Les terres d'or - Gustave Aimard - E-Book

Les terres d'or E-Book

Aimard Gustave

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Beschreibung

Au cœur de l'anthologie 'Les terres d'or', se trouve une exploration riche et nuancée des terres inexplorées et des promesses de fortune qui ont captivé l'imaginaire collectif au cours des âges. Réunissant une gamme diverse de styles littéraires, cette collection met en lumière la quête éternelle de l'homme envers l'inconnu et la richesse, traversant des récits d'aventure, des analyses historiques et des pièces de fiction. L'importance des œuvres sélectionnées réside non seulement dans leur diversité mais aussi dans leur capacité à offrir un miroir aux aspirations et aux rêves de la société à différentes époques. Les contributions de Gustave Aimard et J. Berlioz d'Auriac, notamment, illustrent parfaitement cette thématique, offrant des perspectives uniques sur la conquête et la colonisation des terres lointaines. Les auteurs et éditeurs impliqués dans 'Les terres d'or' apportent une richesse de fonds et une diversité d'approches à l'anthologie, reflétant les mouvements littéraires et culturels de leur temps. Leur collecte de récits et d'analyses contribue significativement à notre compréhension des dynamiques de la découverte et de la valorisation des terres au-delà des frontières connues. Reconnus pour leurs contributions significatives aux littératures de l'aventure et de l'exploration, leur travail commun offre une exploration multidimensionnelle du thème de l'or, symbolisant à la fois la quête matérielle et spirituelle. Cette collection s'avère indispensable pour ceux qui cherchent à comprendre l'attrait persistant de l'inconnu, la diversité des perspectives sur l'exploration et la colonisation, ainsi que l'évolution des narratifs de la richesse à travers les siècles. 'Les terres d'or' promet une aventure intellectuelle pour le lecteur, l'invitant à naviguer à travers les différentes couches d'interprétation et de signification que chaque œuvre apporte au thème. Elle est une invitation à réfléchir sur les multiples façons dont la recherche de richesses a façonné notre monde et continue d'influencer nos aspirations. À travers cette anthologie, le lecteur est encouragé à se plonger dans une étude approfondie de la nature humaine, explorant à la fois les aspirations les plus nobles et les faiblesses, au sein d'un recueil qui sert de carrefour pour un dialogue engageant entre les œuvres de ses contributeurs.

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Gustave Aimard, J. Berlioz d' Auriac

Les terres d'or

 
EAN 8596547447405
DigiCat, 2022 Contact: [email protected]

Table des matières

CHAPITRE PREMIER
DEUX SOLITAIRES
CHAPITRE II
UNE JOYEUSE VEILLÉE
CHAPITRE III
UNE TRAGÉDIE DANS LES BOIS
CHAPITRE IV
L'INFORMATION
CHAPITRE V
UN REVENANT
CHAPITRE VI
LE JUGE LYNCH
CHAPITRE VII
UN ANNIVERSAIRE DU BON VIEUX TEMPS
CHAPITRE VIII
TEMPÊTES INTÉRIEURES
CHAPITRE IX
SACRIFICE
CHAPITRE X
ÉCLAIRCISSEMENT DU MYSTÈRE
CHAPITRE XI
L'HISTOIRE D'UNE NUIT
CHAPITRE XII
UN REPAIRE DE BANDITS
CHAPITRE XIII
JUSTICE DE DIEU; JUSTICE DES HOMMES
CHAPITRE XIV
RÉAPPARITIONS
ÉPILOGUE
FIN

CHAPITRE PREMIER

DEUX SOLITAIRES

Table des matières

Bien loin, bien loin de la civilisation, s'étendent à l'infini, dans les vastes Amériques, des plaines immenses entrecoupées de prairies plus immenses encore.

C'est, ou plutôt, ce fut le territoire Indien.

Ces TERRES d'OR, convoitées par d'acharnés aventuriers, sont devenues la proie du premier occupant; elles ont été divisées, morcelées, mises en lambeaux par leurs insatiables hôtes: la solitude a été mise au pillage; chacun a voulu avoir sa part à la curée.

