Le peintre et son modèle - Georges Richardot - E-Book

Le peintre et son modèle E-Book

Georges Richardot

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Beschreibung

Roman de la création artistique; littéraire et picturale.

Un Minotaure erre dans le dédale de sa toile et tente de dire la difficulté d’être, le mal que l’on éprouve pour accéder à l’existence.
À pas furtifs et sur un autre mode, le modèle qui gravit les marches conduisant à l’appartement du peintre exprime le même trouble, mais sur un simple palier d’immeuble, palier improbable, chaque jour réinventé.
La trame paraît simple, mais les variations sont infinies, lancinantes et vertigineuses.
Sous l’eau étale des personnages éponymes rugit la déferlante de la création littéraire. Elle emporte dans ses rouleaux une intrigue qui tente en permanence de reprendre son souffle, qui cherche l’air et la dilatation des bronches.
Le style est symphonique et procède par mouvements sonores, la phrase se crispe, se dilate puis semble s’étendre à n’en plus finir, sinon au bord du vide, puis elle se contracte de nouveau.
À ce style fait de trilles et de volutes répond une construction polyphonique, ainsi conçue jusqu’aux limites du vertige.
Car le texte se creuse et, d’étage en étage, nous conduit vers le coeur nucléaire de l’acte fondateur. Un acte qui ne serait pas “inspiration”, mais travail, donc respiration.
Pierre Boudot (1981, Préface de “Le peintre et son modèle ” Extrait)

Tel est ce roman, immense par son sujet, écrit par Richardot dans un style halluciné d’où surgit, subtile et conquérante, évanescente et séductrice, l’androgyne silhouette botticellienne.

EXTRAIT

Se penchant par la fenêtre ; scrutant les cercles rouges apposés sur la toile, les habitant d’un vide intense ; soit encore, comme à l’instant, tombé au creux du fauteuil, caressant en esprit la foucade d’un jour allumer la pipe, déplacer les pièces sur l’échiquier, le Peintre attend le Modèle. Tournant le dos à la porte, il ne verra pas son entrée. Ayant sacrifié aux minces préliminaires édictés par leur tacite protocole, elle gagne sa place, s’y niche sobrement, d’emblée reprise par l’impératif de redonner à leur tête-à-tête son austère neutralité. Se réinstallent le mutisme, la prudence de l’air clos, docilement confondu au volume de la pièce.
Le Peintre se pénètre de la richesse de qui, déclinant ce beau processus de jeunesse, alternativement, avec une égale constance, angélise, érotise, dépersonnalise l’immobilité hiératique, statut d’élection que la jeune fille se sera prêtée à rencogner jusqu’à ce mimétisme microcosmique, cette présence apparemment passive, moins élémentaire qu’il y paraît, arrière-goût remâché du désir, de l’inspiration suprême, ou, à l’opposé, tubercule du renoncement, vignette collée sur la façade du néant comme sur une vitre à signaler.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Georges Richardot - Né à Epinal (Vosges), en l’an… (là, tout en bas du menu déroulant). De longue date a élu résidence à Vence (Alpes-Maritimes). Parrainé dans ses débuts
(roman, poésie) par Raymond Queneau.

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GEORGES RICHARDOT

LE PEINTRE ET SON MODELE 2

 

Livre finaliste du Prix Littéraire Indépendant 2016

PREFACE

 

Variations pour un Minotaure vaguant, dans l’attente crispée.

 

Dépenaillé, comme un vêtement, c’est-à-dire déchiré en plusieurs endroits, parfois mis en lambeaux, un Minotaure erre dans le dédale de sa toile et tente de dire la difficulté d’être, le mal que l’on éprouve pour accéder à l’existence. À pas furtifs et sur un autre mode, le modèle qui gravit les marches conduisant à l’appartement du peintre exprime le même trouble, mais sur un simple palier d’immeuble, palier improbable, chaque jour réinventé. « Il faut tant de conditions pour que se fasse la moindre chose, si peu pour que soit rompu tout équilibre. » Le pinceau est suspendu sur cette frontière ténue. Toute coupure avec autrui semble condamner à l’impuissance, qui revêt en la circonstance les oripeaux du doute, sous le costume défraîchi de l’abandon. Dans l’axe du ventre veule, le Peintre est immobile.

