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L’autrice raconte comment elle grandit dans une famille aux apparences idéales.
Cette histoire fait naviguer entre les fragilités psychologiques familiales, les petites épreuves quotidiennes et l’envie de s’en sortir coûte que coûte jusqu’à ce qu’un événement tragique arrive.
C’est au travers de la relation à son père que l’autrice a souhaité raconter son parcours qui aurait été tout autre, sans doute, si cet homme n’avait pas occupé une place prépondérante dans la famille.
Ce récit raconte 25 ans de vie, d’une petite fille intrépide, à l’adolescente fragile ayant l’espoir de devenir un jour une femme avec l’esprit libre et la tête haute.
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Seitenzahl: 158
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Eva DURIGAU
MON PÈRE EST MORT DEUXFOIS
Ce soir tout est vide, c’est certainement pour cela que je décide de mettre des mots sur cette histoire devie.
Ça fait longtemps que j’y pense sans jamais oser sauter le pas, sans vraiment vouloir prendre le temps.
Je suis qui, moi, pour écrire un livre ? En quoi mon histoire peut-elle avoir de l’intérêt ? Après tout, tout le monde vit des histoires gaies, des moins gaies, des traumatismes, des changements.
Et à quoi cela va servir ? N’est-ce pas totalement narcissique comme démarche ?
J’ai essayé de répondre à ces questions et j’en suis arrivée à la conclusion que ce besoin d’écrire, qui me trotte dans la tête depuis des années, aujourd’hui j’ai juste envie d’y répondre.
Elle va bien rigoler ma copine Ch, elle qui a été le témoin de mon incroyable incapacité à lire durant toute ma vie scolaire et au-delà.
Et oui, me voilà maintenant à aligner des mots pour faire lire les autres ou du moins mes proches curieux et mes enfants.
Je l’écris aussi en hommage à mes parents et j’envoie plein de remerciements à ceux et celles qui ont toujours été là pour moi et qui le sont encore aujourd’hui, physiquement ou juste dans moncœur.
Je suis une personne introvertie (je l’ai compris il n’y a pas longtemps) et il reste encore des choses que je n’ai jamais osé dire. Certains passages peuvent choquer de par leur véracité, une véracité dont je n’ai pas toujours eu le courage de faire preuve.
Ce livre est une autobiographie que j’ai volontairement orientée au travers de ma relation paternelle et en second plan maternelle. Évidemment beaucoup de sujets ne sont pas traités, des sujets qui, pourquoi pas, feront l’objet de prochains livres, si ce premier opus ne m’en a pas découragée.
Ceci est mon histoire, celle que ma mémoire me restitue au fil des ans qui passent. Les personnes et personnages de cette histoire sont ceux de mon souvenir et de mon prisme, avec la déformation qui est la mienne.
En aucun cas, si des personnes se reconnaissent ou reconnaissent des gens de leur entourage, je ne veux déformer la réalité de leurs vécus ou de leurs ressentis. Chacun a droit à sa lecture et à sa romance.
Je suis une petite fille du Sud de la France, chez les catalans comme ils aiment le dire là-bas, c’est là-bas que je suis née.
J’ai onze mois tout pile quand John Lennon se fait assassiner (ça c’est juste pour ne pas vous donner la date exacte et pour penser à lui par la même occasion).
Je vis dans un lotissement récent, aux prémices des cités que l’on connaît aujourd’hui. Mon immeuble, je le reconnais du haut de mes quatre ou cinq ans grâce aux balcons couleur vert pomme flashy. Rattaché aux autres immeubles, ils bordent une rambla rouge de petits graviers où déambulent les vieux.
J’adore regarder dehors, les yeux dans le vide et je rêve que je suis dans une destination tropicale. Les palmiers présents partout sur les ronds-points et les trottoirs m’ont toujours fait croire que je vivais dans un pays exotique, sur une sorte d’île magnifique où beaucoup rêvent d’aller.
On passe notre temps à jouer sur un terre-plein entre deux barres d’immeubles. Quand je dis un terre-plein, en fait plus que ça, il y a de l’espace, des buissons pour se cacher et des pins avec leur odeur de sève. On s’envoie des cailloux à la gueule et on part à la chasse aux pignons.
On, ce sont les copains des immeubles d’en face, les voisines de l’étage et mes sœurs. Un joyeux bazar quand j’y repense.
Avec le recul je me dis que c’était une autre façon de vivre, avec tout le bruit, des cris, des mobylettes, des rires et l’écho que ça faisait entre les tours.
Ce que j’aime, quand on descend, c’est cette sensation de liberté, on y passe des heures à inventer des histoires et à vivre des aventures de dingue.
