Quelles vies ! - Marie Martinez - E-Book

Quelles vies ! E-Book

Marie Martinez

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Beschreibung

"Quelles vies !" vous propose une gamme d’émotions, vous faisant passer du rire aux larmes, tout en explorant la vie d’une enfant confrontée à une mère hors du commun. Adulte, elle devient une femme résiliente, une véritable guerrière, et doit faire face aux défis d’une société parfois intolérante envers son rôle de chef de famille, élevant seule ses trois enfants. Récit puissant de détermination et de courage, cet ouvrage résonne profondément avec de nombreuses expériences du quotidien. Et vous, quels aspects de cette histoire vous intriguent le plus ?

À PROPOS DE L'AUTRICE

Dès le moment où elle apprend à lire, Marie Martinez saisit le pouvoir des mots. Devenue mère, elle décide d’user de sa plume afin de partager avec ses enfants le récit de son parcours de vie. "Quelles vies !" est son premier livre publié.


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Veröffentlichungsjahr: 2024

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Marie Martinez

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelles vies !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Marie Martinez

ISBN : 979-10-422-0360-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

Mot de l’auteure

 

 

 

Je suis une enfant issue d’un mariage de parents andalous qui avaient pour prénoms Jérôme et Laurine. Tous deux étaient nés au Maroc suite à l’exode de leurs parents respectifs durant la guerre d’Espagne menée par Franco. Mes grands-parents faisant partie de la noblesse espagnole, ils ont préféré perdre tous leurs biens et fuir pour sauver leur vie. Ils se sont donc réfugiés au Maroc. Mon père est né à Kasba-Tadla et ma mère à Casablanca. Ils y ont passé leur enfance et quelques années de leur vie de jeunes adultes. Ils s’y sont mariés et ont eu leurs trois premiers enfants là-bas. (Elisabeth, Paul et Mickaël.) C’est une mutation professionnelle proposée à mon père, qui travaillait pour la société minière et métallurgique de Penarroya, qui les a amenés en France où ils sont restés jusqu’à la fin de leur vie. C’était une compagnie minière française fondée en 1881. Comme de nombreuses grandes entreprises du 19e siècle, elle associait la métallurgie au charbon et au chemin de fer.

Ce que j’ai pu apprendre sur mes grands-parents, je vous l’écris ici.

Mes grands-parents paternels possédaient le titre de Marquis. Mon grand-père était colonel dans l’armée du roi. Son père avant lui était général au service du roi également. Leurs ancêtres possédaient des flottes de galions à Don Benito à la frontière entre l’Espagne et le Portugal. Cette ville d’Espagne a été créée par un arrière, arrière, arrière-grand-père médecin à cette époque. Ces flottes de galions faisaient partie de celles qui avaient amené les conquistadors chercher fortune au Mexique dans la région de Chiapas. Il y eut d’ailleurs quelques métissages avec les Mayas (peuple amérindien) là-bas et nous en avons gardé les gènes (voilà pourquoi dans certaines de nos familles il y a un enfant plus mat de peau que les autres).

Mon grand-père paternel est décédé d’un cancer alors qu’il devait avoir environ 70 ans. Sa première femme, Maria, est morte assez jeune, de maladie aussi. Elle lui avait donné 8 enfants. Mon grand-père, après le décès de sa femme, se remaria et eut d’autres enfants avec sa nouvelle épouse. Mon père vécut très mal ce remariage, car sa belle-mère était avec lui très méchante. Il finit par fuir la maison en s’engageant dans la marine anglaise. Il mentit sur son âge pour se faire enrôler (il n’avait que treize ans et leur dit en avoir seize) et fut de ce fait le plus jeune mousse de la marine anglaise. Il envoyait chaque mois son salaire chez lui pour qu’il soit mis de côté afin, de cette façon, de se créer un joli pécule qu’il irait chercher quand il le déciderait. Quelques années plus tard, quand il rentra chez lui pour récupérer son argent, il eut la mauvaise surprise d’apprendre que sa belle-mère avait tout dilapidé… (Mais quelle peste ! Le pauuuuuvreeeee !)