Comment l’artiste peut-il se dégager de cette gangue de silence figé et renouer avec le dynamisme de la création ? Car la vie tout à la fois fendille, craquelle et nous somme de colmater, de recoudre. Le néant est une tentation confortable, une soue moelleuse dans laquelle on s’enlise toujours plus longtemps, quotidiennement et à heures fixes qui vont se dilatant. Le temps dès lors se fait mortifère et un coup de talon s’impose : « Sois n’importe qui, n’importe quoi : soleil, arbre, un homme, le loup ! Deviens Satan, un couteau, l’épieu, onguent, bourreau, brasier, torrent ! Tout sauf me laisser avec ma vacuité, mon vertige ! »

L’énergie d’être se doit dès lors de trouver une voie. Pour Georges Richardot cela revient à réinventer les modes de narration. Le sujet semble annoncé de toute évidence dans le titre et il pourrait bien se limiter au sempiternel jeu qui se noue entre un homme et une femme, fût-ce avec un prétexte artistique. Il n’est d’ailleurs pas d’autres personnages en ce récit que les deux annoncés dans le titre. Mais, on le sait bien, rien n’est plus complexe que ce qui s’annonce aisément. La trame paraît simple, mais les variations sont infinies, lancinantes et vertigineuses. Sous l’eau étale des personnages éponymes rugit la déferlante de la création littéraire. Elle emporte dans ses rouleaux une intrigue qui tente en permanence de reprendre son souffle, qui cherche l’air et la dilatation des bronches. Un peintre attend son modèle, mais il ignore le traitement musical qui va s’emparer de son attente. Les phrases sont malaxées comme notes sur une portée, et la narration s’en trouve aussitôt modifiée : « Singulière outrance : elle ne subsiste que par la persévérance qu’il investit à la créer dans son regard, à partir d’un détail qui de jour en jour aura été l’inflexion d’un bras, la lisière de la nuque, ou d’autres, aussi banals ; simplement pour s’aider par de la matière à rêver une chair, une vie, échos contrastés de son immobilité et de son mutisme, miroir femelle, comme, à en croire les on-dit, tous les miroirs ! » La rencontre devient alors mystère. Que se produit-il quand l’un scrute l’autre, quand l’une épie l’autre ? Et que les échanges sont dits de la sorte ?

La quête de soi passe par la captation de l’autre, avec un double risque qui se met en place pour nous perdre, la déification et la réification. Puis-je exister sans l’autre, puis-je être sans réduire l’autre à mon regard prédateur ? Sans le (la) considérer comme venu(e) des cieux ? Le roman devient alors un jeu d’aller-retours, d’attentes crispées, d’attentes les doigts crispés sur le fauteuil, les yeux s’enlisant dans les formes creusées du canapé, formes en espérances tendues. Le style est symphonique et procède par mouvements sonores, la phrase se crispe, se dilate puis semble s’étendre à n’en plus finir, sinon au bord du vide, puis elle se contracte de nouveau. Non par jeu littéraire, mais pour tenter de saisir la complexité des grands-fonds, là où l’on jette des filets avec appréhension.

À ce style fait de trilles et de volutes répond une construction polyphonique, ainsi conçue jusqu’aux limites du vertige. Les points de vue alternent, notamment dans “le Modèle”. La rotation multiplie les regards et relativise les approches. Les personnages n’accèdent jamais à un statut nominal, ils sont “il” et “elle”, et la caméra jouit de ses mouvements alternés. Internes/Externes/Peintre/Modèle : n’en doutons pas, elle nous livre la complexité de l’existence, de la (con)quête de soi par l’altérité. Et par la création. Car le texte se creuse et, d’étage en étage, nous conduit vers le coeur nucléaire de l’acte fondateur. Un acte qui ne serait pas “inspiration”, mais travail, donc respiration. Haletante, certes, asthmatique parfois, entravée souvent, mais confrontation corporelle essentielle pour exister.

De même l’écriture est une confrontation physique avec les mots. Pour exister. Le roman se nourrit ainsi de sa propre problématique pour effleurer ce qui pourrait être le bonheur d’écrire et, par-delà, la joie d’être. Et d’accepter. « Insoucieuse du matin replet jouant des coudes entre les nuages, le Modèle est prête à accueillir le bel imposteur venant la peindre. »

Yves Ughes

Poète-essayiste

 

LE MODÈLE

Du creux de son fauteuil, le Peintre scrute le Modèle. À coulées d’yeux mi-clos, la demoiselle se désennuie à semer aux quatre vents la chevelure emmêlée, le front plissé, les lèvres serrées, le regard évoquant un paysage d’hiver à la Breughel, interdit de silhouettes temporelles.

L’annonce, relevée dans un magasin, prêtait à interprétation. Il vint lui ouvrir, révélant l’atelier : des toiles retournées, une autre, vierge, au mur.