Enfin, les histoires de gosse, c’est surtout vrai pour moi. Mes sœurs, elles, sont déjà en âge de fumer des clopes en cachette pour l’une et de commencer à tester son pouvoir de séduction pour l’autre.
Un jour un p’tit gars joue avec nous, je ne le sens pas, il crie à tout va et à vrai dire il m’effraie un peu. Il passe son temps à jeter tout un tas de choses, des missiles sans doute, dans son histoire de combattant de l’extrême.
Et voilà qu’un missile vient tout droit sur moi avec une vitesse telle que je ne pus l’éviter. C’est la douleur qui me fait réaliser que son missile, un vulgaire morceau de cagette, vient de s’enfoncer dans ma voûte plantaire droite.
Alerte rouge ! Alerte rouge !
Tout le monde aux abois, vite il faut rapatrier la blessée !
Tout ce sang qui coule laisse une trace derrière mon passage à mesure que mes sœurs me conduisent bras dessus, bras dessous vers notre appartement.
Je n’ai jamais oublié la réaction de ma mère, toute paniquée de voir mon sang couler à flots.
Et, entendant tout le chahut venant du couloir de l’entrée, mon père arrive tel un super héros sorti de nulle part ou certainement du fond de son canapé, pour gérer la situation. Il repousse ma mère et s’enferme avec moi dans la cuisine pour me soigner et ne pas m’effrayer davantage. Il a des mots rassurants, c’est vrai, je vois bien qu’il va me sauver.
Sur le coup je le trouve dur avec maman. Elle, elle s’inquiète pour moi et réagit de son émotion de maman qu’il a balayée en deux secondes.
Lui, il réagit “comme un homme”, cet être fort qui intervient quand la situation vacille… C’est comme ça que je l’ai perçu toute ma vie d’enfant et d’adolescente.
Il avait raison dans le fond, il faut à ce moment-là gérer l’urgence et laisser ma mère prendre surelle.
Alors, il m’assoie sur la table de la cuisine en sommant ma mère : “rapporte-moi la trousse à pharmacie, bandages, ciseaux, désinfectant…” Ma mère s’exécute sans un mot, elle sait qu’il vaut mieux qu’elle se taise. Son devoir c’est de répondre aux ordres et elle le fait bien.
Cela me rassure que maman soit là, tout près, parce qu’il faut dire que si lui a les gestes qui sauvent, elle, elle a tout le reste. Un simple de ses regards de tendresse, un mot de courage sorti de sa bouche sont les seules choses qui m’ont toujours réconfortée réellement.
Il s’en est passé des choses folles en bas de l’immeuble. C’est là que j’ai appris à faire du vélo aussi, vous savez ces vélos cross, il était rouge, quelle fierté !
Apprendre à faire du vélo, c’est aussi un rôle pour papa. Sa technique, très simple :
–“Tu vois la petite descente le long des garages ? Eh bien, tu vas te mettre là-haut et quand je te dirai “pédale”, tu pédales !”.
Non sans appréhension, mais avec toute la retenue de circonstance, je m’exécute. Hors de question de montrer mon inquiétude et de passer pour une petite fille peureuse. J’ai envie que tu sois fier de moi, papa. Ça y est, j’y suis, je suis en haut. Il met sa main sur le derrière de la selle, donne une grande impulsion, mon vélo s’élance et il crie :
–“Pédale, pédale !!”.
Dans ma tête je n’entends que le silence de mes neurones qui se connectent pour gérer ce stress, garder la tête haute et aussi l’équilibre.
Soudain le silence laisse placeà:
– “Freine, freine, appuie sur les freins !!”
Un éclair me transperce le corps, vous savez cette sensation de danger imminent qui vous enjoint de réagir.
Trop tard pour cette fois, je finis par perdre le contrôle et tomber au sol. Alors là c’est la honte, je me relève aussitôt, même pas mal. On en reste là, il me tape sur l’épaule pour m’encourager, c’est sa façon à lui de me rassurer et de faire en sorte que je persévère.
J’ai fini par apprendre à faire du vélo seule, à m’entraîner tous les jours qui ont suivi pour que cette expérience soit tout de même gravée dans mon esprit comme le départ de mon apprentissage.
C’est important pour moi que ce soit mon père qui m’ait appris à faire du vélo, c’est pour lavie.
Les heures passées en bas auront été riches d’apprentissages et d’expériences. Le meilleur souvenir est sans aucun doute, un instant : l’heure du goûter. On entend ma mère crier par la fenêtre nos trois prénoms… Attention, tout le monde s’écarte! et BAM, un sac envoyé du deuxième étage contenant biscuits et gourdes en plastique. Vous savez ces gourdes en plastique de la marque pour laquelle pas mal de ménagères des années quatre-vingt participaient à des réunions. Ma mère en faisait partie d’ailleurs, je n’ai jamais compris comment on pouvait se prendre d’intérêt pour des ustensiles de cuisine.
