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Entre 1960 et 1980, la France a déraciné des enfants réunionnais pour repeupler les régions rurales désertées. Parmi eux, Paul-Henri et Max, brutalement séparés de leur famille, sont envoyés dans la Creuse, une terre au climat rigoureux. Placés sous la responsabilité de la DDASS, ils se retrouvent dans des fermes ou chez des familles qui les traitent avec une cruauté implacable, les réduisant à l’état de servitude. Dès leur arrivée au foyer de Guéret, les fratries sont dispersées, détruisant les derniers liens familiaux et laissant ces jeunes livrés à eux-mêmes. Pourtant, malgré l’injustice et les sévices subis, Paul-Henri et Max, animés par une volonté inflexible, refusent de se laisser briser. Ce récit dévoile leur incroyable force de résistance face à une situation inhumaine, une quête de justice et de dignité au milieu des épreuves.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Nans Delaire Gernigon s’est consacrée pleinement à l’écriture après avoir pris sa retraite. Membre de la Société des Écrivains Bretons et de la Société des Gens de Lettres, elle s’est distinguée dans le milieu littéraire par la puissance et l’intensité de ses écrits. Dans cet ouvrage, elle explore avec lucidité des problématiques sociales profondes, telles que le racisme et les violences sexuelles, offrant un regard percutant sur les dérives de notre société.
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Seitenzahl: 115
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Nans Delaire Gernigon
Les enfants de la Fournaise
Roman
© Lys Bleu Éditions – Nans Delaire Gernigon
ISBN : 979-10-422-5059-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
De la même auteure
À mon arrière-petit-fils Alex, né le 9 avril 2019 à Montréal,
et son petit frère Éli, né le 12 septembre 2021.
On est de son enfance comme on est d’un pays.
Antoine de Saint-Exupéry
Préface
De 1960 à 1983, plus de 2 000 enfants réunionnais ont été exilés en France métropolitaine, sous prétexte qu’ils auraient un avenir meilleur en métropole.
Je fais partie de ces enfants transplantés à l’âge de 3 ans.
Devenus adultes, pour ceux qui ont réussi à survivre, nous avons voulu savoir, voulu comprendre.
Pourquoi nous avons subi cet exil ?
Réunis en associations et en fédération, nous mettons toute notre énergie pour accompagner les chercheurs dans la quête des archives. Nous accompagnons tous ceux qui sont en quête de leurs racines, de leurs parents, leurs fratries et autres membres de leurs familles.
Nous répondons à tous ceux qui font partie de ce dispositif pour les orienter auprès du ministère des Outre-mer, et qu’ils puissent ainsi bénéficier de renseignements et d’aide au voyage à La Réunion et revoir leur île de naissance.
Je suis très touchée qu’une personne comme Nans Delaire Gernigon se soit intéressée à notre histoire et nous offre aujourd’hui son roman, qui, je l’espère, rencontrera beaucoup de lecteurs afin que cette histoire soit connue en métropole et à La Réunion. Nous avons besoin de faire corps et de faire histoire commune de tous les Français, où qu’ils vivent.
Pour nous, ce roman est aussi une source d’informations sur tous les pans de la vie d’un pays à l’égard des enfants pauvres : la politique, l’économie, la langue, l’histoire coloniale et postcoloniale, la psychologie et l’anthropologie, le droit, la démographie.
Pour avancer, nous avons besoin de connaître notre passé, que nos parents soient réhabilités et que nos enfants s’emparent de notre histoire sans en être victimes.
Plus jamais ça.
Merci Nans Delaire Gernigon.
Valérie Andanson
Exilée dans La Creuse à l’âge de 3 ans
Née Marie-Germaine Perigogne à La Réunion
Aujourd’hui née dans La Creuse, un acte d’État-Civil falsifié…
Je veux redevenir Réunionnaise, là est mon combat personnel.
1
Aéroport de Paris-Orly
Le 11 octobre 2018
Dans le haut-parleur, j’entends la voix de l’hôtesse qui invite les passagers en destination de Saint-Denis de la Réunion à se présenter pour l’embarquement. Je ne suis pas une fada de l’avion, mais pour se rendre à La Réunion, pas le choix. En franchissant la porte du Boeing, l’angoisse me gagne, assise à ma place, je pense à cette île qui se trouve à 10 000 kilomètres de la métropole.
Le commandant de bord annonce le décollage immédiat, mon billet aller et retour est dans mon sac.
Je reviendrai chez moi.
Je ne peux pas m’empêcher de penser à ces enfants déportés en métropole de 1963 à 1984. Ils n’ont pas eu cette chance, ils ont reçu un voyage pour un aller simple sans billet de retour. Sans espoir de revenir dans l’île qui les a vus naître. Sans le comprendre, je partais à la rencontre des enfants de la Fournaise.
