Enfance sous la rébellion - Khalif Ismaila Traore - E-Book

Enfance sous la rébellion E-Book

Khalif Ismaila Traore

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Beschreibung

Lorsque les rebelles envahissent Forêt City, le monde du jeune Issa s’effondre. Il doit grandir dans un univers où la peur côtoie un fragile espoir, et où les illusions se heurtent à une amère désillusion, sous la domination de ces nouveaux maîtres sans pitié. À travers son regard candide se dévoilent les rouages implacables de la guerre : sa brutalité, ses calculs économiques, ses manipulations politiques et ses fractures fratricides. Pourtant, au-delà de ces ténèbres, son récit met en lumière une réalité encore plus cruelle : celle d’une génération sacrifiée, d’enfants dépouillés de leur innocence et condamnés à porter les stigmates d’un conflit qui dévore leur avenir.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Khalif Ismaila Traore, témoin dès l’enfance de la crise politico-militaire qui ravagea son pays entre 2002 et 2011, partage une autobiographie fictionnelle saisissante. À travers le quotidien d’un jeune garçon en zone rebelle, il fait revivre la tragédie ivoirienne, mêlant histoire personnelle et fresque poignante d’un conflit dévastateur.

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Seitenzahl: 127

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Khalif Ismaila Traore

Enfance sous la rébellion

Histoire d’une décennie

avec des rebelles

© Lys Bleu Éditions – Khalif Ismaila Traore

ISBN : 979-10-422-5571-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Aux victimes silencieuses de la guerre.

À mes ami(e)s d’école primaire.

À toute la bande ZIPATACLÉON

qui avait à sa tête « Bath »

Préface

Ce début de siècle a la particularité d’être marqué par des successions de conflits aussi désastreux les uns que les autres à une vitesse qui laisse présager le pire pour le genre humain et pour toute vie sur terre. Dans ce sillage de chaos, force et de constater que ceux qui s’activent à créer ses conflits sont les plus éloignés des horreurs engendrées par leurs méfaits.

Des décombres d’habitations, des carcasses fumantes de voitures, les humains pleurent leurs morts et comptabilisent tous ce qu’ils ont perdu. On en vient à oublier que la plus grande victoire sur la guerre et son corollaire de malheurs : c’est la vie.

Par ces enfants qui improvisent un match de football au milieu des décombres, par ces parents qui s’affairent à faire de long rang pour juste un sachet de céréales qu’ils partageront avec leurs enfants, par ces docteurs qui s’acharnent à sauver des vies des tourments de la mort, par ces enfants qui s’amusent dans l’insouciance qui caractérise leur âge et qui font par ricochet un doigt d’honneur à la mort nous avons, les plus belles manifestations de notre singularité : la résilience. Oubliez les survivants de la guerre c’est donner à cette dernière sa plus belle victoire à savoir tuer même si on demeure vivant.

Introduction

L’histoire de Freedom Land qui fêtera le trentième anniversaire de son existence bientôt fut jalonnée de crises. Autrefois oasis de paix accueillant à bras ouvert les ressortissants des pays étrangers. Ce pays aujourd’hui tente de se relever de plus d’une décennie de crise la plus grave d’ailleurs de sa jeune existence. Lors de cette crise ayant connu un dénouement sanglant, la parole fut donnée à plusieurs acteurs. La parole fut donnée à l’ex-puissance coloniale, aux différents chefs des institutions africaines. Sans oublier bien évidemment les acteurs locaux : la rébellion et le gouvernement qui furent auparavant opposés. Certes la parole fut donnée à plusieurs personnes, des personnes qui résidèrent à des milliers de kilomètres ne connaissant pour la plupart Freedom Land qu’en la situant sur une carte. Des acteurs locaux se furent les porte-parole des populations des zones en conflit. Mais, triste fut de constater que ces derniers voulurent dire au monde ce qu’ils voulaient qu’on sache et non la réalité telle que vécue par les populations. Comme de nombreux conflits à l’image de celui-ci, les populations civiles furent des acteurs majeurs et à certains moments au centre des guerres. De cette crise qui secoua Freedom Land, une majorité silencieuse fut ignorée, car ayant eu très peu d’occasions pour s’exprimer. Cette majorité avait sa part à dire, elle a qui cette guerre fut imposée, elle qui n’avait connu la guerre qu’à la télé. Cette majorité fut contrainte de s’adapter à cette nouvelle vie sur laquelle elle n’eut aucun pouvoir de décision. Il s’agit des enfants de la rébellion, ceux qui grandirent dans cette période de guerre. Qu’ont-ils à dire, peut-on se demander ? À ceux qui voulurent poser cette question, allez-y posez là ! Mais sachez que ces enfants furent aussi des victimes à part entière de cette guerre. L’un d’entre ces enfants décida de raconter son histoire qui fut aussi celle de nombreux jeunes de son âge. Espoirs et désillusions se mêlent dans le récit de Forêt City, ville tenue d’une main de fer par les rebelles qui y ont fait régner leur loi.

Que la guerre est laide !

