tombée accidentellement et s’en était sortie miraculeusement avec six mois d’hôpital et de plâtre. Elle n’avait dû sa vie qu’à la présence de fils téléphoniques, qui avaient en partie diminué la brutalité de l’impact sur les pavés. C’est, du moins, ce que laissait entendre ma mère lorsqu’elle racontait la chute de celle qui est devenue, par la suite, ma marraine.

Notre humble demeure, une très grande pièce où ma mère avait réussi à caser son lit métallique, le lit-cage de mes sœurs, le mien métallique aussi, un fourneau en fonte sur lequel nous cuisinions, une de ces anciennes tables de toilette avec le dessus en marbre et une commode à trois tiroirs. Au milieu de la pièce se trouvait une table ronde, en bois, comme on les faisait autrefois, avec les deux rallonges, et recouverte d’une toile cirée aux couleurs baroques.

De la fenêtre, nous pouvions, en nous penchant, apercevoir la rue du docteur Régnault, la nôtre, qui prenait de la rue Saint-Georges à la rue de Corbin. En tournant la tête vers la gauche, j’apercevais le bâtiment qui abritait le quartier général de la 3e Région militaire avec ses trois étages. Sans doute n’y avais-je jamais prêté attention ou bien le déclic s’est-il opéré lors de l’exode, toujours est-il qu’aujourd’hui, il existait et prenait une certaine dimension pour moi.

Il était tout près, environ vingt mètres, et j’entendais des ordres vociférés dans une espèce de jargon bizarre que je n’arrivais pas comprendre. Et soudain, deux de ces soldats que j’avais aperçus la veille à la ferme de Melesse prirent position au pied de la rue du Dr Régnault. Je ne comprenais pas. Que faisaient ces soldats dans ma rue ? Dans mon pays ? C’est autant de questions auxquelles mes parents ont tenté de répondre, mais sur le moment je ne comprenais pas et ne le pouvais.

Les jours passèrent avant que je me hasarde, d’abord à ne pas baisser les yeux devant les sentinelles, puis à chercher à entrevoir, par le grand portail ouvert occasionnellement, ce qu’il se passait dans cette grande cour. La partie du bâtiment qui donnait sur notre rue, comportait un rez-de-chaussée surélevé d’environ trois marches, avec une entrée sur sa droite, qui servait, je l’ai su plus tard, à acheminer les vivres vers la cuisine qui se trouvait dans ce secteur. Un jour, des fenêtres ouvertes du rez-de-chaussée, j’aperçus, la chose la plus incroyable qu’il m’ait été permis de voir en vrai, en chair et en os. Un homme tout noir, puis d’autres encore. Ils étaient au moins cinq ou six.

Je n’ai pas pris le temps de les compter, juste celui de prendre mes jambes à mon cou.

Les explications de ma mère m’ont un peu rassuré et elle m’a même encouragé à les saluer en me disant qu’ils étaient français, qu’on les avait mobilisés pour défendre la France et qu’ils étaient prisonniers des Allemands comme beaucoup de nos militaires français. C’est ainsi que j’ai appris l’existence d’Africains qui, selon mes parents, étaient des gens comme nous, qui avaient une famille avec des enfants, comme nous, mais noirs. Ce n’est qu’au bout d’un certain temps, temps nécessaire pour que les sentinelles s’habituent à notre présence dans la rue, devant le portail, que le sourire de ces Africains, qui sans doute se moquaient gentiment de moi, m’encouragea à les saluer et à m’approcher de leurs fenêtres.

Après les banalités d’usage, il me sembla que l’un d’entre eux paraissait plus sincère dans leur volonté de nouer des liens d’amitié et je lui demandai son nom. Il se prénommait Michel. Il fut le premier à manifester sa confiance en me remettant de l’argent afin que je lui rapporte des œufs. Ce que je fis en un temps record. L’épicerie de la mère Legall se trouvait juste en face de leur bâtiment, il suffisait de monter la rue du Dr Régnault, une petite pente qui grimpait quand même à quinze pour cent. La monter n’était rien, c’était me voir la redescendre, en courant, les œufs dans un pochon de papier kraft qui les faisait hurler de peur, au point que les sentinelles durent les rappeler à l’ordre.

De son côté, la mère Legall ne manquait jamais de me sermonner dès que l’occasion s’en présentait, manière pour elle de se substituer à ma mère qui lui en avait délégué le pouvoir. Il faut dire que c’était dur pour mes parents qui travaillaient, chez Desmarais Frères à l’époque, et n’avaient que le dimanche pour se reposer. Mon père livrait les bidons d’essence de cinq litres que ma mère avait contribué à remplir dans le dépôt d’essence du boulevard Vilbois-Mareuil, non loin du cimetière de l’Est. Je les voyais rentrer le soir, fatigués de leur dure journée, après un trajet d’au moins cinq kilomètres, à vélo. Et ce n’était pas l’approche de l’automne, avec son cortège de pluies orageuses, qui pouvait leur donner du courage. Sans compter qu’avec ses quarante ans, mon père passait difficilement les contrôles de patrouilles allemandes qui circulaient en ville à la recherche d’un éventuel « candidat » au STO. Ce qui obligea mes parents à se grouper avec des camarades de travail, pour rentrer le midi et le soir, et rouler ainsi en convoi. Ce qui avait l’augure de dissuader les soldats en apercevant ce convoi de cyclistes.