Nans Delaire Gernigon
Bimidom, bimidom ou vol nout bann frer.
Bimidom, bimidom ramas pa manter.
Bimidom, bimidom ou fé mal nout ker.
Bimidom, bimidom na kas ton bann fer.
Traduit du créole réunionnais en français :
Bumidom, Bumidom, tu nous voles nos frères.
Bumidom, Bumidom, ne mens pas.
Bumidom, Bumidom, tu fais mal à nos cœurs.
Bumidom, Bumidom, nous concerns Tes fears.
Ziskakan
***
Le BUMIDOM, un nom terrible gravé à tout jamais dans les mémoires de toutes les personnes des îles
Le Bureau pour le développement des migrations intéressant les départements d’Outre-mer a été créé par Michel Debré après un voyage sur l’île de la Réunion où il accompagnait le général de Gaulle.
Le bureau a pour mission d’aménager et de programmer l’insertion et l’émigration des Français d’Outre-mer. En métropole, en Martinique, en Guadeloupe, ainsi que toutes les îles françaises de la Caraïbe et bien sûr les îles de l’océan Indien, mais surtout La Réunion.
L’élan démographique préoccupe l’hégémonie de métropole qui voit des désagréments familiaux susciter énormément de chômage dans l’île.
L’homme politique, Paul Verges, revendique l’autogestion de l’île de la Réunion. Impensable pour Paris, il n’est pas question que l’île ait son indépendance.
Avec les encouragements du général de Gaulle, Michel Debré, auquel Georges Pompidou a succédé depuis peu à la place de Premier ministre. Il décide de se présenter aux élections législatives partielles, il est élu dans la première circonscription, elle est l’une des sept circonscriptions législatives de l’île de La Réunion. Elle recouvre totalement le territoire de la commune de Saint-Denis jusqu’en 2010.
Cette élection va redorer son blason, car lors des élections législatives d’Indre-et-Loire, dans son fief, Michel Debré a été battu, il n’a recueilli que 46,67 % des suffrages. Alors que Fernand Berthouin, son adversaire inconnu, est devenu soudain une étoile montante avec 53,33 % des suffrages.Michel Debré a perdu sa crédibilité dans sa région, impitoyable défaite pour l’ancien Premier ministre, rabaissé par cette débâcle récoltée sur ses propres terres. Son orgueil est mis à mal, par dépit, il va aller se faire élire député l’année suivante à la Réunion. Michel Debré désire constituer un régime éloquent. Il faut spécifier que sa venue comme député est ponctuéepar son absolu désaccord à la déférence de l’affranchissement de l’Algérie.
Le BUMIDOM concerne les adultes consentants, trop de chômeurs dans le département d’Outre-mer et manque de travailleurs en métropole. Alors la décision est prise, on fera d’une pierre deux coups, des volontaires quittent la Réunion pour aller travailler dans l’hexagone.
Chaque année, pendant plusieurs décennies, environ 8 000 personnes vont partir pour la métropole, les autorités françaises leur promettant monts et merveilles. Mais elles vont vite le regretter et se rendre compte qu’on leur a menti sur leur destinée, une fois l’océan Indien traversé.
Dans cette magouille, on enverra une centaine d’enfants de La Réunion à plus de 10 000 kilomètres de chez eux, afin de commencer le repeuplement des départements désertés en France métropolitaine.
Le trafic des enfants de la Fournaise venait de commencer.
Pour réussir à s’implanter dans le cœur des Réunionnais, Michel Debré fait ouvrir dans l’île un centre d’orientation familial, il procède à l’ouverture de nombreuses cantines scolaires où les enfants reçoivent gratuitement du lait en poudre : le « lait de Papa Debré ». Il se bat pour que le gouvernement français ouvre un lycée au Tampon, commune au sud de l’île, le seul existant est à Saint-Denis. Comme cela, il était sûr que les habitants prendraient fait et cause pour sa personne.
« Je suis le père de vos enfants et le mari de vos femmes », disait Michel Debré aux hommes.
Cela lui donnait-il le droit de prendre les enfants de la Réunion pour les envoyer en métropole ?
Dans les années 60, La Réunion est un département français qui connaît des problèmes sanitaires, la pauvreté et beaucoup des naissances, ce qui provoque de vives agitations. Cela inquiète fortement le gouvernement français.
De quoi a peur le pouvoir politique ?
La démographie galopante ou la crainte que cette génération à venir demande l’indépendance de la Réunion,comme l’Algérie, Madagascar et l’Indochine…
Michel Debré va régner sur l’île jusqu’en 1974.
