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(1 homme, 4 femmes, 4 jeunes filles) Au cours de l'été 1864, Mme d'Atale a confié ses deux filles, Berthe et Alice, à une vieille cousine, Mme d'Embrun. Celle-ci entend les éduquer suivant les principes de son époque : châtiments corporels, port de ceinture et de corset en fer pour un bon maintien, encouragement à la dénonciation. De tels procédés donnent des effets désastreux sur le comportement des enfants. Un témoignage effrayant et édifiant sur la condition de certaines " petites filles modèles " du siècle dernier. Pour tout public.
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Seitenzahl: 42
Veröffentlichungsjahr: 2022
Comtesse de Ségur
Mme d’Ulsac, 33 ans.
Mme d’Atale, sa sœur, 30 ans.
Mme d’Embrun, leur cousine, 65 ans.
Mathilde d’Ulsac, 13 ans.
Clémence d’Ulsac, 11 ans.
Mlle Octavie, leur institutrice, 25 ans.
Berthe d’Atale, 12 ans,
Alice d’Atale, 10 ans.
Guillaume, vieux domestique, 61 ans.
La scène se passe dans le château de Madame d’Ulsac.
Mlle Octavie, Mathilde et Clémence
MADEMOISELLE OCTAVIE
Voyons votre dictée, Mathilde. (Mathilde lui présentant son cahier.) Très bien, mon enfant ; bien écrit, deux fautes seulement dans toute une page…
MATHILDE
Comment, deux fautes ? Je croyais ne pas en avoir du tout !
MADEMOISELLE OCTAVIE
Il y en a bien deux. Voyez vous-même : Rinocéros au lieu de Rhinocéros ; et Hipopotame au lieu de Hippopotame.
MATHILDE
Oh ! Mademoiselle, ce ne sont pas des fautes, cela : des noms d’histoire naturelle !
MADEMOISELLE OCTAVIE
Et pourtant il a fallu corriger ; donc ce sont des fautes.
MATHILDE
Que c’est ennuyeux ! J’espérais tant gagner ma pièce de cinquante centimes.
MADEMOISELLE OCTAVIE
Ce sera peut-être pour demain ; mais pourquoi tenez-vous tant à gagner ces cinquante centimes ?
MATHILDE
Ah ! il m’en faut bien d’autres !
CLÉMENCE
Et à moi aussi ! Il m’en faut beaucoup.
MADEMOISELLE OCTAVIE, souriant.
Vous allez donc acheter des choses superbes ?
MATHILDE
Superbes, non, malheureusement ; mais très utiles : une layette pour le pauvre petit enfant de la femme Léger.
MADEMOISELLE OCTAVIE, avec gaieté
Alors continuez vos leçons, si vous voulez avoir assez d’argent pour vos emplettes. (Mathilde et Clémence se mettent au travail avec ardeur ; la porte s’ouvre, Berthe passe la tête et entre précipitamment.)
Les précédentes, Berthe.
BERTHE
Mademoiselle, me permettez-vous de me cacher chez vous ? ma cousine d’Embrun me cherche partout.
MADEMOISELLE OCTAVIE
Mais, ma pauvre enfant, vous avez tort de vous cacher si Mme d’Embrun vous cherche. Il faut au contraire aller au-devant d’elle.
BERTHE
Oh non ! Mademoiselle ; elle me cherche pour m’enfermer dans un cabinet noir. Alice y est déjà ; elle s’est laissé prendre, et moi je me suis sauvée.
MATHILDE
Pourquoi Mme d’Embrun veut-elle t’enfermer avec Alice ?
BERTHE
Parce qu’elle est méchante, comme toujours. Elle prétend que nous nous tenons mal et elle veut nous faire travailler avec une ceinture de fer et des plaques dans le dos, qui font un mal affreux et qui nous empêchent de remuer les bras et la tête. Elle appelle cela la ceinture de bonne tenue. C’est méchant à elle et je n’en veux pas.
CLÉMENCE
Et la pauvre Alice est enfermée ?
BERTHE
Oui ; Mme d’Embrun est parvenue à la prendre, lui a mis le collet et les plaques, et elle l’a enfermée dans le cabinet noir pour la punir d’avoir résisté ; pendant qu’on l’enfermait et qu’elle criait, je me suis sauvée. Je vous en prie, mes bonnes cousines et ma bonne demoiselle, cachez-moi !
MADEMOISELLE OCTAVIE
Ma pauvre petite, je ne peux pas vous aider à désobéir à Mme d’Embrun, à laquelle votre maman vous a confiée pendant son voyage aux eaux.
BERTHE
Oh ! Mademoiselle, je vous en prie ! Elle va venir, bien sûr, et je serai perdue.
MADEMOISELLE OCTAVIE
Écoutez, mon enfant, tout ce que je puis faire, c’est de m’en aller dans ma chambre et vous laisser avec vos cousines, qui feront comme elles l’aimeront mieux. (Mlle Octavie sort.)
Mathilde, Clémence, Berthe.
(Mathilde et Clémence courent à Berthe et cherchent une bonne cachette. Pendant qu’elles vont d’un endroit à l’autre, on entend la voix de Mme d’Embrun)
BERTHE, pleurant
Mon Dieu, mon Dieu, sauvez-moi ! Que vais-je devenir ? (Mathilde et Clémence la poussent sous la table recouverte d’un tapis tombant à terre ; elles se remettent précipitamment au travail. Mathilde saisit un livre, qu’elle tient le haut en bas ; Clémence attrape un crayon au lieu d’une plume. À peine sont-elles installées que Mme d’Embrun entre.)
Les précédentes, Mme D’Embrun.
MADAME D’EMBRUN, regardant de tous les côtés d’un air méfiant
Vous êtes seules, Mesdemoiselles, personne avec vous ?
MATHILDE
Mlle Octavie est allée dans sa chambre, Madame.
MADAME D’EMBRUN
Seule ?
CLÉMENCE
Oui, Madame, seule.
MADAME D’EMBRUN, s’approchant des enfants
Il paraît qu’on ne travaille pas beaucoup en son absence ?
MATHILDE
Pourquoi pensez-vous cela, Madame ?
MADAME D’EMBRUN
Parce que vous, Mathilde, vous tenez votre livre la tête en bas. (Mathilde rougit et retourne son livre.)