 

Mes grands-parents maternels possédaient le titre de Comtes.

Petite parenthèse à ce sujet : de ces titres de noblesse appartenant à nos deux familles, il ne nous reste que les blasons [écussons de famille] que je garde précieusement. Le cri de guerre de mes ancêtres du côté de ma mère est le suivant : « Il n’y a que les D V qui vaillent ». (Je sais les enfants, s’il vous plaît ne pensez pas à la moutarde !)

Pour ceux du côté de mon père : « Courage et honneur en avant ! »

 

Mon grand-père maternel, F D V, possédait une usine de sardines dans la région d’Andalousie. Ces ancêtres avant lui possédaient aussi un grand domaine viticole où l’on cultivait le vin de xérès. Malheureusement, ce domaine fut misé lors d’un jeu de cartes par un de mes ancêtres et perdu…

Ma grand-mère, elle, quand elle rencontra mon grand-père, travaillait pour de grands couturiers dont je ne connais pas les noms. (Ça équivalait à Dior ou Chanel chez nous.) Les parents de mon grand-père ne voulaient pas qu’il épouse une roturière comme ils disaient, mais mon grand-père n’en a pas tenu compte. Il épousa donc ma grand-mère. M… M…

Mon grand-père décéda durant la guerre d’Espagne à cause d’un éclat d’obus qu’il reçut lors d’un combat pour défendre son pays. Il mourut aux alentours de la quarantaine. Ma grand-mère se retrouva veuve et enceinte de son huitième ou neuvième enfant (je ne sais pas trop). Elle voulut s’avorter toute seule à l’aide d’une aiguille à tricoter, mais ne sachant pas trop s’y prendre se provoqua une septicémie qui la tua. Elle avait elle aussi la quarantaine.

Certains membres de nos familles vivent en Espagne, d’autres vivent au Mexique ou au Costa Rica.

 

 

 

 

 

Chapitre 1

Souvenirs d’enfance

 

 

 

C’était comme des morceaux de souvenirs hachurés. J’étais dans une cour à l’ombre d’une sorte de préau. Accroupie, je regardai du linge étendu sur un fil qui flottait doucement au vent. Un chat passa tout près de moi et j’eus à peine le temps d’effleurer son pelage avant qu’il ne s’enfuie par les toits. Je regardai ma petite main potelée, surprise d’y sentir encore le pelage doux de l’animal. Je voyais des enfants courir autour d’un poteau en riant aux éclats, puis plus rien. D’après ma mère, je n’avais qu’un an et demi.

D’autres souvenirs plus précis sont gravés dans ma mémoire. Là je devais avoir à peine deux ans. Ma famille vivait dans un immeuble situé dans un quartier de la ville de Toulouse. Cet immeuble était très haut, plus de dix étages, avec dans son ventre, pour nous faire monter ou descendre, un ascenseur tout rouge en son intérieur. Nous le prenions régulièrement, mais un jour alors que nous y étions entrés et que la descente avait été amorcée, un grand bruit retentit au-dessus de nos têtes. L’ascenseur se mit à trembler puis chuta à une allure vertigineuse.

Tous les occupants de la boîte-prison où nous étions enfermés avaient compris que les câbles avaient lâché et que bientôt nous nous écraserions au sol. La terreur pouvait se lire sur chaque visage. Involontairement, nous nous étions blottis les uns contre les autres, certains tremblaient, d’autres pleuraient silencieusement, mais aussi surprenant que cela puisse paraître, personne ne criait. Je n’avais pas peur. Dans les bras de ma mère je me sentais en sécurité, certainement parce que j’étais trop petite pour mesurer le danger qui nous menaçait. Pourtant, ce jour-là, personne ne devait mourir. Le parachute de secours avait fonctionné et nous avait, à tous, sauvé la vie. Nous étions tous à genou à l’arrivée à cause de la trop grande vitesse qui nous avait précipités vers le bas, mais nul n’était blessé ! C’était bien là qu’était l’essentiel !

