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"Renaissance tardive d’un petit enfant meurtri et solitaire" illustre avec force les épreuves d’un jeune garçon confronté aux injustices et aux abus familiaux, à une époque où dénoncer de tels actes semblait impensable. Sans reconnaissance ni soutien, il a lutté contre la solitude et les non-dits, faisant preuve d’une résilience remarquable face aux adversités. Entre harcèlement et trahisons, cet enfant a su puiser la force nécessaire pour se relever et bâtir une carrière respectable. Plus qu’un simple cri de révolte, cet ouvrage se présente comme un plaidoyer puissant pour la solidarité et la justice, offrant une profonde réflexion sur les valeurs humaines essentielles.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Profondément marqué par les injustices de notre société,
Hindie Dramer s’engage à dénoncer ces dérives à travers ses écrits. Dans cet ouvrage, il offre réconfort et lumière à ceux qui, victimes d’actes immoraux, luttent pour surmonter les épreuves de la vie. Son œuvre se présente comme une voix pour les sans voix.
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Seitenzahl: 214
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Hindie Dramer
Renaissance tardive
d’un petit enfant
meurtri et solitaire
© Lys Bleu Éditions – Hindie Dramer
ISBN : 979-10-422-4950-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mon père, mon guide et mon protecteur
À mes filles et mes petits-enfants
À tous ceux qui m’ont aidé, et qui se reconnaîtront peut-être
À toutes les autres victimes, qui, peut-être,
n’oseront jamais parler ou qui parleront,
comme moi, sous le couvert de l’anonymat…
Avant de me lancer dans ce projet d’écriture autobiographique, j’ai beaucoup hésité. Je culpabilisais, car j’avais l’impression de trahir mes proches, et je me demandais si quelqu’un allait me croire.
Le facteur déclencheur qui m’a poussé à surmonter ce problème a été la prise de conscience, via les médias et les films, que les abus sexuels, commis par des pervers narcissiques et égocentriques (ont été et) sont toujours extrêmement fréquents… Le documentaire de mesdames Emmanuelle Béart et Anastasia Mikova (2023), et les deux films « Un Colosse aux pieds d’argile » et « Un silence » (2023 et 2024), avec comme acteurs principaux notamment et respectivement M. Éric Cantona et M. Daniel Auteuil, m’ont particulièrement touché.
Je me sentais dès lors presque obligé de participer à l’enquête parlementaire belge en cours, dont un des objectifs prioritaires est de briser le silence.
C’est pourquoi j’ai voulu faire part de mon vécu et de mon « expérience » dans cet ouvrage, dans l’espoir que ce témoignage puisse être utile (un tant soit peu) aux personnes qui souffrent et souffriront des conséquences des actes de ces malfrats pervers et sans moralité…
J’ai aussi tenté de mettre en exergue certains « dommages collatéraux » de tels agissements, de même que des difficultés à survivre, à chaque étape de ma vie…
En écrivant, j’ai enfin réalisé que, toute ma vie, j’ai été culpabilisé, manipulé par un système de fonctionnement calimero-nesque de ma mère, stratégie extrêmement redoutable et efficace…
Pour ne pas paraître trop lourd ou pleurnichard, j’ai opté pour une écriture empreinte d’humour, même si je craignais perdre de cette manière de la crédibilité au sujet dramatique principal :
Je suis convaincu que l’humour peut partiellement permettre aux victimes de progresser petit à petit vers une certaine « guérison » de ces blessures… Cependant, cher lecteur, ne vous y trompez pas : chaque fois que vous aurez le sourire aux lèvres (peut-être, si ma prose n’est pas trop mauvaise !), il y aura, sous-jacente, une souffrance énorme qui m’a, à chaque fois, mis à terre.
