Le parfum des clémentines - Paule Gil - E-Book

Le parfum des clémentines E-Book

Paule Gil

0,0

Beschreibung

Paule menait une vie paisible en Corse, entourée d’amour, jusqu’à ce qu’un événement tragique vienne tout bouleverser. Des années plus tard, déterminée à faire face à son passé, elle se lance dans une quête poignante à la recherche de paix intérieure. Ce récit autobiographique, riche en émotions, vous plonge au cœur des paysages magiques de l’île de Beauté. Chaque page vous rapproche d’une vérité déchirante et d’un voyage intérieur fascinant, où la résilience et l’espoir se mêlent pour offrir une histoire aussi captivante qu’inspirante.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Récemment retraitée après quarante ans comme ingénieure en environnement, Paule Gil réalise enfin son rêve d’écriture. Diplômée en lettres modernes, elle publie "Le parfum des clémentines", un premier ouvrage qui mêle souvenirs et fiction.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 112

Veröffentlichungsjahr: 2024

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Couverture

Titre

Paule Gil

Le parfum des clémentines

Roman

Copyright

© Lys Bleu Éditions – Paule Gil

ISBN : 979-10-422-4844-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Mes remerciements vont à Yves, mon compagnon,

qui a guidé ma main durant tout mon travail d’écriture.

La lettre est posée là depuis plus de trois jours. Elle vient grossir la pile du courrier que je reçois quotidiennement au siège de mon entreprise, à Milan. Je n’ai aucune envie de l’ouvrir.

Depuis toujours, je laisse volontairement régner un sympathique désordre dans mon bureau. Des livres s’empilent en colonnes fragiles, des photos souvenirs occupent une grande partie des murs et, dans un amoncellement joyeux, les maquettes des plus belles réalisations de la Société que je dirige depuis dix ans prennent un peu la poussière sur les étagères.

Un bureau dit toujours quelque chose sur son occupant. Du mien émane une envie de bâtir, d’aller de l’avant et tout à la fois de tenir compte des fondations essentielles de l’architecture des anciens.

Construire ! Toujours plus haut, toujours plus beau et toujours plus écologique !

Une légère agitation s’installe dans les couloirs. Nous sommes mardi. La réunion va commencer, je suis prête. Un bruit de chaises que l’on tire, quelques conversations étouffées, puis le silence. Je prends place en bout de table et salue d’un sourire mes collaborateurs.

J’affectionne tout particulièrement cette étape du projet où chacun doit exposer le travail qui lui a été confié. Il y a dans cette situation un côté magistral propre aux grandes chaires universitaires. C’est à moi, en tant que chef d’entreprise, qu’il est donné de présider ces séances.

Nous sommes douze, dix hommes pour seulement deux femmes, Katia et moi. Katia est chargée de la communication. Nous nous entendons bien. J’aime sa façon de travailler, elle donne du style à tout ce qu’elle touche, elle est talentueuse. Lorsque nous présentons un projet aux investisseurs, je sais que je peux compter sur la qualité de son travail et sur son inventivité. Architectes, dessinateurs, géomètres, chef de projet, chef de chantier. Ça bosse dur chez moi. Ces hommes sont courageux, je le sais ! J’ai été élevée dans l’odeur du béton et de la pierre taillée. Le bâtiment, ça me connaît.

Lorsque nous sommes tous réunis autour de cette grande table, la pièce se remplit d’une belle énergie, tous les esprits sont tournés vers le même objectif : relever le défi, répondre aux exigences des clients et tenir les délais.

Trois quarts d’heure se passent et la réunion se termine, mais je ne suis pas attentive aux conclusions de mes collaborateurs, j’acquiesce sans discuter, ce qui n’est pas dans mes habitudes, ils me regardent tour à tour les sourcils relevés, étonnés.

Tout à coup, cette lettre prend trop de place. Je ne veux pas l’ouvrir, mais je ne l’ai pas jetée. Elle est là, qui attend. Elle me fait mal. Il est déjà trop tard, la peur est revenue.

— Tu prends un café ?

Je me retourne et Katia me fait face, son ordinateur sous le bras.

— Dans mon bureau, si tu veux bien, j’ai du courrier à signer.

Elle me précède et s’affale sur le canapé qui me tient lieu de zone de détente dans cet espace uniquement dédié au travail.

