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"(Presque) comme une lettre à la poste" suit le cheminement d’Hugues, un homme qui s’est bâti avec persévérance. Né dans un foyer aimant, il avance avec rigueur dans ses études, forge des amitiés sincères et construit sa carrière. Tout semble sous contrôle, jusqu’à ce qu’il croise Dolorès, une jeune femme complexe, qui l’entraîne dans une spirale de jalousie et de dépendance. Pris dans cette relation destructrice et sous la pression de sa belle-famille, il voit ses ambitions s’effondrer. Pourtant, son désir de briller et de s’émanciper reste intact. Réussira-t-il à se libérer de l’emprise de Dolorès et à reprendre le contrôle de sa destinée ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Formateur à la poste internationale de Lyon, puis directeur des centres de tri postal à travers la France, l’écriture demeure un pilier essentiel dans la vie de
Jean-Jacques Glotin. Après la parution de son premier roman, "Du rififi chez les blouses blanches", en 2023 aux éditions Le Lys Bleu, il propose à ses lecteurs son second ouvrage, "(Presque) comme une lettre à la poste".
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Seitenzahl: 179
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Jean-Jacques Glotin
(Presque) comme une lettre
à la poste
© Lys Bleu Éditions – Jean-Jacques Glotin
ISBN : 979-10-422-4932-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Toute ressemblance ou homonymie avec des personnages existants ou disparus ne serait que pure coïncidence. Les situations relatées sont également purement fictives.
À ceux que j’aime et à ceux que j’ai aimés
Les erreurs ne se regrettent pas, elles s’assument.
La peur ne se fuit pas, elle se surmonte.
L’Amour ne se crie pas, il se prouve.
Simone Veil
Chaque vendredi, Hugues se réjouissait à l’idée de rejoindre la station balnéaire de son enfance.
Cette charmante cité vendéenne, il l’avait découverte un peu par hasard, il n’avait alors pas quatre ans.
Mais la toute première fois qu’il avait pris le train, ce fut un évènement incommensurable. Lui, Hugues, fils unique à cette époque-là, avait dû se lever à six heures du matin, pour se rendre à Saint-Nazaire, première destination du périple. Il s’agissait de rendre visite à son grand-oncle qui habitait non loin de là, à Trignac.
Quelle aventure pour Hugues qui n’était jamais sorti de sa cité HLM !
Le seul voyage qu’il avait fait jusque-là, c’était sur le siège-enfant du vélo de son père, pour aller à l’autre bout de la ville, chez le frère de ce dernier, qui se trouvait être son parrain. Émile et la tante Madeleine demeuraient dans le quartier Saint-Léonard.
Cette escapade dominicale lui permettait de retrouver les cousines et les cousins ; en particulier, un garçon de son âge, Christian, avec qui il resta complice pendant longtemps.
Pour en revenir à la cité vendéenne, il faudra attendre un peu, et faire une halte qui s’avérera être une vraie révélation.
Le train qui avait transporté son père, sa mère et le petit Hugues, allait lui apporter l’évasion nécessaire à sa condition.
Tout d’abord, la découverte des immenses bateaux, aux Chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire. Hugues se sentait tellement petit, presque minuscule, face à ces géants des mers.
Dans sa tête de petit garçon de quatre ans, il se demandait comment des mastodontes, comme ceux-là, pouvaient flotter sur l’océan. Ce qui l’étonna, ce fut tout d’abord, cette odeur qu’il ignorait, cette atmosphère emplie d’iode qui arrivait à ses narines. Puis, il y eut ce vent frais qui venait envahir ses petits poumons : il en avait presque le vertige. Quel bonheur de découvrir un autre environnement, pour Hugues qui n’avait jamais goûté jusque-là, au plaisir du voyage ou de l’évasion.
