Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
"Thanos" plonge dans les méandres de la mémoire de Victoria Siard où le « je » de son journal intime s’entrelace harmonieusement avec le « elle » de ses récits de vie. Ces deux voix se confondent pour former une entité ancienne et indissociable, miroir d’un cercle intime où passé, présent, douleur et résilience s’entremêlent. Marquée par deux drames fondateurs, Victoria, souvent à son insu, trace un chemin teinté de nostalgie et de fatalité. Pourtant, une force intérieure inébranlable l’habite, la poussant à se réinventer sans cesse. Sous une apparente insouciance lumineuse et une fantaisie délicate, elle dissimule ses blessures avec une élégance rare. Tel un diamant brut, Victoria dévoile ses secrets à ceux qui savent l’observer, offrant une histoire à la fois sensible et puissante, reflet de la résilience humaine et de la capacité à transcender la douleur.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Véronique Siard, née dans une famille d’artistes, traverse une adolescence marquée par les épreuves. Violentée mais coriace, portée par son désir d’aider, elle devient éducatrice spécialisée, conciliant études et travail auprès de jeunes en situation de handicap. Malgré les drames,
Véronique affronte l’injustice avec un courage inébranlable. Retraitée, elle incarne la résilience et consacre son temps au bénévolat, inspirant par sa force et son altruisme.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 141
Veröffentlichungsjahr: 2025
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Véronique Siard
Thanos
Roman
© Lys Bleu Éditions – Véronique Siard
ISBN : 979-10-422-5395-0
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mes deux fils
2019
Journal de Victoria, mars 2019, page 195
20 mars 2019. Jour du printemps. Jour de promesse. Jour de joie ?
J’ai retrouvé un carton derrière une porte fermée à double tour.
Une porte fermée sur le chaos noir de ma mémoire où je range tout ce qui me dérange, tout ce qui me bouscule et me fait pleurer encore, malgré le temps passé.
Ce temps qui passe et qui guérit toute blessure… dit-on.
De fait, ce carton, je ne l’ai pas « retrouvé ». Je savais pertinemment qu’il était là.
J’avais seulement peur d’en soulever les rabats poussiéreux.
À quoi bon ?
Dessous un amoncellement de photos anciennes qui reposent comme dans la sérénité d’un cimetière, apparaît la couverture en moleskine rouge d’un épais carnet.
Un carnet de couleur rouge, un rouge passé, usé par la lumière, un rouge témoin de vie.
C’est le journal de ma jeunesse.
Délaissé. Laissé en plan. Lignes interrompues. Encre séchée.
Dernière page remplie d’une écriture large et ronde, en travers de la feuille, il est écrit :
« juillet 1989. Page 194. Je ne serai plus jamais Victoria ».
Il m’a fallu trente ans pour oser le reprendre.
Je dis parfois qu’elle n’est vraiment pas terrible, ma vie !
Mais c’est ma vie.
J’évacue d’un revers de la main cette sombre pensée.
Qui pourrait soupçonner en moi un quelconque pessimisme ?
Croyez-moi, j’ai su donner le change aux déconvenues qui m’ont traquée sans merci.
Mais voici venu le temps de résilience.
C’est pourquoi je reprends ce journal.
J’en aime l’odeur de vieux papier.
Je me sens prête à reprendre les confidences de mes pensées.
Je ne sais pas si j’écrirai régulièrement.
Je me promets cependant de ne plus cultiver les secrets.
Je ne veux plus subir les regards justiciers ou les mots intransigeants.
Je tairai les maux indicibles mais je ne voilerai pas ma vérité.
Les photos m’emportent vers des jours heureux et légers, d’autres, beaucoup moins heureux.
Tous ces visages aimés, figés, immuables me guident sur les traces de ma mémoire.
Ma mémoire qui parfois se perd mais se reprend toujours.
Je ne regrette pas de suivre ce chemin, en pleine lumière resplendissante, dont l’éclat va croissant jusqu’aux sources de mon âme.