C’est ainsi que passa la première année de cette occupation qui devait, sans que je ne l’imagine, en compter trois autres de plus.

Chapitre deux

À présent, il me fallait retourner à l’école et cette année était sérieuse car je devais faire mon entrée dans la cour des grands. Finie la maternelle avec les gâteaux vitaminés de Jeannette Coquillé et de Dédé Gastigé. Fini aussi le portage de ces deux dernières. Ma mère m’avait inscrit à l’école de la rue Ste Melaine, non loin de l’église Notre-Dame, parce qu’ainsi ma Nénène, qui enrageait lorsque je l’appelais par ce diminutif, pouvait me prendre à la sortie de l’école et nous rentrions avec Claude qui est devenu à partir de ce jour, mon meilleur copain d’école.

Bien qu’il ait un an de plus que moi, nous étions dans la même classe, chez madame Bourges, et je ne sais pas pourquoi, mais tout de suite s’est installé une espèce de challenge entre nous deux, ou plutôt pour nous deux contre le reste de la classe. Peut-être était-ce dû au fait que nous étions du même quartier. Un couloir séparait la boutique de corsets et soutien-gorge de ses parents de l’épicerie de la mère Legall. Toujours est-il qu’en matière d’étude, nous sommes restés ensemble jusqu’à la sixième. Pour ce qui a été de nos relations de voisins de quartier, elles furent épisodiques pour des raisons bien simples.

Ses parents, qui nous voyaient de leur boutique, lorsque nous jouions avec d’autres enfants du quartier, avaient préféré maintenir l’interdiction pour Claude de se joindre à nous. Ce que je comprenais fort bien, car bien que mes parents ne voyaient pas mes fréquentations du quartier, ils étaient au courant par mes sœurs qui détenaient là un moyen de chantage. Surtout Georgette, que j’appelais « Zezette » et qui avait comme moi des copines que nos parents ne voulaient pas nous voir fréquenter.

Nous n’étions qu’une humble famille d’ouvriers, mais Dieu que la discipline et le sens des valeurs avaient une place primordiale dans notre éducation. Les loisirs étaient tributaires des résultats scolaires mais également, en fonction des revenus. Les punitions étaient rarement d’ordre corporel, mais plutôt du genre corvée physique, comme descendre à la cave chercher le charbon pour alimenter le fourneau, ou bien approvisionner la famille en eau car nous n’avions pas d’eau à l’étage et pas d’électricité.

Il m’arrivait d’avoir besoin, le soir, d’aller aux toilettes qui se trouvaient sur le palier de l’étage inférieur, et je ne pouvais y descendre sans être accompagné jusqu’à la porte et encore fallait-il m’attendre, sinon j’aurais hurlé de peur. L’escalier ne comportait pas d’éclairage, et même armé de mon Solido1, je n’osais m’y aventurer. Bien que plus âgées que moi, de cinq ans, mes sœurs, tout en se moquant et me traitant de poltron, vivaient la même appréhension, celle de croiser dans l’escalier, à dix heures du soir, un étranger à la recherche d’un locataire avec pour seul éclairage un briquet à essence.

Nous-mêmes ne descendions jamais sans une bougie ou la fameuse lampe à pétrole. Cette lampe, qui nous a valu tant d’histoires, à cause de sa fumée, parce que la mèche était mal réglée, ou le verre trop sali par la suie, ou alors l’accaparement pur et simple par mes sœurs afin de faire leurs devoirs d’école au détriment des miens. C’est pourquoi notre mère ne décolérait pas en nous entendant nous chamailler, d’autant qu’avec le poste à galène, son partage était aussi un autre sujet de dispute. Ne possédant que deux écouteurs pour nous trois. Tout cela ne nous faisait pas oublier l’omniprésence des Allemands et afin d’obtenir le calme et le silence, ma mère nous laissait croire que nos cris ou nos larmes risquaient de les attirer vers la maison.

Entendre simplement le bruit de leurs bottes cloutées me donnait la chair de poule. Par contre, les regarder descendre la rue du Dr Régnault m’amusait beaucoup car ce n’était que glissade sur le goudron et dérapage incontrôlé sur les pavés de la rue de Corbin. De la fenêtre du troisième étage, nous étouffions nos rires pour ne pas attirer leur attention.