Jim l'indien - Gustave Aimard - E-Book

Jim l'indien E-Book

Aimard Gustave

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Beschreibung

Au cœur de 'Jim l'indien', se déploie une mosaïque de récits et d'esthétiques, témoignant de l'ampleur et de la diversité des expériences dans la littérature francophone du XIXe siècle. Cette collection, orchestrée par les talents combinés de Gustave Aimard et J. Berlioz d'Auriac, explore les thèmes de l'aventure, de la quête d'identité et du choc des cultures, à travers des prouesses littéraires qui croisent le récit de voyage avec le roman d'apprentissage. L'étendue stylistique, allant du descriptif évocateur à la narrative dramatique, enrichit le paysage littéraire de l'époque, proposant des œuvres à la fois ancrées dans leur temps et étonnamment contemporaines par leurs questionnements. Les contributeurs, Gustave Aimard et J. Berlioz d'Auriac, apportent à cette anthologie une profondeur et une complexité, illuminées par leurs parcours respectifs. Aimard, connu pour ses récits d'aventures au cœur des territoires méconnus, et Berlioz d'Auriac, avec son intérêt pour les cultures et les civilisations, tissent ensemble un tissu littéraire qui s'aligne sur les mouvements du romantisme et du réalisme, offrant une réflexion sur l'altérité et l'humanité partagée. 'Jim l'indien' se présente ainsi comme un incontournable pour tout lecteur passionné par l'histoire littéraire, les dynamiques culturelles et les récits d'exploration. Cette anthologie invite à une exploration pluridisciplinaire, offrant une occasion unique de plonger dans les perspectives multiples offertes par ces auteurs. À travers cette lecture, on est convié à une compréhension plus riche des mécanismes narratifs et des contextes historiques qui ont façonné ces récits, établissant un dialogue enrichissant entre les œuvres et entre les époques.

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Gustave Aimard, J. Berlioz d' Auriac

Jim l'indien

 
EAN 8596547449546
DigiCat, 2022 Contact: [email protected]

Table des matières

La première de couverture
Page de titre
Texte
CHAPITRE PREMIER SUR LEAU. CHAPITRE II LÉGENDES DU FOYER CHAPITRE III UNE VISITE CHAPITRE IV CROQUIS, BOULEVERSEMENTS, AVENTURES. CHAPITRE V UN AMI PROPICE. CHAPITRE VI INDÉCISION. CHAPITRE VII LOEUVRE INFERNALE. CHAPITRE VIII QUESTION DE VIE OU DE MORT. CHAPITRE IX JIM LINDIEN EN MISSION. CHAPITRE X UNE NUIT DANS LES BOIS. CHAPITRE XI PÉRIPÉTIES. CHAPITRE XII AMIS ET ENNEMIS. ÉPILOGUE
CHAPITRE PREMIER SUR LEAU.

Par une brûlante journée du mois daoût 1862 un petit steamer sillonnait paisiblement les eaux brunes du Minnesota. On pouvait voir entassés pêle-mêle sur le pont, hommes, femmes, enfants, caisses, malles, paquets, et les mille inutilités indispensables à lémigrant, au voyageur.

Les bordages du paquebot étaient couronnés dune galerie mouvante de têtes agitées, qui toutes se penchaient curieusement pour mieux voir la contrée nouvelle quon allait traverser.

Dans cette foule aventureuse il y avait les types les plus variées: le spéculateur froid et calculateur dont les yeux brillaient dadmiration lorsquils rencontraient la grasse prairie au riche aspect, et les splendides forêts bordant le fleuve; le Français vif et animé; lAnglais au visage solennel; le pensif et flegmatique Allemand; lécossais à la mine résolue, aux vêtements bariolés de jaune; lAfricain à peau débène. — Une marchandise de contrebande, comme on dit maintenant. — Tous les éléments dun monde miniature sagitaient dans létroit navire, et avec eux, passions, projets, haines, amours, vice, vertus.

Sur lavant se tenaient deux individus paraissant tout particulièrement sensibles aux beautés du glorieux paysage déployé sous leurs yeux.

Le premier était un jeune homme de haute taille dont les regards exprimaient une incommensurable confiance en lui-même. Un large Panama ombrageait coquettement sa tête; un foulard blanc, suspendu avec une savante négligence derrière le chapeau pour abriter le cou contre les ardeurs du soleil, ondulait moelleusement au gré du zéphyr; une orgueilleuse chaîne dor chargée de breloques sétalait, fulgurante, sur son gilet; ses mains, gantées finement, étaient plongées dans les poches dun léger et adorable paletot en coutil blanc comme la neige.