1970
« On a toutes un garçon dans le cœur »1
Début juin 1970. Presque la fin des cours. Les élèves de la classe de troisième du collège du centre-ville se dispersent.
On déserte. Les cours, mais aussi les maisons. « Pour réviser le BEPC avec les copains ».
En réalité, on fait la bleue !
Certains parents ferment les yeux avec indulgence. Y compris ceux de Victoria.
Les évènements de mai 1968 ont ouvert des vannes de liberté. L’explosion d’alors avait surpris. Les carcans moraux avec leur lot de principes rigides furent la cible de la révolte. Depuis, on conteste une éducation jugée trop étouffante. Les changements s’installent peu à peu. Trop lentement selon l’avis des jeunes qui cherchent à déverrouiller cette société qu’ils considèrent comme ringarde.
On esquisse des pas vacillants mais novateurs qui tracent un chemin vers des horizons plus prospères, plus larges, plus permissifs.
S’annoncent moins de docilités.
On rêve de liberté, de fêtes, de joies, de plaisir.
Victoria est de cette jeunesse.
D’autant plus, que chez Victoria, on parle, on s’exprime, on laisse un champ de liberté… grand-père maternel oblige !
Immigré espagnol, artiste graphique, il avait fui la dictature de Primo de Rivera. Il avait élevé ses deux filles, Régine et Lolita, dans un idéal de justice sociale et de liberté d’expression, regard d’artiste oblige ! Il était dessinateur de presse2.
Victoria, née en 1954, est la fille aînée de Régine.
Régine porte le prénom de son père, elle en a hérité le don artistique. Elle réalise de magnifiques peintures sur soie. Elle a, consciemment ou non, respecté la lignée paternelle en choisissant Pierre pour époux. Pierre est dessinateur publicitaire.
Victoria admire beaucoup ce grand-père génial. Lorsque Régine confie Victoria à la vigilance du grand-père, Victoria, jeune enfant, reste assise auprès de lui, des heures entières, imitant ses mimiques et ses postures, adoptant les coups de crayon dont elle épie les mystérieux secrets, rêvant de se fondre en une identique gestuelle, le nez collé sur de larges feuilles qu’il met à sa disposition sur un angle du bord de la table à dessin, histoire de l’occuper afin qu’elle ne vînt troubler le silence de la pièce, « tu te mets, là, je ne veux pas t’entendre, je ne veux voir que de la couleur, de belles couleurs, et du trait, ma petite, du trait ferme, définitif, précis, volontiers exagéré mais crédible… Tu as appris à lire, à écrire, tu demanderas à ta maîtresse, pourquoi on ne dessine pas en classe, tu m’en donneras des nouvelles… et pourtant, nom de Dieu, ton crayon, c’est ta voix, tes yeux, tes lèvres, ton intelligence, ta clairvoyance, tes colères aussi, tu as le droit, ma petite, d’être en colère, tu as le droit de dire non, tu as le droit de dénoncer ce qui te semble injuste et laid, par ailleurs, tu as le droit de louer la beauté, ma petite, la beauté, la lumière de la vie, tel ton joli minois, la beauté c’est la plus grande consolation. Quand je dessine ou je peins, je deviens la béquille des mots, je tire la photo en noir et blanc d’un monde, tu me diras plus noir que blanc, évidemment, faut bien en parler de toutes ces saloperies, vois-tu, mais bien sûr, on s’en fout de tout ça, il n’y a guère que les artistes pour oser, ils en crèvent de faim, mais ils osent… tu comprendras plus tard, en attendant, au travail » !
C’est le rituel du jeudi que, malgré la contrainte d’une sage posture, Victoria guette impatiemment. Du haut de ses huit ans, Victoria ne comprend pas tout du subtil vocabulaire de ces injonctions, mais elle a l’intuition de l’importance du message transmis dans l’intimité de la pièce.
Elle ne perd pas une goutte de ces monologues.