Katia, ma seule entité féminine dans cette sphère masculine, mon alter ego ! Avant même qu’elle me questionne, je sais.

— Bon alors ? T’étais où pendant la réunion ?
— J’ai reçu une lettre.
— Et…
— Et c’est compliqué, je ne l’ai pas ouverte et je ne sais pas quoi faire.
— …

Katia en était à son deuxième café et à la façon dont elle malmenait la cuillère dans sa tasse, je sentais qu’elle ne lâcherait pas le morceau.

— Elle vient de Corse.
— Eh ben, tu l’ouvres cette foutue lettre, tu la lis et tu sauras.

Voilà ! C’est ça avoir un alter ego, quelqu’un qui vous remet les idées en place quand elles partent dans tous les sens.

Katia quitte mon bureau, légèrement excitée par la caféine, et aussitôt je me saisis de la lettre, je l’ouvre et je la lis.

Il n’est jamais trop tard pour rétablir la vérité.

Un ciel de plomb écrase tout le paysage, un ciel accablant, sans vie, juste terne et morne ; la plage, les rochers, la mer, tout se perd dans ce gris. Je sors de la maison en hurlant, un cri de terreur qui me projette sur une terre inconnue, j’ai mal, j’ai peur, j’étouffe. Je me laisse tomber sur le perron. Dévastée ! Son corps mutilé gît, là, dans la chambre, décapité par un coup de fusil reçu en pleine tête. Mon père, mon héros, ce géant si fort et si grand est mort.

Il n’y a jamais eu d’enquête, juste une conclusion : suicide ! C’est faux. Depuis toujours je sais que c’est faux.

Il n’est jamais trop tard pour rétablir la vérité.

Vingt ans plus tard, cette missive vient réveiller tout ce que je croyais définitivement endormi au fond de moi. Je pensais avoir effacé de ma mémoire cette période de mon adolescence dans le cap Corse. Effacés, tous mes souvenirs.

Je décide de montrer la lettre à ma sœur. Je me rends à pied chez elle en traversant le quartier des Navigli. Habituellement cette immersion dans les rues de Milan me fait du bien, mais aujourd’hui je ne vois pas la foule bigarrée qui anime joyeusement le quartier. Je n’entends rien de la cacophonie des Milanais et des touristes qui encombrent les rues de leurs rires et de leurs interpellations. Je suis bouleversée ! J’arrive rapidement devant l’immeuble de ma sœur et je sonne. Les immeubles du centre de Milan sont cossus. Les cages d’escalier monumentales, mes talons résonnent dans tout ce vide. Au dernier étage, une verrière laisse passer un puits de lumière qui éclaire l’endroit. Le soleil y fait danser de minuscules particules étoilées. Le souvenir des cours d’histoire de l’art au lycée de jeune fille de Bastia me revient. Monsieur Lorenzi, notre professeur. Il nous conduisait souvent dans la vieille ville pour des observations. Il existe, dans une toute petite rue du vieux Bastia, deux entrées d’immeuble pratiquement côte à côte. Sur le linteau de l’une d’elles est inscrit « col tempo » (avec le temps) Monsieur Lorenzi nous racontait que les deux architectes qui avaient construit ces immeubles se concurrençaient. C’était à celui qui bâtirait le plus haut. Avec cette gravure dans la pierre, le vainqueur signifiait à son rival qu’un jour peut-être il pourrait l’égaler. Il y a temps de messages inscrit comme cela par les bâtisseurs de toutes les époques. L’architecture est une histoire qui se lit à ciel ouvert.

— Paule, tu n’es pas à ton bureau ?

J’aime infiniment ma grande sœur, nous nous ressemblons beaucoup. Nous ne nous sommes jamais séparées, elle n’a pas hésité un instant à me suivre lorsque j’ai décidé de m’installer en Italie. Je la trouve belle avec ses longs cheveux d’un noir d’ébène, sa peau claire et ses grands yeux verts, il se dégage d’elle un charme romantique et mystérieux qui a fait tourner la tête de plus d’un homme. Dans la famille, Dominique est la princesse et moi le petit soldat.

Nous avions respectivement quinze et seize ans le jour du drame.

Je tends la lettre à ma sœur. Elle découvre la missive et fronce les sourcils.

— Tu ne vas pas me dire que tu as pris ça au sérieux ?

Elle se lève précipitamment et retourne dans la cuisine.

— Dominique, attends !