Cherchant ses mots, il lui indiqua que, bien qu’il fût peintre, il se pouvait qu’il ne donnât pas le sentiment de pratiquer. À certain stade de sa réflexion, il avait besoin d’une coopération étroitement circonscrite, la finalisation picturale ne constituant pas en elle-même un objectif, ni forcément le médium le plus approprié. Si elle le voulait, ils pouvaient commencer.

– Dois-je retirer des vêtements ?

– La veste.

***

Elle prit place ; il tira son fauteuil à quelque deux mètres, disposa à portée de main un attirail de fumeur de pipe, un jeu d’échecs. Ils n’useraient de paroles qu’à l’entrée et au départ du Modèle. Entretemps, en son for intérieur cette dernière s’était rangée à dévider un monologue discontinu, non sans la conscience que ses divagations ne manquaient pas d’entraîner sur son visage des reflets d’expressions qu’il arrivait à son vis-à-vis de déchiffrer ; il s’ingéniait à en briser le cours, se levant, disparaissant dans la cuisine où il se faisait entendre remuant à vide des ustensiles.

D’où venait son plaisir ambigu, confinant à l’envoûtement : le silence, l’opacité de son hôte ? Du matériel de peinture émanait une odeur entêtante. En arrière-plan, à coup sûr n’était pas absent, en version passablement alambiquée, le sempiternel jeu homme-femme.

Elle s’habitua à lui offrir son apparence corporelle sans qu’il parût convoiter davantage. Les après-midi s’écoulaient jusqu’à cette phase critique où la pénombre commençait à emplir la pièce, tout à la fois les éloignant et les réunissant, l’affirmant, lui, en l’épaississant, accentuant son mutisme taraudé par le grésillement, que l’on pourra présumer extrapolé, de la pipe. Dans une sorte d’apnée mentale le Modèle déviait la force de l’abstinence vers son tréfonds, comme en une caresse obsessionnellement attendue.

Elle méditait la coïncidence qu’il mît fin aux séances – Il se levait, donnait l’éclairage. Libérant sa souplesse captive elle s’étirait. – juste quand à ses propres yeux elles avaient atteint leur meilleure durée.

***

Rendu à la solitude, le Peintre enchaînera des gestes bientôt annexés par l’habitude : ouvrir la fenêtre, retendre le tissu du canapé. Puisant dans les provisions qu’elle a déposées, il improvise une dînette, dont il s’acquittera, un livre devant lui, prolongeant cette halte dans le flux des pensées.

Il ne peint pas, sauf par amples parenthèses, projetant sur une toile des cercles rouges, concentriques ou s’entrecroisant, l’acte n’ayant d’autre portée que de donner un support à la physiologie mentale jusqu’à ce que la froide abstraction encline à phagocyter le réel ait réimposé son nihilisme. La nuit, de surcroît, il se prend à crayonner des séquences d’un monde fantastique où humains, animaux, architectures, végétations se confondent en une mêlée sauvage dans le désert laissé par une rupture des cycles : domaine souterrain, impropre à la lumière du jour. S’il avait peint, dans l’acception coutumière du terme, ce n’eût pu être qu’un visage, au risque de le figer sans légitimité assurée.

Il éteignit. Le cernèrent les ténèbres, horde disciplinée débuchant des meubles, des livres, des vêtements en vrac sur une chaise ; apaisantes d’une conjonction, même ténue, d’odeurs, fussent-elles ordinaires. Sous leur voûte le lit porte son poids d’homme. Pénombre sur obscurité se détache le rectangle de la fenêtre.

***

Son réveil suivait ce processus : la perception d’une luminosité induisant celle de la rue, escortée d’une rumeur indécise de même provenance, et, par contraste nette d’un coup, l’émergence de l’image du Modèle, affrontée sans complaisance tel un élément objectif, susceptible d’être caractérisé, coté, décrit par la mémoire ; parcelle de l’univers considéré dans ses limites et son infinité ; illusion offerte, d’autant plus miroitante que semblant immédiatement saisissable.

Il avalise le nouveau matin ; se lève, procède à sa toilette. Un jour, il a décidé du modus vivendi, entraînant le modus operandi – ou l’inverse –, sans d’ailleurs se préoccuper d’évaluer à quoi l’engagerait la double option. Il emménagea en cet atelier. Probablement se mit-il à ressembler à son prédécesseur dans le lieu et la fonction, lui qui peintre l’était en équivalence, plutôt qui croyait l’être, ou, mieux, qui, avançant dans la démarche, inclinait à conjecturer que son épurement tendait vers le non-accomplissement. Sauf à ressasser des cercles sur la toile. Cernant, ciblant. Rien. Tout. Le rien, le tout, hors souci de les démêler.

