Le combat du coq - Tome 1 - Mickaël Roussel - E-Book

Le combat du coq - Tome 1 E-Book

Mickaël Roussel

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Beschreibung

Paul Boulet, symbole d’une génération brisée, incarne le dévouement et le sacrifice à travers une vie marquée par la guerre et le courage. Né en 1894 à Lespesses dans le Pas-de-Calais, il grandit au cœur des mines, partageant les épreuves et les complicités d’un monde dur mais sincère. À seulement vingt ans, il est précipité dans l’enfer de 1914. Son engagement héroïque pendant la Seconde Guerre mondiale le mène à rejoindre la Résistance sous le nom de « Coqbat », une bravoure qui le conduira à Dachau, où il trouve la mort peu avant la libération du camp. Ce premier tome de la saga « Fruits de la terre » invite à suivre le destin poignant d’un homme dont la mémoire et l’épitaphe, « Mort pour la France », honorent la patrie. Plongez dans cette fresque historique et découvrez un récit vibrant de courage, d’humanité et de résistance, où chaque page résonne comme un hommage aux âmes indomptées de l’Histoire.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Mickaël Roussel, historien de formation et ardent défenseur du devoir de mémoire, offre son premier roman, après s’être distingué par une monographie et une biographie. Ancré au fin fond de la campagne artésienne, ce récit redonne souffle et humanité au protagoniste, revisitant son histoire avec une plume sensible et érudite. À travers cette œuvre, Roussel nous plonge dans un passé vibrant, où l’histoire locale se mêle aux grands bouleversements de l’époque.

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Seitenzahl: 293

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Mickaël Roussel

Le combat du Coq

Tome I

Fruits de la terre

Roman

© Lys Bleu Éditions – Mickaël Roussel

ISBN : 979-10-422-5289-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

– Sans oublier nos frères – Mémoires de déportés du Nord–Pas-de-Calais ; Collection Témoignages et récits ; Éditions Sutton ; 2016.

– La Romance pour Canari, Edmond Lorek, violoniste (1919-2019) ; Éditions Maïa ; 2021.

D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé.

Évangile selon Saint Marc, chapitre 4, versets 28-29

Famille BOULET

Alfred Augustin Joseph BOULET

(1850-1913)

marié à :

Maria Elodie Joseph CARON

(1853-1933)

Et leurs enfants :

Alfred Louis Joseph BOULET

(1874-1942)

François Alfred Joseph BOULET

(1876-1895)

Aristide Polycarpe Joseph BOULET

(1878-1972)

Uriel Jules Joseph BOULET

(1881-1946)

David Émile Joseph BOULET

(1884-1946)

Maria Joseph BOULET

(1887-1963)

Émile Alfred Joseph BOULET

(1890-1969)

Paul Joseph Jules BOULET

(1894-1945)

Lieux géographiques cités dans le livre,

entre Béthune et Saint-Omer (Pas-de-Calais).

FAUQUENHEM, hameau de Lespesses

RIMBERT-LEZ-AUCHEL, quartier de la ville d’Auchel

Introduction

Dans les allées du cimetière de Lières, petit village du Pas-de-Calais perdu au fond de la campagne artésienne, la pierre tombale d’un héros mort pour la France en relève la mémoire sous la protection divine de l’église Saint-Adrien. La vie de Paul Boulet s’est arrêtée tragiquement à Dachau au croisement de l’Histoire en avril 1945. Une mort sans adieu.

Grand homme que celui surnommé Coqbat. Un surnom qui rappelle les combats de coqs pour lesquels Paul Boulet se passionnait. Tout à l’image de son esprit de combativité dans les rangs de la Résistance française. Choix qui devait le livrer, hélas, à un destin funeste dans les camps de la mort lente et mettre fin prématurément à son existence sur cette Terre. Quarante-neuf printemps d’un bonheur de vivre. Bonheur fragile. Bonheur brisé. Bonheur martyrisé, quand l’aigle nazi croyait encore l’emporter sur sa proie dans un ultime déploiement d’ailes.

Mais la page du livre ne se referme pas là, car celle qui suit remonte le fil des années à contre-courant. Souvenir glorieux que cet armistice du 11 novembre 1918. Le destin de Paul Boulet croise celui de sa chère Patrie. Vingt ans, au moment de l’éclatement de la guerre en août 1914… Et puis l’amour d’une femme qu’il épouse deux ans plus tard, en pleine tourmente, par-delà le feu des canons et le sang versé. Il se bat comme artilleur de tranchée dans les crapouillots1. Elle élève maternellement leurs deux enfants à Lespesses, le village voisin qui a vu naître Paul, un jour de l’année 1894.