À de nombreuses reprises, je me suis senti tellement épuisé par la succession de mauvaises et injustes fortunes, que je n’arrive pas toujours à comprendre comment je suis arrivé à tenir le coup et à m’en sortir…
Je dédie cet essai à toutes les personnes qui, comme moi, doivent se battre pour survivre, qui « forcent » leurs destins et leurs malchances pour arriver à se maintenir debout, voire à réaliser certains de leurs rêves et de leurs objectifs de vie, au moins partiellement…
J’ai eu cette chance… Et je reste persuadé qu’avec de l’aide, tout être humain peut surmonter de très nombreux problèmes, car il a en lui des ressources dont il n’a pas toujours conscience…
Si, au travers de ce livre, une seule personne peut trouver de la force pour elle-même, alors mon objectif sera atteint ; et cette prose ne sera dès lors pas inutile…
Hindie Dramer
Hé ! Pssstttt !
Dans les encadrés, vous le découvrirez :
J’ai glissé des petites réflexions humoristiques
(« Humoristiques », enfin, je l’espère !)
qui font partie de ma cuirasse protectrice.
(Comme un crabe que je suis peut-être !)
J’espère que ça vous plaira ; mais…
« Si ça t’plaît pas, t’as qu’à te plaindre au Dirlo… »
Comme le chante Laurent « Vouledit » (pardon : « Voulzy ») !
Comme le déclamait Jean Gabin en 1974 : Il y a 60 coups qui ont sonné à l’horloge, je suis encore à ma fenêtre, je regarde et je m’interroge ; maintenant, je sais, je sais qu’on ne sait jamais !
À cette réflexion pertinente ; je rajouterai que la seule chose que je sais, c’est que ce monde est et restera injuste et cruel…
Et, contrairement à Gandhi, je pense que, si vous êtes né sous une « mauvaise étoile », alors la vie, si miraculeuse soit-elle d’être apparue sur notre planète, se transforme en un chemin de croix, parsemé de souffrances physiques et psychologiques. Nous n’avons d’autre choix, pour survivre, que de nous relever après être tombés, et, si possible, en s’appuyant chacun sur ses murs porteurs, comme le chante Florent Pagny depuis 2013. Comme chacun d’entre nous, mes propres murs porteurs auraient dû être mes parents, mes grands-parents, ma famille, ma femme, mes enfants, et mes nombreux amis (je l’ai cru erronément pendant tout un temps). On n’est riche que de ses amis, chante Calogero, depuis 2009.
Durant toute une période de ma vie, je me sentais donc très riche !
Grosse méchante erreur !
Les « vrais », ceux qui ne vous « lâchent » pas dès les premières difficultés, sont excessivement rares !
Les autres, par contre, pullulent dans le firmament de la « couillonnerie »…
Comme à la roulette, en étant sûr de mon choix, j’avais tout misé sur cette « case famille et amis », en laissant ma carrière professionnelle au second plan, même si j’avais le potentiel de bien la réussir…
Mais réussir, qu’était-ce donc pour moi ? De l’argent plein les poches ? Un compte en banque bien fourni ? Assurément, non ! Comme mon père, j’étais idéaliste et rebelle ; et comme le déclame Robert de Niro dans un de ses films : Ce n’est pas que la famille est importante, mais elle est tout !
OK d’accord, « Robby » !
Mais, les orphelins, alors ?
Donc, après avoir regardé attentivement le documentaire de mesdames E. Béart et A. Mikova (suivi du débat RTBF sur le sujet du viol d’enfants, mené par monsieur S. Daoût), et ensuite les films « Un Colosse aux pieds d’argile » et « Un silence », je fus tout d’abord resté choqué et prostré, en sentant mes vieux cadavres « ressortir du placard ».
Je me voyais replongé dans ma vie, 60 ans en arrière. Les souffrances et les traumatismes du passé resurgissaient et me sautaient à la figure, comme une grenade qui aurait été oubliée dans ma tête.