Elle est tournée vers la cuisinière, et assaisonne nerveusement le plat qui mijote dans sa cocotte.

— Ça suffit ! Tu sais bien ce que je pense de cette histoire, il faut laisser notre passé là où il est, c’est fini, il faut l’accepter. Papa n’est plus là ! C’est comme ça.

Je sais bien que ce sujet est source de discorde. Moi, j’ai toujours eu soif de justice et de vengeance ; à l’inverse, Dominique s’est enfermée dans son chagrin durant des mois. Elle ne supporte pas d’entendre parler de ce drame. Je la prends dans mes bras et pose ma tête sur son épaule. Elle se détend et nous retrouvons cet amour qui nous unit depuis notre plus jeune âge. Elle est l’aînée, je l’admire et je la respecte.

— Que comptes-tu faire alors ?
— Je pense retourner au village, je vais trouver l’auteur de cette lettre et il faudra bien qu’il me donne des réponses.

Dominique me regarde et la tendresse de ce regard me transperce. Toutes les deux nous savons bien qu’au pays du silence il n’existe pas de réponse.

— Soit, fais ce qui te semble le mieux, mais reste prudente !

Je l’embrasse très affectueusement, puis je dévale l’escalier :

— Congèle-moi une portion de ton truc qui sent si bon pour mon retour !

C’est un Osso Bucco, la spécialité de la ville. Il serait temps que tu te mettes à la cuisine !

Je ne l’entends pas. Je suis déjà dans la rue et je presse le pas vers mon agence de voyages. L’homme derrière le comptoir se lève et affiche un sourire charmeur. C’est un homme très élégant, plus très jeune, mais qui a su garder ses atouts, une silhouette de sportif, une chevelure abondante et bien entretenue. Le parfait stéréotype du séducteur italien. Il adore se mettre en quatre pour organiser mes allées et venues en Europe et je dois dire que son professionnalisme me rend bien service lors de mes déplacements.

Je lui donne tous les renseignements nécessaires et je ressors de l’agence mon billet en poche. Départ ce soir à 21 h, depuis Livourne. Je suis un peu troublée. C’est un retour vers le passé que je viens d’acheter et je ne suis pas certaine d’être vraiment prête.

Je suis face à mon dressing, perplexe. Ma valise est ouverte sur mon lit et attend d’être remplie. Je déteste cet exercice qui consiste à faire un choix dans mes vêtements. Je commence toujours par faire une sélection dans les divers chemisiers, jupes, pantalons et robes puis je change d’avis. Je prends la météo juste pour m’apercevoir qu’en cette saison le temps sera instable et qu’il pourrait pleuvoir et que donc il me faut prévoir des vêtements au cas où. C’est un moment d’hésitation qui prend des proportions ridicules. J’ai beau voyager souvent, le problème se pose à chaque fois.

Mon téléphone sonne et me permet de faire une pause face à cette foutue valise.

La voix de ma sœur :

— Tu as pris ton billet ?
— Oui, je te l’ai dit, je pars ce soir.
— Je me demandais si tu allais passer voir Maman.
— Je ne sais pas.
— Je pense que ça lui ferait plaisir.
— Je n’ai pas prévu de passer par Nice. Je fais Livourne à Bastia et pareil pour le retour.
— Réfléchis quand même ! Elle est très seule, tu sais.
— Je vais voir, mais je ne promets rien, ne lui en parle pas en tout cas. Il faut que je te laisse, je dois boucler ma valise.

Au bout d’une heure tout de même, ma valise est faite. J’ai bien pris soin d’y mettre mes tenues de sport. Tant qu’à se retrouver dans le cap corse, autant en profiter pour faire du jogging en pleine nature.

Dominique a raison, cela fait bien longtemps que je n’ai pas vu maman. Mes appels au téléphone me laissent toujours un goût amer. Maman ne fait que se plaindre. Elle s’invente régulièrement de nouvelles maladies, elle cherche des remèdes et des docteurs, puis elle abandonne en cours de route prétextant que cela ne lui réussit pas. J’ai beau comprendre que son mal est ailleurs, que c’est la solitude et l’absence de papa qui la rendent si fragile, lorsque je raccroche, je me dis qu’elle n’a même pas pris la peine de savoir comment, moi, je m’en sors. J’aurais souhaité qu’elle vienne s’installer près de nous à Milan, mais je n’ai jamais réussi à la convaincre.