Piégé par un roman - Pierrette Champon - Chirac - E-Book

Piégé par un roman E-Book

Pierrette Champon - Chirac

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Beschreibung

Victor, octogénaire, veut, comme ses petits-enfants, s'initier à la lecture et emprunte un roman à la bibliothèque « Tragédie au moulin ». Habitué à lire son quotidien, il ne fait pas de différence entre fiction et réalité. Il intervient dans la vie des personnages fictifs et pour voler au secours de l'héroïne, il se lance dans une aventure qui va concerner Pascal, son ami d'enfance, propriétaire d'un moulin, et son voisin Hippolyte. Face aux dégâts causés chez les uns et chez les autres, il se confie à Hélène, sa fille, qui d'abord doute de sa naïveté et puis devant la bonne foi de son père, se demande s'il n'a pas perdu la raison.

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Seitenzahl: 103

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Toute ressemblance avec des personnes ayant existé ne serait que pur hasard.

à mes enfants Erick et Diane

mes petits-enfants William, Charlotte, Hippolyte

mes arrière-petits-enfants Clément, Emma et Killian

Table des chapitres

Prologue

Chapitre 1 - Victor se met à lire

Chapitre 2 - Le début du roman

Chapitre 3 - Le moulin de Pascal

Chapitre 4 - Visite au moulin

Chapitre 5 - Début des embrouilles

Chapitre 6 - L’irréparable

Chapitre 7 - La mésaventure d’Hippolyte

Chapitre 8 - Où est passé Hippolyte ?

Chapitre 9 - Clément petit-fils de Pascal

Chapitre 10 - Hippolyte va-t-il parler ?

Chapitre 11 - Clément a disparu

Chapitre 12 - La belote du jeudi

Chapitre 13 - Pascal fait le point

Chapitre 14 - Victor s’explique

Chapitre 15 – Dénouement

Piégé par un roman

Il est fascinant de remarquer que certaines personnes, peu familières avec la lecture, ne parviennent pas à démêler la réalité de la fiction. À maintes reprises, j'ai généreusement partagé des morceaux de mon vécu, sous forme de biographies, avec des connaissances, peu enclines à la lecture, dans l'espoir de les encourager à explorer le monde des livres. Après tout, ces récits autobiographiques représentaient une part importante de mon existence. Elles ont mordu à l'hameçon, se sont immergées dans mon parcours en Tunisie, en Côte d'Ivoire, durant mes années d'enseignement, ainsi que dans ma retraite à Réquista. Le lecteur, dont je parle, éprouva une authentique satisfaction en découvrant les épisodes de ma vie.

Lorsqu’il eut terminé d'explorer tout ce qui me concernait, je lui ai présenté l'un de mes derniers romans. Il est essentiel de rappeler que le roman équivaut à la fiction et bien que l'histoire et les personnages puissent sembler réels, ils sont issus des méandres de mon imagination créative.

L'habileté d'un romancier réside dans sa capacité à convaincre le lecteur qu'il évolue au cœur de la réalité, afin de pimenter encore davantage l'expérience de lecture. Mon objectif était que cette personne puisse aisément faire la distinction entre un récit biographique et un roman. Malheureusement, le résultat m'a laissé perplexe, car elle n'a pas réussi à faire cette distinction. Elle a pris le personnage principal du roman pour ma propre personne et les personnages secondaires pour des individus de mon entourage que ce lecteur tenta de reconnaître. C'était véritablement une déception !

Malgré mes efforts pour expliquer qu'il ne s'agissait pas de moi en tant que personnage féminin de l'histoire, et que l'histoire elle-même ne correspondait en rien à ma propre expérience, il m'a été impossible de lui faire saisir la différence entre le monde réel et l'univers fictif. À partir de ce moment-là, j'ai renoncé à lui confier mes romans à lire, car les résultats obtenus ne répondaient pas à mes attentes.

Pour certains qui ne lisent que les articles de presse, les mots écrits sont sacrés. Ils gardent toujours en mémoire l’adage « les paroles s’envolent et les écrits restent ». Surtout ne pas tenter de les dissuader, ce qui est écrit noir sur blanc ne peut être que la vérité, parole d’évangile, d’autres diront « c’était écrit ».

Chapitre 1

Victor se met à lire

Victor, octogénaire, n’arrêtait jamais sa voiture devant la bibliothèque où quelques places de parking n’autorisaient qu’un stationnement de courte durée. Il ne s’était jamais posé de questions au sujet de cet établissement et passait devant avec une totale indifférence. Il ignorait que l’installation d’une bibliothèque intercommunale, surtout en ruralité, est un signe de modernité et que, l’apport d’une bibliothèque est important pour un territoire, surtout quand elle devient un centre d’animations culturelles locales avec des expositions, des ateliers d’écriture, des présentations d’auteurs, etc.

