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"Divergences", le 56ème roman de Pierrette Champon-Chirac, nous plonge dans l'univers d'une romancière en proie au cruel dilemme de la page blanche. Alors qu'elle lutte pour retrouver l'inspiration, le quotidien lui réserve une surprise inattendue : une rencontre fortuite, un événement anodin qui, une fois entrelacé avec les fils de la fiction, promet de captiver le lecteur. Entre réalité et imagination, Pierrette navigue avec adresse dans les eaux troubles de la création littéraire, offrant une exploration riche en nuances où chaque détail, chaque émotion tisse la trame d'une histoire aussi intrigante que révélatrice.
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Seitenzahl: 103
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Toute ressemblance avec des personnes ayant existé ne serait que pur hasard.
à Jacques C.
Chapitre 1- La romancière
Chapitre 2 - La rencontre
Chapitre 3 - L’arrivée
Chapitre 4 - Croisière vers les 7 îles
Chapitre 5 - Le projet d’Hippo
Chapitre 6 - Le repas de Thierry
Chapitre 7 - La journée de Jacques
Chapitre 8 - La journée de Christophe
Chapitre 9 - L’homme inconnu
Chapitre 10 - Le dilemme de Coline
Chapitre 11 - Les confidences de Vania
Chapitre 12 - Le comédien
Chapitre 13 - Le dénouement
Au cours de sa vie, elle avait connu des lieux divers, des aventures extraordinaires et, pour passer ses dernières années avait choisi de se retirer dans ce bourg rural de l’Aveyron. Elle menait une vie solitaire, mais riche en relations épistolaires profondes. Elle échangeait des lettres, des courriels ou des messages avec divers interlocuteurs, chacun offrant une perspective unique et enrichissante, elle entretenait des relations exclusivement à travers l'écriture. Pour elle, chaque échange de mots était une fenêtre sur l'âme de l'autre personne. Elle trouvait une beauté particulière dans la façon dont les mots peuvent révéler les pensées, les émotions et les rêves, bien au-delà de ce que l'apparence physique pourrait suggérer. Elle se sentait plus proche des gens à travers leurs idées et leurs mots, accordant une grande valeur à la connexion intellectuelle et émotionnelle à travers l'écriture. Elle était attirée par la profondeur des échanges plutôt que par des rencontres superficielles. Cette connexion intellectuelle intense annihilait le désir d'une connexion physique ou émotionnelle plus profonde dans le monde réel.
C’était une femme de caractère qui avait toujours tracé sa propre voie, sans suivre de plan préétabli, avide de liberté. Elle avait cultivé son indépendance, évitant les conventions. Ce n’était pas une donneuse de leçons et elle n’acceptait pas qu’on lui en donne, ni qu’on dicte sa conduite.
Comme certaines personnes âgées de son entourage, elle n’avait jamais sombré dans une forme de léthargie, de résignation et d’isolement. Sa vie était animée d'une véritable motivation, trouvant les journées bien trop courtes pour réaliser tous ses projets. Contrairement à celles de ses connaissances, accablées par la monotonie d’une existence où elles semblaient littéralement se décomposer sous le poids de l'ennui et de la douleur non résolue, elle ne connaissait pas cette sensation. Le manque de perspectives et d’ambitions les avait progressivement dépouillées de toute énergie vitale, les laissant se demander inlassablement quel était le sens de leur vie, sans trouver de réponse satisfaisante. Elles regardaient l’avenir avec une profonde mélancolie, n'y percevant aucune lumière ni raison de se relever. Rien ne semblait pouvoir les dynamiser ou raviver un peu d’espoir pour ce qui pourrait advenir.
Non, elle n’était pas comme elles ! Elle était écrivaine.
Chaque mot, chaque phrase avait le pouvoir de donner un sens nouveau à sa vie, car elle se nourrissait de mots. Elle naviguait dans un univers réconfortant où chaque événement marquant se cristallisait en alexandrins ou en octosyllabes. Pour elle, écrire en vers classiques était un hommage aux règles édictées par Boileau et aux anciens maîtres, mais seuls les initiés, devenus rares, pouvaient pleinement apprécier la perfection de sa métrique, l'harmonie de ses rimes, et la subtilité de ses émotions.
Elle confiait ses états d'âme à l’ordinateur, son confident fidèle, lui dictant parfois des poèmes d'une poignante sincérité lorsqu'elle se sentait incomprise ou mal-aimée. Elle exprimait ses sentiments avec une honnêteté brute, mettant son cœur à nu, sans filtre ni retenue. Ses poèmes captivaient les lecteurs, les transportant dans un univers où la frontière entre réalité et fiction s'estompait. Parfois, elle s'abandonnait à des tourments imaginaires, explorant un scénario où elle se percevait comme détestée, ou victime d'intrigues perfides.
