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Je suis né avant terme. Mon père, taxi, lui avait dit : « Ils ne te prendront jamais ; les ambulances ne viennent pas assez vite, va au commissariat. » Ma mère sentait que j'allais débarquer. Enceinte jusqu'aux yeux, elle alla tant bien que mal chez les flics. Là, branle-bas de combat ! On l'allongea sur une banquette, une capeline enroulée sous la tête. On prépara le fourgon, on la fit monter. Allongée, un keuf lui tapota la main et lui demanda : « Ça ira, ma p'tite dame ? ». Ma mère, bourgeoise assez prude, très gênée, subissait sans rien dire... Arrivés à la clinique du 8ème, tout le monde se précipita ! Je me présentais à l'envers, le cordon ombilical autour du cou... « Il est né le divin enfant » mais le 10 décembre, avant la date prévue. Sinon, que serait-il arrivé ? On a les rois mages qu'on peut.
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Je téléphonais aux pompiers et fus interné, gravement dépressif. Agoraphobie, phobie sociale, bipolarité, tel était le diagnostique. J'y rencontrai des adolescents merveilleux, beaux, fragiles, qui vivaient mon parcours de jeunesse. Rien n'avait changé depuis le début des années soixante-dix.
À la rue un soir de décembre Nuit étoilée pour ciel de lit L’hôpital m’ouvre ses portes Enfermé malgré moi Van Gogh me revient en mémoire
A PROPOS DE L'AUTEUR
Lionel Montcelet, 61 ans, victime de harcèlement scolaire pendant sa jeunesse, est un autodidacte passionné. Adolescent, il se rêvait peintre, musicien ou poète. Il finit grouillot. Les aléas de l'existence l’amenèrent en hôpital psychiatrique après avoir été jeté à la rue. Mais sa volonté farouche d’évoluer le fit renaître de ses cendres. Alors que la vie reprenait son cours, on lui annonça un cancer de la plèvre et neuf mois à vivre. Le traitement fonctionna contre toute attente.
"QUI RIRA VIVRA EN ROUGE COQUELICOT" : du sourire aux larmes, une plongée inattendue et saisissante pour un parcours hors du commun. Il s’agit de sa seconde publication, après le recueil poétique Stella Maris.
Lionel Montcelet habite à Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard.
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Seitenzahl: 66
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Publishroom Factorywww.publishroom.com
ISBN : 978-2-38713-088-4
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Lionel Montcelet
QUI RIRA VIVRA EN ROUGE COQUELICOT
Souvenirs
Je dédie ce livre à mes amis Facebook,sans eux il n’aurait pas été écrit.
« Et le plus fin c’est l’hommeQui rit jusqu’à la fin. »
Arrigo BoitoFalstaff
Ma mère eut comme nourrice une ancienne femme de ménage de bordel ; tout bébé, elle fut bercée au chant de « Traîne tes couilles par terre, ça f’ra d’la poussière » et autres chansons de corps de garde. Ma grand-mère disait : « Ce n’est pas possible, nous ne pouvons pas la garder… » ; mon grand-père : « Mais non, c’est une très brave femme, tu verras, le temps venu, ça va s’arranger. » Eh bien oui ! Son répertoire passa à « Mon petit lapin a bien du chagrin ». Ma mère se prénommait Marie. Marie-Thérèse.
Je n’avais pas encore vu le jour j’étais déjà stressé : je suis né avant terme. Mon père, taxi, lui avait dit : « Ils ne te prendront jamais ; les ambulances ne viennent pas assez vite, va au commissariat. » Ma mère sentait que j’allais débarquer. Enceinte jusqu’aux yeux, elle alla tant bien que mal chez les flics. Là, branle-bas de combat ! On l’allongea sur une banquette, une capeline enroulée sous la tête. On prépara le fourgon, on la fit monter. Allongée, un keuf lui tapota la main et lui demanda : « Ça ira, ma p’tite dame ? ». Ma mère, bourgeoise assez prude, très gênée, subissait sans rien dire… Arrivé à la clinique du 8ème tout le monde se précipita ! Je me présentais à l’envers, le cordon ombilical autour du cou… « Il est né le divin enfant » mais le 10 décembre, avant la date prévue. Sinon, que serait-il arrivé ? On a les rois mages qu’on peut.
Né avant terme donc, retourné et dégagé aux forceps (ma mère ne voulait à aucun prix de césarienne), je n’avais pas de cheveux. Le crâne un peu aplati, on me l’avait badigeonné de mercurochrome. Mon père, enfin présent, remarqua ma soi-disant chevelure : « Il est roux. Ce n’est pas grave. Plus grand, on lui fera teindre les cheveux. » En fait, je me suis révélé être blond vénitien. J’ai toute ma vie gardé les traces de ce mercurochrome sur la tête
Le Cantique de Noël
Ma mère a été gravement malade de l’âge de 15 à 20 ans. Tuberculose. En sanatorium, où elle était soignée, en pleine montagne, avec la neige, éloignée de tous, il y avait deux cimetières : celui pour le village et l’autre réservé aux gamines. Toutes rêvaient d’être enterrées dans ce dernier à cause du nom qu’il portait : « le cimetière des bien-portants ». Dans leur imagination d’enfants, elles se voyaient enfin délivrées de la maladie et ne plus jamais souffrir. Elles étaient obligées de rester allongées sur le dos, interdiction de rester assises. Ma mère se levait malgré tout pour se laver. À peine capable de se nourrir, le cœur au bord des lèvres, le matin, elle buvait du thé. L’une de ses voisines, une Allemande un peu plus âgée qu’elle, déjeunait de sardines à l’huile qu’elle trempait dans son café au lait. L’huile dégoulinait, créait des auréoles dans le café et coulait un peu le long de sa bouche.