Il portait sous le bras droit un assez gros portefeuille rempli desquisses artistiques et Croquis exécutés daprès nature, au vol de la vapeur.

Ce beau jeune homme, si aristocratique, se nommait M. Adolphus Halleck, dessinateur paysagiste, qui remontait le Minnesota dans le but denrichir sa collection de vues pittoresques.

Les glorieux travaux de Bierstadt sur les paysages et les moeurs des Montagnes Rocheuses avait rempli démulation le jeune peintre; il brillait du désir de visiter, dobserver avec soin les hautes terres de lOuest, et de recueillir une ample moisson détudes sur les nobles montagnes, les plaines majestueuses, les lacs, les cataractes, les fleuves, les chasses, les tribus sauvages de ces territoires fantastiques.

Il était beau garçon; son visage un peu pâle, coloré sur les joues, dun ovale distingué annonçait une complexion délicate mais aristocratique, On naurait pu le considérer comme un gandin, cependant il affichait de grandes prétentions à lélégance, et possédait au grand complet les qualités sterling dun gentleman.

La jeune lady qui était proche de sir Halleck était une charmante créature, aux yeux animés, aux traits réguliers et gracieux, mais pétillant dune expression malicieuse. Évidemment, cétait un de ces esprits actifs, piquants, dont la saveur bizarre et originale les destine à servir dépices dans limmense ragoût de la société.

Miss Maria Allondale était cousine de sir Adolphus Halleck.

— Oui, Maria, disait ce dernier, en regardant par dessus la tête de la jeune fille, les rivages fuyant à toute vapeur; oui, lorsque je reviendrai à la fin de lautomne, jaurai collectionné assez de croquis et détudes pour moccuper ensuite pendant une demi-douzaine dannées.

— Je suppose que les paysages environnants vous paraissent indignes des efforts de votre pinceau, répliqua la jeune fille en clignant les yeux.

— Je ne dis pas précisément cela… tenez, voici un effet de rivage assez correct; jen ai vu de semblables à lAcadémie. Si seulement il y avait un groupe convenable dIndiens pour garnir le second plan, ça ferait un tableau, oui.

— Vous avez donc conservé vos vieilles amours pour les sauvages?

— Parfaitement. Ils ont toujours fait mon admiration, depuis le premier jour où, dans mon enfance, jai dévoré les intéressantes légendes de Bas-de-Cuir, jai toujours eu soif de les voir face à face, dans leur solitude native, au milieu de calmes montagnes où la nature est sereine, dans leur pureté de race primitive, exempte du contact des Blancs!

— Oh ciel! quel enthousiasme! vous ne manquerez pas doccasions, soyez-en sûr; vous pourrez rassasier votre «soif» dhommes rouges! seulement, permettez-moi de vous dire que ces poétiques visions sévanouiront plus promptement que lécume de ces eaux bouillonnantes.

Lartiste secoua la tête avec un sourire:

— Ce sont des sentiments trop profondément enracinés pour disparaître aussi soudainement. Je vous accorde que, parmi ces gens-là, il peut y avoir des gredins et des vagabonds; mais nen trouve-t-on pas chez les peuples civilisés? Je maintiens et je maintiendrai que, comme race, les Indiens ont lâme haute, noble, chevaleresque; ils nous sont même supérieurs à ce point de vue.

— Et moi, je maintiens et je maintiendrai quils sont perfides, traîtres, féroces!… cest une repoussante population, qui minspire plus dantipathie que des tigres, des bêtes fauves, que sais-je! vos sauvages du Minnesota ne valent pas mieux que les autres!

Halleck regarda pendant quelques instants avec un sourire malicieux, sa charmante interlocutrice qui sétait extraordinairement animée en finissant.

— Très bien! Maria, vous connaissez mieux que moi les Indigènes du Minnesota. Par exemple, jose dire que la source où vous avez puisé vos renseignements laisse quelque chose à désirer sur le chapitre des informations; vous navez entendu que les gens des frontières, les Borders, qui eux aussi, sont sujets à caution. Si vous vouliez pénétrer dans les bois, de quelques centaines de milles, vous changeriez bien davis.

— Ah vraiment! moi, changer davis! faire quelques centaines de milles dans les bois! ny comptez pas, mon beau cousin! Une seule chose métonne, cest quil y ait des hommes blancs, assez fous pour se condamner à vivre en de tels pays. Oh! je devine ce qui vous fait rire, continua la jeune fille en souriant malgré elle; vous vous moquez de ce que jai fait, tout lété, précisément ce que je condamne. Eh bien! je vous promets, lorsque je serai revenue chez nous à Cincinnati, cet automne, que vous ne me reverrez plus traverser le Mississipi. Je ne serais point sur cette route, si je navais promis à loncle John de lui rendre une visite; il est si bon que jaurais été désolée de le chagriner par un refus.