C’est ainsi qu’il se conditionna pour les actes minorés d’une vie ralentie, écartant ce qui n’irriguait pas ce dessein.

***

Se penchant par la fenêtre ; scrutant les cercles rouges apposés sur la toile, les habitant d’un vide intense ; soit encore, comme à l’instant, tombé au creux du fauteuil, caressant en esprit la foucade d’un jour allumer la pipe, déplacer les pièces sur l’échiquier, le Peintre attend le Modèle. Tournant le dos à la porte, il ne verra pas son entrée. Ayant sacrifié aux minces préliminaires édictés par leur tacite protocole, elle gagne sa place, s’y niche sobrement, d’emblée reprise par l’impératif de redonner à leur tête-à-tête son austère neutralité. Se réinstallent le mutisme, la prudence de l’air clos, docilement confondu au volume de la pièce.

Le Peintre se pénètre de la richesse de qui, déclinant ce beau processus de jeunesse, alternativement, avec une égale constance, angélise, érotise, dépersonnalise l’immobilité hiératique, statut d’élection que la jeune fille se sera prêtée à rencogner jusqu’à ce mimétisme microcosmique, cette présence apparemment passive, moins élémentaire qu’il y paraît, arrière-goût remâché du désir, de l’inspiration suprême, ou, à l’opposé, tubercule du renoncement, vignette collée sur la façade du néant comme sur une vitre à signaler.

Les heures passeront, mains se tirant entrelacées d’un glissement sans fin, jusqu’au soir, à l’intervention des lumières, quand la tension se sera accumulée au point de nimber d’un soulagement presque palpable la levée de séance.

Elle part. Un temps bousculées, autour des îlots encore éclairés les ténèbres reprennent leurs droits. Le Peintre lui-même renoue avec les piètres enchaînements du quotidien. Il échouera sur le lit, un livre ouvert, bientôt délaissé pour le sommeil, à moins que, pêchant à tâtons une feuille, il ne la noircisse de dessins, trame sur laquelle on peut imaginer, manquant, appelé, un, le visage ; filigranes de la nuit, plus qu’à alerter la vue destinés à attester la pérennité du geste.

Le lendemain, reviendrait l’heure où elle frappe, traverse la pièce, s’installe, s’employant à bannir de son masque toute expression dérogeant à l’implicite cahier des charges. On eût dit, tant ils célébraient cette gravité gratuite, les convives d’un repas initiatique, s’apprêtant au-delà du symbole à partager une luxuriante absence de mets précieux et fades.

***

– Chaque journée se calque sur la précédente. Mon olibrius se trimbalant les mêmes fringues, chandail miteux, pantalon de velours poché aux genoux, moi, la fiancée du contraste, au gré des toilettes diversifiant les balises de mon corps, ses spécificités ostensibles et dissimulées, les aréoles colorées mortifiant les bombements ombrés, le battement du sang infiltrant le silence telle la veine à fleur de chair, le va-et-vient de la respiration, feignant de bâillonner le tintamarre, plutôt le refoulant dans les viscères.

« À heures régulières, je me vautre sur ce canapé bon pour la réforme, me concentrant sur le non-mouvement comme s’il y avait un moi extérieur, impavide, muet sous la contrainte, et en sous-main son alter ego, rétif bien que prétendument acquis aux mortifications constituantes.

« Le sûr de chez Certitude et compagnie c’est que me revoici engluée comme pas une dans le plaisir abscons d’être cette prisonnière lovée dans sa bulle translucide, se confortant de l’assurance qu’à tout moment elle pourrait rompre les entraves, jaillir hors de ses contours, sauter à talons joints sur les tables de la loi, incendier aux quatre coins l’air confiné de l’habitacle ! Si elle se retient ce n’est que par scrupule devant l’excessive facilité. Quelle prouesse de mettre en pièces un univers artificiel, glacé et brûlant, ne tenant que par la précarité ?

« Peintre de mon cœur, bon Dieu, est-ce que seulement tu existes ? Je remise l’uppercut : est-ce que tu existes un peu moins chichement que les meubles, les lampes, les rideaux en peine de lessive ? Renfrogné, à contre-jour tu contemples mézigue la jocrisse ; lorgnant de biais, tricotant de la main gauche le femelle sarcasme, ladite te fait front. Toréador, prends garde que la vachette plus fringante que le profil bas momentané de son encornure ne se lasse de ta maigre corrida !