La mémoire est quelque chose d’étrange. Elle nous laisse entrevoir des images, des séquences de vie que nous gravons dans nos mémoires. Des senteurs provoquent des souvenirs comme cette odeur forte d’éther que l’on m’avait appliquée à l’aide d’un masque de couleur vert transparent sur le nez et la bouche et qui m’avait fait sombrer dans un profond sommeil. À mon réveil, j’avais terriblement mal à la gorge et ne pouvais m’arrêter de gémir ou de pleurnicher. Ma mère m’avait expliqué que je venais d’être opérée des amygdales et des végétations et que bientôt je ne souffrirais plus. J’aurai, m’avait-elle expliqué, le droit de manger toutes les glaces que je voudrai ! Miam, une glace ! Je me souviens aussi de cette fois où l’homme en blouse blanche m’enroulait tout autour du tronc et du bras un long chiffon plâtreux qui en séchant m’avait emprisonnée durant un bon mois ! « Goûte, petite, c’est super bon, c’est une glace ! Goûte, tu verras comme c’est délicieux ! » Abruti de docteur ! bien sûr que je l’avais cru, puisque c’était un grand ! bien sûr que j’y avais goûté à sa super bonne glace ! Mais alors là, c’était un gros menteur, ce type, parce que sa glace elle était vraiment infecte !

Vivre au sein d’une grande famille est une belle expérience. La vie de tous les jours pullule d’émotions et d’anecdotes plus ou moins drôles, mais en tout cas on ne s’ennuie pas ! Nous étions six enfants. Elizabeth, l’aînée, une jolie fille brune aux yeux noirs et perçants. Elle était alors, dans ces années soixante, une toute jeune fille très mûre pour son âge. Venaient ensuite mes deux frères, Paul et Mickaël, jeunes garçons espiègles et intelligents. Tous les deux étaient couronnés d’une tignasse blond blé et leurs yeux bleus exprimaient une curiosité insatiable. Venait ensuite Anna-Jo (que nous appelions tous Anna), une jolie fillette aux yeux marron et aux cheveux châtains, qui posait sur chaque chose un regard perplexe. Dans l’ordre décroissant, j’étais la cinquième des six enfants et avais pour prénom Claire. Deux nattes noires encadraient mon visage de forme ovale d’où perçaient des yeux vifs et curieux de couleur ambrée ; c’est-à-dire vert, avec une tache marron au milieu. J’étais, paraît-il, une enfant très sage…

Je l’étais parce qu’il valait mieux pour moi que je sois la plus discrète possible. Il faut savoir que ma mère qui, je l’ai compris bien plus tard, se servait de moi comme d’un souffre-douleur. Elle avait la main leste et s’en prenait facilement à moi si quelque chose ou quelqu’un l’avait contrariée. J’étais, comme on le nomme de nos jours, une enfant maltraitée. Ma mère était très violente et durant les périodes où elle n’allait pas bien, elle réussit à me casser une fois la clavicule et une autre fois à me désaxer la mâchoire.

Enfin, la dernière enfant, bébé alors d’environ huit mois, était une petite fille blonde aux yeux verts et au visage tout rond et rieur. Elle se nommait Claude.