Paul Joseph Jules Boulet ouvre les yeux le 18 juin, au hameau de Fauquenhem. Fils benjamin d’une grande fratrie de sept garçons et une fille, Paul fréquente l’école communale.

Élève assidu, il obtient le Certificat d’études primaires en 1907. Galibot, il travaille dans les mines à Rimbert-lez-Auchel. En 1914, le devoir l’appelle à servir le pays en guerre contre l’Allemagne. Guerre sans répit pendant quatre longues années qui se répétera en 1939… Instinct de vengeance, dira-t-on chez nos adversaires. Cette tragique répétition offre ses lots de malheur dans les ménages français pendant les heures sombres de l’Occupation allemande. Paul Boulet n’échappera pas à sa destinée…

Été 1944, une dénonciation conduit à l’arrestation du résistant en son domicile à Marles-les-Mines. Paul est déporté avec plusieurs de ses camarades par le Train de Loos, le 1er septembre au départ de la gare de Tourcoing. Un voyage sans retour l’emmène vers les camps de concentration en Allemagne. Il meurt d’épuisement quelques jours seulement avant la libération du camp de Dachau par les Américains. Sur la sépulture où il repose à tout jamais au côté de sa bien-aimée, une épitaphe mentionne Mort pour la France. Le combat d’un Coq prend alors une signification symbolique dans une dimension patriotique.

1

Premières lueurs

La queue surmontée de faucilles, le sommet de la tête coiffé d’une crête rouge vif, le coq avait fière allure dans son unique costume d’apparat argenté. De longues plumes habillaient le haut, du cou à la poitrine. Une multitude de lancettes couvrait la petite couverture remontée d’un brassard. Et quel air coquet avec ces bouquets d’oreilles ! Mais l’heure n’était plus à la conquête féminine auprès de ses congénères. Les poules se cloîtraient d’ailleurs dans la basse-cour. Les poussins et leur mère précédaient la marche du coq muni d’éperons et de doigts au bout des pattes, et avançant ainsi à tâtons…

Alfred Boulet, quarante-quatre ans, ne se trompait pas. Il comptait huit poussins. Huit petits. Il pensait en un quart de seconde à ses huit enfants que la nature lui avait accordés avec la bénédiction de Dieu. Une fille et sept garçons, dont le petit dernier venait de clore en ce monde de labeur. Cela faisait maintenant un peu plus de huit heures que le coq avait poussé un premier tour de chant pour annoncer à l’aube les lueurs du jour. Fleurs de plein soleil présageaient la nouvelle saison sous la chaleur des premiers jours d’été.

Alfred se tuait à la tâche, comme ouvrier mineur ou journalier agricole dans les champs. Ce jour-là, il finissait de travailler à la ferme où il était employé à la semaine. L’heure méridienne le décida à poser la faux qui lui avait servi à couper les herbes. Il avait aussi un chez soi, une maison en brique nouvellement construite en 1878, agrémentée d’un jardin. Le potager se complétait d’un petit verger destiné tout au plus à la culture des pommes. Le père de famille retrouva autour de la table à manger son épouse Maria, Caron de son nom de jeune fille, âgée de quarante-et-un ans. Une huitaine de jours s’était écoulée depuis la venue du bambin. Sans surprise, Paul Boulet était arrivé dans les choux sur cette terre agricole à Fauquenhem, hameau de Lespesses2.

La belle Maria, tout en allaitant le garçon de son sein nourricier, hochait légèrement la tête de haut en bas. Alfred suivait son épouse des yeux avant de les abaisser sur ceux du nourrisson en signe de paternité. Puis les parents s’adressèrent mutuellement un large sourire de réjouissance. Maria tendit le nouveau-né au chef de famille, ravi de tenir dans ses bras un si beau bébé. Aussitôt il serra les poings et se mit à crier. Maria le reposa délicatement dans le berceau pour le laisser s’endormir au son du tic-tac que le pendule répétait inlassablement. Sans jamais s’arrêter…

Alfred n’avait certes plus ses parents. Mais il était père pour la huitième fois. Peut-être bien la dernière ? Une grâce du bon Dieu ! L’aîné Alfred avait ouvert les yeux en 1874. Curieuse destinée de naître avec le prénom du père. Et naissance hors mariage. François suivit de façon plus légitime deux ans après. Il fut baptisé dans la lumière de Jésus. Puis ce fut au tour d’Aristide en 1878, d’Uriel en 1881 et de David en 1884. Le sixième enfant se devait d’être enfin une fille. On lui choisit le prénom de Maria, née en 1887. Trois années plus tard, la maman accouchait d’Émile.