Une vie de solitude extrême, d’incapacité à communiquer mes mal-être, de pouvoir me confier à quiconque et de ne jamais avoir été vraiment écouté ni compris, même par mes proches, excepté mon père, toujours présent aux moments clefs de mon existence… Je me suis senti si souvent usé et proche de la « désespérance » (Jacques Brel, Les Désespérés, 1998).
Mais, grâce à lui, à ses gènes de rébellion et de résilience, d’intelligence et de ténacité, j’ai pu vivre pleinement une de mes passions, qui allait me mener au terme de mes études universitaires et d’une carrière professionnelle consacrée à la protection de la nature…
Il est décédé malheureusement en 2011, à la suite d’un cancer de la prostate et des poumons ; une descente aux enfers dont il était très conscient ; avec un courage sans pareil, sans jamais se plaindre… Ce fut très rapide et trop brutal pour moi, même à l’âge de 55 ans. En cette année 2011, je perdais alors mon seul « ange gardien », qui, jusque-là, avait été solide comme un roc. Il n’avait jamais été malade, malgré une vie difficile et remplie de galères, de travaux pénibles et harassants… Il m’a toujours aidé à faire les bons choix, à éviter les travers, les dérives et de manière très discrète et humble… Pour moi, et pour beaucoup d’autres, il a été « un grand monsieur », discret et presque anonyme. J’ai été le témoin privilégié de ses valeurs humaines, de sa gentillesse, de son empathie pour les autres, malgré son enfance, et son adolescence difficiles, avec une mère froide, un frère dandy, et surtout l’absence de père (qu’il n’a jamais connu). Sa chanson préférée était d’ailleurs une des meilleures de Daniel Guichard : Mon vieux (1974).
Si je pouvais avoir un seul privilège à ce jour, ce serait de pouvoir revivre un peu à ses côtés quelques années supplémentaires… (Comme Céline Dion, dans sa chanson Parler à mon père, sortie en 2012.)
***
Mais, revenons au début :
Maman naquit en 1931 ; elle était la plus jeune de 6 enfants (3 frères et 3 sœurs), dans une famille de fermiers et de maçons, très pauvres, autant financièrement qu’intellectuellement…
Papa était plus jeune : né en 1935, il a grandi dans une très petite maison, juste à côté de la maison de ma grand-mère maternelle, qui était aussi un exemple de courage : veuve (mari tué dans un accident de chemin de fer), elle a dû travailler toute sa vie pour nourrir ses 6 enfants.
« Être orpheline et orphelin de pères », c’est sûrement ce qui a rapproché mon père et ma mère…
Faut dire aussi qu’ils n’avaient, « à tout casser », que 20 mètres à se déplacer pour se rencontrer !
Tous deux, ils ont vécu leurs jeunesses dans un environnement et une période très sombre, qui allaient mener à la Deuxième Guerre mondiale… Ils ne m’ont quasiment rien raconté de leurs passés, parce que, probablement, cela avait dû être très dur à vivre…
Durant la guerre, la maison de ma grand-mère, assez grande (famille de maçons), a été réquisitionnée par les Allemands pour servir d’hôpital de campagne. Elle avait deux étages avec chacun trois grandes pièces, un rez-de-chaussée de cinq pièces et quatre grandes caves.
Maman m’a raconté récemment (en 2023 !) que les envahisseurs allemands, occupant tout l’espace, les ont obligés à vivre dans les caves et à leur faire à manger, en goûtant chaque plat avant de leur servir…
Il y faisait froid et humide, et ils devaient partager leur espace avec les rats ! Il valait mieux ne pas se plaindre, se taire et être docile, pour rester en vie…
(Peut-être une habitude qu’ils ont gardée après la guerre : les années 60 étaient un « monde de silence et de non-dits ».)