«Loncle John Brainerd» nétait pas, en réalité, parent aux deux jeunes gens. Cétait un ami denfance du père de Maria Allondale; et toute la famille le désignait sous le nom doncle.

Après sêtre retiré dans la région de Minnesota en 1856, il avait exigé la promesse formelle, que tous les membres de la maison dAllondale viendraient le voir ensemble ou séparément, lorsque son settlement serait bien établi.

Effectivement, le père, la mère, tous les enfants mariés ou non, avaient accompli ce gai pèlerinage: seule Maria, la plus jeune, ne sétait point rendue encore auprès de lui. Or, en juin 1862, M. Allondale lavait amenée à Saint-Paul, lavait embarquée, et avait avisé loncle John de lenvoi du gracieux colis; ce dernier lattendait, et se proposait de garder sa gentille nièce tout le reste de lété.

Tout sétait passé comme on lavait convenu; la jeune fille avait heureusement fait le voyage, et avait été reçue à bras ouverts. La saison sétait écoulée pour elle le plus gracieusement du monde; et, parmi ses occupations habituelles, une correspondance régulière avec son cousin Adolphe navait pas été la moins agréable.

En effet, elle sétait accoutumée à lidée de le voir un jour son mari, et dailleurs, une amitié denfance les unissait tous deux. Leurs parents étaient dans le même négoce; les positions des deux familles étaient également belles; relations, éducation, fortune, tout concourait à faire présager leur union future, comme heureuse et bien assortie.

Adolphe Halleck avait pris ses grades à Yale, car il avait été primitivement destiné à létude des lois. Mais, en quittant les bancs, il se sentit entraîné par un goût passionné pour les beaux-arts, en même temps quil éprouvait un profond dégoût pour les grimoires judiciaires.

Pendant son séjour au collège, sa grande occupation avait été de faire des charges, des pochades, des caricatures si drolatiques que leur envoi dans sa famille avait obtenu un succès de rire inextinguible; naturellement son père devint fier dun tel fils; lorgueil paternel se communiqua au jeune homme; il fut proposé par lui, et décrété par toute la parenté quil serait artiste; on ne lui demanda quune chose: de devenir un grand homme.

Lorsque la guerre abolitionniste éclata, le jeune Halleck bondit de joie, et, à force de diplomatie, parvint à entrer comme dessinateur expéditionnaire dans la collaboration dune importante feuille illustrée. Mais le sort ne le servit pas précisément comme il laurait voulu; au premier engagement, lui, ses crayons et ses pinceaux furent faits prisonniers. Heureusement, il se rencontra, dans les rangs ennemis, avec un officier qui avait été son camarade de classe, à Yale. Halleck fut mis en liberté, et revint au logis, bien résolu à chercher désormais la gloire partout ailleurs que sous les drapeaux.

Les pompeuses descriptions des glorieux paysages du Minnesota que lui faisait constamment sa cousine, finirent par décider le jeune artiste à faire une excursion dans lOuest. — Mais il fit tant de stations et chemina à si petites journées, quil mit deux mois à gagner Saint-Paul.

Cependant, comme tout finit, même les flâneries de voyage, Halleck arriva au moment où sa cousine quittait cette ville, après y avoir passé quelques jours et il ne trouva rien de mieux que de sembarquer avec elle dans le bateau par lequel elle effectuait son retour chez loncle John.

Telles étaient les circonstances dans lesquelles nos jeunes gens sétaient réunis, au moment où nous les avons présentés au lecteur.

— Daprès vos lettres, loncle John jouit dune santé merveilleuse? reprit lartiste, après une courte pause.

— Oui, il est étonnant. Vous savez les craintes que nous concevions à son égard, lorsque après ses désastres financiers, il forma le projet démigrer, il y a quelques années? Mon père lui offrit des fonds pour reprendre les affaires; mais loncle persista dans ses idées de départ, disant quil était trop âgé pour recommencer cette vie là, et assez jeune pour devenir un «homme des frontières.» Il a pourtant cinquante ans passés, et sur sept enfants, il en a cinq de mariés; deux seulement sont encore à la maison, Will et Maggie.

— Attendez un peu…, il y a quelque temps que je nai vu Maggie, çà commence à faire une grande fille. Et Will aussi… il y a deux ans cétait presque un homme.