Déambuler entre son père et sa mère, à quelques mètres des navires en construction : cela, jamais, il ne l’avait imaginé ! Un tel ravissement, même dans ses rêves les plus fantasques, jamais le petit Hugues ne l’avait ressenti. D’ailleurs, il ne soupçonnait pas même, qu’à plus de deux heures de train de chez lui, ces incroyables et gigantesques chantiers puissent exister : d’immenses grues bleues semblaient monter à des centaines de mètres au-dessus des navires, sur lesquels des hommes, qui ne paraissaient pas plus gros que des personnages de « Playmobil », s’affairaient à souder des pans entiers de plaques métalliques qui laissaient s’envoler des éclairs de brasures au milieu des pièces sur lesquelles ces petits bonshommes frappaient avec une force telle que la caisse de résonance semblait sortir du ventre de cette carcasse monstrueuse et majestueuse à la fois.
Puis, la petite famille décida de continuer à cheminer le long des chantiers pour arriver aux pieds d’énormes bunkers de béton.
Là, mon Papa m’expliqua qu’il s’agissait d’une ancienne base sous-marine, érigée lors de la Deuxième Guerre mondiale par les Allemands venus attaquer les navires alliés… Il ajouta qu’à quinze kilomètres de l’embouchure du port, un bâtiment britannique – il fallait que je traduise : un paquebot –, le « Lancastria » fut coulé, avec à son bord, quatre mille marins qui périrent. Environ deux mille furent repêchés, et Papa de compléter le propos : « Nous n’étions que le 17 juin 1940. »
Devant ce récit, moi, petit garçon, j’étais terrifié.
Devinant mon désarroi, Papa n’insista pas.
Nous prîmes un car pour rendre visite à un oncle de mon père à Trignac.
Bien entendu, le frère de mon père étant décédé, nous n’avions pour toute information, que le prénom : Émile ; pas d’adresse exacte. Alors, Papa décida de se rendre à la mairie de la commune afin d’y obtenir, peut-être, le fameux sésame.
Là, surprise ! La secrétaire de la mairie, lui dit tout de go :
Mon père répond tout de suite :
La dame lui rétorque :
Mon père s’empresse alors de montrer sa carte d’identité pour justifier la demande de l’agent municipal.
Nous traversons la petite ville faite de maisons aux toits d’ardoise et de murs blancs peints à la chaux. Nous arrivons.
Mon père frappe à la porte. Nous attendons quelques minutes. Arrive par l’ouverture un tout-petit bonhomme au regard malicieux :
S’ensuivit une longue étreinte entre les deux hommes : pendant de longues minutes, sans dire un mot.
Ma mère et moi restions là, émus par ces retrouvailles.
Le fameux tonton, la larme à l’œil, nous invite :
Je le regarde. Il est en train de mâchouiller un morceau de bois. Je suis intrigué, mais trop timide pour poser quelque question !
Le vieux bonhomme me demande :
Je répète :
La fin de sa réponse ne demandait pas de réplique : il avait pris un ton bourru, mais les yeux étaient malicieux !
Puis, il continua en racontant à mes parents sa vie en long et en large. Comme je me dandinais sur ma chaise, il s’en aperçut, alors il m’interrogea :
Vue de l’extérieur, la cabane me paraît convenable : elle est semblable à un abri de jardin qui serait peint en bleu, avec un petit trou en forme de cœur dans la porte. Mais ça se gâte quand on entre dans l’édifice. Les sièges sont faits de planches, mais surtout… c’est à vomir, tellement ça sent mauvais. Des mouches vertes ont pris place au fond de ce cloaque, et le papier hygiénique (si l’on peut employer ce qualificatif !) consiste en de vieilles feuilles de journaux. À gauche, Presse Océan, à droite, Ouest-France : c’est selon ! Quand on entre là-dedans, on n’a qu’un seul souhait : c’est sortir ! Et l’envie, que ce soit d’un bout ou de l’autre, n’incite pas à musarder ou à lire les vieux articles des quotidiens, jaunis par le temps !