J’adorais ce moment, la découverte magique, du goûter qui finissait toujours divisé en douze pour que tout le monde en profite. Mais la gourde c’était la mienne, elle avait ma couleur et ma grenadine à l’intérieur et elle avait un bon goût de plastique de ces années-là.
Ma mère était vraiment cool, la seule contrainte c’était de rentrer pour le dîner.
Bon oui, ce n’était pas tous les jours comme ça, uniquement le week-end et les vacances parce que le reste du temps il y avait école. Et quand il y a école, c’est une autre histoire.
Ah… L’école, quelle galère! Du plus jeune âge dont je me souvienne, quatre ans, c’est un calvaire pour moi mais je ne sais pas pour quelles raisons.
J’y vais à pied avec ma sœur et je croise toujours un ou deux copains en route. J’aime bien y aller sans adulte, ça me fait me sentir “grande”.
Quand j’y repense, maintenant que je suis mère, ça ne me viendrait pas à l’esprit de laisser mes enfants âgés de quatre et neuf ans aller à l’école tout seuls…
Devant l’école, tous les matins j’ai la boule au ventre, pourtant j’ai des super copines, c’est facile pour moi, je suis sage et bonne élève, mystère.
Le pire souvenir que j’ai c’est mon passage en CP, j’ai cinq ans, il a été décidé de me faire sauter la dernière année d’école maternelle et on a décidé, dans le même temps, de me séparer de mes deux copines de toujours. Elles sont dans la même classe et moi je suis seule dans l’autre classe. Cette année-là me revient toujours en horreur. Disons que je fais ce que je dois faire mais je ne suis pas vraiment là, j’attends chaque jour que la journée se termine.
Le premier jour dans la classe de CP a marqué à jamais ma façon de répondre aux gens. La maîtresse me demande où je suis née, comme à tous les élèves de la section, pour faire connaissance.
Je réponds : “Je suis née ici”.
Comme s’adressant à une demeurée, elle me rétorque avec un ton humiliant : “Ici ? où ici ? dans la classe ?”
Je n’avais même plus envie de lui répondre, elle avait parfaitement compris ce que j’entendais par là. Je suis restée muette et ce, pour le reste de l’année scolaire.
Cette dame m’a profondément marquée pour une autre chose aussi. J’avais les cheveux courts, par choix esthétique, et malgré les quelques robes que ma mère parvenait parfois à me faire porter et la couleur rose que j’adorais entre toutes, toute l’année durant elle s’adressa à moi en disant “il”. Je n’en ai jamais parlé, je me disais qu’elle était vieille et déjà certainement en train de perdre la boule.
La sonnerie de fin de journée est celle de la délivrance, celle qui fait revenir ma joie de vivre car je suis une enfant gaie et pleine de vie, intrépide même, je dirais.
Sur le chemin du retour, ma sœur veut souvent s’arrêter en route et rentrer dans l’église.
Dieu, y a un Dieu ? pas pour moi.
Papa dit être athée et papa, il est pragmatique, cartésien, je l’admire pour ça. Mais elle, en secret, veut y croire, elle cherche quelque chose. Alors elle rentre et je l’attends, le temps qu’elle se recueille et ça reste un secret entrenous.
De mon côté j’en profite pour attraper quelques lézards et observer comme ils laissent tomber leurs queues pour pouvoir s’échapper. Ils ont un pouvoir magique les lézards, c’est fascinant.
Ma sœur est plus âgée et fragile, plus que moi. Avec le temps, on ne sait plus bien qui est la grande sœur et qui protège l’autre. Jusqu’à l’âge de cinq ans on partage la même chambre, on est très proches mais pas complices.
Dans notre chambre, j’ai le lit près de la fenêtre et elle celui près de la porte. La tapisserie est de tons pâles rose, bleu, jaune, avec un motif qui se répète : une petite fille qui fait de la balançoire, des enfants qui jouent. Vous savez, de ces dessins à la mode des années soixante-dix représentant des enfants des rues, les “Poulbots” du nom de leur dessinateur.
J’en ai passé du temps à rêver, allongée sur mon lit en regardant ces enfants sur la tapisserie. Sauf que dans mon esprit, ils prennent vie, je les vois jouer, rire et je m’imagine parmieux.
Ma sœur parle peu, elle fait sa petite vie, elle est secrète. J’aime bien quand elle accepte de jouer avec moi ou juste de discuter le soir quand la porte se referme après les baisers de notre mère. Ce n’est pas souvent ; alors chaque occasion est bonne à prendre et tant pis si ensuite on se fait gronder parce qu’on fait trop de bruit.
