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"Voyage intérieur d’un médecin de famille" explore les moments clés de la carrière médicale de l’auteur, en évoquant la vie des patients qui l’ont marqué. En considérant leurs maux, il les a aidés à exprimer leurs souffrances. Il voudrait de ce fait inspirer les jeunes générations en partageant son enthousiasme pour la pratique de la médecine et les soins aux patients. Par ailleurs, il souligne les défis auxquels ce métier et le système de santé en général sont confrontés, et témoigne son engagement à préserver cette profession en mettant en avant ses aspects gratifiants.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Alain Masseron, diplômé de la faculté de médecine de Caen, a pratiqué comme médecin généraliste à Cherbourg-en-Cotentin de 1983 à 2021, tout en étant maître de stage universitaire. Comme un devoir de transmission reçu de ses aînés, il partage, grâce à la littérature, la beauté de ce métier avec les jeunes générations.
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Seitenzahl: 116
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Alain Masseron
Voyage intérieur
d’un médecin de famille
Mots pour maux
© Lys Bleu Éditions – Alain Masseron
ISBN : 979-10-422-1046-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Marie-Christine, mon épouse et ma complice de tous les instants, qui a partagé mon enthousiasme et supporté mes humeurs.
À Jean-Christophe,
médecin des corps et des âmes ;
À Virginie, sage-femme,
entre les mains de qui arrive la vie ;
À Stéphanie, enseignante attentive
au bien-être de ses élèves ;
À Pierre, infographiste
attentif à transcrire à l’écran le vécu des belles âmes,
mes enfants, mes suivants
dans la chaîne de la transmission.
À Louka, Laura, Timéa, Noah,
Timothé, Swann, Lily, Judith…
les premiers de cordée
dans les maillons suivants de la vie.
À mes parents, qui m’ont offert éducation et instruction.
À mes patients de Cherbourg, de la Manche et d’ailleurs, acteurs principaux de ma vie professionnelle.
À mes compagnons de la rue de Touraine,
sur le difficile mais exaltant chemin du soin.
À la vie !
Été 2021
— Regarde, papi, j’ai dessiné des planches d’anatomie !
— C’est joli mais tu t’intéresses à l’anatomie, toi, à douze ans ?
— Oh, oui ! tu sais, j’aimerais plus tard être médecin comme papa et comme toi !
— Comme tu as raison ! C’est un métier passionnant !
— Tu peux me raconter ce qu’on fait quand on est médecin ?
— Écoute, oui, je vais te raconter mon métier mais tu sais, je ne vais pas te parler beaucoup des organes que tu as superbement dessinés mais plutôt des gens que j’ai eu l’honneur de soigner quand ils avaient un souci de santé ; je vais plutôt te raconter leur vie, leur vie à un moment où ils étaient malades !
Noël 2022
« Bonjour, je suis le docteur Masseron, médecin de garde !
— Ah, bonjour docteur, entrez, on vous attendait, c’est pour mon mari, il n’est pas bien.
— Si vous voulez bien, je suis accompagné d’un confrère ; voyez, vous avez droit à deux médecins aujourd’hui !
— Bonjour Messieurs, entrez, on est gâtés en effet ! »
C’est au lendemain de Noël, en visite à domicile.
Pourtant j’ai cessé mon activité…
C’est qu’en fait ce docteur Masseron, ce n’est pas moi ! C’est mon fils, médecin urgentiste à Chambéry. Il m’a proposé de l’accompagner dans une tournée de visites, voulant me montrer la réalité du moment, l’explosion des demandes de soins par la raréfaction des médecins traitants…
Quinze ans plus tôt, c’est lui qui m’accompagnait en visites quand il était mon interne.
Si j’évoque ces deux anecdotes, c’est qu’il est question ici de la transmission : les semailles et la récolte, quel bonheur ! Sans transmission, pas d’enthousiasme à prendre le relais, pas de continuité.
Le « blé médical » se fait rare. Alors, pourquoi ? Ce métier pourrait-il aller jusqu’à disparaître ? On ne pourra résoudre cette angoissante question qu’en nommant le mal et en le traitant à sa racine.
Alors, en attendant des jours meilleurs, transmettons…
Évoquer un passé professionnel n’est pas un exercice simple. Cela me plonge un peu plus dans le « c’était avant » et pourrait freiner, en ce début d’écriture, ma dynamique du « je fais quoi à présent ? », tant cet exercice va être chronophage et risque d’amputer mon présent !
Alors, à quoi bon, me direz-vous, s’astreindre à coucher sur le papier les souvenirs d’une époque révolue ?
Parce que je le ressens, en tout cas au début de cet écrit, comme un besoin.