Maman m’attendait à la porte, et en me regardant :
Le petit garçon que j’étais ne répondit pas, mais n’avait qu’une hâte : partir de cet endroit le plus tôt possible.
Mais il n’en fut rien. Les heures qui suivirent durèrent une éternité. Les adultes discutaient à propos de la famille, chacun donnant des nouvelles de tel ou tel qui s’était marié ou avait eu un enfant, ou l’autre qui était décédé. Je me disais : « Ils vont en avoir encore pour longtemps ? Elle me paraît immense cette famille ! »
Le clou de cette fin d’après-midi fut l’évocation de la défunte femme de notre hôte. L’oncle de mon père expliqua que son épouse, Louise, avait quitté ce monde trois mois plus tôt. Le vieux bonhomme s’effondra en pleurs, en décrivant la triste fin de sa Louise. Il était intarissable sur ses qualités et son courage.
Le carillon de la pièce qui servait à la fois de cuisine et de séjour n’en finissait pas de tinter de façon lugubre. J’eus l’impression de revivre le calvaire de cette pauvre femme, ponctué par les coups incessants joués par ce carillon.
Arriva enfin un moment un peu plus sympathique et festif : l’heure de l’apéritif. L’oncle Émile, heureux de recevoir des membres de la famille, s’empressa de sortir quatre verres du buffet en Formica beige et bleu.
Mon père, très respectueux, répondit :
Le tonton, très attentionné, sortit un paquet de gâteaux et me dit :
Et il me servit de la limonade et des palets bretons qui me parurent bien humides et qui s’émiettèrent sur la table devant moi. Cependant, j’appréciais que le vieux tonton s’intéressât à moi, car j’en avais soupé de leurs histoires à dormir debout. Le clou de la soirée fut quand il dit :
En deux temps trois mouvements, il sortit les assiettes, les couverts, et de derrière un rideau, dessous l’escalier, un fait-tout qui, de toute vraisemblance, devait contenir la soupe. Il mit le récipient sur un réchaud à gaz, d’une autre époque. Dans ce capharnaüm, de dessous l’escalier, Tonton extirpa une louche en alu, et posa ce qui servait de soupière au beau milieu de la table, sur un dessous-de-plat orné d’un tryskell, afin de ne pas abîmer la toile cirée. En ouvrant le couvercle et en voyant la soupe, il déclara :
Il se saisit d’un couteau, commença à débiter des petits morceaux de pain rassis et les déposa dans nos assiettes. J’étais subjugué par sa dextérité à découper les bûchettes de pain avec son couteau de forme ovale.
La soupe avait un goût étrange que je ne connaissais pas. Me voyant hésiter après avoir avalé la première cuillerée, le tonton me dit :
Évidemment, j’ignorais complètement cette saveur qui donnait bien la sensation d’avaler des morceaux de viande, mais sans avoir à les croquer ! Cependant, j’avais faim. Le sandwich du midi était bien loin, et la fatigue commençait à se faire sentir : car debout depuis cinq heures du matin, pour un môme de mon âge, c’était déjà un exploit que d’avoir tenu si longtemps !
Le pain de campagne accompagné du pâté fut un délice. Cependant, le sommeil l’emporta sur la fin du repas, et je m’endormis comme une masse contre le bras de ma mère.
Le lendemain matin, vers huit heures, mon père me réveilla :
Je m’étirai, et m’aperçus que j’avais dormi tout habillé, dans un lit-cage entouré de rebords en ferraille quelque peu rouillés. La couverture qui m’avait tenu chaud toute la nuit sentait la poussière et surtout l’humidité. Je m’extirpais alors de ce lit d’un autre âge, mais j’avais récupéré et je me sentais en pleine forme, prêt à affronter une nouvelle journée d’aventures au bord de la mer.
Maman était allée acheter du pain frais et des croissants. Ce fut un vrai petit-déjeuner de fête.