Depuis plusieurs années, elle écrivait des romans, inspirés des événements du quotidien qu’elle mêlait habilement à la fiction, si bien que le lecteur peinait à distinguer le vrai du faux. Ses romans étaient appréciés, fidélisant un lectorat passionné. « J’écris pour ceux qui ne lisent pas » affirmait-elle avec modestie. En effet, sa plume fluide, ses personnages authentiques et une intrigue palpitante étaient les ingrédients qui captivaient le lecteur dès les premières lignes, l’empêchant de lâcher le livre avant d’en connaître le dénouement.
Ce n’était pas une personne ordinaire, mais une femme doublée d’une romancière pourvue d’une imagination sans limite qui pouvait mener une vie exaltante avec un pied dans la fiction, l’autre dans le réel.
D’un abord difficile, mystérieuse, elle se réfugiait dans son propre monde, dans son jardin secret où les murs invisibles qu'elle avait érigés autour d’elle la protégeaient des regards extérieurs. Là, elle s’inventait des amis imaginaires, des êtres avec qui elle partageait des idées et des rêves, des compagnons fictifs par lesquels elle se sentait enfin comprise. Elle évoluait dans une bulle, un cocon étanche aux préoccupations du monde extérieur, loin des réalités et des exigences sociales qu’elle n’avait jamais su ou voulu affronter. Parfois, elle se parlait à elle-même, posant des questions auxquelles elle répondait dans le même souffle, comme une conversation intime avec son propre reflet.
Ainsi, incomprise et même heureuse de l’être, elle se perdait parfois dans ses relations. Suite à des comportements inhabituels, certaines de ses connaissances ne jugeant que la partie superficielle de sa personnalité, sans l’approfondir, lui avaient suggéré avec bienveillance de consulter un psy. Cette idée l’amusait beaucoup face à l’incompréhension de ce qu’elle était vraiment. Depuis des décennies personne ne pouvait se vanter de l’avoir influencée ou dirigée contre son gré.
Dotée d’une imagination foisonnante, elle passait des heures entières devant son ordinateur, absorbée dans des mondes qu’elle tissait avec passion. Parfois, ses nuits peuplées de songes lui soufflaient l’inspiration. Alors, elle se levait pour transcrire, un dialogue, une scène inattendue, ou la suite parfaite d’un chapitre resté en suspens. Ses personnages, comme vivants, venaient la nuit frapper à sa porte pour lui révéler leur destinée.
Elle parlait peu, mais elle écoutait, étudiant inconsciemment son interlocuteur qui pourrait un jour devenir un des personnages de romans. Les rares fois où elle sortait de cette zone de confort, c’était pour des nécessités : faire les courses, se rendre à la Poste. Mais ces sorties étaient brèves, sans éclat, comme des gestes mécaniques destinés à accomplir des tâches urgentes sans se laisser déranger par la vie qui continuait à tourner autour d'elle. En dehors de cela, elle menait une vie active intérieure, mais dans l'ombre.
Elle vivait seule dans une maison à la périphérie du bourg, entourée de verdure où elle chérissait l'ombre des arbres et le silence interrompu parfois par les oiseaux. Elle fréquentait aussi des personnes de son âge, sachant qu’elle pouvait compter sur leur soutien à l’occasion.
Le matin, après vingt minutes de marche pour se mettre en train, elle prenait place devant l’ordinateur. La solitude, qui décuplait son énergie, était également une compagne fidèle, une complice silencieuse pour le temps qu’elle consacrait à l’écriture. Ce mode de vie qu’elle avait adopté depuis toujours, comme une seconde peau qu’elle n’avait jamais cherché à enlever, lui convenait parfaitement.
Le jardin qui entourait sa maison était devenu le miroir de son état d’âme, une véritable forêt vierge où la végétation poussait sans contrainte, à sa guise, comme si le temps lui-même s’y était arrêté. Les herbes folles et les plantes sauvages y prospéraient dans une anarchie bienveillante. Ce jardin, jadis soigneusement entretenu, était désormais devenu un labyrinthe de verdure, une jungle intime où elle se perdait parfois pour y retrouver l’ambiance des forêts équatoriales. La chaleur estivale assombrissait encore davantage ce lieu, les feuillages touffus créant une ombre dense dans laquelle elle aimait se plonger à l’abri des regards.
Elle avait enfin achevé son dernier roman, intitulé « Énigmes Florales », et ressentait ce vide familier qui suit toujours la conclusion d'un projet aussi intense. Chaque fois qu'elle posait le mot FIN, une partie d'ellemême se sentait à la fois accomplie et légèrement perdue. Les jours qui avaient suivi étaient imprégnés d'une quête fiévreuse, une recherche incessante pour capturer une nouvelle étincelle d'inspiration dans les méandres de son quotidien. Sa vie n’avait plus de sens quand elle n’écrivait pas.