Ma mère n’exerçait pas de profession à l’extérieur, car elle avait assez de travail pour s’occuper de sa petite famille. Mon père, lui, travaillait pour les mines et, de ce fait, était souvent en déplacement. À mes yeux, il représentait un homme qui franchissait le seuil de la maison de temps en temps avec, à la main, une valise. Je savais pertinemment que ce monsieur c’était mon papa, mais je ne le connaissais pas bien. Mes parents formaient un beau couple. Lui, bel homme brun avec des yeux d’un bleu profond peu commun. Son visage paisible avait une forme allongée, son nez droit, sa bouche fine qui s’étirait souvent en un sourire discret lui donnaient l’aspect d’un acteur de cinéma. Plus d’une femme se retournait sur son passage et devait envier à ma mère d’avoir un si beau mari. Maman était elle aussi une très belle femme, grande, élancée, bien faite malgré ses six grossesses et ses petites rondeurs, elle possédait une chevelure noire de jais qu’elle portait coupée court. Son visage était rond. Sa bouche bien dessinée était surmontée d’un petit nez à peine retroussé. Ses yeux noisette étaient très expressifs avec dans le regard une lueur maligne.

Je vivais heureuse d’être entourée de mes frères et sœurs avec qui je passai de bons moments. À l’âge de quatre ans environ, un grand changement, sous la forme d’un déménagement, allait m’amener les plus beaux souvenirs de mon enfance. Mon père fut muté dans le cadre de son travail dans un petit village du Tarn. Nous allions quitter Toulouse pour aller vivre dans un petit village portant le nom de Villeneuve-sur-Tarn. Cette petite commune était charmante, les toits des maisons étaient recouverts d’ardoise, ce qui lui donnait à cette bourgade un air montagnard. Niché au cœur d’une splendide campagne, on pouvait voir sa rue principale bordée de maisons de pierres blotties les unes contre les autres. Plus loin, la place aux marronniers, énormes arbres centenaires qui semblaient toucher le ciel tant ils étaient haut. L’église, simple, mais belle, était posée en face de la place de l’autre côté de la rue. Tout au bout du village, un pont enjambait la rivière pour nous permettre d’aller au village voisin qui s’appelait Trébas-les-bains.

La société des mines nous avait logés dans une maison de fonction qui allait nous abriter durant toute la durée de la mission de mon père. Cette bâtisse était vieille, toute en pierre de taille. Nous étions en mitoyenneté avec la ferme des Chamaillou, une famille d’agriculteurs. Notre maison se composait ainsi ; au rez-de-chaussée, il y avait une grande pièce dont les murs étaient recouverts de carton pressé parsemé de petits trous. Au sol, du ciment lissé et martelé. Une petite rigole longeait tous les murs pour disparaître dans un coin vers l’extérieur de la maison. Un escalier de bois menait à l’étage où se trouvait la cuisine, très grande pièce accueillante avec au plafond des poutres apparentes, des murs recouverts de chaux et une grande cheminée surmontée d’une grosse poutre noircie par les nombreuses flambées qui avaient dû y être allumées. Une porte vitrée donnait accès dans une cour. Au fond, un cabanon qui était les toilettes. Contre un des murs qui entouraient cette petite cour, un lavoir en pierre à deux bacs. À l’étage, deux grandes chambres séparées par un étroit couloir, et puis dans la plus grande des chambres qui allait être la nôtre, une porte nous menant au grenier. Ce fut pour ma sœur Annie et moi un endroit magique qui allait me transporter vers des horizons lointains et merveilleux, empreints de mystère et où je jouerai des heures et des heures sans même voir le temps s’écouler.