L’oncle Émile, d’humeur très joyeuse, nous dit :
Il embrassa mes parents, me souleva et prononça ces quelques mots, qui résonnèrent longtemps dans ma petite tête :
Avant de quitter la pièce, il ajouta :
Ce fut la première et la dernière fois que je vis ce vieux bonhomme jovial qui, en partant, glissa un pot de confiture de fraises de son jardin. Il avait vu combien je les avais appréciées sur les tartines de beurre salé, au petit-déjeuner.
Nous nous sommes donc rendus à l’arrêt de car, et il était temps, car à peine arrivés, que le nez du « Saviem » apparaissait. Notre destination était la Vendée, avec un arrêt à Challans. Le trajet me parut interminable. Cependant, ce fut une immense surprise, car l’étape de notre périple fut la gare de cette commune. Là, Huguette, ma marraine, la sœur de mon père, nous rejoignit. Elle était une femme extraordinaire, au caractère bien trempé, mais avec un cœur d’or. Il faut dire que j’étais son chouchou. Elle me couvrait de bisous, de bonbons et de gâteaux. Elle disait que j’étais son roi ! Elle était célibataire et me choyait.
Marraine était « en place » comme on disait autrefois : à savoir au service de patrons qui l’avaient embauchée, pour être à la fois femme de ménage et cuisinière. Elle résidait avec eux, dans une grande maison, située dans le quartier « Roc-Épine », à la limite d’Angers et d’Avrillé. Cette période de mon enfance, pour moi, c’était les années bonheur.
Huguette resta donc avec nous, et avec mes parents, ils décidèrent d’aller à Saint-Jean-de-Monts. Pourquoi cette destination ? Je n’en savais rien, et ne le saurai jamais.
Ce fut une journée merveilleuse. Je découvrais la mer à « La Parée des Joncs » ; j’eus l’autorisation de tremper mes pieds dans l’océan. Bien entendu, une vague un peu plus forte que les autres me submergea : j’étais trempé de la tête aux pieds. Fort heureusement, Maman avait prévu une tenue de rechange, et je fus frictionné avec vigueur pour ne pas attraper froid ; comble de drôlerie, ma marraine subit le même sort, sauf qu’elle n’avait pas de vêtements secs pour se changer. Elle se déshabilla, pratiquement nue, et fit sécher ses habits au soleil. J’étais subjugué par ses formes généreuses que je découvrais pour la première fois. La première femme nue que je voyais, quel privilège en plus, puisque c’était ma marraine que je vénérais.
Tous séchés et revigorés par l’embrun, décision fut actée d’aller au restaurant. Après une longue marche, l’endroit idéal et pas cher s’offrit à nous. Mon palais fit connaissance avec un plat jusque-là inconnu : des cuisses de grenouille, un vrai bonheur… et le dessert, pure merveille ; une duchesse Anne.
Puis vint l’heure du retour : d’abord le car de Saint-Jean-de-Monts à Challans, et le train jusqu’à Angers. Je ne vis pas le trajet du retour, tant j’étais flapi.
Jamais je n’aurais cru revoir un jour cette station balnéaire pour y passer des moments merveilleux, mais aussi avec son lot de vicissitudes.
Ma vie de petit garçon dorloté, choyé, continuait avec délectation. Souvent, le samedi, nous faisions le marché place Leclerc, et en rentrant, nous passions devant une pâtisserie, place du Pilori. Là, ma marraine me demandait avec une infinie tendresse :
Eh oui, mon deuxième prénom c’était Jacques.
C’est ainsi que chaque samedi, je m’empiffrais d’un moka.
À peine sorti de la pâtisserie, je mordais à pleines dents dans cet extraordinaire gâteau, qui me collait aux doigts, au menton et autour de la bouche. Huguette, tout sourire, prenait son mouchoir, et avec sa salive, me débarbouillait, comme un petit bébé que je n’étais plus.