Puis un jour, un miracle se produisit !
Par un bel après-midi de juin, Coline était assise sur le banc de pierre de son jardin à l’ombre d’un sapin majestueux. Elle profitait de la douceur du printemps s’éternisant, un livre en main. De temps à autre elle levait les yeux de son roman pour observer le vol d’un papillon devenu rare ou le merle sautillant sous la haie.
Soudain la sonnette de la porte d’entrée troubla sa quiétude. Qui pouvait venir ? Elle n’attendait personne. Elle fit la sourde, mais à la seconde sonnerie, elle se vit contrainte à se lever. À plus de 80 ans, Coline était encore alerte et on lui aurait donné dix ans de moins. Elle s’avança dans l’allée et s’approcha pour ouvrir la porte. Un homme était là, la cinquantaine, grand, mince au visage respirant la sympathie.
– Bonjour, que désirez-vous ? demanda-t-elle tout en l’observant.
Le regard de l’homme, qui croisa le sien, éveilla en elle un tumulte d'émotions. Son sourire chaleureux, sa voix douce et ses yeux bleus la captivèrent instantanément, comme si une force mystérieuse les reliait depuis toujours, comme s’ils s’étaient connus dans une vie antérieure peut-être. En un instant, le monde sembla s'effacer autour d'elle, ne laissant que lui. Elle se sentit envahie par une émotion puissante, comme si elle avait enfin trouvé son âme sœur, sans pouvoir résister à cette magie qui l'avait profondément envoûtée. Elle n’écoutait pas ses explications :
– Je suis paysagiste et en passant j’ai vu que je pouvais sans peine améliorer l’état de votre jardin.
Alors, Coline le fit entrer dans son domaine où peu de personne accédait. Il semblait sincèrement intéressé par l’état lamentable du jardin. Pour une fois, quelque chose s'était produit dans le quotidien de Coline, quelque chose d'extérieur à la routine.
Sans l’ombre d’une hésitation, elle lui confia la tâche de remettre un peu d'ordre dans ce lieu qu’elle avait abandonné à sa propre désinvolture. Mais ce n’était pas l’état du jardin qui l’avait fait pencher sur cette décision, mais pour avoir l’occasion de rencontrer à nouveau cet homme impressionnant qui serait comme un souffle d'air frais, une brèche dans son univers clos.
Elle ne savait pas que cette rencontre inattendue allait bouleverser son existence.
L’homme revenait chaque semaine, pour élaborer minutieusement un plan de restructuration, un projet ambitieux qui promettait de redonner vie à cet espace sauvage et négligé. Chaque nouvelle visite était un pas de plus vers un renouveau, un souffle d'espoir pour cet endroit et, d’une certaine manière, pour Coline aussi.
Elle se dit, presque malgré elle, « pourquoi pas ? » et à partir de ce moment-là, elle attendit avec impatience chaque intervention du paysagiste. Elle s’était déjà fait une idée de ce qu’il ferait, mais à chaque fois, il lui expliquait un peu plus en détail son travail, ce qu’il comptait accomplir, et elle écoutait, fascinée par sa passion pour son métier et ses connaissances infinies. Cet homme n’était pas un simple jardinier, il possédait une culture vaste et profonde.
Au fil des jours, ce qui avait commencé comme une simple relation professionnelle se transforma subtilement en quelque chose de plus profond. Leur lien n’était plus celui d’un employeur et d’un employé, mais d’une véritable amitié, une relation empreinte de complicité. Coline ne pouvait s’empêcher de se réjouir de cette évolution inattendue. Cet homme, jusque-là inconnu, venait de semer un sens nouveau dans son existence qui semblait, jusque-là, avoir été figée dans une attente morne et sans fin. Il était devenu une sorte de phare dans son quotidien, un être qui apportait une lumière nouvelle dans sa vie terne.
Chaque semaine, elle l’attendait avec une impatience qu’elle n’avait pas connue depuis des années. Avant même de commencer à travailler dans le jardin, une discussion s’engageait entre eux, parfois légère, parfois plus philosophique, abordant des sujets variés et étonnamment riches. Il semblait l’écouter attentivement, avec un intérêt sincère, comme si ses récits, pourtant simples et parfois anodins, étaient des trésors d'histoires et de vécu. Elle se surprenait à lui parler de ses voyages passés, de lieux qu’elle avait visités, de personnes qu’elle avait rencontrées, et il était toujours curieux, posant des questions, rebondissant sur ses récits comme un compagnon de route qui partageait son émerveillement.