Elle se sent importante.
Le grand-père lui parle, ouvre des choix d’avenir.
Il faudra qu’elle en soit digne !
Serait-ce cette assiduité tranquille et introspective qui donne à Victoria, en pleine adolescence, cette beauté d’une expression douce, lunaire, rêveuse à souhait ? Victoria observe le monde, d’un regard mélancolique qu’accentuent des sourcils dessinés en un arc parfait. Les cheveux longs de couleur châtain, laissés épars en liberté sur ses épaules, soulignent la perfection de l’ovale du visage.
Une beauté qui se suffit à elle-même et qui en impose à qui la regarde.
Des épaules prêtes à porter calmement ce qu’on lui donnera à porter.
C’est ce que laisse à penser la photo en noir et blanc que sa mère a exposée à un angle du miroir de l’entrée, où Victoria vérifie son reflet et en mesure l’effet, à chacun de ses passages.
Cela fait deux ans que Victoria et sa famille ont quitté Orly, pour venir habiter dans l’Est parisien, une ville deux fois plus petite, ce qui n’est pas pour plaire à Victoria.
Découvrir cette ville au passé nobiliaire et bourgeois, son château, ses terres agricoles, ses bois et marais, mordillés par des plans d’urbanisation aux affiches ambitieuses, la fait sombrer dans un profond désarroi.
À quatorze ans, Victoria découvre un lieu qu’elle ne peut clairement cerner.
Un espace sans repères, à l’identité indéfinie et floue, ni ville, ni campagne. Des hectares de terre propices à de lucratifs plans de développement urbain en voie d’expansion inextinguible. La ville avait accueilli, dès 1954, des logements d’urgence et avait autorisé, dans l’esprit des cités Castors, la construction d’un lotissement de petits pavillons individuels.
Ces choix urbanistiques donnèrent l’apparence d’une mixité sociale, commune à un certain nombre de villes situées aux proches alentours de la capitale, tout en déterminant intra-muros, des limites claires : en périphérie, les pauvres et déshérités, au cœur de la ville, les nantis, entre ces deux zones, les foyers à revenu modeste ou moyen venus s’installer récemment.
Est-ce cette image de diversité qui a plu à ses parents qui ne sont ni pauvres ni riches ?
Ils ont choisi un pavillon en location, donnant sur une grande avenue menant au château, dans une belle zone pavillonnaire, en retrait à la fois du centre et des quartiers déshérités.
Certains du collège croient que la famille de Victoria est aisée ! L’illusion du pavillon, sans doute. Elle laisse flotter… ça l’amuse. Victoria, elle, est, bien au fait des hauts et des bas économiques que le métier de son père occasionne.
Les parents ont beau argumenter que cette maison est objectivement plus confortable et que l’appartement d’Orly est devenu trop exigu pour eux quatre, Victoria ne se laisse pas convaincre.
Certes, en 1963, la famille s’est agrandie. Julia est née, pour le bonheur de tous, et encore plus, pour celui de Victoria. Julia, c’est son bébé, son baigneur, sa poupée.
Victoria veille sur elle et Julia le lui rend bien, elle ne la lâche pas, même quand elle aimerait bien que… Par exemple, quand elles se racontent leurs histoires de filles avec ses copines.
En tout cas, Julia a bon dos !
Et qu’on ne vienne pas dire à Victoria, qu’on était à l’étroit dans l’appartement. C’est faux !
Victoria adorait ce cocon rassurant.
Le confort, ça veut dire quoi ?
Elle, ce qu’elle veut, c’est son ancien logis tout rapetissé autour d’eux, en un écrin protecteur.
Ce sont ses camarades du collège où elle obtenait de bons résultats.
C’est l’élégante silhouette des avions qui décollent et vous emportent au loin de vos rêves.
Elle veut une vraie ville, avec de la circulation, du bruit, de l’agitation.
Elle veut des lumières qui scintillent dans la nuit.
