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Le dîner de Mademoiselle Justine est une Comédie en deux actes.
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littérature française, Classique, comtesse de ségur, Théâtre, comédie
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Seitenzahl: 46
Veröffentlichungsjahr: 2022
Comtesse de Ségur
M. Gaubert, 44 ans.
Mme Gaubert, 32 ans.
Caroline, 8 ans.
Théodore, 10 ans.
Hilaire, domestique, 16 ans.
Sidonie, femme de chambre.
Antonin, domestique étranger.
Jules, domestique renvoyé.
Justine, cuisinière.
M. Guelfe, 50 ans.
Une salle à manger.
Hilaire, essuyant des assiettes, des tasses, etc. ; Sidonie, étendue dans un fauteuil.
SIDONIE
Tu n’apprendras donc jamais le service, mon pauvre garçon ? Voilà bien une heure que tu rinces, que tu essuies la vaisselle, et tu n’as pas encore fini.
HILAIRE
Je fais pourtant de mon mieux pour avancer mon ouvrage, Mademoiselle Sidonie, mais… mais…
SIDONIE
Mais quoi ? Qu’est-ce que tu veux dire ? Voyons, parle !
HILAIRE
Je n’ose pas, Mam’selle ; j’ai peur de vous fâcher.
SIDONIE
Bon ! Encore peur ! Toujours peur ! Quoi que tu fasses, tu as peur de quelqu’un ou de quelque chose !
HILAIRE
C’est que, Mam’selle, ce que je voulais dire n’est pas agréable pour vous.
SIDONIE
Pour moi ? Ah ! ah ! ah ! Soyez tranquille, Monsieur Hilaire, ce que vous avez à dire ne pourra certainement pas me fâcher. Parle, mon, garçon, parle sans crainte.
HILAIRE
Eh bien ! Mam’selle, c’est que, voyez-vous, si je n’ai pas fini mon ouvrage, ce n’est pas moi qui en suis fautif, c’est bien vous.
SIDONIE
Moi ? en voilà une bonne ! Explique-moi donc cela ; je serais bien aise de pouvoir comprendre la bêtise que tu viens de dire.
HILAIRE
Ce n’est pas une bêtise, Mam’selle, c’est bien une vérité. Madame vous a dit de nettoyer et ranger toute sa belle porcelaine, et que je vous aiderais. Vous n’y avez seulement pas touché ; c’est moi qui ai tout fait. Alors…
SIDONIE
Alors, pour lors, dès lors, tu es un sot et un nigaud. Il fallait faire comme moi : laisser tout cela sans y toucher, épousseter un peu, pour lui donner l’air d’avoir été nettoyé, et l’ouvrage serait fini pour toi comme il l’est pour moi.
HILAIRE
Comment, Mam’selle ! Et les ordres de Madame, donc !
SIDONIE
On en prend ce qui convient et on laisse ce qui gêne. Je te l’ai dit cent fois, tu ne veux pas m’écouter.
HILAIRE
Et vous me le diriez cent autres fois, que je ne vous obéirais pas davantage, Mam’selle. Non, non, il y a quelque chose en moi qui me dit que c’est mal ; que c’est tromper Madame, qui est bonne pour moi comme pour vous.
SIDONIE
Bonne ! Laisse donc ! Elles sont toutes bonnes tant qu’on leur fait leurs quatre volontés ; mais quand on ne leur obéit pas comme des esclaves, ils vous bousculent, ils vous grondent, ils vous font un train ! Je suis bien revenue de tout ça, mon garçon ; et j’en prends à mon aise… Ah ! voici Madame ! je l’entends qui vient. (Sidonie se précipite à la table où Hilaire essuie la vaisselle, saisit une assiette, un torchon, et nettoie d’un air très empressé.)
Hilaire, Sidonie, Mme Gaubert
(Elle entre, s’approche de la table, examine les porcelaines.)
MADAME GAUBERT
Je croyais trouver la porcelaine nettoyée et rangée avant de sortir, Sidonie. Vous êtes pourtant deux ! Qu’est-ce qui vous a donc retardée ?
SIDONIE
Rien du tout, Madame ! Mais il y en a une fameuse quantité. Et puis Madame dit qu’on était deux ! Le pauvre Hilaire fait certainement son possible, mais il n’est pas au fait de l’ouvrage, il ne va pas vite ; et puis, il faut refaire après lui ; c’est comme si on était seule.
MADAME GAUBERT
Ce n’est pourtant pas difficile de laver et essuyer de la porcelaine. Mon pauvre Hilaire, tâchez donc de faire comme Sidonie ; si vous ne savez seulement pas laver et essuyer une assiette après trois mois de service, comment arriverez-vous à faire le reste de l’ouvrage ? Sidonie ne peut pas tout faire, et si vous ne l’aidez pas, je serai obligée de vous remplacer. (Hilaire, qui a eu l’air fort étonné, veut parler ; Sidonie lui coupe la parole.)
SIDONIE
Que Madame ait un peu d’indulgence pour ce pauvre garçon ; il se formera ; il est si jeune !
MADAME GAUBERT
Vous me dites toujours la même chose ; je ne demande pas mieux que d’attendre, mais il ne fait rien, il n’apprend rien, et vous le soutenez toujours, je ne comprends pas pourquoi.
CAROLINEetTHÉODORE,entrent en courant.
Maman, nous voudrions goûter et nous ne trouvons rien que du pain. (Hilaire sort en témoignant de la surprise.)
MADAME GAUBERT
Pourquoi, Sidonie, ne laissez-vous pas des fruits ou des confitures, comme j’en ai donné l’ordre ?
SIDONIE
Madame sait bien que c’est Hilaire que Madame a chargé du goûter des enfants ; il tient tout sous clef, de sorte qu’on ne peut jamais rien avoir ; c’est comme l’autre jour, quand la soeur de Madame est venue et qu’elle a demandé à manger, on n’a pu rien servir parce qu’Hilaire était sorti.
MADAME GAUBERT
Mais c’est fort ennuyeux. (Elle cherche Hilaire des yeux.) Où est Hilaire ? Allez me le chercher ; il faut que je lui parle sérieusement.
SIDONIE