Le commandant Cousteau avait repris en 1956 cette expression pour caractériser la vie dans les océans et les mers, mais il s’est fait moquer de tous les scientifiques… Mais le pauvre était peut-être déjà « dur de la feuille » et acouphénique, comme moi…
Oublier les galères et aller de l’avant ; vivre au présent et au futur, sans se lamenter sur son passé… C’était ce que mon père me répétait, je me le rappelle clairement…
Ma grand-mère maternelle, malgré ces circonstances difficiles, très courageuse, faisait la lessive et des ménages pour les voisins plus fortunés.
Dans mes souvenirs, tous les soirs, elle restait dans le noir dans son fauteuil au rez-de-chaussée. En journée, j’allais parfois la trouver et la regarder travailler, en gardant le silence la plupart du temps… Quand elle parlait avec d’autres personnes, c’était en wallon et j’aimais essayer de comprendre en l’écoutant. C’est ce qui m’a permis de toujours comprendre ce dialecte, même 60 ans plus tard…
Ma grand-mère paternelle était une femme avec laquelle je n’ai jamais eu vraiment de contacts : elle était austère et froide. Après le mariage de son fils aîné, elle n’a pas arrêté de déménager, avec son deuxième fils, qui était un Tanguy dandy.
C’est peut-être lui qui a inspiré le réalisateur de ce film « culte » en 2001 !
Il était complexé par son grand nez crochu, au point qu’il eut recours assez jeune à une chirurgie plastique pour le réduire…
Papa, dès son adolescence, a dès lors dû assurer la charge de sa famille et n’a donc jamais pu suivre les études qu’il aurait souhaitées. À 17 ans, il allait à vélo travailler dans une usine située à 6 km de son domicile… À 19 ans, il a dû effectuer son service militaire, à cette époque, long de deux années ; il y est devenu un excellent chauffeur de camions, mais il y a passé aussi de très nombreuses semaines en cellule : son esprit de rebelle et ses difficultés à suivre les ordres ! (Une des rares histoires qu’il m’avait racontées.)
Ensuite, il a commencé à travailler comme ébéniste décorateur, dans une petite entreprise familiale, à proximité de sa maison. Il a acheté une « vespa », notamment pour aller conter fleurette à maman et ils commencèrent à faire du camping avec un couple d’amis : En ce temps-là, le camping n’était pas encore très développé, et ne coûtait quasiment rien. Leurs premiers piquets de tente étaient confectionnés par papa… en bois !
Maman, elle, avait appris à coudre, tricoter, repasser et nettoyer, et en cela, elle était très douée….
En regardant les quelques vieilles photos en noir et blanc, je compris que papa était avant-gardiste, et, dès qu’il a pu, il s’est acheté une minuscule voiture, une « Fiat 500 cc ».
Ils se marièrent en 1954, et deux ans après, je naquis, sur la table de la cuisine ! C’était encore assez fréquent à cette période…
L’histoire ne dit pas si je suis, ou non, tombé de la table, ce qui aurait peut-être expliqué bien des choses… Lol !
Apparemment, j’étais un nourrisson fragile et je nécessitais de l’attention au début. Mais après, j’allais bien « profiter ».
Selon l’expression : « Je grossis même avec le vent qui me souffle dans le derrière. »
J’héritai de petites jambes bien costaudes, qui me permirent d’ailleurs de marcher dès l’âge de 9 mois !
Alors, que dites-vous de cet exploit, malheureusement, jamais publié dans le livre des records ? J’ai des preuves en photos noir et blanc !
De là me vinrent plus tard quelques-uns de mes surnoms : mon ami d’enfance m’appelait « Gros Dir » ; mon petit frère « Gros » ; les autres : « Gros plein d’soupe » !
C’est vrai que j’ai toujours adoré la soupe ! Ce fut d’ailleurs ma seule exigence culinaire durant toute ma vie !
