La surprise du carreleur - Pierrette Champon - Chirac - E-Book

La surprise du carreleur E-Book

Pierrette Champon - Chirac

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Beschreibung

Emma, suite à un accident de la circulation est sortie du coma en ayant perdu une partie de sa mémoire, celle concernant les motivations qui l'ont amenée à quitter la région de son enfance. Sur les conseils, de son psy, elle revient dans le bar où jadis elle rencontrait ses copains, afin de retrouver les dix années qui se sont effacées de sa mémoire. Son séjour sera-t-il bénéfique ?

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Seitenzahl: 114

Veröffentlichungsjahr: 2024

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à ma fille Diane

Table des chapitres

Chapitre 1 - Arrivée à l’hôtel

Chapitre 2 - Le carreleur

Chapitre 3 - Une fausse piste

Chapitre 4 - Déception

Chapitre 5 - Est-il marié ?

Chapitre 6 - Nouvelle approche

Chapitre 7 - Confidences

Chapitre 8 - La brune

Chapitre 9 - La rencontre

Chapitre 10 - Altercation

Chapitre 11 - Recherches fructueuses

Chapitre 12 - Les dix années oubliées

Chapitre 13 - Que faire

Chapitre 14 - Les confidences de Dédé

Chapitre 15 - Le secret

Chapitre 16 - Serge

Chapitre 17 - Une surprise pour le carreleur

Chapitre 1

Arrivée à l’hôtel

Un soir de février, Emma a fait le choix de revenir sur les lieux de sa jeunesse afin de réactiver sa mémoire qui a effacé une période de son passé. Dans le taxi qui la ramène après dix ans d’absence, elle devine avec émotion le bourg de son enfance enveloppé d’un épais brouillard. Les silhouettes des bâtiments et des arbres ont pris des formes indistinctes qui donnent à l'ensemble une apparence onirique. Mais non, elle ne rêve pas !

Au passage dans la rue principale, elle fouille du regard chaque coin susceptible de cacher des secrets anciens qui l’incitent à l'exploration en laissant promettre une découverte inattendue pour réveiller sa mémoire.

L’éclairage public diffuse une douce lueur, créant des halos lumineux dans l'obscurité. Soudain, la façade d’une maison émerge de la brume, elle est arrivée devant l’hôtel.

Le taxi la dépose à quelques pas de l’entrée.

Le brouillard, absorbant les sons, crée un silence inquiétant et feutré. Ses pas résonnent à peine, comme si le bourg était plongé dans un sommeil éternel, laissant seulement percer le bruit des roulettes de sa valise. Cette douce quiétude est rompue par les cris aigus d’un chat noir qu’elle a dérangé. Est-ce le signe d’un bon ou d’un mauvais présage ? Elle se demande, en faisant un arrêt, si elle a fait le bon choix de revenir, mais il est trop tard, un coup d’œil lui dévoile la plaque d’immatriculation du taxi qui disparaît en sourdine au fond de la rue, la laissant seule sur le trottoir.

La porte d'entrée, aux vitres à petits carreaux, surmontée d’un auvent en bois pour abriter les visiteurs des caprices météorologiques, n’a guère changé. Une pancarte, accrochée à l’intérieur, dévoile les horaires de réception et l'annonce temporaire :

« Fermé une semaine pour cause de rénovations. »

Le store baissé sur l’espace vitré de la salle du restaurant laisse filtrer de la lumière révélant une présence.

Sur le trottoir, deux tables et quelques chaises de jardin invitent, par beau temps, les visiteurs à la détente en plein air, créant ainsi un espace convivial pour savourer l'atmosphère du bourg. Tous ces éléments convergent pour offrir à Emma l'opportunité de passer quelques jours pour faire le point, dans l’établissement de ce bourg rural aveyronnais.

« Non, rien n’a changé depuis dix ans, constate Emma qui frissonne dans le brouillard glacial. »

– L'hôtel est fermé pour une semaine pour cause de travaux, lui avait répondu le patron avec courtoisie lors de sa réservation téléphonique.