Unis par la volonté de Dieu, Alfred et Maria Boulet vivaient au rythme de la vie. Une vie de campagne marquée par des événements aussi insolites que rarissimes. Telle la venue d’un ange et par lequel le bonheur des Boulet se cueillait à portée de mains. Bonheur semblable à des fruits chutés de l’arbre et que l’on ramassait pour les savourer à la bouche. À l’enfant que l’on embrassait sur la joue. À la berceuse qu’on lui chantait pour le consoler de ses pleurs :

Sur le pont d’Avignon

Tout le monde y danse, danse

Sur le pont d’Avignon

Tout le monde y danse en rond

Il n’y avait guère plus de trois cent cinquante habitants dans le petit patelin de Lespesses. Alors, quand un loupiot s’éveillait à la vie, les vieilles âmes se racontaient en patois des souvenirs d’enfance à l’autre bout de ce petit monde de fin du XIXe siècle. Et les villageois avaient la langue bien pendue. Plus encore en temps de crise anarchiste que traversait le pays entier. Le 24 juin 1894, jour de dimanche, un illuminé poignarda mortellement à Lyon le président de la République française Sadi Carnot. Les gens lâchèrent en pâture le nom du meurtrier, celui de Geronimo Caserio. À Lespesses, les plus fervents républicains arborèrent leur maison d’un drapeau en berne cravaté d’une crêpe, à la mémoire de l’honorable homme d’État.

Le gros de la population se concentrait aux abords du hameau rural, que la commune de Lières séparait de celle de Lespesses dans une sorte d’enclave. De bon matin, le meunier commençait la journée. Et le moulin à eau tournait de ses ailes. De cette formidable machine à moudre le grain datant du Moyen Âge palpitait le cœur économique du village. Une magnifique petite église du XVe siècle avec pour nom celui associé à Saint-Martin abritait en contre-haut la maison de Dieu.

Ici, les habitants s’accrochaient aux croyances locales. D’après une légende séculaire, l’archange Saint-Michel aurait terrassé le démon. Une statue en représentait la scène, sous le nom de Ech’diable ed‘Leperche,à l’intérieur même de l’église. Et l’on priait Sainte Apolline, protectrice des enfants contre les maux de dents. En septembre de chaque année, un pèlerinage important rassemblait dévots et croyants devant la chapelle Notre-Dame des affligés.

Il faisait bon vivre dans cette campagne de l’Artois essentiellement peuplée de paysans. Les champs de blé à perte de vue dessinaient un paysage tout blond que traversait la Nave3 en son cours d’eau. L’on n’avait pratiquement que la terre comme moyen de survie. Au bon secours des chevaux de trait et de labour qu’il fallait néanmoins alimenter. Les rendements agricoles à la période des moissons ne suffisaient pas toujours à l’année. Les hivers étaient à prévenir du froid de saison et des denrées manquantes.

Le fils Alfred Louis (appelé ainsi pour le distinguer du père), ses frères François et Aristide n’allaient déjà plus à l’école. Ce dernier ne l’avait fréquentée que peu souvent en hiver pour prétendre à une quelconque assiduité scolaire malgré une intelligence remarquable et une mémoire d’éléphant. Plutôt que de traîner dans les pattes des parents, les trois frères travaillaient dur aux fosses. Uriel était encore trop jeune. L’âge du galibot allait bientôt le rattraper avant même que le couperet ne lui tombât pour lui signifier, de la bouche de son instituteur, « intelligence paresseuse ».

Le courage appelait les aînés à travailler à la sueur de leur front. Tout à l’image du père Alfred qui alternait le travail à la mine à celui aux champs. La robustesse du personnage en disait long. Tout autant que le caractère. Et il fumait la pipe. L’amour de Maria lui ravivait le cœur. La ménagère élevait seule les enfants à la maison. L’habitation simple et rudimentaire se perdait dans la nature au milieu de quelques pommiers. Le logis était à peine suffisamment grand pour accueillir la famille au complet. Malgré les difficultés du moment, les Boulet avaient été rayés du bureau de bienfaisance dès 1886 sans donc pouvoir prétendre à la gratuité des soins médicaux. Le dispensaire de la Compagnie des mines leur fournissait heureusement des médicaments de première nécessité…

L’on veillait sur le petit Paul comme à la prunelle de ses yeux. Plus encore les grands-parents maternels Augustin et Maria Caron qui voyaient cet amour filial comme la continuité de leur descendance, et qui devait suivre par le firmament dans les mains de Dieu, le verbe se faisant chair. L’abbé Lefebvre versa sur le front du nouveau-né l’eau vive du baptême selon les gestes rituels catholiques. Une manière de célébrer l’entrée dans une vie nouvelle, comme une renaissance. Tout de blanc vêtu, Paul fut baptisé à l’église dans la grâce divine. La cérémonie religieuse réconforta les bons cœurs purs. Le curé, les bedeaux et les enfants de chœur eurent droit à des dragées. Et le battant sonna contre la cloche de la petite église pour jouer les prolongations de l’heureux événement… En ce jour de bonheur, qui aurait imaginé un destin national aussi sombre avec un assassinat politique4 ?