Chapitre 1

La colombe décapitée

et la longue procession vers la rivière de sang

Lorsqu’un peuple veut faire l’expérience douloureuse d’un phénomène, il y va de toutes ses énergies, ses forces et à sa volonté.

1– Le cadre familial d’avant-guerre

Je m’appelle Issa, mais on m’appelle aussi Coucou et j’ai 9 ans. Mon papa vient d’un pays voisin à Freedom Land, je suis un fils d’immigré. Ma mère, elle, vient de Freedom Land. À la maison, nous étions six enfants et j’étais le dernier. Mon père était un chef cuisinier et ma mère vendait parfois au marché. Mes parents se sont mariés très jeunes et paraît-il que cela a été compliqué au début, ma maman n’aime pas trop en parler, car ça la rend triste. J’aimais le football, mais quelque chose me démarquait des autres enfants de mon âge. J’étais attiré par la politique, je suivais le journal télévisé ou les débats politiques avec ma maman et j’en garde de très bons souvenirs. Mes rapports avec mes cinq frères et sœurs étaient cordiaux, étant le benjamin, tout le monde était à mes petits soins. Les jours de fête étaient l’occasion pour nous d’aller saluer nos oncles et tantes en portant nos plus beaux vêtements. Les enfants de ces derniers en faisant de même en rendant visite à mes parents. Je vivais avec mes parents dans la maison de fonction de mon père, nous étions dans un quartier un peu spécial de mon point de vue. Car, il regorgeait de toutes les institutions administratives de la ville. Il y avait entre autres la mairie, la préfecture, la sous-préfecture, la direction des impôts, du trésor public, le palais de justice, la prison civile, sans oublier le camp de la gendarmerie, de la police et bien d’autres lieux. On était voisins aux élites administratives et politiques de la ville.

Mon rapport à l’école fut un peu complexe. Nul n’été la pédagogie basée sur l’encouragement, la mise en confiance du Directeur de l’établissement Mr Boder que je n’oublierai jamais, j’aurai abandonné très tôt l’école. Ma mère, mes frères et sœurs unissaient leurs efforts pour m’encourager à poursuivre dans une voie d’excellence qui caractérisait notre famille et que nous voulions transmettre à notre tour à nos enfants dans le futur. Mes notes étaient excellentes et je récoltais toujours les encouragements et les félicitations du personnel enseignant et de mon entourage. Mes excellentes notes présageaient de brillantes études et j’avais déjà pour objectif de passer le concours pour intégrer l’école des enfants de troupe. Intégrer cette école qui forme, dès le bas âge l’élite dirigeante de l’armée de Freedom Land était un rêve que je voulais réaliser à tout prix, mais des évènements indépendants de ma volonté mirent fin à ce rêve qui m’était si cher. Mon pays allait basculer dans une terrible guerre civile.

2– L’odeur de la poudre ou les prémices de la guerre

Bien avant la guerre, certains signes présageaient déjà les évènements dramatiques qui allaient se dérouler dans les années à venir. Deux ans avant le début de la guerre, c’était d’abord l’entrée en scène des soldats dans le paysage politique chose jamais vu auparavant. Cette entrée fut marquée par un coup d’État militaire, chose pas étonnante en Afrique à cette époque. C’était un jour banal comme tant d’autres. J’étais avec ma mère devant le portail de notre maison et je m’apprêtais à l’accompagner faire le marché. Soudain, un homme sortit des bureaux du trésor qui se trouvait en face de chez nous. Il tenait un poste radio à la main et criait de joie : y a eu coup d’État y a eu coup d’État. Je pensais en premier lieu à un fou, mais, ce dernier dit à ma maman : allumez la télé, les militaires sont en train de parler. Coup d’État c’était la première fois que j’entendais ce mot. On alluma la télé et nous découvrîmes des hommes armés avec des visages dissimulés sous des cagoules pour certains. Au milieu de ses hommes qui semblaient venir des ténèbres se trouvait un homme portant un béret avec des étoiles. Ce dernier ne s’exprimait pas longuement, mais l’essentiel de son message était passé. Le président sortant Papa Gentil ne tenait plus les commandes du pays. Le nouvel homme fort était connu, il se nommait le Général John Lambert, un natif de Forêt City. À la suite de la déclaration de prise du pouvoir, mes parents et le monsieur que nous avions croisé se mirent tous à crier et à applaudir comme si le pays avait remporté la coupe du monde de football face au brésil. Après ce moment euphorique j’allais demander à mère la signification du mot coup d’État, elle me donnait une signification que je compris tout de suite. Les jours passaient et c’était l’occasion pour les habitants du pays et en particulier ceux de Forêt City de découvrir les nouveaux acteurs du putsch et les raisons de leur acte. À Forêt City on se réjouissait déjà, car le Général John Lambert était un fils de la région. Plus tard, l’on saura que ce dernier fut appelé par des officiers anonymes qui eux furent à la base du coup d’État.