— Maggie est dans ses dix-huit ans; son frère à quatre ans de plus quelle.

Sans y songer, Adolphe regarda Maria pendant quelle parlait; il fut tout surpris de voir quelle baissa les yeux et quune rougeur soudaine envahit ses joues. Ces symptômes dembarras ne durèrent que quelques secondes; mais Halleck les avait surpris au passage; cela lui avait mis en tête une idée quil voulut éclaircir.

— Il y a un piano chez loncle John, je suppose? demanda-t-il.

— Oh oui! Maggie naurait pu sen passer. Cest un vrai bonheur pour elle.

— Naturellement… Ces deux enfants-là nont pas à se plaindre; ils ont une belle existence en perspective. Will a-t-il lintention de rester-là, et de suivre les traces de son père?

— Je ne le sais pas.

— Il me semble quil a dû vous en parler.

Tout en parlant, il regarda Maria en face et la vit rougir, puis baisser les yeux. Lartiste en savait assez; il releva les yeux sur le paysage, dun air rêveur, et continua la conversation.

— Oui, le petit Brainerd est un beau garçon; mais, à mon avis, il ne sera jamais un artiste. A-t-il fini son temps de collège?

— Dans deux ans seulement.

— Quel beau soldat cela ferait! notre armée a besoin de pareils hommes.

— Will a fait ses preuves. Il a passé bien près de la mort à la bataille de Bullrun. La blessure quil a reçue en cette occasion est à peine guérie.

— Diable! cétait sérieux! quel était son commandant; Stonewal, Jackson, ou Beauregard?

— Adolphe Halleck!!

Lartiste baissa la tète en riant, pour esquiver un coup de parasol que lui adressait sa cousine furieuse.

— Tenez, Maria, voici ma canne, vous pourriez casser votre ombrelle.

— Pourquoi mavez-vous fait cette question?

— Pour rien, je vous lassure…

La jeune fille essaya de le regarder bravement, Sans rire et sans rougir; mais cette tentative était au-dessus de ses forces, elle baissa la tête dun air mutin.

—Allons! ne vous effarouchez pas, chère! dit enfin le jeune homme avec un calme sourire. Ce petit garçon est tout à fait honorable, et je serais certainement la dernière personne qui voudrait en médire. Mais revenons à notre vieux thème, les sauvages. En verrai-je quelque peu, pendant mon séjour chez loncle John?

— Cela dépend des quantités quil vous en faut pour vous satisfaire. Un seul, pour moi, cest beaucoup trop. Ils rôdent sans cesse dans les environs; vous ne pourrez faire une promenade sans les rencontrer.

— Alors, je pourrai en portraicturer deux ou trois?

— Sur ce point, voici un renseignement précis. Prenez un des plus horribles vagabonds des rues de New York; passez-lui sur le visage une teinte de bistre cuivré; mettez-lui des cheveux blonds retroussés en plumet et liés par un cordon graisseux; affublez-le dune couverture en guenilles; vous aurez un Indien Minnesota pur sang.

— Et les femmes, en est-il de même

— Les femmes!… des squaws, voulez-vous dire! Leur portrait est exactement le même.

— Cependant nous sommes dans «la région des Dacotahs, le pays des Beauté», dont parle le poète Longfellow dans son ouvrage intitulé Hiawatha.

— Il est bien possible que ce soit le pays auquel vous faites allusion. Dans tous les cas, cest pitoyable quil ne lait pas visité avant décrire son poème, — Néanmoins, poursuivit la jeune fille, pour être juste, je dois apporter une restriction à ce que je viens de vous dire; les Indiens convertis au christianisme sont tout à fait différents, ils ont laissé de côté, leurs allures et vêtements sauvages, pour adopter ceux de la civilisation; ils sont devenus des créatures passables. Jen ai vu plusieurs, et, le contraste frappant quils offrent en regard de leurs frères barbares, ma porté à en dire du bien. Je pourrais vous en nommer: Chaskie, Paul, par exemple, qui seraient dignes de servir de modèles à beaucoup dhommes blancs.

— Ainsi, vous admettrez quil se trouve parmi eux des êtres humains?