Chaque dimanche, après la messe, les retrouvailles familiales comblaient les Boulet d’un bonheur partagé. Le coq tombait à pic avec ses cocoricos ininterrompus. À croire que le volatile ne se souciait guère de la femelle à la chair bien ferme finissant dans l’assiette. Une poule au pot avait de quoi remuer ciel et terre, depuis un souhait du roi Henri IV à la vouloir au menu de tout laboureur, le dimanche. Le mets s’accompagnait de carottes et de poireaux. Le repas dominical se terminait avec un morceau de fromage. Et pour boisson, du vin. Ou alors, l’on se contentait de l’eau du puits, quand ce n’était pas celle prise à la source…

Encore nourrisson, Paul se nourrissait uniquement de lait maternel. Tout bonnement, Maria l’allaitait de son sein. Elle le dorlotait à souhait, le cajolait et le couvait. La maman balançait avec lenteur le berceau en bois dans lequel le petit être tout emmailloté du corps aux pieds s’endormait en douceur devant les regards contemplatifs. Maria, la frangine tout juste âgée de sept ans, se sentait déjà l’âme d’une mère. Ça lui arrivait de jouer à la maman avec le balancier du berceau. Mais l’enfant s’y prenait assez mal. Alors la mère, dans un élan d’autorité naturelle, secoua lentement la jeune fille, et lui chuchota : « Té vau pas qu’tin p’tit frère dort ?5 »

Heureusement, le chant de la berceuse était devenu murmure à l’infini. Le petit dormeur se coiffait à la tête d’un bonnet de nuit comme de jour. Bébé fermait maintenant les yeux et rien ne pouvait le réveiller. Pas même le chant répété du coq que l’on entendait depuis l’habitation voisine…

L’odeur indésirable et débordante du fumier entrait dans l’unique pièce de la maisonnée. Deux bancs entouraient la table à manger sur tout le long d’un mur en torchis. Les garçons en âge de travailler pour la mine s’y attablaient le moment venu. Des lits s’allongeaient près de la cheminée. En outre, le feu n’était pas seulement destiné à l’alimentation, mais aussi au chauffage, notamment en hiver. Les enfants dormaient à plusieurs dans le même lit. Histoire de gagner de la place dans cette fratrie nombreuse… Pour des raisons intimes, une alcôve séparait la chambre des parents. Le reste du mobilier se composait modestement d’armoires à linge et de petits coffres rustiques. L’on conservait farine alimentaire et pain dans une maie, pommes de terre et autres légumes à la cave. Et pour fourre-tout, le grenier.

Les Boulet ne vivaient pas au-dessus de leurs moyens. Ils travaillaient durement pour survivre. Et c’était de bonne foi ce crucifix en bois accroché au mur de l’habitation. Maria se prosternait humblement devant la croix de Jésus en signe d’adoration. Elle récitait le NotrePère, Alfred l’écoutait religieusement jusqu’au amen final. Mais le mari ne cherchait pas à se surpasser au-delà de la prière quotidienne. Qu’attendre de plus ? Après tout, les parents n’en étaient pas à leur premier enfant. Et ils baignaient dans une douce béatitude, rien qu’à la vue du petit dernier avec son air chérubin. Ses créateurs le lui rendaient bien en pareil bonheur, quand bébé poussa les premiers gazouillis. C’était après les jours de chaleur estivale au moment de la moisson…

La récolte des céréales avait été quasi insignifiante à cause des pluies d’orage. L’avoine, en conséquence, n’était guère parvenue à maturité. Graines d’œillette et de colza n’avaient presque rien donné. Les rivières avaient débordé de leurs vases. L’été de la Saint-Michel tant espéré n’avait porté véritablement son nom qu’après d’incessantes précipitations. Alfred se rappelait un dicton populaire. À la Saint-Michel, cueille ton fruit tel quel. Alors, il se disait presque naïvement que rouges ou vertes, les tomates se devaient d’être cueillies. Le ramassage des pommes de terre avait déjà commencé. Mais le fruit le plus succulent était ce bel ange aux joues rosées dont le père et la mère se félicitaient à chaque instant de répit de leur existence. Même quand bébé était suspendu à une patère à l’abri de tout danger, et pour laisser libre cours aux allées et venues dans le jardin des grands-parents à Lières…