Nous vivions au-dessus de chez ma grand-mère, au 1er et 2e étage, où nous n’occupions quasiment que la cuisine, la seule pièce à être chauffée en hiver. Il y avait un poêle à charbon à boulets que je devais presque tous les jours aller chercher dans la cave (une épreuve à chaque fois, comme vous le comprendrez plus loin). Il y avait aussi un évier avec seulement un robinet d’eau froide et au-dessus, penché à 45°, un grand miroir, qui permettait de se coiffer et de s’admirer.
À ce propos, je me souviens que maman me disait : « Arrête de te regarder dans le miroir, sinon le diable va t’apparaître ! » Cette remarque, pour un petit garçon curieux, ne faisait que m’encourager à continuer, même si j’avais un peu peur de découvrir l’affreuse tête qu’il avait…
Il y avait aussi une table, qui était recouverte de tissus, de robes, de laines, de tricots, de machines à coudre, de fer à repasser… presque en permanence, sauf au moment des repas… La cuisine était éclairée par deux grandes fenêtres, qui donnaient sur la rue devant la maison et notre vue donnait sur la pompe à essence et le garage, juste en face. Évidemment, trop pauvres, nous n’avions pas de télévision ni de téléphone : notre « petit écran » était en quelque sorte la vie dans la rue. Dans cette pompe à essence, je voyais défiler (et je mémorisais) toutes les marques des voitures qui étaient à cette époque, très reconnaissables…
Au premier étage de cette pompe à essence, le couple avait eu trois fils, dont le second, qui a développé le même intérêt que moi pour la nature et les animaux. Nous sommes devenus rapidement des amis.
Lorsque je prenais mon bain en hiver, l’eau était chauffée sur la cuisinière et ensuite versée dans une tinne (terme wallon qui désignait une bassine en fer blanc), dans laquelle je m’asseyais pour y barboter. En été, nous nous lavions dans l’évier, à l’eau froide et sous l’œil discret du diable… Le salon était juste à côté, avec de beaux meubles en chêne que papa avait confectionnés : tables, chaises, horloge de coin, vaisselier, et deux ou trois fauteuils ; il n’était ouvert qu’aux grandes occasions.
Papa travaillait six jours par semaine : il partait tôt le matin et revenait vers 17-18 heures, tous les jours… Pour un salaire très léger… Maman était en permanence concentrée dans ses travaux de couture, pour arrondir leurs fins de mois.
Au deuxième, sous le toit, avec des petites lucarnes et simples vitrages, il y avait deux chambres, celle de mes parents, la mienne, et une mansarde. Cette 3e pièce était une chambre vide qui allait souvent me servir de salle de jeu, avec les quelques rares copains qui venaient à la maison les mercredis ; cette mansarde avait une fenêtre verticale qui s’ouvrait et l’on pouvait voir les piétons passer sur le trottoir en contrebas.
Il n’y avait pas de WC, ni au 2e, ni au premier, ni au rez-de-chaussée : ils étaient situés dans une petite cave très noire et très lugubre, éclairée par une faible ampoule, accessible par deux voies différentes ; on y rencontrait de temps en temps des rats et des souris… (La peur des rongeurs, une des grandes phobies de maman, qui, évidemment, me l’a bien communiquée pendant mon enfance…) Avoir des WC dans la maison était déjà une nette amélioration de la situation antérieure, car au tout début, il était situé dans un petit cabanon, au fond du jardin, près de la rivière…
Je n’épiloguerai pas sur la commodité, quand il fallait y aller dans le noir pendant les longues soirées d’hiver… Avec du papier journal, qui ne servait plus pour la lecture !
Pour la nuit, il y avait bien sûr un pot dans la chambre de mes parents, et quand j’avais besoin, je me glissais sans bruit pour y faire pipi à genoux, en essayant de ne pas les réveiller et de viser juste…
Tous les hivers, il gelait dans les chambres (pas de double vitrage à cette époque), et nous réchauffions un peu nos lits avec une brique. Je suis devenu dès lors beaucoup plus résistant au froid qu’au chaud, suite à cette situation… Les nuits où il pleuvait, le bruit irrégulier des gouttes sur la vitre de la lucarne me calmait et me rassurait dans certaines circonstances… Même adulte, j’aime toujours écouter la pluie tomber sur des carreaux.
