Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
"Oublié de tous" est tiré d’une histoire véridique marquée par le silence et les tabous entourant les maladies psychiatriques au milieu du XXe siècle. Ce récit relate la vie d’un oncle méconnu qui a enduré l’impensable depuis son enfance, délibérément caché à tous ceux qui ne l’ont pas connu. À travers cet ouvrage,
Marie-Annick Faydi vise à rétablir la place de Pierrot au sein de sa famille et dans le monde. Cet enfant, mal compris par le public de l’époque, avait pour seul rêve de vivre pleinement sa vie brisée par des traitements barbares.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Marie-Annick Faydi, lauréate de plusieurs prix en poésie, a commencé à éditer ses œuvres en 2011. Elle rédige ce livre à la demande de son défunt père qui souhaite faire revivre la mémoire de son frère. En 2016, elle achève le récit de la vie de son oncle Pierrot jusqu’alors méconnu et tu, offrant alors à ce dernier la chance de retrouver sa place au sein de la famille.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 86
Veröffentlichungsjahr: 2024
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Marie-Annick Faydi
Oublié de tous
© Lys Bleu Éditions – Marie-Annick Faydi
ISBN : 979-10-422-2000-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
2011 :
Ressac
, recueil poétique ;
2016 :
Offrante
, proses et poésies ;
2018 :
La force du Phénix
, journal autobiographique ;
2019 :
Les cris des mots
, proses et poésie ;
2023 :
Empreinte
.
2008 : 1
er
prix de prose poétique, poésie de la Société des Poètes français, Midi-Pyrénées ;
1
er
prix de poésie libre de la Société des Poètes et Artistes de France, Midi-Pyrénées ;
2010 : 3
e
prix de prose de la Société des Poètes français, Midi-Pyrénées ;
2003 : 3
e
prix de poésie libre, grand prix du Scribe d’Opale ;
À mon oncle, Pierre ;
À mon père, Raymond.
Je m’appelle Pierre, mais ma famille me surnomme « Pierrot ». Je suis né le 22 novembre 1930, quatre ans après mon frère, à Agen, dans le sud-ouest de la France, et suis décédé le 18 avril 1963 à l’Hôpital Psychiatrique de Lannemezan.
Et je n’existe pour personne. Passé sous silence par tous…
De là où je vous écris, je vois clair, enfin, et peux raconter toute ma vie distinctement.
Nous sommes dans l’entre-deux-guerres à ma naissance. Je suis un beau bébé qui grandit sans problème jusqu’à ses 6 ans.
Mes parents, Albert et Marguerite, instituteurs tous les deux, enseignent à Dune, dans la région de Valence d’Agen, depuis 1925 et ce, jusqu’en 1940. Dans les années 30, ils occupent un logement de fonction à l’école, c’est là que je suis né.
Dès 1936, s’il est un lieu dont je me souviens, ce n’est ni de la chambre que je partage avec mon frère ni du séjour encombré de vieux meubles noircis au brou de noix mais de la cave. Mon père m’y enferme à la moindre occasion. Je crie, je hurle, terrorisé, afin qu’il vienne me libérer. Mon frère, Raymond, caché dans un recoin du préau, regarde la scène, terrifié, impuissant, et en pleurs devant la cruauté de notre paternel qui ne vient me délivrer que lorsqu’il le décide. Sa grosse main me tire alors vers la sortie et c’est à coups de pied qu’il me pousse dans ma chambre.
Ma mère, alors âgée de 38 ans, commence à être malentendante. Le phénomène s’est aggravé avec le temps, jusqu’à une surdité totale à l’âge de 54 ans.
Mes 6 ans : diagnostic d’une insuffisance cardiaque et une lordo-scoliose importante. Ne pas être « normal » devient la hantise de mon père qui doute déjà à mon sujet… jusqu’au jour où… les chirurgiens m’enferment littéralement dans un corset en plâtre qu’ils changent au fur et à mesure de ma croissance. Trop lourd. J’étouffe, douleurs chroniques du dos, problème d’hygiène, difficulté de rester assis, démangeaisons, railleries et quolibets de la part des élèves de ma classe.
À l’école, les enfants sont sans pitié. Tous veulent toucher le « bossu », comme ils disent, pendant les récréations. Ils tournent autour de moi pour m’attraper et taper sur mon corset.
« Un bossu, ça sonne creux et ça pue ! » hurlent-ils en me frappant fort.
« Laissez-moi ! Ne me touchez plus ! » supplié-je en larmes alors qu’ils me mettent à terre.
« Vas-y, lève-toi maintenant et fais-nous la tortue qui rampe avec sa carapace ! » continuent-ils avec sadisme, en riant.
« Allez-vous-en, laissez-moi tranquille ! »
J’ai un mal fou à me relever tant ce corset est lourd. Je dois me traîner jusqu’à un tronc d’arbre ou un piquet pour arriver à me redresser sous les rires sarcastiques des élèves.
Je n’ai jamais pu me faire d’ami…
Mon père, qui surveille toutes les récréations, n’est jamais venu à ma rescousse, même en 7e, classe dans laquelle il enseigne et où je me suis trouvé. Pire : il m’a ignoré, voire humilié régulièrement devant tous les autres élèves.