J’aimais cette maison avec ses odeurs de vieille bâtisse peut-être plus que centenaire, ses murs pas très droits, ses planchers qui craquaient sous nos pas. Ce lieu m’avait donné l’amour des vieilles pierres que je n’ai d’ailleurs jamais perdu. J’ai adoré cette partie de mon enfance. La nature était partout autour de nous. Tous les matins, j’allai avec ma sœur chercher le lait avec nos pots au lait en aluminium à la ferme voisine. J’aimais sentir l’odeur du fumier qui fumait en un gros tas dans la cour près de l’étable quand il faisait froid. Les senteurs de fourrage que l’on donnait aux bêtes me plaisaient aussi. J’accompagnai souvent la fermière quand elle allait aux clapiers nourrir les lapins et leurs petits avec de la luzerne ou du trèfle. Par contre, j’étais terrorisée par les poules laissées en liberté dans la cour de la ferme, car elles étaient nombreuses et armées de becs pointus. J’étais certaine que si elles m’attaquaient, elles me déchiquetteraient. Quand nous n’avions pas classe, nous avions le droit d’aller à notre guise courir dans la campagne avoisinante. Là, tout était permis ; les roulades dans les champs les plus pentus étaient notre jeu favori et nous cessions nos cascades que quand l’envie de rendre à force de rouler calmait nos ardeurs. Dans mes yeux, la vision de la terre mélangée au ciel me faisait tourner la tête, les herbes griffaient mon visage, mes jambes et mes bras, mais j’en ressentais une sorte d’ivresse.

Mes frères m’apprirent à grimper aux arbres, à construire des cabanes, à pêcher des goujons ou à attraper des têtards. Tous ces jeux, que je pouvais faire grâce à dame nature, me ravissaient.

Nous rêvions, ma sœur et moi, d’apprivoiser des oisillons que nous entendions piailler au-dessus de la fenêtre de notre chambre. Un jour, nous osâmes grimper sur le rebord de la fenêtre et nous hisser sur la pointe des pieds avec à la main un bâton qui devait servir à déloger les bébés oiseaux, nous étions enchantées. Collées l’une contre l’autre, nous triturions le nid. « J’y suis presque ! Nous en aurons un chacune et nous deviendrons leurs mamans ! » s’exclamait Annie.

Moi, je lui répondais en râlant : « Pousse-toi un peu, je n’ai pas assez de place pour en attraper un ! »

Nous évoluions sur le rebord étroit de la fenêtre de la chambre, en équilibre sur la pointe de nos pieds. À quelques mètres du vide, deux étages nous séparaient de la route qui était juste en bas.

Tout à coup, la porte de la chambre s’ouvrit et nous vîmes mon père apparaître devant nous. Il comprit de suite nos intentions et nous fit descendre très vite de notre perchoir. Une fois à terre et hors de danger, nous reçûmes une bonne correction ainsi qu’une leçon de morale en nous faisant promettre de ne plus jamais recommencer.

Anna avait le don de m’entraîner dans des univers magiques peuplés de fée et de sorcières, de princes, de princesses et de monstres de toute sorte. Il nous arrivait souvent de nous déguiser avec des bouts de tissu que ma mère nous donnait, ou avec de vieilles robes qu’elle nous donnait. Pour nous, elles devenaient quand nous les portions de magnifiques robes de princesse !

C’est dans le grenier qu’était notre château. Nous y passions beaucoup de temps. Souvent le soir, je m’endormais la tête pleine de magie, de princesse, de fées, de licorne et de forêt enchantée. Au petit matin, j’étais persuadée d’être allée dans un pays merveilleux.

Les hivers dans notre région étaient rudes. Le verglas qui recouvrait la grande rue nous permettait de glisser sur plusieurs mètres avec sous nos fesses des poches en plastique. Nous adorions ce jeu et rions aux éclats, malgré le froid qui nous mordait le nez et les oreilles. Quand nous ne sentions plus nos mains et que le froid pénétrait nos os, nous rentrions à la maison. Là, blotties l’une contre l’autre devant le feu de cheminée, nous exposions nos mains aux flammes que l’on voyait danser en crépitant dans l’âtre.

La chaleur du feu ne me réchauffait pas assez vite à mon goût, aussi, j’eus la lumineuse idée d’aller m’asseoir sur le poêle à mazout que ma mère allumait dans la pièce en supplément quand il faisait très froid. À peine mon postérieur posé sur la plaque rougie par la chaleur, je ressentis une vive douleur qui me fit faire un bon impressionnant en l’air. À présent, je pleurai en me frottant énergiquement le derrière. Ma mère après avoir vérifié que ma brûlure, même si elle était douloureuse n’était pas très grave, me gronda : « Mais quelle idée ! Idiote que tu es de t’être assise sur cette plaque brûlante ! C’est bien fait pour toi ! La prochaine fois, tu réfléchiras avant de faire n’importe quoi ! »

Mes frères ainsi que mes sœurs, eux, riaient aux larmes devant le comique de la situation. Vexée, j’allai me réfugier dans ma chambre.

