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Depuis la mort de leur mère, Blanche et Laurence vivent auprès de leur soeur Léontine, mariée à M. Gerville. Et à cette situation assez peu enviable, il faut encore ajouter une épreuve, la compagnie de leur nièce Gizelle, la plus insupportable petite fille que la terre ait jamais portée.
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Seitenzahl: 48
Veröffentlichungsjahr: 2022
Comtesse de Ségur
Chère enfant, voici un volume que je te dédie. Je désire qu’il t’amuse, et que tes amis te reconnaissent dans les bonnes petites filles que j’ai mises en scène. C’est à cause de tes bonnes et aimables qualités, que ma tendresse pour toi ne vieillit pas et qu’elle se maintiendra la même jusqu’au dernier jour de ma vie.
Ta grand-mère,
COMTESSE DE SÉGUR,
née Rostopchine.
M. Gerville, 30 ans.
Léontine, sa femme, 23 ans.
Gizelle, leur fille, 6 ans.
Blanche, sœur de Léontine, 15 ans.
Laurence, sœur de Léontine, 13 ans.
Pierre, leur frère, 25 ans.
Louis, leur cousin, 15 ans.
Jacques, leur cousin, 13 ans.
Paul, leur cousin, 11 ans.
Pascal, domestique, 42 ans.
Julie, bonne de Gizelle, 30 ans.
Blanche et Laurence sont assises près d’une table ; elles travaillent.
BLANCHE
As-tu bientôt fini ton jupon ?
LAURENCE
Non, pas encore. (Elle bâille). Comme c’est ennuyeux à coudre ! l’étoffe est si épaisse ! j’ai le doigt tout abîmé !
BLANCHE
Mon ouvrage, à moi, n’est pas plus agréable ! il faut piquer le corsage : c’est dur ! j’ai déjà cassé trois aiguilles.
LAURENCE
Nous menons une bien triste existence depuis la mort de pauvre maman ! Toujours travailler pour la poupée de Gizelle ! toujours être à ses ordres !
BLANCHE
Et Léontine ne veut pas comprendre que c’est ennuyeux pour nous ; que nous perdons notre temps ; que nous n’apprenons rien !
LAURENCE
Et comme c’est amusant d’aller aux Tuileries avec Gizelle pour jouer avec des enfants de quatre à six ans !
BLANCHE
Et les bonnes qui veulent toujours que nous cédions aux enfants, que nous fassions toutes leurs volontés.
LAURENCE
Et tous les jours, tous les jours la même chose !… Je vais me reposer pendant que nous sommes seules ! C’est fatigant de toujours travailler ! (Elle pose son ouvrage et se met à l’aise dans un fauteuil.)
BLANCHE
Je vais faire comme toi ; d’ailleurs j’ai presque fini ce corsage ! (Elle pose son corsage près de la poupée et se repose comme Laurence ; toutes deux ne tardent pas à s’endormir.)
Les précédents, Gizelle.
GIZELLEs’approche de ses tantes, les regarde avec étonnement et dit tout bas :
Elles dorment, les paresseuses ! C’est bon, je vais prendre le jupon et le corsage et je vais les mettre à ma poupée. (Elle prend les vêtements non achevés, et veut les mettre à la poupée ; elle se pique le doigt avec l’aiguille restée dans le corsage et se met à crier.)
BLANCHE et LAURENCE, se réveillant en sursaut.
Qu’est-ce que c’est ? Qui est-ce qui crie ? C’est toi, Gizelle ? Qu’as-tu ?
GIZELLE, tapant Blanche.
Méchante ! vilaine ! tu m’as piquée ! Tu m’as fait mal ! J’ai du sang !
BLANCHE
Comment, du sang ? Pourquoi ?
GIZELLE, pleurant
Parce que tu m’as piquée, méchante !
BLANCHE
Moi ? je t’ai piquée ? Je ne t’ai pas touchée seulement.
GIZELLE
Si ! tu m’as piquée ! j’ai du sang !
LAURENCE
Mais ce n’est pas Blanche ni moi qui t’avons piquée ! C’est toi-même !
GIZELLE
Tu es une menteuse ! et je vais le dire à maman.
BLANCHE
Parce que tu espères nous faire gronder !
GIZELLE
Oui, et tant mieux ! Je serais très contente !
LAURENCE
C’est méchant ce que tu dis là, Gizelle. Et pour la peine tu n’auras pas ta poupée.
GIZELLE, criant
Je veux ma poupée. (Elle cherche à la prendre.)
LAURENCE
Je te dis que tu ne l’auras pas. (Gizelle saisit la poupée par la tête et tire ; Laurence retient la poupée par les jambes ; la tête se détache ; Gizelle tombe, et en tombant brise la tête de sa poupée.)
GIZELLE, criant
Maman ! maman ! au secours ! Blanche et Laurence m’ont piquée ; elles ont cassé ma poupée !
Les précédentes, Léontine, accourant.
LÉONTINE
Qu’est-ce que tu as, mon petit trésor ? Pourquoi pleures-tu ?
GIZELLE
Blanche et Laurence m’ont fait piquer ; Laurence a cassé ma poupée.
LÉONTINE, la prenant dans ses bras et l’embrassant
Ne pleure pas, mon ange, mon pauvre souffre-douleur ! Tes tantes te donneront sur leur argent de poche une nouvelle poupée, bien plus jolie. Et comment t’es-tu piquée, chérie ?
GIZELLE
Elles ont mis des aiguilles dans les habits de ma poupée pour que je me pique.
BLANCHE
Pas du tout, Gizelle ; tu es venue les prendre et tu t’es piquée toi-même.
LÉONTINE, sèchement.
Mais, Blanche, si tu n’avais pas laissé ton aiguille dans l’ouvrage, la pauvre petite ne se serait pas piquée.
BLANCHE
C’est vrai, ma sœur ; mais pourquoi touche-t-elle à notre ouvrage ?
LÉONTINE
Votre ouvrage est à elle, puisque ce sont des vêtements pour sa poupée.
LAURENCE
Ah bien ! si elle veut y toucher pendant que nous y travaillons, elle se piquera, voilà tout. Seulement elle ne doit pas crier et dire que c’est notre faute.
LÉONTINE
C’est aimable ce que tu dis ! Vous êtes toujours à taquiner cette pauvre petite ; et quand vous l’avez bien agacée et fait pleurer, vous dites qu’elle est méchante et insupportable.
BLANCHE
Si tu la voyais dans ses moments de colère et de méchanceté, tu ne la trouverais pas si gentille et si à plaindre.