La bibliothèque est un lieu important de rencontres, cependant, la lecture ne fait pas partie des loisirs de Victor. Il se souvenait trop des difficultés qu’il avait rencontrées à l’école pour apprendre à lire. En 5ème, il détestait le cours de français et surtout l’heure consacrée à la lecture où chaque élève devait lire à haute voix un passage du « Petit Chose », moment éprouvant pour certains qui lisaient avec gaucherie. Il n’avait pas ouvert un livre après sa sortie de l’école. Il se contentait de lire le journal pour connaître les nouvelles locales et c’était tout.

Un mardi soir, il reçoit un coup de fil de sa fille Hélène qui, après son divorce, élève seule ses deux enfants.

– Bonsoir Papa, serais-tu libre demain matin ?

– Bien sûr, qu’attends-tu de moi ?

– Une obligation m’empêche de conduire les petits à bibliothèque demain à 10 heures pour la séance de lecture mensuelle, « l’heure du conte » qu’ils ne veulent pas manquer. Pourrais-tu te charger de les y amener ?

– Combien de temps ça dure ?

– Une heure, une heure et demie, ça dépend.

– Si ça peut te rendre service, j’irai, compte sur moi.

Victor, ne veut rien refuser à sa fille qui ne se doute pas de l’effort phénoménal que ce service va coûter à son père, étonné de l’engouement de ses petits-enfants pour la lecture à quatre et six ans.

En effet, ils suivent assidûment, une fois par mois, les séances offertes par les bénévoles de l’association « Lire et faire lire ». Ces bénévoles de plus de cinquante ans offrent une partie de leur temps libre aux enfants pour stimuler leur goût de la lecture et favoriser leur approche de la littérature.

Des séances de lecture sont ainsi organisées à la bibliothèque, en petit groupe, mensuellement, durant toute l’année scolaire, dans une démarche axée sur le plaisir de lire et la rencontre entre les générations.

Victor, ne peut pas se soustraire à cette obligation qui va l’obliger à pénétrer dans un univers inconnu qui ne lui est pas du tout familier, la bibliothèque. Il redoute de rencontrer des personnes cultivées, qui vont se rendre compte de son ignorance en matière de livres.

Il se dit :

« Ce sera un mauvais moment à passer, mais on ne m’y reprendra plus ! »

Il est subjugué par l'enthousiasme précoce de ses petits-enfants pour la lecture, heureux de se rendre à la bibliothèque accompagnés par leur papy.

Malgré lui, à l’heure dite, contraint et forcé, il franchit avec appréhension le seuil de la Maison du Savoir, pour lui, un acte d’héroïsme. Les petits qui ont lâché sa main savent, en habitués, où ils doivent se diriger. Des parents sont venus accompagner leurs enfants assis en rond sur un tapis autour d’une dame souriante et avenante. La bénévole prend un livre et commence à les faire parler sur les images. Il s’agit d’un papillon, d’une rose et d’un faux bourdon. Quand les enfants sont familiarisés avec les acteurs de l’histoire, elle commence la lecture en marquant une pause après chaque passage pour vérifier par des questions s’ils ont bien compris.

Victor, assis en retrait, ne perd pas une miette du récit et semble aussi captivé par la lecture que ses petits-enfants si bien qu’il ne voit pas le temps passer. Vers onze heures et demie, le livre est refermé. Parents et enfants se lèvent en disant « déjà ! » La bénévole est remerciée pour le temps qu’elle offre aux petits mensuellement.

– La prochaine fois, ce sera sans doute une autre personne, mais ne manquez pas le rendez-vous. Au revoir !

En sortant, les petits interrogent Victor :

– Alors Papy, tu ne t’es pas trop ennuyé ?

– Pas du tout. J’ai bien aimé cette histoire.

– Tu crois que le bourdon va faire du mal à la rose ?

– Non, car le papillon la protégera avec ses ailes déployées.

De retour chez lui, Victor, que cette séance de lecture a vivement impressionné, se dit :

– Et si je me mettais à lire au lieu de rester inactif devant l’écran de télé ? Je pourrais raconter des histoires à mes petits-enfants et nouer des contacts avec eux.

Cette idée prend le temps de mûrir dans son esprit. Il y pense toute la journée et même la nuit. Dans son rêve il est environné de livres de toutes sortes qui lui disent « lis-moi, lis-moi, je t’en supplie ! »

Au petit matin sa décision est prise :

« Samedi matin, je retournerai à la bibliothèque ! »

Toute la journée du vendredi, il réfléchit. Parfois, il fait marche arrière et considère cette détermination comme une folie de son esprit, puis la volonté l’emporte et il se dit : « je ne dois pas me dégonfler ».