Bien entendu, avant mes cinq ans, je n’ai quasiment pas de souvenirs, juste quelques photos en noir et blanc, mais je me rappelle le traumatisme lié au départ de mon père pour effectuer un « rappel » de plusieurs mois à l’armée. J’avais cinq ans et demi, à peu de chose près. Mon premier grand et réel souvenir clair fut le « crash de notre Fiat 500 » : Nous rentrions à la maison, après être allés à Bruxelles chez ma grand-mère paternelle pour ma Saint-Nicolas. Le frère de papa était mon parrain et il habitait avec sa mère dans la capitale. Sur la nationale (car l’autoroute n’existait pas encore), une Simca 1000 nous a accrochés en pleine vitesse à l’arrière gauche et nous a projetés dans le décor… D’après les témoins qui nous ont accueillis et réconfortés, notre Fiat, très légère, a effectué plusieurs tonneaux avant de s’immobiliser, tout écrasée de tous les côtés…
Coup de chance : nous étions tous quasiment indemnes, à part quelques égratignures… Je me rappelle très clairement le moment où j’ai repris connaissance chez ces gentilles personnes flamandes…
Et le fait que nous avions tous perdu nos chaussures! Pourquoi ? Grand mystère de la science !
Après quelque temps, quand papa put racheter une voiture, il opta, par précaution, pour une grosse Opel Rekord, impossible à « retourner », étant donné son poids… Spacieuse, je sais que parfois je dormais confortablement sur la tablette de la vitre arrière… Les ceintures n’existaient pas en ce temps-là et les règles de sécurité étaient beaucoup moins drastiques que maintenant ; il faut signaler aussi que le trafic routier était nettement moins dense, car nous pouvions encore jouer de temps en temps au milieu de la rue sans problème…
Durant la plupart de mes journées, avant de rentrer à l’école en 1re primaire (pas de maternelles à cette époque), je jouais par terre dans la cuisine, sous la table notamment, avec quelques petits soldats, quelques briques lego et surtout mes petites voitures Dinky Toys, sous les cris et les chants des canaris de maman, qui n’arrêtaient qu’à la nuit tombée… Je ne sais pas combien d’heures j’ai consacrées quotidiennement, combien de semaines, de mois, et voire d’années j’ai pu jouer comme cela, tout seul, juste à côté de ma mère, qui ne parlait quasiment pas, et en subissant ces chants tonitruants des canaris jaunes posés sur les appuis de fenêtres…
Parfois, quand je devenais un peu plus turbulent et que je me racontais des histoires à haute voix, en m’extériorisant un peu (trop) avec mes voitures ou mes soldats, j’entendais cette phrase : Il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de dire des bêtises…
Comme j’apprenais vite, je pris dès lors l’habitude de la tourner bien plus que ça !
C’est à cette période que j’ai donc commencé à énormément souffrir de solitude ; solitude, qui allait énormément peser dans ma vie, à point tel qu’elle allait devenir un vrai talon d’Achille. Pour cette raison, toute ma vie, j’ai été en manque de relations humaines ; chaque fois que je me sentais seul, j’allais vers les autres, pour tenter de combler ce vide… Je ne parlais quasiment pas ; je n’avais que très peu de livres : mes quelques bandes dessinées se résumaient à deux ou trois Tintin, Michel Vaillant, et Spirou. Je lisais, puis je dessinais, en reproduisant mes dessins préférés de mes bandes dessinées.
Maman n’avait jamais le temps de me lire un livre ou de me raconter une histoire…
Quand il se passait un évènement triste, ma grand-mère et maman, un peu (voire beaucoup), « bigotes », sortaient leurs chapelets, allumaient des bougies qu’elles plaçaient sur un meuble, puis priaient.