Je la trouve jolie ma sœur, elle fait de la danse, elle est de petite taille et toute menue. Elle est blonde aux yeux marrons et assez girly. Moi je suis un garçon manqué, je déteste les jupes et les trucs de filles, j’ai les cheveux châtains courts et de grands yeux verts, je suis grande pour monâge.
On pourrait presque en oublier que je suis une toute petite fille.
Durant cette première année de primaire, il y a quand même une chose que je dois avouer. Je tombe amoureuse pour la première fois. Il s’appelle Mehdi, il est mignon avec ses cheveux bouclés. Il joue avec moi parfois, il devient mon seul repère affectif et gravé dans ma tête pour toujours.
En plus il est d’origine maghrébine et ça c’est cool parce que mon père est né à Alger alors ça leur fait un autre point commun, avec les cheveux.
C’est fou que, dans la tête d’une toute petite fille, mettre en correspondance les origines ethniques de son amoureux en culotte courte avec celles supposées de son père puisse être important. Je comprends plus tard que mon père est certes né en Algérie mais pas Algérien, il est Pieds-noirs et est déjà un modèle d’homme à aimer.
Mon père est un séducteur, pas très grand, de style méditerranéen, à la peau matte et tout le temps à faire des blagues.
J’adore passer du temps avec lui, il est peu loquace, ce qui me va très bien parce que moi non plus je n’aime pas trop parler. Ensemble on ne fait en réalité pas grand-chose mais moi, je fais beaucoup de choses aveclui.
J’aime m’asseoir dans le fauteuil à côté de lui lorsqu’il regarde la télévision, j’aime l’observer lorsqu’il fume sa pipe ou son cigarillos. Ça sent vraiment mauvais mais les volutes et la fumée qui sortent de sa bouche, je trouve ça joli. Y a comme une élégance qui émane de lui quand il fume, c’est ça une élégance et un charisme, il est charismatique monpère.
Mon père est passionné de moto tout terrain, dès qu’il le peut, il passe du temps à la bichonner après ses sorties. Nous n’avons qu’une petite cave dans l’immeuble où elle rentre péniblement ; du coup lui aussi il passe des heures dans la rue en bas de l’immeuble pour en prendre soin. J’en profite pour le regarder faire, comprendre un peu comment ça marche pour entrer en interaction avec lui. Ce que j’attends le plus c’est quand elle est fin prête à repartir pour une prochaine épopée. Avant de la remettre dans la cave, il m’emmène toujours, tel un chevalier, faire le tour du quartier. Je monte devant lui et je me tiens à la barre transversale munie d’un coussinet en mousse dont il a équipé son bolide.
Je me cramponne du plus fort que je peux pour être certaine de ne pas tomber et quand il tourne la poignée de l’accélérateur, j’ai l’impression de m’envoler. J’adore ça, j’adore ça, pas la moto, le fait d’être avec lui et de partager sa passion l’espace de dix minutes.
La moto ça me fait peur et ça fait sentir mauvais, en plus ça fait beaucoup trop de bruit pour mes oreilles.
Tout ça n’est rien à côté de la chance de passer du temps avec lui et de le rendrefier.
C’est comme ça qu’au détour d’un rallye je me retrouve prise au piège.
C’est l’été et, comme chaque été de ma petite enfance, nous partons dans des endroits où se déroulent des courses de motos.
Cette année-là une petite piste est aménagée pour les enfants et des Mini Motos sont mises à disposition pour les plus téméraires. Il n’y a que des garçons dans l’assemblée et, quand mon père me demande si je veux essayer, je n’ai pu que répondre par l’affirmative. Lui dire non, lui montrer qu’en réalité ça me tétanise, ce serait perdre de son estime.
Je me retrouve ainsi au guidon de ma petite bécane et je file en direction des premières bosses. Et de une, et de deux, et de trois, je commence à prendre confiance et finalement je me débrouille pas mal, je serais presque en train de crâner avec mon casque sur la tête au milieu de cette bande de mecs. C’est à ce moment-là que les choses se gâtent, le tour de trop, celui qui m’envoie valser et retomber dans la poussière, le mollet collé au pot d’échappement.
Impossible de passer inaperçue, tout le monde se rue sur moi, j’ai mal comme jamais, mon mollet est brûlé mais je feins le fait que c’est très supportable. Ce jour-là j’ai pris conscience que lui faire plaisir ce ne sera plus jamais aux dépens de l’écoute de mes craintes. Dorénavant je ferai comme les autres, je me limiterai à faire la groupie et ce sera très bien. Je trouverai bien d’autres façons pour qu’il m’aime.