Le samedi vers 10 heures, rasé de frais, correctement vêtu, il se rend à pied à la bibliothèque afin qu’on ne reconnaisse pas sa voiture en stationnement sur le parking. Redoute-t-il le qu’en-dira-t-on ?

Il pousse timidement la porte vitrée en laissant le passage à une dame qui sort avec des livres sous le bras. En entrant, il est chaleureusement accueilli par la bibliothécaire, ravie de voir un nouveau lecteur franchir les portes de son sanctuaire. D'un pas hésitant, Victor se dirige vers les étagères, ébloui par une multitude de livres de toutes sortes qui s'offrent à lui. Cependant, lequel choisir parmi cette abondance de trésors littéraires ? Il en prend plusieurs pour en inspecter les couvertures, mais aucun ne semble répondre à ses attentes.

Son regard se pose ensuite sur les noms des auteurs et il est irrésistiblement attiré par celui d'une romancière qui vit dans la localité.

« Il faut que je vienne ici pour apprendre que cette personne écrit des livres. Voyons, voyons, pourquoi ne pas me laisser tenter par "Tragédie au moulin" ? Ce titre sonne d'une manière particulièrement sympathique à mes oreilles ? »

Il est intrigué à l'idée de découvrir les secrets de ce vieux moulin, alors il fait enregistrer son emprunt par la bibliothécaire diligente.

– Vous l'avez lu ? interroge-t-il.

La bibliothécaire, souriante, répond avec bienveillance,

– S'il fallait que je lise tous les romans qui peuplent ces étagères, je n'aurais jamais assez de temps pour cela. Que dit le résumé ?

Victor lui tend le livre et elle parcourt rapidement la quatrième de couverture. Il est question d'Alexandra, une sexagénaire qui a choisi de passer sa retraite dans un paisible village de l'Aveyron. Là-bas, elle a acquis un vieux moulin et a invité son amie Marie-Claude, une romancière parisienne en quête d'inspiration, à la rejoindre.

La bibliothécaire conclut :

– Voilà une belle histoire qui devrait certainement susciter votre intérêt.

– Oui, je l'espère aussi. Ce sera ma première lecture, répond-il.

La bibliothécaire a terminé l’enregistrement du livre et lui adresse un conseil bienveillant : « il n'est jamais trop tard pour commencer. »

Ainsi, Victor est sorti de la bibliothèque, son précieux livre sous le bras, un sentiment de joie, de fierté et de curiosité illuminant son visage.

En effet, il est fier, car il pourra désormais côtoyer les « intellectuels » habitués de la bibliothèque. Il a franchi le pas. Il montrera aussi à ses petits-enfants qu’il partage leur intérêt pour la lecture.

Chemin faisant, il rencontre son copain Désiré et il lui dit en montrant le livre :

– Je viens de la bibliothèque.

– Qu’est-ce que tu es allé faire là-bas ?

– J’ai emprunté un livre.

– Ha ! Ha ! Tu vas te mettre à lire à présent, dit-il d’un ton moqueur.

– Parfaitement, Monsieur ! Et pourquoi je ne lirais pas ?

– Ce n’est pas dans tes habitudes.

– Il n’y a que les imbéciles qui n’en changent pas. Je vais m’asseoir dans un bon fauteuil confortable et je vais me régaler.

– Je parie que tu ne liras pas plus de trois pages, dit l’autre en s’esclaffant.

– Ah ! Tu crois ça, et bien on va voir. Écarte-toi de mon chemin, j’ai autre chose à faire que de discuter avec un ignorant.

– Oh ! Un peu de respect s’il te plaît. Ne fais pas le malin parce que tu es rentré à la bibliothèque, tu ne feras jamais partie de la classe des intellos du coin.

Mais Victor, qui ne l’écoute plus, hâte le pas vers sa demeure à l’autre extrémité du bourg.

Chapitre 2

Le début du roman

Le samedi après-midi, après une sieste écourtée, Victor, avide de connaître le contenu du livre, s’est installé confortablement à l’ombre sous la tonnelle devant la porte de la cuisine. Il fait bon à l’abri du soleil encore bien trop chaud en ce mois d’octobre qui commence.

Il prend le livre entre ses mains comme un précieux trésor et contemple la couverture. Une photo représente une bâtisse aux murs de vieilles pierres, encadrée de verdure, qui lui paraît bien sympathique. Il hésite un moment avant de l’ouvrir et se dit :