« Tiens, à la seconde même, devine le Trafalgar qu’elle nous fricote ? Lever les yeux, se tartiner le minois d’un sourire barbaragouldien, limite tirer la langue… Hélas, ce moi perdu dans sa duplicité rembourrée aux entournures, il n’ose oser. C’est clair, au rayon ingénues perverses, convient de distinguer la superficielle, grandeur nature, et, en dedans, sa doublure, toute petiote… Enfin, celle-là, quand même, pas le bon dieu sans confession : gaffe que ça peut la prendre de grimper aux murs. Rêve de se débarrasser des fringues, genre à-la-bonne-vôtre !

« Pas loupé, malin aussi de penser si fort ! Sitôt dit… La finaude vient de les larguer, ses nippes de gagne-petit ! Résultat : à poil, à poil de A à Z, trois sets à zéro, Charybde et Scylla réunis dans le panier de la ménagère de foutrement moins de cinquante ans, Rrran-la-tigresse vous balançant sous la moustache sa crinière gourgandine. Reluque ses yeux, comme leurs radars montés sur pivot balaient des petites fins du monde, de ton monde stérilisé, dans l’ambiance j’ai failli lâcher : soviétisé ! Zieute la bouche, piège sucré, acide, adepte du « à bon entendeur salut » ! Les épaules portant un poids de lune qu’on imagine mal continuer indéfiniment à chercher la sortie de secours ; les seins préoccupés de belle jumelle émancipation… Crois-moi, parti comme c’est, perdez rien pour attendre, les greluchons Youp-la-boum et consorts !

« Aïe, petit homme, ne t’arrête pas en si bon chemin ! Pousse ton équipée jusqu’au puits du nombril, jalon sur les itinéraires où, vite bâclé, jouent à se dissimuler les embuscades, chausse-trapes pour borgnes tant soit peu manchots – chaud, chaud, allez pas vous prendre les pieds dans le marigot ! Accorde-toi une pause sur l’éclosion des hanches, îlot pas vierge où ne demandent qu’à sourdre sourdement blondeur et brunitude, sempiternelles rivales pour le meilleur et pour le pire – pas gagné ; jambes, cuisses, racines de la fleur toujours, jamais familière, vénéneuse en premier pour sa venimeuse détentrice, pas vraiment mithridatisée à cœur !

« Et cet embrouillamini que dissimulent les roseaux ! Ce bataclan qui, sauf tout respect judéo-chrétien, me tient lieu d’identité perso-génétique ! Cette partie de moi à laquelle toute autre prépare et conduit ! Où germe la délivrance des clameurs prophétiques, procréatrices !…

« Procrastinatiques, toussoteront les Trissotin dans leur barbe tussigène…

***

– Joué d’avance : carré au fond de ton trône auto-consacrant tu restes inerte. Alors, ma pauvre bessonne, pour de bon le froid la saisit. Elle réendosse ses habits, nos chastes, perverses indifférences, engoncées dans leur carcasse d’équilibre !

« Tu m’as blessée. Ton univers, c’est l’autre côté des gestes et des mots. Comme si, à la finition, on avait commis l’inversion suprême, mettant sous la peau ce qui devait être dehors…

« Hé, probable effet de la pénombre, ne dirait-on pas, là, que ton visage s’adoucit ? Si on ne te connaissait pas, ne te croirait-on pas en passe de virer, vroum, en mode consolateur-stimulateur ? Se rengorgeant sur le cuir tes mains nous concocteraient des cordialités pur sucre. Tu t’offrirais, à ta manière harpagonesque ?

« Que vais-je m’imaginer ? Que je peux m’abandonner à la certitude que nous sommes éloignés ou proches – verre à demi plein ou à demi me souviens plus de la fin de l’équation – de six pieds trois pouces, entre quatre murs d’épaisseur non consignée au cadastre ; que nous pourrions nous situer un peu plus tôt ou carrément plus tard sans que l’occurrence importe à quiconque, sur la terre comme aux cieux, ainsi soit-il ?

« Que ce qui entre nous diffère nous rend complémentaires, absolument, définitivement ? Que rien ne naîtra de notre rencontre, hormis une nébulisation de diversion, fumeuse fumée de quelque concile même pas formaté pour papoter de la papauté ? Que nous restons libres de nous lever, ollé, de nous étreindre, alléluia, mais que, ces folles initiatives, nous ne nous y risquerons pas, nos libertés respectives étant trop occupées à se tirer la bourre, pan-pan-t’es-mort. Que chaque minute, chaque heure, chaque jour nous identifient davantage à notre réalité – guillemets – exemplaire. Qu’à force, nous acquerrons le statut d’immuables, assis dans le temps arrêté, à distance l’un de l’autre d’un court sentier longeant au plus serré les abîmes de l’incommunication communicative…

***