Besoin d’une part de ne pas oublier une tranche de vie tellement importante, la mémoire pouvant un jour me trahir et me manquer ; besoin d’autre part de transmettre, en effet.
Sur le chemin de l’existence, nous avançons avec nos aînés dont nous avons puisé la bonne substantifique moelle et également aux côtés de nos descendants que nous abandonnerons un jour chemin faisant et à qui nous voulons dire combien la vie vaut d’être vécue, combien elle m’a gâté et combien mon métier m’a passionné.
Ce besoin de transmettre m’habite d’autant plus que hélas, je constate que le métier que j’ai pratiqué est en train, je le disais, sinon de disparaître, progressivement, inexorablement, à tout le moins de migrer vers un mode d’exercice qui le dénature profondément.
Alors si l’on veut bien se souvenir qu’il y eut une époque où le métier de médecin de famille avait un sens qui correspondait au mieux aux besoins de la population, dans un souci d’équité sociale et dans le respect de la rencontre singulière entre deux êtres… un métier de passion, passionnant en tous cas…
Je formulerai mon propos par thèmes plutôt que chronologiquement, au fur et à mesure que les souvenirs viendront rejoindre ma plume.
Je vous évoquerai mon vécu des deux temps forts qui ont « chronologiquement » encadré mon exercice : La période SIDA dans les années 80, marquante pour le jeune médecin que j’étais et la pandémie récente, la Covid, qui a fortement impacté les deux dernières années de mon temps professionnel.
Pratique, Praticien… Le métier de médecin est un métier manuel, profondément manuel, fait de gestes, de toucher, de perceptions (auditives, olfactives, visuelles, tactiles).
Oui, à l’aspect « savoir », connu et imaginé de tous, s’ajoute bien évidemment ce « savoir-faire » du praticien.
Mais, comme l’a écrit le Dr Balint, fondateur des groupes de pairs de soignants, « la main du médecin qui soigne est une main sensible » ; ce qui nous amène à dire qu’il faut ici ajouter un troisième savoir, le « savoir-être ».
Le patient, en consultation, ne vient pas seulement avec des symptômes physiques, il vient avec des affects.
Et dans ce colloque singulier, le médecin se doit d’être à l’écoute de son patient afin que, mesurant de cette manière la situation et posant un diagnostic de syndrome ou de maladie (ce qui est un préalable indispensable), il puisse aussi mesurer, percevoir le contexte psychique et social dans lequel son patient vit son histoire médicale du moment. Ce qui est l’aboutissement, ultime et émulant de l’acte médical.
Ainsi le médecin peut soigner et prendre soin de son patient ; le « cure » et le « care » dont on parle quelquefois, dans une juste relation empathique, conscient des transferts et des contre-transferts qui peuvent se jouer à son endroit ou émaner de lui.
Le patient insuffisant cardiaque ne se résume pas à un « cœur fatigué » ; il est un individu victime d’un dysfonctionnement organique, qui lui procure un certain nombre de symptômes, lesquels seront conditionnés par son état mental et conditionneront ce dernier en retour. Il s’agit également de comprendre les représentations du patient en matière de maladie. Un exemple criant en ces temps de pandémie :
Quelles sont les représentations de la campagne vaccinale « Covid » chez les personnes réfractaires au vaccin ?
Il s’agit donc pour le médecin d’éviter de se limiter à un acte purement technique pour élargir son champ de vision au ressenti de son patient, à son contexte psychique et à son environnement social, voire socioprofessionnel ; sans intrusion mais sans froideur non plus, le conduisant ainsi à proposer une décision thérapeutique claire et consentie.
Tel a été mon souci constant tout au long de ces 40 années de pratique médicale, dès ma première année d’interne jusqu’à mon départ en retraite, selon une graduation progressive, au fur et à mesure de mon expérience acquise et de mes propres affects.
J’ai par ailleurs mesuré tout au long de mes années de pratique, l’importance de deux vertus dont mes patients ont fait preuve à mon endroit : la fidélité et la confiance.
Je l’ai perçu davantage, parfois comme une révélation, dans mes dernières semaines d’exercice, lorsque mes patients me disaient « au revoir », avec leurs mots propres, leurs cadeaux délicats, leurs regards et leur manière d’être (il faut dire là que le port du masque et la distanciation liés à la Covid ont malheureusement modifié, atténué sans doute leurs élans et… les miens !)
J’ai travaillé toutes ces années dans la confiance et la fidélité de mes patients et cela m’a procuré un confort inestimable et insoupçonné, une sérénité, me permettant d’allier au mieux les besoins en santé ressentis par mes patients et les propres objectifs de soin que je me fixais pour eux.
Sur près de quarante années d’exercice en un même lieu, je peux dire que j’ai avancé en âge au même rythme que mes patients et que j’ai vu grandir les familles sur quatre et parfois même sur cinq générations (exceptionnel).