L’unique fille des Boulet se sentait comme prédestinée auprès de son petit frère. Maria était née le même jour, le 18 du mois de juin, à sept années d’intervalle. Curieuse coïncidence. La sœur estimait le petit frère comme son alter ego, un autre soi-même pour ainsi dire. Et qu’importe si elle était une fille et lui un garçon, la différence de sexe ne l’interrogeait même pas. La différence d’âge ne semblait pas l’arrêter non plus, même pas à la vue de bébé tout nu dans l’eau au moment de la toilette. Alors elle lui présentait sa poupée comme pour jouer avec un enfant de même âge. Mais Paul n’en était pas encore à ce type de jouet. Seul un hochet en osier le tenait éveillé pour l’heure.

Il venait d’avoir trois mois. Il s’arrêtait de jouer au moindre bruit étranger. Le chant pénétrant du coq le troublait encore plus. Ce n’était pas encore le coucher crépusculaire. Papa commença discrètement à imiter le coquelet. Un pas devant puis un autre, la main posée sur la tête comme pour rappeler la crête du gallinacé, le père se perdit dans un mouvement du cou en avant puis en arrière. Et il poussa toute une série d’onomatopées par imitation de l’animal sacré. Cocorico… Cocorico… Cocorico…

De semblables élans tenaient presque de l’improvisation. Alfred croyait crier intérieurement victoire contre l’Allemagne qui avait annexé, en 1871, l’Alsace et une partie de la Lorraine à la France. Mais l’heure était pour le moment aux réjouissances en famille. Alors pour sauver cet instant unique, la petite Maria crut bon de reproduire futilement le son de la femelle comme pour faire bon ménage, ou jouer à la mère poule. Elle faisait semblant de caqueter par amusement, et par désir de donner la réplique au grand mâle. Cot-cot-codêêêt… Cot-cot-codêêêt… Cot-cot-codêêêt… Et le père repartait de plus belle en chanson. Cocorico… Cocorico… Cocorico…

Sans réellement comprendre cette mise en scène animalière, bébé se mit à rire. La maman pensait qu’il était grand temps de l’allaiter avant de se mettre à dormir. Mais tout excité comme il était, elle lui chanta la berceuse du soir. Le bambin n’en demandait pas mieux :

Fais dodo Colas mon p’tit frère,

Fais dodo t’auras du lolo.

— Comme cha i dort !6

— Tas plus qu’à faire un bon gatiau, et mi du chocolat. Pour terminer chell’canchon’7, répondit avec humour le maître de maison.

La petite Maria fredonna à son tour la chanson dont elle connaissait les paroles par cœur. Elle fermait les yeux à cet instant de rêve éveillé. Mais la mère l’interrompit : « Min tchiotte, va t’mette à tabe avec tartous !8 »

Par instinct maternel, la mère put ainsi présenter le sein laitier au nourrisson au travers de l’échancrure de sa robe. Par pudeur, le mari détourna discrètement son regard de ce qui se présentait comme une offrande. Il se préoccupait plutôt de l’odeur fumante de la soupe. Non parce qu’il en avait plein les narines ! Peut-être craignait-il la fournaise par-dessus tout ? Les enfants étaient eux déjà attablés dans un coin de maisonnée. C’était là la cuisine où la chaleur du feu se complétait de la chaleur humaine comme si elle ne se suffisait pas à elle-même. La faim pesante du soir semblait délier les langues. Les frères et la petite sœur avaient appris à ne pas parler trop fort. Il ne fallait point déranger le poupon pendant la mise en couche…

Le père avait fort à faire à surveiller la cuisson. Ça sentait de plus en plus la cocotte. Le regard de l’homme flambait presque. Alors la cuisinière se leva et lui donna un léger coup de coude. Le mari lui tendit de la main l’un des deux torchons de toile pour la prévenir d’éventuelles brûlures, et il en conserva l’autre. Avec précaution, ils soulevèrent ensemble la marmite du fourneau à trous. Les enfants avaient hâte de déguster la bonne soupe de maman après une journée passée aux champs, à la mine ou à l’école. Père Alfred tout radieux de pouvoir enfin avaler le repas du soir s’écria : « Vla chell’ soupe !9 » Il attendit encore que les gosses eussent été servis pour engloutir enfin son bol. « Ch’est caud !10 » marmonna-t-il, le temps de souffler pour laisser refroidir. Et le goinfre s’empiffra enfin des quelques morceaux de poireaux et de pommes de terre qui nageaient ensemble au son des cuillères.