« L’autre Schleue, elle va nous faire crever la petite », dit une infirmière. Mais on ne crève pas de sardines trempées dans un bol.
Les poitrinaires ont une petite toux sèche, persistante ; ce n’est pas une toux spectaculaire comme font certains acteurs. Un jour, toute contente, elle avait obtenu une permission pour rejoindre sa mère. Celle-ci l’emmena au café manger une glace. Exténuée, elle s’assit et se mit à tousser. Le garçon vint prendre commande. Ma grand-mère précisa : « Pas trop froide, la glace. », « Mais bien sûr, ma p’tite dame, on va vous la faire chauffer. »
L’Enfant bleu
Mon grand-père maternel était chanteur de cabaret. Alain Jean Gaislin, dit Jehan de Montcelet. Doté d’une belle voix et violoniste amateur, il interprétait ses poèmes mis en musique par des amis. Il avait ouvert un cabaret à Montmartre, « Le Moulin de Grégoire ». Il faisait partie de cette bande d’artistes bohèmes, dans son cas bourgeois bohème, qui vivaient tant bien que mal (lui plutôt bien), soit de leur art, soit par la grâce de leur milieu social. Sylvestrino, compositeur, Jamblan, chansonnier, ami de Léo Ferré, et Léo Daniderff (« Je cherche après Titine »), faisaient partie de ses copains. Ma grand-mère, un jour, se rendit dans le cabaret où il se produisait. Neuf mois plus tard naissait ma mère. Alors que Tino Rossi passait à la radio, il dit à sa femme : « Tu sais, il a si peu de voix qu’il monte sur la pointe des pieds pour atteindre les aigus qu’il a du mal à chanter… ».
Léo Daniderff était connu jusqu’aux Amériques. Compositeur, il écrivait pour Berthe Sylva, Damia, Fréhel, Jean Gabin, entre autres. Petit, gros, le nez rubicond, il picolait dur. « Je cherche après Titine », c’est le « Ne me quitte pas » du pauvre. Chaplin, de passage à Montmartre, entendit cette chanson. Son utilisation dans le film « Les Temps modernes » est un vol qui valut au cinéaste un procès et 500 000 francs de dommages et intérêts. Un jour, Daniderff sonna à la porte. Ma mère, encore gamine, ouvrit au chanteur, leva la tête et, après avoir montré son nez, s’écria : « Ponceau ! », soit rouge coquelicot ; on venait de lui apprendre la signification de cet adjectif. Elle devait toute sa vie se rappeler de ce mot.
Jamblan, lui aussi très célèbre, était lent. Tout chez lui se déroulait avec une lenteur extrême. Ses paroles, ses gestes, même ses pensées semblaient s’étirer dans le temps. Plus tard, ma mère comprit qu’il était homosexuel. Se cachait-il ou non ? À Montmartre, dans ce quartier où les cabarets offraient un refuge à tant de marginaux, il pouvait enfin être lui-même. C’était un espace de liberté, où chacun pouvait exister à sa manière. Un jour, mon père le prit dans son taxi. Jamblan, qui était devenu une folle à la Louis Aragon, s’installa sur la banquette arrière avec son amoureux. Ils s’embrassaient, se caressaient, perdus dans leur monde. Mon père aurait voulu lui parler, recueillir des anecdotes de ce Montmartre bohème qui n’existait plus. Mais Jamblan était déjà loin, très loin de ces souvenirs.
Le Bateau-Lavoir
La venue d’un enfant poussa mon grand-père à abandonner sa vie de bohème. Il vivait avec sa mère, la famille s’agrandit. En plus de son épouse, une fille, puis un fils. Il devint employé à la mairie de Paris dans le 8e arrondissement, où il était chef au service de l’état civil. Franc-maçon, il rentra ainsi en contact avec de nombreux juifs. Pendant la guerre, il fut aviateur, puis résistant. Il fabriquait de fausses cartes d’identité et hébergeait les persécutés. Un certain Nathan Birnbaum, tailleur dans le quartier du Sentier, fut métamorphosé en Georges Poirier. Lui et sa femme Henriette, logeaient chez eux. Ils vivaient ainsi à sept dans un trois-pièces sans salle de bain. Un jour, alors que les Allemands défilaient au pas de l’oie dans les rues de Paris, ma mère, encore petite, les observa, fascinée, et s’apprêta à applaudir. Mon grand-père, en compagnie de sa femme et de la bonne, l’arrêta net. « On n’applaudit pas de telles gens », lui dit-il. La bonne, après avoir observé les femmes qui marchaient, ajouta : « Y’a pas à dire, ces souris grises, elles n’auront jamais not’ style. » C’était un commentaire ironique mais révélateur, qui venait d’une femme sapée comme un as de pique. Malgré la prise de conscience du danger qui les entourait, la solidarité avait un prix inestimable pour eux.