Quitter tout cela ! - Neel Doff - E-Book

Quitter tout cela ! E-Book

Neel Doff

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Beschreibung

Dans son petit paradis de campagne, l'auteure savoure au jour le jour les subtils délices du jardin, de la vieille maison, des animaux familiers... Le temps a passé et les relations se sont faites rares. Chaque moment de partage est précieux. Le bout du chemin approche - comment quitter tout cela ?... Un témoignage vrai.

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Fait par Mon Autre Librairie

D’après l’édition « Entre Nous »

Paris – Nemours – 1937

__________

© 2020, Mon Autre Librairie

Édition : BoD – Books on Demand

12/14 rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris.

Impression : BoD - Books on Demand, Norderstedt, Allemagne

ISBN : 978-2-491445-21-8

Dépôt légal : février 2020

Quitter tout cela !

Neel DOFF

Table des matières

PREMIÈRE PARTIE

Campine

Matin de mai

Lune

Maroussia ma voisine

Sania

Soir

Bouquets

Nuages

Septembre

DEUXIÈME PARTIE

Mai encore

D’une lettre

Spleen

Juillet

Papillon

Nature

Août

Points de vue

Octobre

Pluie

TROISIÈME PARTIE

Méditation

Mes coqs

Quitter tout cela...

Quitter tout cela !

Quitter tout cela !

Mazarin

PREMIÈRE PARTIE

Campine

Arrivée le 1er mai. Deux jours de marasme. Sortie ce matin, remise, bien qu’encore un peu amollie.

Atmosphère divinement douce, caressée d’un zéphir. Ciel bleu perlé, ouaté, duveté de nuages blancs paisibles. Me promène lentement entre les buissons de chêne et les pinières.

Loulotte, ma chienne, fouille du museau les feuilles mortes. Je voudrais bien en faire autant.

On dirait que les oiseaux s’essayent seulement au chant, que leur gosier ne s’est pas encore dérouillé du silence de l’hiver. Dieu, que le soleil me caresse doucement ; quel baume !

Tji, tji, tji, tji.

Tu, tu, tu, tu, tu, tu.

Fit, fit, fit, fit. Tiritititi

C’est ça, mes chéris, donnez-vous-en : cela se dégèle, s’assouplit. Dans deux jours, j’aurai de beaux concerts.

Ici en Campine, par ce printemps tardif, il n’y a encore aucune verdure, presque pas d’arbres fruitiers en fleurs, à peine quelques bourgeons ; seuls un pêcher à fleurs roses ou un abricotier à fleurs blanches, et le cerisier sauvage, puis de ci de là, le long des routes, quelques pissenlits à moitié éclos. Mais l’atmosphère ! ce sont des réseaux d’or, d’argent et des gouttes de rosée superposées.

Oh ! voilà un oiseau dont le gosier s’est dégagé, élargi : il y va franchement, son chant est liquide comme une source.

Eh ! un papillon jaune qui volette sur les buissons, un autre qui rase le champ. Des vaches meuglent dans une étable, impatientes de sortir ; la cheminée de Hille fume ; sa femme va cuire les pommes de terre.

Des pies bavardent et sautent en hochant de la queue. Les moutons bêlent en broutant quelques herbes dans les pinières, un petit chien aboie sur la route ; Loulotte et le chien du berger se flairent.

Le berger est là, appuyé sur sa houlette, comme un épouvantail.

– Bonjour, berger !

Il me regarde ahuri et un son inarticulé sort de sa bouche : on dirait des charnières pas huilées qui grincent. Il hurle cependant quelque chose à son chien qui se sauve de Loulotte, la queue basse, et se met à contourner les moutons.

Une grande clairière où l’on a tracé des sillons : on y a planté des pins grands comme le pouce.

Tji, tji, tji, tji.

Hardi mes chers, je vous aime. Je voudrai bien chanter avec vous, – seulement mon vieux gosier, lui, ne se dérouille plus, – mais mon âme jubile avec la vôtre.

Un avion... Oui, tu es beau, mais je te voudrais ailleurs qu’au-dessus de cette paix qui n’a que faire de ton bruit d’usine.

Le soleil glisse sur une grande étendue de taillis coupés ; plus loin des emblavures où quelque chose commence à pousser.

Oh ! mais, comme le soleil me chauffe le dos !

Une nuée de corneilles s’est abattues sur la clairière ; leurs voix rauques font tout de même partie de l’ensemble maigre et mélancolique de ce pays et accentuent la note âpre de cette nature arriérée.

Allons, je dois rentrer. Roseke va venir pour préparer mon fricot, et si je n’y mets pas la main, ce ne sera pas mangeable.

Ce matin, dans mon lit, je vis que le temps était gris, pluvieux, et le spleen me prit. Ce n’est que lorsque Roseke est entrée, accompagnée de la bonne odeur de vache et du courage qui s’exhalent d’elle, que je me suis ramassée.

Après mon plongeon dans le bain, les claques et le thé, me voilà sortie.

Un ciel bousculé, avec du bruit de vent dans les pinières et de l’eau suspendue dessus.

Le soleil jette des éclaboussures sur la prairie et les vaches près de ma maison. Il court sur les vaches et les dore, mais le nuage qui vient les noircit ; quand le soleil les dore, elles deviennent légères et une fluidité les enveloppe ; avec le nuage sur elles, elles sont opaques, comme découpées dans du bois. Elles broutent et rien ne leur chaut que la panse.

