comtesse de Ségur
La petite Souris Grise
Illustrations de
Ghalia Tonkin
CHIHAB EDITIONS
© Éditions Chihab, 2016-2020.
10, Av. Brahim Gharafa. B.E.O. Alger 16 009
www.chihabeducation.com
Tél. : 021 97 54 53 / Fax : 021 97 51 91
ISBN : 978-9947-39-190-7
Dépôt légal : 2e semestre 2016.
Avant-propos
Lire est du meilleur profit à tout âge. Il ressort notamment que la lecture, outre son caractère ludique et divertissant, est le meilleur moyen pour l’apprentissage et la maîtrise d’une langue et l’éveil de l’esprit critique.
Partant du constat fait par les pédagogues et chercheurs sur les bienfaits de la lecture perçue comme base première des apprentissages à venir pour les jeunes et les étudiants, les Editions Chihab se proposent de mettre à la portée de tous, notamment les jeunes apprenants de l’Education nationale et les étudiants, une collection de livres classiques.
Cette collection se veut une réponse appropriée aux demandes exprimées par les enseignants de français des différents cycles de formation à savoir favoriser la pratique de la lecture, en dehors du temps scolaire, et en faire un outil indispensable pour progresser dans l’apprentissage de la langue française.
L’objectif de cette collection est de faire connaître les chefs-d’œuvre de la littérature classique dans une version intégrale.
Nous espérons voir cette jeune « collection de livres classiques » s’enrichir au profit de tous.
Bonne lecture.
À
mes petites filles
Camille et Madeleine de Malaret.
Mes très chères enfants,
Voici les contes dont le récit vous a tant amusées, et que je vous avais promis de publier.
En les lisant, chères petites, pensez à votre vieille grand’mère, qui, pour vous plaire, est sortie de son obscurité et a livré à la censure du public le nom de la Comtesse de Ségur,née Rostopchine.
1. La maisonnette
Il y avait un homme veuf qui s’appelait Prudent et qui vivait avec sa fille. Sa femme était morte peu de jours après la naissance de cette fille, qui s’appelait Rosalie.
Le père de Rosalie avait de la fortune ; il vivait dans une grande maison qui était à lui : la maison était entourée d’un vaste jardin où Rosalie allait se promener tant qu’elle voulait.
Elle était élevée avec tendresse et douceur, mais son père l’avait habituée à une obéissance sans réplique. Il lui défendait d’adresser des questions inutiles et d’insister pour savoir ce qu’il ne voulait pas lui dire. Il était parvenu, à force de soin et de surveillance, à presque déraciner en elle un défaut malheureusement trop commun, la curiosité.
Rosalie ne sortait jamais du parc, qui était entouré de murs élevés. Jamais elle ne voyait personne que son père ; il n’y avait aucun domestique dans la maison ; tout semblait s’y faire de soi-même ; Rosalie avait toujours ce qu’il lui fallait, soit en vêtements, soit en livres, soit en ouvrages ou en joujoux. Son père l’élevait lui-même, et Rosalie, quoiqu’elle eût près de quinze ans, ne s’ennuyait pas et ne songeait pas qu’elle pouvait vivre autrement et entourée de monde.
Il y avait au fond du parc une maisonnette sans fenêtres et qui n’avait qu’une seule porte, toujours fermée. Le père de Rosalie y entrait tous les jours, et en portait toujours sur lui la clef ; Rosalie croyait que c’était une cabane pour enfermer les outils du jardin ; elle n’avait jamais songé à en parler. Un jour qu’elle cherchait un arrosoir pour ses fleurs, elle dit à son père :
« Mon père, donnez-moi, je vous prie, la clef de la maisonnette du jardin.
– Que veux-tu faire de cette clef, Rosalie ?
– J’ai besoin d’un arrosoir ; je pense que j’en trouverai un dans cette maisonnette.
– Non, Rosalie, il n’y a pas d’arrosoir là-dedans. » La voix de Prudent était si altérée en prononçant ces mots, que Rosalie le regarda et vit avec surprise qu’il était pâle et que la sueur inondait son front. « Qu’avez-vous, mon père ? dit Rosalie effrayée.
– Rien, ma fille, rien.
– C’est la demande de cette clef qui vous a bouleversé, mon père ; qu’y a-t-il donc dans cette maison qui vous cause une telle frayeur ?
– Rosalie, tu ne sais ce que tu dis ; va chercher ton arrosoir dans la serre.
– Mais, mon père, qu’y a-t-il dans cette maisonnette ?
– Rien qui puisse t’intéresser, Rosalie.