2

Seigneur Jésus Marie Joseph

C’était encore l’arrière-automne malgré la grisaille du quotidien et les prémices des froideurs hivernales. La splendeur du soleil diminuait graduellement au fil des jours. L’astre, habituellement si joyeux au-dessus des nuages, devenait presque timide, voire grincheux. À la fin du mois d’octobre, une violente tempête s’abattit de manière imprévisible dans les deux départements du Nord sans épargner les arrondissements de Saint-Omer et Béthune. Les inondations occasionnèrent d’importants dégâts au-delà des peurs. Partout le même tableau de désolation à la ville ou à la campagne. Des pluies diluviennes déversèrent à une vitesse affolante, et la Nave en crue à son tour déborda de son lit à la suite de la Lys11. Toute la plaine environnante ne ressemblait plus qu’à un lac. La montée rapide des eaux atteignit le pignon des maisons complètement submergées.

Dans le paisible village de Lespesses, les Boulet n’eurent jamais eu si peur de leur vie. Du fait des dangers encourus par les caprices de Dame Nature, Paul eut droit aux attentions les plus délicates. Le bambin valait plus que tout l’or du monde. La maman supplia miséricordieusement Seigneur Jésus Marie Joseph de lui préserver son bien le plus précieux. Pareille lamentation se répéta même la nuit à l’appel des clairons et à la lumière des lanternes. Par crainte des inondations monstres dans leur plein, la famille au grand complet se réfugia au grenier au milieu de quelques ballots de paille que le père et les grands garçons avaient récupérés dans un champ alentour, après les moissons, façon ni vu ni connu. Ils nichaient là ensemble sous les combles, dans cet espace restreint et empli d’une odeur de blé.

Comme pour atténuer le désastre qui se déroulait, François engagea la conversation avec un ton de plaisanterie qui lui ressemblait en toutes circonstances :

— Comme ça tout en haut, on n’a pas nos pieds dans l’eau !

— Vin Dious ! Quesse té di don ?12 Va voir comment ça se présente en bas de la maison… D’eul’ieau, d’eul’ieau ! 13 Les patates dans la cave sont trempées. Les betteraves dans les champs sont noyées !

Le père s’était soucié de manière aussi alerte pour les animaux du fermier d’à côté chez qui il se crevait de travail à la journée. Fort heureusement, la rentrée des vaches à l’étable avait été devancée avant même la dégringolade. Mais les bovidés pataugeaient tellement que l’eau leur montait parfois jusqu’aux jarrets. Canards, canes et canetons, dindons, dindes et dindonneaux, jars, oies et oisons cohabitaient communément dans le poulailler avec les autres volailles de la basse-cour. Les poules chantaient plus haut que le coq tant la situation chavirait au désespoir…

L’aîné de la famille se rassurait un peu timidement quant à une accalmie des eaux. « Ne vous en faites pas père ! Y a eu plu d’in drache,14 mais ce temps-là ne va pas toudis15 durer… »

La mère voulait bien le croire sur parole, elle qui ne trouvait réconfort qu’en la présence du nouveau-né dont elle parvenait encore à lui chatouiller la boutinette16, ou à le chouchouter, du moins par les mots et les regards attendrissants qui faisaient toujours de Paul la coqueluche de la fratrie.

— Ravisse ! I est sache comme eune imache !17

— Donne li eune baisse pour mi sur ses babaches répondit le mari. J’va aller querre tros ou quate morceaux d’lard et du fromach. Faut bin s’rimplir ch’vinte… 18

Le mobilier du rez-de-chaussée était imbibé d’eau et l’on ressentait l’humidité remonter à travers les murs en torchis et les cloisons en bois jusqu’à la pièce mansardée du haut qui servait temporairement d’abri de fortune. Cet inconfort de vie retenait les époux Boulet et leurs enfants dans une attente interminable. Pas même un pain d’alouette19 à becqueter. Presque un bail que le père n’était pas redescendu à la fosse. Et depuis quelques jours, il n’était pas non plus allé travailler la terre. Néanmoins, la faim se faisait de plus en plus ressentir, et de façon intenable dans le creux des estomacs.

Ainsi Alfred se décida à ravitailler sa belle et grande famille. Il retroussa d’abord le pantalon puis descendit prudemment, une par une, les marches de l’escalier qui menait au rez-de-chaussée. Il parcourut de longs pas dans l’eau avant de dénicher enfin dans le garde-manger des restes de nourriture. Il prit une petite assiette pour placer dessus les victuailles.