En débouchant de la pinière sur la colline je dois me courber contre le vent qui me traverse, mais tout de même, ça en vaut la peine. Toute l’étendue de la Campine limbourgeoise se déploie devant moi, enveloppée d’une buée bleue ; les nuages galopent au-dessus en découvrant des lambeaux de ciel bleu Sainte-Vierge. La bruyère métamorphosée en champs et prairies, pointillée de toits roses dans les bouquets de bouleau, est encore grise, avec çà et là, une tache verte ; quelques moutons dans les prés arides, pas encore de vaches, et ce serait désolé si de grandes traînées de soleil ne traversaient la buée en plaques pourpre et or sur des ombres noir d’encre.

Un train halète, un chien aboie, mais le vent estompe le bruit et domine tout.

Voilà Loulotte couchée sur la bruyère, le ventre au soleil ; de temps en temps elle pointe les oreilles ou me regarde de son œil veilleur et ses narines frémissent. Avez-vous remarqué comme peu de gens aiment les nez frémissants ? Moi, j’ai horreur d’un nez inerte et j’aime ces narines qui hument la vie. Cette bête de forme rude, entre le loup et le renard, a une douceur d’agneau quand elle me regarde, mais des gestes féroces et des yeux phosphorescents à l’approche du soir, quand elle entend des étrangers sur la route.

Voilà qu’elle scrute le ciel : elle entend un avion et ne le voit pas derrière les nuages et cela l’intrigue. L’homme primitif a dû scruter ainsi le ciel pour découvrir d’où venait le tonnerre.

Haut, haut, haut dans le ciel, des gazouillements d’oiseaux ; il doit y en avoir beaucoup pour les entendre par ce vent.

Tjyp, tjyp, tjyp, tjyptjyp.

Ce sont des privilégiés de la nature que les oiseaux : ils peuvent se dérober. Puis, que font-ils de leurs morts ? On ne les voit guère. Comme je voudrais pouvoir m’escamoter après ma mort. Cette manipulation à laquelle je serai soumise m’offusque. Si je meurs ici, ce seront des mains aimantes qui m’enseveliront : celles de ma voisine, la petite femme... Ce serait bien... Ne croyez pas que je sois lugubre... c’est en pensant aux oiseaux...

Loulotte se met à gambader et à aboyer joyeusement parce que nous nous remettons en route.

Hou ! le vent me pénètre :

– Viens Loulotte, un petit temps de galop... Ah ! ça va mieux, et maintenant, au soleil !

Exquis ! Il m’enveloppe le dos, les reins et me caresse tendrement.

Des coups de hache d’un bûcheron ; le soleil a déjà dégagé l’odeur de résine et d’encens de pins, la rosée est absorbée et le sol, aussi, fait monter ses parfums sous l’action de la chaleur.

Voilà l’avion qui revient : maintenant que Loulotte peut le voir, il ne l’intéresse plus.

Une odeur de fumier vient de loin. En ce moment, je la préfère au Chypre…

Der [sic] Lenz soll mein Lied erklingen !

Matin de mai

– Loulotte, reste tranquille, il n’est pas six heures !

Mais Loulotte ne reste pas tranquille et va de son tapis à la porte, puis pousse sa tête par la fenêtre. Elle en a assez sans doute d’être enfermée. Je mets un peignoir ; elle gambade et aboie. Je la laisse sortir, elle galope au fond du jardin ; je déverrouille portes et fenêtres et les ouvre. On ne viendra plus m’assassiner maintenant. Loulotte est au reste là, et Roseke sera ici dans une heure.

Le ciel est complètement dégagé et d’un bleu doux, exquis ; le soleil donne déjà franchement.

Je me recouche ; toutes les senteurs entrent, les oiseaux chantent. J’aimerais tout de même mieux que Loulotte revienne.

– Loulotte !

Elle ne vient pas. Je regarde par la fenêtre et appelle. Elle arrive, me regarde en hochant de la queue et remuant le dos et contourne la maison. Je regarde par une autre fenêtre et la vois roulée en rond contre une des façades, bien au soleil.

Loulotte avait sans doute froid sur son tapis, dans ce coin obscur de ma chambre où elle veille sur moi la nuit, seule que je suis dans cette maisonnette perdue au milieu des champs.

– Chauffe-toi, chérie, tu ne laisseras entrer personne si ce n’est Roseke.

Le rossignol... quel son plein, limpide et liquide... Cette créature m’inspire autant de respect qu’un grand artiste : tout est génie en lui, sa technique comme ses improvisations, et ce n’est pas chipé à droite et à gauche ce qu’il nous fait entendre ! Et quelle spontanéité ! Écoutez donc... Et c’est le matin dans mon lit que je suis régalée de cela : c’est autre chose que les taudis empuantis d’Amsterdam de mon enfance où j’entendais les puces marcher.

Je saute au balcon. Ah ! voilà le vrai printemps ; cette fois ça y est ! La sève ne peut plus se contenir, les aubépines crèvent ; les poiriers, les pommiers, les cerisiers font éclater leurs boutons gonflés, et les fleurs délicates, d’enivrante odeur, s’étalent pures et candides. Puis entendez : tout bruit, tout remue et bouge, tout jubile et exhale son âme et ne pense qu’à jouir et aimer.

Encore un peu frisquet tout de même ! Je me refourre dans mon lit après quelques mots amitieux à Loulotte, qui me répond en ondulant du dos, mais reste en rond au soleil.

Et je bois du thé bien chaud de ma bouteille thermos, et j’y trempe une biscotte ; j’écoute le rossignol et les autres, et hume les senteurs !

Ah ! voilà le jappement de Kiki qui arrive avec Roseke. Elle entre, sentant toujours la vache et la rosée, me sourit de sa figure toujours pleine de bonne volonté.

– Roseke, donne ma grosse robe bleue. Je plongerai bien froid et sortirai tout de suite. Ça va, Roseke ?

– Pour dîner ?

– Pour midi, quatre pommes de terre et la côtelette de porc ; puis de la compote de rhubarbe, c’est tout.

Et me voilà dehors !