Ainsi, commençant ma vie professionnelle alors que je n’avais pas encore vingt-sept ans, j’ai constitué ma patientèle avec de jeunes adultes, leurs enfants, leurs parents à un moment ou à un autre quand leur propre médecin partait à la retraite, leurs grands-parents parfois (la population du nord Cotentin est quasi insulaire avec peu de migrations des familles). Puis, les années passant, ces enfants dont je m’occupais devenaient à leur tour jeunes parents, me confiant alors leur progéniture.
C’est là que la notion de médecin de famille prend tout son sens, avec les joies que cela procure quand un petit agrandit la famille et les peines quand un aîné disparaît. Tout cela dans un climat de grande confiance de leur part, de fidélité (je l’ai bien compris à mon départ à la retraite) et dans le respect des secrets, m’amenant nécessairement à maintenir une certaine étanchéité entre les individus constituant la famille.
Rarement mais à plusieurs reprises quand même, j’ai accepté de répondre à des invitations comme des cérémonies de mariage, d’inhumation. La distance entre le soignant et l’intime de la famille est parfois ténue.
Confiance, fidélité, discrétion permettent au médecin d’exercer dans une bonne connaissance du milieu familial, compétence particulière qui a pu, bien souvent, servir à résoudre des conflits. Ce qu’on peut nommer l’approche systémique d’un dysfonctionnement familial.
Et j’ai pu quelquefois percevoir dans telle ou telle famille des silences embarrassés, des secrets plus ou moins dévoilés par un des membres de la famille.
Une psychothérapeute experte en généalogie clinique m’a alors souvent aidé à résoudre des énigmes familiales qui, quand elles apparaissaient au grand jour, pouvaient permettre au patient, prisonnier de ses émotions, de se libérer de ses liens ancestraux et de vivre enfin libre. Un grand merci à elle !
Mon épouse, Marie-Christine, n’est ni soignante ni issue d’une famille de soignants (tout comme moi d’ailleurs).
J’étais en 2e année de médecine quand nous nous sommes rencontrés.
Passées les grosses inquiétudes de nos parents respectifs à voir un si jeune couple se former au sein duquel un étudiant qui, par définition, ne gagnait pas sa vie, nous avons su imposer notre désir de faire notre vie ensemble et de bâtir un foyer.
Je ne gagnais pas ma vie certes, mais j’allais gagner des vies !
Vous me permettrez là de rester pudique sur la nature de nos sentiments amoureux et sur la manière de les exprimer. Ce dont je veux néanmoins témoigner ici, c’est que mon couple, la personnalité de Marie-Christine, son intelligence instinctive, sa discrétion, son sens des autres, puis l’arrivée et l’existence de nos enfants ont été fondateurs et consolidateurs de mon équilibre psychique, condition indispensable à un exercice serein de mon métier.
Je ne dis pas naturellement qu’un médecin seul ou séparé est moins « équilibré » qu’un médecin évoluant au sein d’une famille stable, mais je sais, je ressens que pour moi, ce statut fut un apport fondamental et la source d’un bonheur vrai, ce bonheur qui fait de vous un être heureux. Et comme le chante William Sheller, ce bonheur ne vous tombe pas du ciel ; il résulte d’une volonté d’être heureux (« je veux être un homme heureux ») et cette volonté, je l’ai construite avec la femme de ma vie. Et quand vous êtes heureux, vous êtes enthousiaste.
Je suis convaincu que nous, les êtres humains vivant en société, avons besoin de l’enthousiasme des autres pour traverser les épreuves de la vie. Et si les soignants peuvent apporter à leurs patients, au-delà de leur compétence professionnelle, un peu de leur enthousiasme… J’ai en tous cas tenté de le faire le plus possible, dans des situations joyeuses, telle la naissance d’un bébé comme à l’autre bout de la vie quand il s’agissait de fermer les yeux d’un patient.
Plus légèrement, avoir une épouse qui vous accueille au sortir d’une consultation, à qui vous pouvez exprimer vos réflexions, dans le secret médical des noms, vos éventuelles émotions, m’a permis de prendre le recul nécessaire, notamment quant à mes inquiétudes sur l’efficacité de ma pratique.
À propos du secret médical, je veux ici préciser que nous sommes, en qualité de médecins, détenteurs de données médicales confidentielles. La question est de savoir qui détient l’information, avec qui le médecin est néanmoins contraint de la partager et comment il peut verrouiller ce qui n’est pas partageable.
Dans un cabinet médical, tout comme dans un service hospitalier, le secret médical est pour partie nécessairement étendu aux autres professionnels et collaborateurs du médecin : la secrétaire médicale notamment.