Un nouveau déménagement nous fit simplement traverser le pont qui séparait Villeneuve-sur-Tarn de Trébas-les-Bains, nouveau village où nous allions vivre désormais dans une villa toute neuve. Un changement de lieu impose un changement d’école aussi minime fut la distance. Tout au long de ma vie, et tant que le métier de mon père l’exigerait, nous allions vivre dans différentes villes et être scolarisés dans différentes écoles. Il fallait avoir un sacré sens d’adaptation, un esprit ouvert, ainsi qu’une attitude plutôt sociable envers les nouvelles personnes que nous serions portés à rencontrer tout au long de nos jeunes années mes frères et sœurs et moi. Cela ne me dérangeait guère, car j’aimais la nouveauté. Même si mon cœur saignait en quittant mes amis, j’étais impatiente d’en rencontrer d’autres.

À Trébas, nous allions souvent jouer chez monsieur et madame Schäffeler. Cet homme était le patron de mon père, Le couple habitait dans une superbe maison qui servait autrefois à accueillir les curistes puisque Trébas-les-Bains était des thermes. La source qui alimentait ces lieux contenait du fer. Cet endroit avait été créé au temps de Napoléon. Je me souviens avoir vu en jouant dans cette très grande maison, des pièces contenant un grand nombre de baignoires. Je pense que cela devait servir aux soins des curistes. L’intérieur de la demeure m’intéressait moins que l’extérieur où je passais des heures à jouer à la balançoire sous le gros chêne ou encore à gambader dans le parc avec Yack, le chien des Schäffeler.

C’était un magnifique berger allemand qui nous suivait partout et aimait être en notre compagnie. Ils nous aimaient tant qu’il lui arrivait de se sauver de chez ses maîtres pour venir nous rejoindre chez nous. Il grattait à la porte-fenêtre et nous lui ouvrions heureux de le voir là. Yack était un animal très intelligent, quand ma mère levait la main pour nous asséner une gifle, il se mettait à grogner de façon si menaçante qu’elle préférait suspendre son mouvement et sortir de la pièce en pestant contre ce chien. Nous, en vainqueurs, nous couvrions l’animal de caresses bien méritées.

Un jour, il sauva la vie de ma petite sœur Claude, alors que nous faisions une balade sur une des routes peu fréquentées aux alentours du village, Yack allait et venait autour de nous, gambadant, piquant un sprint tout à coup ou faisant du sur place selon son humeur, nous, nous cueillions des fleurs sur les bas-côtés de la route, certains d’entre nous jouaient à trappe-trappe, ou marchaient d’un pas nonchalant auprès de ma mère qui avançait tranquillement en papotant avec une amie. Personne ne remarqua que la plus petite de nous tous, Claude, avait pris de l’avance et trottinait devant nous à environ cent cinquante mètres. Tout d’un coup, la panique nous envahit tous. Un camion arrivait en face de nous en prenant toute la largeur de la route de campagne tant celle-ci était étroite. Apparemment, il ne voyait pas ma petite sœur et fonçait droit sur elle. Ma mère criait maintenant, comprenant que si la petite ne se mettait pas sur le côté, elle allait être happée par ce monstre mécanique. Elle se mit à courir vers l’enfant, mais savait qu’elle ne serait pas assez rapide pour arriver à temps auprès de la petite. Elle courait quand même de toutes ses forces dans l’espoir d’y parvenir. Je vis alors Yack la dépasser à vive allure vers l’enfant. Arrivé à sa hauteur, il l’a saisi avec sa gueule par un bras pour aller la jeter dans le fossé juste au moment où le mastodonte passait dans un souffle où se mêlait un vacarme étourdissant et une odeur âcre de carburant.