Qui n’a pas vécu près d’un aéroport ne peut pas comprendre.
L’aéroport concentre tous les rêves de Victoria. Ne le savent-ils pas ?
Ici, dans cette pseudo ville, on ne fait qu’y dormir, quel intérêt ?
***
Première rupture de vie, considérée comme anodine par sa famille.
« C’est une enfant, elle s’en remettra, les enfants ont une grande faculté d’adaptation ».
Son grand-père tente de la consoler.
« Victoria, l’art vaut mille lieux, mille richesses ! Tant que tu as un crayon dans la main, ton pays, ta ville, c’est ton papier, là est ton lieu de vie ».
Victoria trouve son grand-père fort grandiloquent.
Il a beau rôle, l’« abuelo3 », lui qui vit à Paris….
Mais elle ne lui répond pas, elle se contente de soutenir son regard avec détermination, de ses grands yeux noisette soudain devenus noirs d’une rage contenue.
Il sourit. Il comprend. Il se souvient alors de ses premières années d’exil.
Il murmure : « pas facile, en effet ».
***
À partir de là, les choses ne tournent pas tout à fait rond pour Victoria, qui se perd dans un mal être larvé. Victoria ne ressent plus cette énergie qui la portait vers tous les possibles.
L’intense bonheur de l’enfance est ébranlé.
À présent, tout l’ennuie. Victoria cultive placidement la nostalgie d’un ailleurs idyllique.
Le nouveau collège et les profs lui deviennent insupportables. Ses résultats scolaires chutent ostensiblement, atteignent péniblement la moyenne. Les professeurs relativisent cette situation la justifiant par une difficulté momentanée d’adaptation, « Victoria est une élève intelligente, son précédent carnet scolaire est élogieux, elle va se reprendre, il faut lui laisser un peu de temps ». De fait, Victoria s’en tient à un « juste ce qu’il faut » pour ne pas alarmer quiconque.
***
Ce qui réanime Victoria, ce sont ses copains, garçons et filles.
C’est sa nouvelle vie.
Ses parents sont quelque peu soucieux. Ils résistent un tant soit peu à ses supplications d’autorisation pour sortir avec les copines et les copains, « aller voir ailleurs » comme elle dit, aller au ciné, ou tout simplement se balader aux alentours, ou se rendre à une boum. Mais ils finissent par laisser faire. Ils ont deviné la faille à cicatriser. Ils veillent en silence.
Cette liberté accordée permet à Victoria de nouer des liens amicaux très intenses.
Victoria c’est la reine de l’amitié !
Le samedi, elle part retrouver ses copines en solex, elle est heureuse, elle s’imagine partir très loin… à peine deux kilomètres, et c’est l’innocent vertige de liberté !
C’est la joie, les rires, l’extravagance, les confidences entre filles, les premières mini-jupes et tuniques à l’indienne, l’ivresse de la musique et de la danse, les garçons qu’on retrouve en cachette des parents, la séduction, aussi, à qui plaît-on vraiment ? Quel est le petit copain à qui on rêve ? Quel sera l’heureux élu ? Les cœurs chavirent, dansent, rêvent, s’envolent…
C’est un temps hors du temps, une parenthèse inouïe de bien-être. L’éphémère joie de vivre.
***
Oubli momentané d’un monde décevant où on ne fait pas tout ce qu’on veut.
La preuve en est : Victoria se focalise sur un avenir artistique, comme son grand-père, comme ses parents. Elle est en troisième de collège, elle veut passer, le concours de l’école des Arts Appliqués. Ses parents refusent. Ils craignent que Victoria ne vive l’incertitude matérielle qu’ils connaissent bien.
Or, le progrès et le confort s’affichent à tous les coins de rue, l’évolution est le maître mot de l’ambition… Les trente Glorieuses clament cet idéal. On veut le mieux pour ses enfants, en tout cas, beaucoup mieux que ce qu’on a connu soi-même. Et on peut y accéder !
