En croupe de Bellone - Pierre Mille - E-Book

En croupe de Bellone E-Book

Pierre Mille

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Beschreibung

Aux environs de l’an 3000 de notre ère, — onze cents ans, par conséquent, au delà de l’époque agitée où nous vivons, — après avoir traversé, venant de l’ouest, toute l’étendue de la Sibérie, un voyageur citoyen de l’empire d’Amérique parvint, à l’extrémité du continent asiatique, sur les rives du golfe d’Anadyr, dans un pays habité par des indigènes Tchouktchis.
Je m’aperçois ici que je dois expliquer deux choses. En l’an 3000, alors que l’Europe était devenue une vaste démocratie, l’Amérique formait un empire rigoureusement autocratique, destiné à faire contrepoids à celui de la Chine ; l’histoire nous a gardé le souvenir de bon nombre de ces chassés-croisés. Mais on sera peut-être un peu plus étonné d’apprendre que je sais ce qui s’est passé en l’an 3000. Je répondrai que c’est grâce à la « machine à explorer le temps » imaginée par l’ingénieux H. G. Wells, dont je fais un fréquent usage.

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EN CROUPE DE BELLONE

 

PIERRE MILLE

En Croupe de Bellone

© 2023 Librorium Editions

 

ISBN : 9782385743239

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En Croupe de Bellone

CHEZ LES TCHOUKTCHIS

LE DÉPART

UNE NUIT DE NOËL

ILS ENTRÈRENT

LA MORT DU GENTLEMAN

A M. MORF

LE MIRAGE GERMANIQUE

LE GRAND-ONCLE

CEUX QUI RESTÈRENT

L’OUVERTURE

AUX PETITS 17

L’ANGOISSE ET LA VICTOIRE

LE NID DE GUÊPES

A LA MÉMOIRE DE J. M.

CHEZ LES TCHOUKTCHIS

Conte pour servir de préface

Aux environs de l’an 3000 de notre ère, — onze cents ans, par conséquent, au delà de l’époque agitée où nous vivons, — après avoir traversé, venant de l’ouest, toute l’étendue de la Sibérie, un voyageur citoyen de l’empire d’Amérique parvint, à l’extrémité du continent asiatique, sur les rives du golfe d’Anadyr, dans un pays habité par des indigènes Tchouktchis.

Je m’aperçois ici que je dois expliquer deux choses. En l’an 3000, alors que l’Europe était devenue une vaste démocratie, l’Amérique formait un empire rigoureusement autocratique, destiné à faire contrepoids à celui de la Chine ; l’histoire nous a gardé le souvenir de bon nombre de ces chassés-croisés. Mais on sera peut-être un peu plus étonné d’apprendre que je sais ce qui s’est passé en l’an 3000. Je répondrai que c’est grâce à la « machine à explorer le temps » imaginée par l’ingénieux H. G. Wells, dont je fais un fréquent usage.

C’est ainsi que je me trouve à même de reproduire un passage assez curieux du journal de ce voyageur, qui s’appelle J. B. W. Tylor, de la 18e province, jadis dénommée État de Kentucky.

Après avoir noté que le chef d’une petite tribu tchouktchie lui fut fort utile pour dégager du sable et de la boue congelée qui l’enserraient un cadavre de mammouth antédiluvien, J. B. W. Tylor ajoute :

« Ce chef, bien qu’il se fût montré d’abord assez rapace et disposé à ne rien faire pour rien, se découvrit à l’usage assez communicatif et relativement intelligent. Il exigeait de ses sujets de grandes marques extérieures de respect ; et, sur une question que je lui posai, m’apprit qu’il avait droit au titre d’empereur, comme le souverain d’Amérique lui-même. « Et ainsi, conclut-il, nous ne sommes plus que trois : l’empereur d’Amérique, l’empereur de Chine et moi. On me nomme aussi Kézer, mais c’est la même chose. »

» Les sonorités de ce dernier titre ayant évoqué dans ma mémoire de vagues souvenirs, je poursuivis mes investigations, demeurant sur le territoire de sa tribu beaucoup plus longtemps que je n’y avais compté d’abord, dans le seul espoir de pénétrer ce mystère. Car en vérité, par ailleurs, il n’y avait pas là d’observations bien nouvelles à glaner. Les mœurs de ces Tchouktchis et de leur chef sont restées, à peu de chose près, ce qu’elles étaient il y a un millier d’années, au dire des anciens explorateurs : ils mangent la chair des rennes et des phoques, dont ils font leur nourriture habituelle, indifféremment crue ou cuite ; ils allument le feu à l’aide d’un « bâton à feu » qu’ils frottent rapidement sur un morceau de bois moins dur, ils portent à la pêche des imperméables en vessie de poisson, d’ailleurs très commodes ; enfin, chez eux les vieillards continuent à se suicider en grande pompe, soit pour ne pas être à charge à la communauté, soit plutôt pour être plus sûrs, quittant de la sorte l’existence en pleine possession de leurs facultés, de leur mana, de ressusciter dans le corps d’un enfant nouveau-né. Mais on jugera comme moi, d’après cette peinture, qu’il était encore plus étrange que le pauvre homme qui commandait à ces quelques centaines de pauvres gens pût exiger le titre d’empereur, s’en parer avec une incontestable dignité, et donner à son épouse, dont à quelque distance il n’était pas bien facile de distinguer le sexe, celui d’impératrice.

» Voici ce qu’à la fin il m’expliqua, un jour que je causais avec lui dans la tente de peau qu’il habite en été.