Le temps fut en suspens quelques secondes. Le silence se fit. Chacun retenait sa respiration quand au bout d’un moment nous vîmes apparaître une petite tête sortant péniblement des herbes folles qui emplissaient le fossé. L’enfant, innocente du danger qu’elle avait frôlé, pleurait de rage parce que le vilain chien l’avait fait tomber. Nous avons tous remercié Yack chaleureusement et je serais prête à jurer qu’il était heureux et fier de lui.

 

À l’école, j’étais une bonne élève. Quand nous étions sages en classe et que nous obtenions de bonnes notes, la maîtresse nous donnait un « bon point ». C’était un petit carré de cartons ou était écrit en son milieu « Bon point » souvent de couleur jaune ou orangée. Lorsque nous atteignons le nombre de dix « bons points », nous avions droit à une grande image. À ce moment-là, nous étions fiers de nous et heureux d’avoir été récompensés pour notre travail. Le premier de la classe, lui, avait pour prix un livre, ce qui représentait le summum de la reconnaissance d’un bon travail pour le meilleur élève. J’avais droit à cette faveur étant première ou deuxième de la classe durant l’année scolaire.

J’adorai lire. Encore une occasion de pénétrer dans des mondes inconnus, pleins d’émotions, d’aventures et de magie. J’ai gardé ce goût de la lecture qui pour moi est devenu comme une petite drogue. Dans la cour de récréation, ma sœur et moi avions apporté de la ville des tas de jeux nouveaux pour les enfants du village. Le saut à la grande corde, les rondes enfantines que nous même avions apprises à l’école de Toulouse, la marelle, ainsi que des jeux de notre invention qui n’étaient pas pour déplaire à nos petites camarades et qui mettaient de l’animation dans la cour de l’école. De mes plus jeunes années, celles vécues dans ces deux petits villages, furent les plus belles.

Un jour pourtant, nous fûmes informés, mes frères et sœurs et moi, qu’un nouveau déménagement était prévu pour la fin de l’année scolaire. Il était question d’aller vivre dans une ville nommée Mazamet, elle aussi située dans le Tarn. Notre nouvelle habitation se trouverait dans un immeuble HLM et nous y serions logés au quatrième étage sans ascenseur. Adieu, campagne chère à mon cœur ! Il me faudrait désormais m’habituer à la ville. J’avais atteint mes sept ans et de l’enfant sage que j’étais, je devins une petite fille plus espiègle et malicieuse. Très peu de temps après avoir emménagé dans le nouvel appartement, je me fis une amie, Catherine Fritsch, fillette blonde aux yeux bleus avec un visage magnifique. C’était une enfant rondelette. Toutes deux passions des heures à jouer à la poupée. Nous étions l’une et l’autre des mamans très attentives à nos petits rejetons. Je fis encore la connaissance des enfants qui vivaient au troisième étage, il s’agissait de la famille Grand composée de trois garçons, Gilles, l’aîné, un beau garçon brun aux yeux verts avec une carrure imposante et des sourcils très fournis qui se touchaient, Georges le second jeune homme adolescent au corps long et aux mouvements gauches. Je me souviens de sa coupe de cheveux, car ça me faisait beaucoup rire. On appelait cette coiffure la coupe au bol. Il était tout blond. Ses cheveux étaient fins et blonds et bougeaient au moindre de ses mouvements. Venait ensuite Christian, le dernier des trois frères. Celui-ci était un garçon timide et effacé. Sa stature était moyenne, sur son visage se dessinait tout le temps une expression très sérieuse où se lisait toujours une expression sérieuse. Il avait des cheveux blond foncé coupés court et la couleur de ses yeux était d’un marron doré.