Malgré cela, elle avait plaidé sa cause avec insistance :

– Vous vous souvenez de moi ? Je me ferai toute petite, vous ne pouvez pas refuser une ancienne et fidèle cliente du bar.

Le marchandage aboutit à un accord, mais avec une mise en garde :

– C'est entendu, mais n'en demandez pas trop. Les travaux pourraient perturber votre quiétude et je parie que vous ne supporterez pas de passer plus de deux jours chez nous.

Emma, optimiste, répondit simplement : « On verra. »

Une faible lueur filtrant depuis l'intérieur indique qu'elle est attendue et elle fait son entrée à l'accueil, aux environs de 19 heures, un dimanche d'hiver, dans cette atmosphère intrigante. Que va-t-elle retrouver ? Est-ce qu’on se souvient encore d’elle ?

En ouvrant la porte, le cœur battant, elle secoue la tête afin de chasser de son esprit les images négatives qui viennent de la submerger à l’instant. Les arômes de la cuisine locale, de la fumée de cheminée, des alcools du bar se mêlent dans l'air, créant un parfum envoûtant. Chaque bouffée transporte ses sens en éveillant le passé.

Elle retrouve le lustre en cristal, imposant, diffusant une lumière tamisée sur les vieilles photos encadrées qui racontent les temps révolus de l'établissement en rappelant le visage de son fondateur.

La voix du patron lui avait paru familière au téléphone, mais c’est un petit chauve bedonnant qui l’accueille derrière son comptoir, le torchon sur l’épaule. Est-ce le même patron qu’autrefois ? se demande-t-elle.

– Bonsoir, je vous attendais.

C’est bien la même voix sur un physique méconnaissable que le temps cruel a transformé.

– Vous n’avez pas changé, poursuit-il aimablement.

– Vous non plus, s’efforce-t-elle de dire avec un sourire malicieux.

Mais où est passé l’élégant et séduisant jeune homme qui plaisantait jadis avec sa jeune clientèle ?

Il poursuit :

– Vous n’avez pas choisi la meilleure saison pour revenir chez nous.

– Peu importe, je suis là c’est l’essentiel.

– Je vous ai avertie concernant le bruit que provoqueront les travaux.

– Ne vous tracassez pas pour cela.

Discret, il ne la questionne pas sur le sens de sa visite.

– Donnez-moi votre bagage, je vous conduis à la chambre au premier.

Au fond de la salle, une porte s’ouvre sur un escalier de bois assez raide qui craque sous les pas.

– La chambre donne sur la rue.

– Parfait, elle me conviendra.

La chambre, bien que modeste dans son agencement, respire le charme du passé par des meubles en bois sombre patiné par les années et des rideaux en dentelle qui créent une atmosphère conviviale et réconfortante. Dans les hôtels, chaque chambre raconte une histoire unique, imprégnée des voyageurs qui ont jadis franchi ses portes. Quelle sera l’histoire de celle-là après son séjour ?

– Vous prendrez le repas ?

– Pourquoi pas. Vous proposez toujours une cuisine locale raffinée, mettant en avant des produits frais provenant des fermes environnantes ?

– Cela n’a pas changé, le service est à 19 h 30.

La porte de la chambre refermée, Emma s’assoit sur le lit recouvert d’un édredon au ventre rebondi tel qu’on n’en voit qu’à la campagne. Elle savoure ce moment de solitude et s’allonge en fermant les yeux pour décompresser. Elle étend les bras et s’imagine sur une mer de nuages qui l’emporte vers l’infini du ciel. Après s’être abandonnée ainsi et fait le vide en son esprit, elle range machinalement le contenu de sa valise dans l’armoire et ses affaires de toilette dans la salle de bain.