Alfred ne put s’empêcher de renifler la trouvaille pendant un court instant. Le désir gustatif semblait prendre le dessus sur ce qui désignait le sens des responsabilités. Et il se devait encore d’affronter la raideur de l’escalier. Chaque jour suffisait à sa peine… Mais en bon père de famille, il s’était donné pour règle de partager avec ses proches. Aucun ne songea alors à voler à l’autre un bout de viande ou de fromage. Et jamais, on n’avait mangé aussi vite avec les mains. Quant à bébé, il s’alimentait du lait de sa mère nourricière aux heures de tétée…

À la Toussaint, les crues n’avaient pas cessé. On s’était bien promis d’offrir les fruits du verger à plus tard20. Et puis comme par miracle, la décrue avait fait le reste en quelques jours. Bientôt l’on n’entendait plus que le souffle du terroir avec ces feuilles qui mouraient tout doucement dans leur chute. Dénudés, les arbres perdaient toute verdeur. Un rouge d’automne faisait pâlir aussi bien les peupliers du Canada que les vieux ornes séculaires. Cette blême lueur se reflétait à vue d’œil dans la rivière en son miroir comme autant de petites taches rougeâtres. Le tapis de végétation qui, six mois plus tôt, faisait toute la beauté du paysage dans le fin fond de la vallée de la Nave, ne ressemblait plus qu’à un rideau tout noir de bois se mêlant à la terre grisâtre des champs… Enfin les premières gelées annoncèrent bel et bien la froide saison à laquelle résistaient à flanc de colline les quelques rares aubépines.

Le ramassage de branches mortes occupait le père Alfred. Il n’avait bien sûr pas attendu un froid de loup, à se les geler à la tombée de la nuit ou au lever du jour. Et il fallait bien commencer à nourrir la cheminée au feu de bois. Dans quelques jours, Noël allait conclure une heureuse année que la venue du petit Paul avait confirmée dans tout son éclat de lumière. Jésus allait renaître à la suite de celui qui comblait de joie une grande fratrie de sept enfants21. Les Boulet fêtèrent la naissance du Christ dans la plus pure tradition chrétienne.

Il n’avait pas encore neigé, mais la douceur du temps se prêtait malgré tout fort bien à la féerie de cette fête populaire. La célébration de la messe de minuit rassembla en la maison de Dieu tous les fidèles et même les moins dévots à l’annonce de la sonnerie des cloches. Chacun à sa manière écouta le sermon du curé comme une exhortation à aimer son prochain à l’image de soi-même à la suite du doux Jésus dans sa plénitude et sa bonté.

Un tel message de paix ne trouvait pas meilleur entendeur en la nuit de Noël. Le jour étant à peine levé, les enfants s’éveillèrent autour de quelques noix et pommes rouges à se partager. Fous de joie, ils se jetèrent dans les bras de leurs parents et embrassèrent tour à tour Paul sur la joue…

L’arrivée tardive de la neige surprit tout le monde. Personne ne l’aurait attendue en la fin du mois de janvier 1895. La température extérieure tomba à moins quatorze degrés. C’était du jamais vu depuis l’hiver 1879-1880. Le village de Lespesses s’habillait d’un manteau tout blanc qui dans son aspect neigeux rendait impraticables routes et chemins vicinaux. La saison hivernale se prolongeait sensiblement jusqu’à début mars sous un froid particulièrement vif et glacial qui piquait au nez les âmes du dehors.

Plus encore que la froidure, une maladie suscitait de grosses inquiétudes. L’influenza, l’autre nom donné à la grippe qui sévissait en même temps que le bonhomme hiver, provoquait des étourdissements accompagnés de douleurs à la gorge et dans les membres. Il était cependant un mal bien plus terrible. La variole inquiétait profondément le corps médical dans les villes et campagnes. Le docteur Canda de Norrent-Fontes se mobilisait pour protéger la population infantile contre la petite vérole, maladie contagieuse (mortelle dans la plupart des cas) qui se caractérisait par une éruption de boutons voire de pustules. Aussi Paul fut vacciné dans les semaines qui suivirent la naissance. Papa et maman se rassuraient de savoir leur p’tit bout de chou immunisé et donc protégé.