Les gouvernements de l’époque ne considéraient pas les Réunionnais comme des citoyens français.
Les faits sont épouvantables, les services de l’aide sociale à l’enfance maraudaient et repéraient les enfants pour les déportés en métropole, ils ont utilisé des procédés pas très honnêtes pour les soustraire à leur famille avec des promesses d’un avenir heureux en France.
***
2
Chacun a sa propre histoire, mais aucun d’entre eux ne s’en est sorti indemne.
Le Tampon
Paul-Henri, 12 ans, et sa sœur, Marie-Rose, 11 ans, font des plans sur la comète comme tous les enfants du monde. Ils se sont promis d’aller rendre visite au volcan, malgré l’interdiction de leurs parents et du maire du village, mais peu importe le contrordre, rien ne les empêchera de vagabonder où ils en ont envie. Leur père fait de petits boulots pour nourrir toute sa famille, qui compte plusieurs enfants. La mère vient d’accoucher de son huitième enfant, ce qui est courant à La Réunion, c’est que beaucoup d’enfants meurent à la naissance ou en bas âge. Elle a donné naissance à douze enfants, les enfants vivants sont vigoureux et pleins de vie, et ils mangent à leur faim.
En entrant dans la maison, Marie-Rose et Paul-Henri entendent le bébé pleurer, leur mère est allongée, la naissance de l’enfant l’a fatiguée. Elle a eu deux enfants en à peine un an.
— Donne-moi le poupon Marie-Rose, demande la maman d’une voix lasse.
Marie-Rose se penche sur le berceau, prend le bébé et le dépose sur le lit sur lequel sa mère se repose. Dans son coin, Paul-Henri grignote un morceau de gâteau patate que sa sœur aînée a confectionné la veille. Il pense à son aventure du lendemain, qui le conduira au Piton de la Fournaise.
Les enfants sont réveillés avant le lever du soleil. Le soleil se lève vers sept heures et se couche vers 18 heures sur l’île, donc pas de temps à perdre.
— Dépêche-toi, marche plus vite.
Paul-Henri houspille sa sœur qui commence à fatiguer, le garçon ne veut pas revenir sur ses pas, il veut voir le volcan.
— J’ai mal aux pieds, pleure Marie-Rose.
— Tant pis, avance, crie son frère.
Marie-Rose marche sur les anciennes coulées du Piton de la Fournaise. Enfin, ils l’aperçoivent.
— Comme il est beau, mon volcan, s’écrie Paul-Henri.
— Moi, il me fait peur, répond sa sœur.
Paul-Henri lève les épaules. Pour lui, rien n’est plus beau sur son île natale que le volcan le Piton de la Fournaise.
C’est ce jour-là qu’il avait décidé de devenir volcanologue, comme l’homme qui était venu à La Réunion pour étudier le Piton. Paul-Henri ne se souvenait plus de son nom, mais de son prénom : Haroun. C’est le maire qui en avait parlé avec le curé et son père. Et comme tous les enfants curieux, il avait écouté la conversation.
— Cours, Marie-Rose.
La nuit était tombée, Paul-Henri ne savait pas se diriger dans le noir, il entendait sangloter sa sœur. La peur le gagna et il décida de s’arrêter, tant pis pour les coups de ceinture à l’arrivée à la maison, il voulait protéger Marie-Rose.
Les enfants, épuisés, s’endormirent. Le soleil commençait à briller quand ils se réveillèrent, la faim se faisait sentir.
Les deux enfants retrouvèrent leur route sans problème, ils arrivèrent en vue de la maison.
Un attroupement devant la maison n’annonçait rien de bon, Paul-Henri aperçut son père et surtout sa ceinture.
Une voisine les avait vus.
Paul-Henri et Marie-Rose étaient tétanisés en voyant leur père se diriger vers eux.
L’inquiétude fait dire des choses que l’on regrette, que nous soyons parents à La Réunion ou en métropole. En dévorant son morceau de gâteau, Paul-Henri pensait à la Fournaise.
Il retournerait lui rendre visite.
Le maire l’avait prévenu que si cela se reproduisait, il sévirait.
Depuis son escapade à la Fournaise, il s’était encore fait remarquer sur le marché, Marie-Rose avait décidé d’avoir un petit bracelet. Il ne put résister aux pleurs de sa sœur, il s’était fait prendre en flagrant délit de vol, par cet acte. Il était devenu un enfant à risques. Le maire l’avait signalé à l’assistance publique.
Environ trois semaines plus tard, une voiture rouge se stationna devant la case, une femme en descendit, grande et sèche comme un coup de trique. Elle entra dans la maison sans s’annoncer, elle bredouilla un bonjour à peine audible.
Les parents ne comprenaient pas pourquoi cette dame était chez eux.