Alors Victoria aura beau discuter, là, c’est certain, c’est un non catégorique.
Victoria ne comprend pas.
Pourquoi casser cette chaîne de transmission de talent ?
Pourquoi l’« abuelo » reste-t-il muet ? À quoi ont servi tous ces « nom de Dieu », si là, pour une excellente cause, il ne lève pas le petit doigt ?
Ses parents préfèrent la sécurité d’un emploi ordinaire, fonctionnaire serait l’idéal.
Les collèges proposent couramment deux orientations pour les filles, soit enseignement, soit secrétariat ! Ainsi, Victoria se voit inscrite au concours de l’École Normale d’Instituteurs.
Le Concours, très difficile d’accès, a lieu en mai. Il est clair que Victoria n’a pas le niveau, elle sait qu’elle va échouer. Elle échoue. Les parents sont déçus. Victoria s’en réjouit.
Mais une nouvelle bataille s’engage.
Les parents lui tombent sur le dos, « aie au moins le BEPC ».
Les adultes sont vraiment fatigants ! Ses seize ans se profilent. Entrevoir un avenir professionnel à cet âge n’a rien de facile.
***
Car pour Victoria, son avenir se dessine à la fin de la semaine, quand elle pose son sac dans sa chambre, délaissant livres et cahiers, et qu’elle sort boire le « sirop de la rue ».
Voilà, qu’on se le dise, là est son horizon, heureux, détendu, joyeux.
Victoria et ses amis gagnent de plus en plus de terrain.
La bande est très imaginative en scénarios et supplications théâtrales.
Les parents ne sont pas dupes, mais le monde évolue.
Tout en approuvant le bouleversement des valeurs, généré par le mouvement de mai 1968, et en adhérant pleinement à l’esprit de cette contestation, les parents de Victoria sont confrontés à ce paradoxal dilemme :
Favoriser la liberté d’expression, l’autonomie et l’épanouissement individuel de Victoria.
Veiller à ce que les choix de Victoria restent « raisonnables ».
Cette nouvelle donne d’éducation submerge les parents modernes qu’ils sont.
Mis au pied du mur, ils improvisent, souvent !
C’est ainsi, que mi-juin, Victoria soumet à ses parents,
« Lundi, on ne va pas en cours mais on travaille les épreuves, Claudine a acheté les annales du BEPC, on s’est fait un plan de révision. On va camper avec Claudine, Patrick, Serge, Christine, sa sœur, et Robert, mais on revient mercredi soir ».
Les parents de Victoria hésitent.
Pragmatiques, ils comprennent qu’un « non » induirait un « pas de révision du tout ».
Avec un oui, peut-être que…
Alors, ils acceptent, mi-figue mi-raisin, le hasardeux projet.
***
Fabuleux ! Entre nous, jusqu’à la dernière minute, Victoria a douté !
Elle s’attendait à un tout autre scénario.
Des parents inflexiblement raisonnables. Des discours assommants.
Sa mère qui tient à ce qu’elle « révise sérieusement », et souligne que « les copains, c’est bien, mais ce n’est pas eux qui feront ton avenir ».
Quant à son père, lui, c’est autre chose.
Il flaire une émancipation hâtive, trop hâtive à son goût.
Sa Victoria, il ne l’a pas vue grandir, et quand il regarde sa beauté naissante, il devine les yeux des hommes, et ça lui fait peur. Victoria l’entend marmonner « Trois filles, trois garçons, tout de même, vous êtes jeunes… ».
Le mieux est de ne pas relever. Ne pas activer le débat.
Elle a vu juste !
C’est gagné ! C’est plié ! Ils ont dit oui !
Alors elle file dans sa chambre, bouscule un peu Julia qui a l’art de s’infiltrer toujours quand il ne faut pas, aux moments les plus cruciaux, oui, Julia la regarde avec envie, elle aussi, elle aimerait bien aller camper, « mais t’es trop petite, ma p’tite ».