Nous jouions tous très souvent ensemble. Pour nous retrouver, nous avions convenu d’un code. À l’aide du couvercle du vide-ordures situé dans le cagibi, nous devions taper fort par trois fois pour avoir le plaisir de parler ensemble. La communication était claire, mais nous ne restions jamais bien longtemps en ligne à cause des odeurs.

Notre école n’était pas très loin de l’immeuble où nous vivions. Le matin, nous partions en groupe et faisions le chemin à pied. Un jour, durant le trajet qui nous y menait, mon attention fut attirée par un drôle d’objet rouge vif posé au sol. Il contrastait avec la couleur vert tendre de l’herbe sur laquelle nous avancions. Je me baissais pour voir de quoi il s’agissait. C’était un gros piment arrivé, je ne sais comment à cet endroit. Je le ramassais avec précaution pour ne pas l’abîmer puis je l’enfouis dans mon cartable sachant déjà ce que j’allai en faire. À cette pensée, un sourire coquin se dessina sur mon visage. Je n’étais même pas encore arrivée à l’école que j’avais déjà hâte que l’heure de la récréation sonne. Sur le chemin de l’école, j’avais imaginé mille et un stratagèmes dans ma tête. Je savais déjà ce que j’allais faire avec ce piment rouge. Mais nous étions devant l’école et il fallait maintenant rentrer en classe.

La matinée passa très vite. La sonnette retentissait dans les classes et les couloirs. Tous les élèves se ruaient dans la cour de récréation. Moi, je filais aux toilettes des filles avec au creux de ma main mon trésor. Devant l’un des miroirs, j’ajustais le magnifique piment rouge à mon nez. Celui-ci s’enclenchait merveilleusement bien à cette partie de mon visage, car j’avais pris la précaution de sectionner le bout de ce faux nez de sorcière pour pouvoir l’enfoncer le plus possible sur mon appendice. Le résultat était surprenant. On ne voyait plus mes narines et j’avais maintenant un nez crochu à souhait. Impatiente de voir la tête que feraient mes camarades en me voyant, je me précipitais dans la cour de l’école où jouaient déjà mes amies. Arrivée à leur hauteur, je mimais une infâme sorcière désireuse de les attraper. Je les poursuivais, mains tendues en avant, le visage déformé dans un rictus maléfique en poussant des cris stridents.

Mon plan fonctionnait, on ne peut mieux, ce que j’avais imaginé s’avéra être une grande réussite. Ainsi donc, tout le temps que dura la récréation, je coursais mes petites copines, fière de les terroriser. Cependant, tout a une fin. Le signal de la sonnette annonçait la fin de la récréation. Nous devions à présent regagner nos classes. Je dus mettre fin à mes courses poursuites infernales. Il me fallut donc retirer mon déguisement avant de regagner ma place en classe, mais quelles ne furent pas ma surprise et ma douleur de constater qu’après avoir enlevé mon faux nez, que celui-ci se mettait à chauffer puis à bouillonner avec une force que je ne saurai décrire. Je sentais les battements de mon cœur taper à l’intérieur de mes fragiles narines. Chaque inspiration ou respiration était pour moi un supplice insoutenable.

La maîtresse, qui m’observait depuis un petit moment, comprit que quelque chose ne tournait pas rond en me voyant grimacer comme je le faisais. Elle s’approcha de moi et me demanda ce qui n’allait pas. Je dus avouer ma petite histoire, alors comprenant que je souffrais, elle me prit par la main pour m’entraîner dans les toilettes. Là, elle me mit le visage sous le robinet d’eau froide. Tant que mon nez restait sous le jet d’eau fraîche, tout allait bien, mais dès que j’en sortais, d’horribles brûlures se faisaient ressentir. Je pleurai de douleur, il me fallait me rendre à l’évidence, rien n’y ferait. La douleur ne s’atténuerait qu’avec le temps. Je regagnai donc ma place dans la salle de classe en pleurnichant doucement.