— Très certainement. Il y en a un surtout qui vient parfois rendre visite à loncle John. Il est connu sous le nom de Jim Chrétien; je peux dire que cest un noble garçon. Je ne craindrais point de lui confier ma vie en toute circonstance,

— Mais enfin, Maria, parlant sérieusement, ne pensez-vous pas que ces mêmes hommes rouges dont vous faites si peu de cas, ne sont devenus pervers que par la fatale et détestable influence des Blancs. Ces trafiquants!… Ces agents!…

— Je ne puis vous le refuser. Il est tout-à-fait impossible aux missionnaires de lutter contre les machinations de ces vils intrigants. Pauvres, bons missionnaires! voilà des hommes dévoués! Je vous citerai le docteur Williamson qui a fourni une longue et noble carrière, au milieu de ces peuplades farouches, se heurtant sans cesse à la mort, à des périls pires que la mort! tout cela pour leur ouvrir la voie qui mène au ciel! Et le Père Riggs, qui, depuis trente-cinq ans, erre autour du Lac qui parle, ou Jyedan, comme les Indiens lappellent. Cest un second apôtre saint Paul; dans les bois, dans les eaux, dans le feu, en mille occasions sa vie a été en péril; un jour sa misérable hutte brûla sur sa tête; il ne pût séchapper quà travers une pluie de charbons ardents. Eh bien! il bénissait le ciel davoir la vie sauve, pour la consacrer encore au salut de ses chères ouailles

— Je suppose que ces pauvres missionnaires sont relevés et secourus de temps en temps, dans ces postes périlleux?

— Pas ceux-là, du moins! Ils se croiraient indignes de lapostolat sils faiblissaient un seul instant; cette lutte admirable, ils la continueront jusquà la mort. Pour savoir ce que cest que le sublime du dévouement, il faut avoir vu de près le missionnaire Indien!

— Ah! voici un changement de décor, à vue, dans le paysage; regardez-moi çà! sécrie le jeune artiste en ouvrant son album et taillant ses crayons; je vais croquer ce site enchanté.

— Vous naurez pas le temps, mon cousin. Regardez par-dessus la rive, à environ un quart de mille; voyez-vous une voiture qui est proche dun bouquet de sycomores; elle est attelée dun cheval; un jeune homme se tient debout à côté.

Adolphe implanta gravement son lorgnon dans loeil droit, et inspecta les bords du fleuve pendant assez longtemps avant de répondre.

— Jai quelque idée davoir aperçu ce dont vous me parlez. Quel est le propriétaire, est-ce loncle John?… dit-il enfin.

— Oui; et je pense que cest Will qui mattend. Un petit temps de galop à travers la prairie, et nous serons arrivés au terme de notre voyage.

CHAPITRE II LÉGENDES DU FOYER.

Après avoir fait des tours et des détours sans nombre, le petit steamer vira de bord se rangea sur le rivage, mouilla son ancre, raidit une amarre, jeta son petit pont volant, et nos deux jeunes passagers débarquèrent.

— Ah! Will! cest toi?… Comment ça va, vieux gamin?…

Cette exclamation dHalleck sadressait à un robuste et beau garçon, bronzé par le soleil et le hâle du désert, mais qui demeura tout interdit, ne reconnaissant pas son interlocuteur.

— Mais, Will! vous ne voyez donc pas notre cousin Adolphe? demanda Maria en riant.

— Ha! ha! le soleil me donnait donc dans loeil de ce côté-là! répondit sur le champ le jeune settler; ça va bien, Halleck?… je suis ravi de vous voir! vous êtes le bienvenu chez nous, croyez-le.

— Je vous crois, mon ami, répondit Halleck en échangeant une cordiale poignée de main; sans cela, je ne serais point venu. Ah! mais! ah mais! vous avez changé, Will! Peste! vous voilà un homme! je vous ai tenu au bout de mon lorgnon pendant dix minutes, et, jamais je naurais soupçonné votre identité, neut été Maria qui na su me parler que de vous.

— Est-il impertinent! mais vous êtes un monstre! Vingt fois jai eu mon ombrelle levée sur votre tête pour vous corriger, mais je vais vous punir une bonne fois!

— Prenez ma cane, cousine, ce sera mieux que votre parasol.

Chacun se mit à rire, on emballa valise, portefeuille, album et boites de peinture dans le caisson; puis on songea au départ.

— Crois-moi, Will, prend place à côté de moi, laissons-la conduire si elle y consent; cet exercice lui occupera les deux mains, de cette façon jaurai peut-être quelque chance de pouvoir causer en paix avec toi. Y connaît-elle quelque chose, aux rênes?

— Je vais vous démontrer ma science! sécria malicieusement la jeune fille, pendant que Will Brainerd sasseyait derrière elle, à côté dAdolphe.

— Je vous ai en grande estime sur tous les points, commença ce dernier, mais vous êtes peut-être présomptueuse au-delà… — Ah! mon Dieu!