« Pourquoi suis-je revenue, se demande-t-elle, qu’aije à retrouver sur les moments de ma jeunesse que ma mémoire a effacés ? Que vais-je découvrir de positif, de négatif ? »

Après être restée dans le coma une semaine suite à un accident de la circulation qui aurait pu lui ôter la vie, elle avait constaté une perte de mémoire concernant une période spécifique de sa jeunesse jusqu’à sa reprise de connaissance, c’est-à-dire une dizaine d’années, que le traumatisme avait effacée. Il ne s’agissait pas d’une amnésie généralisée.

L’amnésie généralisée est rare. Pour Emma il s’agissait d’une amnésie dissociative pour un trou de mémoire s’étendant à une décennie. Elle avait suivi les conseils de son psychologue la poussant sans cesse à retourner sur les lieux, à discuter avec des proches, à revoir des images, etc.

Avec un soupir de résignation, elle s’apprête à passer un bon séjour et descend pour le dîner en se disant « on verra bien ».

Derrière le comptoir, la vieille horloge continue à marquer les heures, immuable malgré le temps qui s’écoule en ce lieu chargé de souvenirs.

Dans la salle à manger, les murs lambrissés reflètent la lueur des bougies disposées sur chaque table. Le service, à l'ancienne, évoque une époque où l'attention portée aux détails était une norme. Quatre convives, sur des tables séparées, la dévisagent.

Elle les salue d’une inclinaison de tête et s’assoit près de la cheminée. Le patron l’accueille chaleureusement et lui présente le menu du soir.

– Cela me convient parfaitement, dit-elle après avoir jeté un coup d’œil rapide sur la carte.

– Vous prendrez du vin ?

– De l’eau plate s’il vous plaît.

Bientôt, elle déguste une cuisine raffinée, préparée avec soin à partir de recettes transmises de génération en génération qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Elle ressent une forme de bien-être et de convivialité dans cet espace accueillant.

Chapitre 2

Le carreleur

Le lendemain matin, après une nuit paisible, elle s’éveille, étonnée de se trouver dans le lit confortable et douillet d’une chambre inconnue puis, se souvient de sa décision de faire un retour sur son passé. Elle se prépare rapidement, ayant hâte de tester les capacités de sa mémoire et descend dans la salle de restaurant pour le petit-déjeuner. Toutes les tables ont été rassemblées dans un angle de la pièce et seule la sienne est prête à côté de la baie vitrée, avec un plateau où reposent des croissants dorés et odorants, du beurre et de la confiture.

« Hum ! Tout s’annonce parfait ! » se dit-elle.

– Vous avez bien dormi, s’enquiert le patron en apportant le café.

– Parfaitement, merci. Je sens que je vais me ressourcer et que j’ai pris une sage décision en venant chez vous.

– Aujourd’hui, vous allez avoir du bruit, mais vous étiez avertie.

– Pas de problème ! J’ai prévu d’écrire et je resterai ici près de la vitre pour regarder le spectacle de la rue.

– Faites comme il vous plaira. Personne ne vous dérangera, car vous êtes l’unique cliente de l’hôtel. Le bar et le restaurant resteront en partie ouverts pour les habitués. Si vous avez besoin de quelque chose, n’hésitez pas…

Elle s’installe, seule dans cette salle déserte, heureuse de se faire servir comme une petite reine ; et son regard se perd dans la rue où l'enseigne verte de la pharmacie clignote. Cette lueur solitaire, dans l'obscurité matinale, témoigne de l’éveil au ralenti du bourg. Quelques rares passants s'y précipitent, tête engoncée sous une écharpe ou un bonnet, cherchant refuge contre le brouillard implacable qui pénètre impitoyablement leurs vêtements, laissant sur leur peau une empreinte d'humidité. C'est un lundi silencieux, comme tous les autres, les rideaux des magasins tirés, jour de fermeture des commerces. Les seuls véhicules en mouvement sont des bétaillères transportant des brebis et des agneaux pour le grand marché ovin hebdomadaire.