Elles ont peut-être inspiré Jacques Brel…
Quand il a écrit sa chanson « les bigotes » en 1963…
Tous les dimanches, j’étais obligé d’aller suivre la messe en latin dans une petite chapelle à proximité… Après cette corvée, papa nous emmenait en balade dans notre région, à pied ou en voiture, chez un oncle, une tante, ou des amis, jamais très loin.
Pendant la semaine, en journée, nous écoutions (entre deux chants de canaris), une petite radio portative, qui était posée sur un des deux appuis de fenêtre. La musique qui passait sur les ondes commença à rentrer en moi, à tel point que, par la suite, je ne pourrais plus jamais passer une seule journée sans en écouter… Durant ces années soixante, on écoutait les yéyé français, du twist, notamment Johnny Halliday, Eddy Mitchell, Richard Anthony et les Chats Sauvages ; twist à Saint-Tropez, Kiddy watch, viens danser le twist, wap dou wap, la leçon de twist, siffler le train, let’s twist again (pour ne citer que celles-là) étaient les chansons qu’on entendait le plus souvent.
Mais aussi « tu parles trop ! » de Richard Anthony. (Lol !)
C’était aussi le début du Blues et du Rock and roll : Elvis Presley (Blue swede shoes), Bill Haley (Rock around the clock), Eddy Cochran (Summertime blues), Neil Sedaka (Oh, Carol), les Platters (Smooke gets in your eyes), Paul Anka (Put your hand on my shoulders) et Chuby Checker (let’s twist again).
Comme mes parents étaient assez jeunes, papa voulait évidemment faire plaisir à sa femme : il lui acheta un tourne-disque portatif, des « 45 tours » ; et, tous les quinze jours, le samedi soir, avec leurs amis les plus proches (et leurs deux enfants), nous allions danser le twist dans un dancing connu de la région. Les musiques allaient fort, beaucoup trop fort pour mes petites oreilles, mais personne ne s’en rendit compte sur le moment. En conséquence, j’allais très vite percevoir des bruits dans ma tête. C’était comme cela que je les qualifiais à l’époque, ne pouvant pas les expliquer ni savoir si ce phénomène était normal ou pas… J’en parlai à maman à plusieurs reprises, mais je pense qu’elle n’a jamais compris ou ne me prenait pas au sérieux, et elle ne s’en inquiéta donc vraiment jamais, me laissant dans mes questionnements… Pourtant, ces « bruits », entraînant un désagrément permanent, allaient perturber toute ma vie… Depuis leur apparition, je n’ai jamais pu disposer d’une seule minute de répit, jour ou nuit. Parfois, à cause d’eux, je m’imaginais être un extraterrestre, qui était en train de siffler avant d’exploser (comme notre bouilloire sur le feu). Plus tard, à plusieurs reprises, je crus que je développais une tumeur au cerveau, ne sachant même pas les qualifier, savoir ce qui les causait ou comment les faire disparaître…
Mais, quelques semaines après leur apparition, allait se passer un autre évènement, qui allait « ébranler » ma vie, reléguant ce problème important au second rang seulement.
Pas de mauvais jeu de mots ! SVP !
Papa, au fil du temps, n’appréciait guère les trois frères de maman : des gens étaient primaires, butés, radins, avec peu de sens moral. Un des trois, notamment, battait régulièrement ses deux fils et les exploitait dans sa ferme ; sa première femme développa un cancer au poumon (grande fumeuse), mais il la trompait, ne se souciant guère de sa maladie et de ses souffrances.
Même si papa avait quasiment coupé les ponts avec ses trois beaux-frères, nous fréquentions tout de même une de mes tantes, son mari et leurs trois enfants.
Le plus jeune, surnommé Nénesse, avait neuf ans de plus que moi ; c’était un adolescent déjà « très spécial » ; grande gueule, il avait « de la merde dans la tête » et faisant connerie sur connerie.