Mes années bonheur, c’est aussi quand grand-mère prit sa retraite. Elle travaillait aux usines Bessonneau, bien connues des Angevins. On y fabriquait des cordes de toutes sortes à partir du chanvre. Quand grand-mère venait passer une ou deux semaines à la maison, le matin, elle demandait à maman :
Mais la réponse de ma mère était souvent la même :
Parfois, maman lui confiait les légumes à éplucher, pour le repas du midi ou la soupe du soir. Lorsqu’il faisait beau, grand-mère m’emmenait promener dans le faubourg Saint-Michel. Nous faisions une halte au Jardin des Plantes : nous allions jusqu’à l’enclos des biquettes, et parfois jusqu’à la cage aux singes. En revenant, nous nous arrêtions pour prendre un rafraîchissement au café « Chez Paulette », dans la rue Saint-Michel. Grand-mère prenait un petit verre de blanc, et moi une grenadine.
Le chien de Paulette, un fox-terrier, aimait sauter après les volutes de fumée envoyées dans sa direction par les fumeurs de Gauloises ou de Gitanes. En début de mois, Grand-mère s’arrêtait juste avant le café, chez un petit marchand de jouets : elle m’achetait un coureur cycliste en plomb, car elle savait que j’étais adepte du Tour de France. Quand nous rentrions, maman disait :
Maman insistait :
Quand Grand-mère était fatiguée, nous marchions moins loin, et moins longtemps. Nous remontions le boulevard des Deux Croix, nous admirions le vieux moulin au coin de l’avenue Pasteur. Sur cette avenue, auprès du fleuriste, se trouvait un autre café : et là aussi, Grand-mère avait ses habitudes.
L’hiver quand elle était atteinte de bronchite, et qu’elle avait du mal à respirer, maman lui appliquait des ventouses sur le haut du dos. J’étais impressionné par les pots en verre qui se remplissaient de sa peau, parfois jusqu’au sang. J’avais peur qu’elle souffre, mais apparemment, ce martyre semblait la soulager. Elle en avait vu d’autres la grand-mère quand son mari est décédé. Mon père avait deux ans, et sa petite sœur, marraine Huguette, six semaines. Pour subvenir aux besoins de la famille, elle avait été contrainte d’aller travailler en usine, et ce pendant trente années, respirant la poussière de ficelle toute la journée. Elle ne parlait jamais de cette vie difficile, ponctuée de quatre années de guerre ; Papa lui évoquait quelquefois, le froid de l’hiver où le givre apparaissait à l’intérieur des vitres, et le jour de Noël qui demeurait un jour comme un autre.
De mon côté, je vivais dans l’insouciance d’un petit garçon de mon âge. Les saisons se succédaient aux saisons. Un jour de Premier mai, Huguette décida de vendre du muguet récolté dans le jardin de ses patrons. Elle embaucha Maman et moi aussi bien entendu : l’étal de fortune fut installé au coin de la rue Bressigny, auprès du bijoutier. Ce fut un vrai bonheur ! En quelques minutes, la production fut écoulée ! Ce jour-là, j’appris un mot que je trouvais extraordinaire : « Essentiel. » Moi, môme de cinq ans, je venais de faire une découverte : la langue française me fascinait, et j’avais très envie d’apprendre à lire. Un après-midi, je demandai à Maman de m’apprendre. Je me souviens encore du refus catégorique. Très peiné, je ne comprenais pas. Nous étions début juillet, elle me rabroua en me disant :
C’était sa sœur plus jeune. En effet, ma tante s’exécuta. À cette époque, les vacances d’été duraient trois mois : juillet, août, septembre. Pendant cette longue période estivale, tante Léone venait régulièrement à la maison, deux ou trois fois par semaine, souvent l’après-midi, après son travail. C’était un ravissement que d’étudier et d’apprendre. J’ignorais que Maman n’était jamais allée à l’école : elle ne savait ni lire ni écrire, et quand on a cinq ans, on ignore cela. Elle appartenait à une famille de seize enfants et à cet âge-là, cela vous dépasse complètement.