La raison de leur acte comme pour bon nombre de soldats à l’époque était liée l’amélioration de leurs conditions de vie et plus précisément à des soldes après leur participation à des missions de paix. L’ex-président Papa Gentil ne prit pas en compte les avertissements des soldats et ce qui devait arriver arriva. Quant au lieu où il se réfugiait, les informations étaient aussi différentes les unes des autres. On le disait en fuite ou en planque dans une ambassade. D’autres affirmaient qu’il fut assassiné par les mutins. Ou encore qu’il se réfugiât dans son village natal. Tout compte faire, il n’allait pas manquer à grand monde au regard de sa mal gouvernance. Les soirées fastueuses organisées sous son règne aux frais du contribuable avaient fini, par exaspérer tout le monde même au sein de son propre camp. Une chose était certaine c’est qu’il quittait la capitale Lagune City. Quant à la population, elle était heureuse de ce changement qui s’est opéré à la tête du pays. Même si à Forêt City la situation était calme dans la capitale en revanche, les mutins à défaut de soldes pillaient et saccageaient tout. C’était une manière pour eux de se payer, disaient-ils. Rien n’échappait à ce pillage en règle, les grands supermarchés, les voitures de luxe, les dépôts de boisson et évidemment les banques. L’homme fort le Général John Lambert passait une seconde fois à la télé, il promit des élections démocratiques, instaura l’état d’urgence et promit de faire revenir la sécurité dans le pays. Des mois passèrent même si les pillages furent terminés, les mutins continuèrent à faire régner la terreur à Lagune City, la capitale. Tantôt des règlements de Compte entre factions rivales qui se soldaient par des batailles rangées et des morts. Tantôt c’étaient des exactions sur les populations civiles. Avant son installation, le Général promit aux mutins de gérer seulement la transition et d’organiser des élections après quoi sa mission serait accomplie. Mais après une nuit passée dans le palais présidentiel, il eut à se dire certainement pourquoi ne pas être calife à la place du calife. Il se disait que personne ne pouvait l’en empêcher en tout cas pas ces pauvres soldats à peine officier. Les futures élections approchaient contre toute attente, le Général déclara sa candidature. Cette décision causa la rupture entre lui, la base qui le porta au pouvoir. Les journaux rapportèrent qu’un de mes meneurs du coup un Sergent-chef connu sous les initiales de AK eut un violent tête à tête avec et lui lança voilement : Général ce n’est l’accord qu’on avait conclu la nation entière vous regarde. Respectez votre parole. Ce fut l’époque des grands ménages au sein de l’armée. Les protestataires parmi les mutins furent emprisonnés, certains torturés à mort, c’était la chasse aux protestataires. La télévision faisait échos de coup d’État déjoué qui était suivi de purges sanglantes où l’on apprenant parfois la mort des différents meneurs du putsch. Leurs dépouilles parfois criblées de balles étaient montrées au journal télévisé. Ce spectacle macabre sonnait comme un avertissement pour le reste de la troupe.

Face à ces horreurs, mon désir de rejoindre l’armée s’éloignait peu à peu. Je me disais que je voulais juste faire carrière et non être tué comme un vulgaire délinquant et ma dépouille exposée à la vue de millions de personnes.

La population était divisée, certains souhaitaient que le Général respecte sa parole. Mais d’autres majoritairement de son ethnie étaient favorables à sa décision de se présenter aux élections. La rumeur courait qu’il fut encouragé à rester au pouvoir par les sages de sa ville lors de réunions secrètes tenues avec eux. Toujours selon ces mêmes rumeurs, les vieux lui auraient dit : On ne tue pas un éléphant en donnant sa tête en guise de cadeau à autrui. Signification de ce proverbe africain : deviens président et ne sois pas stupide en donnant cette place à autrui. La date des élections fut fixée, les deux protagonistes furent le Général et Mr Latchache, ce dernier était un fin politicien, un véritable animal politique. Après des campagnes remplies de promesses irréalisables pour les observateurs avertis, le jour J arriva. Les électeurs se rendirent aux urnes pour élire le futur dirigeant. Au soir des élections, les nouvelles les plus folles vinrent de partout, les deux candidats donnèrent des résultats respectifs à partir de leur QG de campagne. Les autorités en charge des élections restèrent muettes, chacun affirma être le vainqueur des élections que croire et qui croire ?

Les partisans des deux camps étaient à deux doigts de l’affrontement. Toute la nation attendait l’arbitrage de la commission en charge des élections. Le verdict tombait, c’était Mr Latchache, le vainqueur. Foutaise ! rétorqua le Général. Les batailles rangées se déroulèrent dans les grandes villes avec pour épicentre la capitale Lagune City. Les médias annoncèrent déjà des morts les médias et diffusaient les images de ces affrontements. Vu la tournure dramatique que prenaient ces évènements, le Général privilégia l’apaisement et laissa le pouvoir à Mr Latchache. Je me disais avec mon air de candide pourquoi tant de morts pour un poste. Mr Latchache devint président, lui qui depuis longtemps était un opposant historique aux différents présidents. Son rêve devint réalité, il passa des geôles et des salles de tortures au somptueux palais présidentiel de Lagune City. Ma mère s’exclama : Dans la vie on ne sait jamais, qui pouvait penser que cela arriverait un jour.