Émile Boulet venait d’avoir cinq ans, mais n’allait pas encore à l’école. Il restait donc avec Paul au chaud à la maison. La mère tirait désormais le lait pour nourrir bébé avec un biberon en verre. Elle compressait simplement le liquide nutritif de ses mains. Le nourrisson avait atteint maintenant l’âge du sevrage, mais il fallait encore attendre un peu pour l’abreuver avec du lait de chèvre. L’enfant s’excitait à suçoter l’embout du récipient en forme de mamelon et dont le goût lacté jaillissant du bout de ses lèvres lui donnait une sensation de tiédeur. Le biberon se passait de main en main. C’était devenu un objet de convoitise comme si tout un chacun – la mère, ou la fille, quand elle n’avait pas classe, et parfois Émile – avait un rôle familial à jouer… David Boulet fréquentait encore l’école communale. Sa sœur Maria avait fait son entrée, il y avait déjà un peu plus d’un an et demi. À quatorze ans, Uriel apprenait à l’instar de ses grands frères le métier de mineur sur le tas.

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« Un malheur d’arrivé »

L’avant-veille, un phénomène céleste insolite se produisit. L’événement avait été annoncé quelques jours auparavant par la presse locale qui en avait fait scientifiquement l’écho en quelques lignes. Au-delà des intrigues de toutes parts, les superstitions les plus folles avaient parlé de fin du monde. Dans la nuit du 10 au 11 mars 1895, le soleil eut rendez-vous avec la Lune. L’astre luisant se teint d’une étrange couleur cuivrée résultant de la formation d’une éclipse lunaire consécutivement au passage de la Terre entre la Lune et le soleil. La Lune ne donnant pas sa lumière habituelle, la curiosité l’emporta sur l’envie de dormir. Alors les époux Boulet sortirent du lit pour admirer discrètement depuis la fenêtre de maison le spectacle nocturne. Mais les bruits de pas et les chuchotements de contemplation réveillèrent tous les enfants, et bébé se mit à pleurer spontanément sans que rien ne pût l’arrêter…

Alfred Boulet ne ferma pas l’œil de deux heures à quatre heures et demie du matin. Il resta éveillé, et dans son for intérieur, il craignait un malheur prochain. Maria, tout aussi naïve que son mari, se gardait elle d’être optimiste. Cette apparence fascinante de lune rouge semblait annoncer l’avènement d’une ère nouvelle synonyme de grand bonheur… La quadragénaire ne se doutait pas de la malédiction qui allait bientôt se nouer…

Par un jour de mardi, au cours du même mois de mars 1895, François Boulet s’occupait courageusement à démolir les bâtiments de l’ancienne bascule située sur un morceau de territoire compris entre Lières et Lespesses, près du pont de chemin de fer des mines. Elle servait de plateforme de pesage du charbon, mais sans réelle utilité, elle était donc vouée à disparaître. La tâche se définissait rude et pénible. François s’abattait d’ailleurs ardemment à la besogne au point de se déchirer les mains. Le temps, pareil à une pluie tumultueuse tombée successivement pendant trois jours, n’avait pas été non plus de la partie.

Un drame épouvantable survint sans prévenir. Un mur s’écroula de façon soudaine. François ne vit rien venir. Relevé par ses camarades des décombres, le malheureux hurlait de douleur. Le bruit se répandit rapidement. « Y a un malheur d’arrivé, y a un malheur d’arrivé », s’écriait-on de partout et en tout lieu, aux quatre coins des deux villages. La victime fut d’abord ramenée dans un état désespéré sur une charrette au domicile des parents à Fauquenhem. La mère dont l’état d’affolement se lisait au visage paniquait tout autant que le père.

François souffrait de multiples hématomes et fractures. Il perdait beaucoup de sang. Le médecin peina à arrêter les hémorragies. Il se montra impuissant face aux nombreuses blessures du corps, de la tête aux pieds. L’abbé Lefevre s’empressa de se rendre au chevet du blessé pour lui délivrer les derniers sacrements. Le mourant parvenait tout juste à réciter ses prières sous le poids d’atroces souffrances. Onze heures du soir sonnèrent, quand il trouvait encore la force d’adresser un baiser d’adieu à ses deux chers parents.

« Je vous aime tous… Embrassez pour moi mon p’tit frère chéri Paul… » Tels avaient été les mots ultimes de François Boulet, la vie fauchée à seulement dix-huit ans.

Le lendemain matin, la triste nouvelle se propagea à Lespesses par trois sonneries de cloche. Les Boulet avaient clos les volets de maison pour signifier dignement leur deuil. François, le corps allongé, semblait dormir sur son lit de mort, les deux mains croisées par-dessus lesquelles s’accrochait un chapelet dont la petite croix de Jésus pointait vers le ciel dans la lumière de transcendance par-delà celle de la bougie qui parvenait à peine à éclairer l’obscurité de la pièce. Le défunt s’habillait de la combinaison du mineur, à la différence près qu’il était impeccablement propre et qu’il paraissait ne jamais avoir été utilisé.

Maria et Alfred cherchaient à surpasser leur désespoir. Leur gosse