» — Mes ancêtres, dit-il, n’ont jamais été qualifiés autrement, et cela remonte à une époque dont les hommes ont perdu la mémoire. Toutefois, c’est dans ma famille une tradition bien établie qu’un de mes aïeux, il y a plus d’un millénaire, était déjà empereur absolu d’un grand peuple, qui habitait à l’ouest, loin, bien loin d’ici, au milieu de l’Europe. Il commandait à des guerriers nombreux comme les grains de sable, munis d’armes à feu, possédait un grand trésor et jouissait d’une existence agréable : il paraît même, bien que cela soit difficile à croire, que dans son pays l’hiver ne durait que quatre ou cinq mois.

» Par malheur, il lui prit fantaisie de déclarer la guerre à tous les peuples qui l’entouraient, tous les peuples, sans exception, qui touchaient à ses limites, et même aux Nippons, qui habitent encore aujourd’hui, comme tu le sais, des îles du côté où le soleil se lève. Il fit cela parce qu’il était très fort. Encore plus fort que l’empereur de la Chine ou que ton empereur. C’était un homme superlativement fort, affirment nos traditions ! Il remporta donc de grandes victoires vers le couchant, vers l’orient, à droite, à gauche, en face de lui, par derrière. Mais ses ennemis disaient : « Et puis ?… » Ils étaient comme des lions de mer trop nombreux et qui ne sentent pas le harpon à travers leur graisse. Et quand ils avaient dit : « Et puis ? » en secouant leurs épaules, ils ajoutaient : « Pourquoi fais-tu ça, toi, l’homme ! A quoi ça peut-il te servir ? » Et il répondait : « Je cherche la paix. Je vous assure que je ne veux que la paix. Donnez-moi la paix. » Mais les autres répliquaient sans comprendre : « La paix ? Quelle est cette espèce de chose ? C’est une marchandise que nous ne possédons point chez nous. Nous ne la connaissons pas. Va voir plus loin : c’est peut-être là. »

» Alors, pour aller plus loin, il prit le parti de se diriger vers le ponant. D’abord, il marcha tout droit, songeant : « C’est là, très près ! » Mais quand il s’arrêta, il n’avait pas trouvé. Alors, il inclina vers le sud-est et campa dans l’ancienne ville de Roums, dominée par une tribu mongole qui nous est un peu parente, car nous sommes des Esquimaux, mais mélangés avec des Mongols. Il regarda autour de lui, il regarda bien attentivement, et il regarda ses ennemis ; cependant il ne trouva pas ce qu’il cherchait : il repartit.

» Il franchit donc le mont Ararat, où l’on raconte que jadis il y a eu un navire qui s’y fixa comme sur une île. Il était haut, à cette place, bien haut ; il lui semblait qu’il dominait le monde et que rien ne pouvait échapper à sa vue : et pourtant il ne découvrit pas la chose !

» Voilà pourquoi il s’en alla, toujours plus loin, toujours vers l’orient. Il commençait à se sentir fatigué, et ses soldats l’étaient encore bien plus ; mais il allait ! Il traversa un autre pays, que je crois que vous appelez la Perse ; en tout cas, il doit y avoir un pays qui s’appelle la Perse : un Rouss, qui vient ici pour vendre des marmites de fer, bien utiles, et qui échange aussi du verre contre de l’ambre gris, me l’a juré, et cela s’accorde avec mes traditions. Il cria : « C’est là ! N’est-ce pas que c’est là, ô vous autres ? » Il n’entendit que l’écho de sa voix. Il pensa : « Sont-ils fous, ou bien est-ce moi ? » Et il reprit sa route, l’âme noire, mais tenant toujours la nuque fière : car mon ancêtre était fier, et nous sommes tous fiers ! Il connut une partie de la Chine, il connut la Mongolie ; et il ne vit rien, que des lièvres. Seulement, les lièvres étaient blancs, tandis qu’auparavant, ils étaient fauves. Il se frotta les yeux, je te dis, et cria : « Marchons, la paix est quelque part ! » Et ce fut en marchant toujours qu’il arriva ici, devant la mer gelée.

» La paix n’était pas là ! Il dit : « Je franchirai la mer gelée. Elle est grise et triste, mais solide. O mes soldats, un dernier effort ! »

» Mais ses soldats ne parlèrent point. Il se retourna, et ne vit personne. Il n’y avait plus de soldats ; tous étaient morts. Il ne voulut point se laisser dompter, il cria : « J’achèterai des hommes ! J’en ai déjà acheté, aux pays des Roums ! » Donc, il ouvrit ses coffres, mais ils étaient vides. Tout l’or en avait coulé, à travers les espaces.

… « Nous, nous ne trouvons pas que le pays soit mauvais. Il y a des rennes, il y a des phoques, et même des bouleaux nains pour faire du feu. Les marchands y viennent, l’été : des marchands du pays des Rouss, et des Chinois. Et lui ne pouvait plus retourner sur ses pas. Il resta.

» Le chef de notre tribu l’adopta, parce qu’il continuait de dire des choses altières, et faisait des gestes aux étoiles. Et il épousa une fille d’entre nos filles. Il lui posa la main sur l’épaule, et parla : « Tu seras impératrice ! » Elle fut donc impératrice, elle engendra une lignée, je suis son descendant, et empereur. Mais elle lui fut soumise, ainsi qu’il se doit, accommoda ses vêtements de peau, les assouplit avec de la graisse. On conte que par instants il soupirait, comme étonné. Cependant il s’habitua à boire de l’huile de poisson.

» En veux-tu ?… »