Pourtant, j’aime l’école. Tout ce que j’y apprends me passionne. J’ai un faible pour les sciences naturelles. Je me rappelle les journées où l’instituteur nous conduisait en forêt pour y observer la faune et la flore. Les animaux, les fleurs aux corolles de toutes les couleurs, les différents arbres, les herbes de toute sorte me ravissent. Je ne pense plus à mes malheurs et respire la vie à pleins poumons. Mais il faut bien rentrer, hélas.
Toute mon enfance à l’école primaire se passe ainsi, entre la soif d’apprendre mais surtout la douleur morale et physique. Je rêve en secret de pouvoir un jour tous les frapper, et je manifeste de plus en plus d’accès de violence contre les meubles et les murs de ma chambre. Je tape les objets jusqu’à m’en faire saigner les mains. Puis dans la solitude morne de la pièce, je me mets à pleurer.
Maman fait tout pour cacher mes dégâts et me soigne les mains alors que je sanglote encore, avachi sur mon lit.
Un jour, je cogne si fort sur ma bibliothèque que j’en brise la vitre. Mon bras est en sang et, de plus, je me casse l’humérus. Un second plâtre m’alourdit encore plus, telle une tortue à qui l’on a mis une attelle.
Pour arranger les choses, je reste énurétique jusqu’à mes 11 ans. C’est avec la boule au ventre que je m’endors et prie pour que cela cesse, mais c’est impossible. J’ai droit, tous les matins, aux reproches violents et aux coups de mon père qui ne supporte plus le « pipi au lit ». Maman doit changer et laver les draps tous les jours et je me sens coupable de lui donner encore plus de travail. Heureusement, ce phénomène s’est arrêté tout seul un beau jour : un grand soulagement pour tout le monde.
Je prie chaque matin pour redevenir « normal ». La vie de tous en serait changée, calme et paisible… Mais tel est mon lot. Je me culpabilise beaucoup.
En 1936, date des premiers congés payés, mes parents achètent une automobile : une belle Rosalie Citroën noire, la première dans ce coin-ci. Nous passons des vacances prolongées au bord de l’Océan. Beaucoup de gens nous jalousent.
J’y coule des jours un peu moins malheureux que d’habitude malgré les douleurs dorsales qui ne me lâchent plus avec mon corset en plâtre, un moral très bas et des insomnies récurrentes, rendant mon père à cran mais, paradoxalement, moins violent que d’habitude car plus détendu.
Nous allons la plupart du temps à Lacanau où mes parents louent une petite maison au milieu des pins. Là-bas, tout aurait dû devenir calme, beau et enchanteur, mais mon cœur est brisé par tous mes ennuis de santé et la mélancolie qui s’y est installée.
Je profite un peu de jouer avec mon frère qui est tout le contraire de moi : beau gosse brillant que toutes les filles admirent. Je suis jaloux de lui, je crois, mais c’est mon frère, je l’aime et suis le premier à me réjouir de ses réussites. Nous sommes très proches.
À marée basse, nous allons chercher des coquillages. Nous fouillons le sable et les rochers que nous soulevons pour y dégoter des petites merveilles que nous déposons délicatement dans des seaux. Ainsi, nous parcourons des kilomètres sur la plage.
Mon frère et moi jouons en nous envoyant des algues à la figure, ce qui fait même sourire mon père. Fort rare ! Il semble un peu plus décontracté et moins strict qu’à l’accoutumée, sans doute parce qu’il ne subit plus le regard des autres par rapport à moi. Mais je reçois encore des coups, la nuit surtout, lorsque je déambule sans but. Mon âme est noire et mon dos me fait terriblement souffrir.
À marée haute, c’est l’heure de la baignade. Hélas, avec cet horrible corset, je ne peux pas m’immerger. Les deux pieds dans l’eau, je dois me contenter de regarder les autres batifoler dans les vagues et retrouve la frustration de toujours. Je pleure devant ce spectacle. Seul sur la plage, les larmes coulent, dans un immense désarroi, pour rejoindre l’océan.
À l’heure du pique-nique, maman nous appelle et nous mangeons de gros melons délicieux, ou de belles pastèques, du jambon de pays et des sandwichs au thon. Une recette qu’elle garde secrète.
Enfin un peu de douceur grâce à elle !
Lorsqu’il fait trop chaud : sieste pour tout le monde. Mais quand le temps est clément, nous prenons la Rosalie et allons visiter les environs. Mon père nous apprend mille et une choses intéressantes et nous n’en revenons pas de l’étendue de sa culture. C’est magique ! Enfin, je retrouve un papa à peu près normal qui n’a pas à se préoccuper de mon handicap par rapport au jugement des personnes qu’il connaît.
Le soir, nous dînons de notre pêche du matin : moules, huîtres, oursins, bulots, etc.
Mes parents affectionnent particulièrement la côte atlantique.
D’autres fois, nous allons en vacances à Royan ou dans le Pays basque. Je me souviens bien aussi de la Hume, au bord d’une plage bordée de tamaris et de pins. De là, la vue sur le bassin d’Arcachon est imprenable.
Tous ces endroits subsistent encore, dans mes souvenirs, comme des oasis de bonheur grâce à l’attitude d’un père moins virulent et plus humain. De plus, les lieux que nous visitons sont charmants, merveilleux et envoûtants. Je fuis un peu, l’espace de deux mois, la violence et la cruauté de ma vie.