Le patron s'est retiré dans la cuisine, une retraite bienvenue, car Emma n'est guère d'humeur à engager la conversation. Elle redoute les questions indiscrètes qui pourraient troubler son espace intérieur.

Elle savoure son café à petites gorgées. En dégustant son croissant, ses yeux se perdent dans le vague, un espace où elle peut libérer son esprit. L'atmosphère brumeuse qui l'entoure lui convient parfaitement et parfois elle ressent une sorte de honte à avouer qu'elle aime la pluie et le crachin, du moins quand elle est à l'abri. Ce temps grisâtre semble stimuler les élans de son imagination, une toile propice à la gestation de ses idées, une condition idéale pour l'acte d'écrire. En effet son psychologue lui a conseillé de consigner ses impressions au fur et à mesure.

Dans ce bourg aveyronnais, où elle a passé son enfance et son adolescence, elle s’est accordée une semaine ou plus, pour que se dévoilent les zones d’ombre qui obstruent sa mémoire suite à son accident. Pour l'instant, aucune piste n'apparaît à l'horizon et c'est dans cet espace dénudé de tout artifice qu'elle espère faire jaillir l'éclair sublime du flash-back qui lui rendra le goût de vivre. Reste à savoir quel sera l’événement déclencheur.

Soudain, un léger bruit dans l’angle de la pièce la fait réagir. Elle n’est pas seule. Elle n’avait pas vu, en entrant dans la salle baignée d’une lumière tamisée, une silhouette agenouillée sur le sol et se souvient des travaux de réfection préalablement annoncés par le propriétaire.

L’homme, tête baissée, s’active à préparer la surface à carreler, une tâche qui exige plusieurs étapes cruciales pour assurer un résultat final de haute qualité. À l’aide d’un niveau à bulle, il vérifie la planéité du sol pour corriger d’éventuelles irrégularités. Cette préparation est essentielle afin de garantir une base solide et uniforme pour poser le carrelage imitation bois. Absorbé par son travail, pour le moment silencieux, il semble ne pas avoir remarqué la présence d’Emma assise à sa table, immobile, réceptive aux moindres faits et gestes du carreleur dont elle n’aperçoit que la tête aux cheveux blond foncé, légèrement bouclés.

Emma, soudainement captivée par cet homme, s’amuse à esquisser mentalement ses traits. Le corps souple, il a certainement une trentaine d’années, à peu près son âge. Sa silhouette, déduite de la taille de son buste, suggère une stature imposante et élégante. Elle remarque des mains fines qui ne sont pas celles d’un travailleur manuel. Peut-être est-il originaire du bourg ? Peut-être l’a-t-elle connu autrefois ? Peut-être vient-il d’ailleurs ? Une vague de curiosité anime les pensées d'Emma, qui se perd dans la contemplation de cet homme. Fixant intensément sa nuque, elle espère le voir se redresser et tourner son regard vers elle, une stratégie maintes fois employée par le passé, mais sans succès.

Le café refroidit dans la tasse qu’elle tient d’une main tandis que de l’autre elle émiette un reste de croissant. Le tic-tac de l'horloge derrière le bar semble en sourdine, le temps suspendu pour Emma. Le corps de l'homme, sous la lumière ambiante qui l’entoure d’un halo, évoque un personnage biblique descendant du ciel. Un sentiment étrange d'harmonie et de bien-être envahit Emma, tandis qu'une douce plénitude l'envoûte progressivement. Elle demeure immobile, retenant le battement frénétique de son cœur, et même son souffle pour préserver la magie qui l'illumine de l'intérieur.

Elle aurait volontiers prolongé cet état statique indéfiniment si l'homme ne s'était pas relevé pour se diriger vers un amas de pavés dans un coin de la pièce. Grand, mince, vêtu d'un pull gris et d'un jean, son visage reste encore hors de sa vue. Cependant, sa silhouette éveille un étrange sentiment.