Arpenteurs, spéculateurs, locataires, fermiers, trafiquants, forestiers, chasseurs, et par-dessus tout chercheurs d'aventures, se sont abattus par légions sur le patrimoine Indien et s'en sont emparés violemment, par droit de conquête.

Les enfants perdus de la civilisation se sont installés là comme chez eux, et bientôt les noms de Kansas, de Nebraska, sont devenus aussi familiers que ceux de New-York, Londres, ou Paris: les Pawnies, les Ottawas, les Ottoes, les Kickappos, les Puncas, toutes les peuplades aborigènes ont disparu successivement comme des foyers éteints, refoulées par l'incessante et implacable pression des Faces-Pâles.

Des ogres au désert; des oiseaux de proie; d'insolents usurpateurs; des voleurs sans retenue et sans conscience; les Blancs ont été tout cela et pis encore dans ce malheureux Nouveau-Monde qui aurait bien voulu rester toujours inconnu.

Le grand et vieux fleuve qui descend des régions mystérieuses et inexplorées des montagnes Rocheuses a dû se plier au joug des envahisseurs: ses flots majestueux, jusqu'alors purs et calmes comme l'azur des cieux, ont écumé sous les coups redoublés de la vapeur, se sont souillés des détritus d'usines, ont charrié des fardeaux, ont été réduits en esclavage.

En même temps, des fermes, des parcs, des avenues, des villages, des villes, des palais ont surgi comme par enchantement sur les rives du vénérable cours d'eau. La solitude et son paisible silence, le désert et sa paix profonde, ont disparu. Væ victis! tel a été le premier et dernier mot de la civilisation.

Et pourtant, elle était si grande cette belle nature, sortie des mains du Créateur comme un reflet de son immensité, qu'aux déserts absorbés ont succédé les déserts, et que les plus effrontés chercheurs en ignorent encore les bornes!

Parmi les plus aventureux pionniers de la Nebraska, se trouvait Thomas Newcome. Quoique venu du Connecticut, il était né Anglais, et s'il avait gagné le Far-West, c'était moins pour chercher la fortune, que pour satisfaire les caprices d'une imagination fantasque, désordonnée, ennemie de toute gêne.

Son existence tenait du roman;—comme cela arrive beaucoup trop fréquemment pour l'ordre et le bonheur de la société—il avait été le héros d'une mésalliance qui avait fait grand bruit dans le monde Londonien. A une époque où il était jardinier dans les propriétés d'une noble famille, il avait su se faire adorer par la fille de la maison, l'avait enlevée, et avait fui avec elle en Amérique.

La malheureuse et imprudente victime de cette passion s'était aperçue trop tard de son funeste aveuglement; il lui avait fallu dévorer dans l'humiliation et les larmes le pain amer de la pauvreté, assaisonné de remords et d'affronts,—car son séducteur n'était qu'un cœur faux, un esprit misérable, tout à fait indigne du sacrifice consommé en sa faveur.

Enchaînée à ce misérable époux, Mistress Newcome avait perdu non-seulement amis et famille, mais encore sa fortune et ses espérances, car elle avait été déshéritée. Thomas n'avait convoité en elle que la richesse; quand il la vit pauvre il la prit en horreur. La malheureuse femme traîna pendant quelques années une existence désespérée; puis elle mourut, laissant une fille unique à laquelle elle léguait sa beauté, son esprit fin, distingué, impressionnable, et, par dessus tout, les noirs chagrins qui l'avaient tuée.

La jeune Alice habitait avec son père une clôterie sur les rives du Missouri. Leur habitation, grossièrement construite en troncs d'arbres, était installée sur la bordure des bois, et occupait à peu près le centre du domaine.

Ce Settlement, bien délimité sur trois côtés par des ruisseaux d'une certaine importance, n'avait, sur le quatrième côté, que des confins extrêmement indécis.

Dans ces contrées exubérantes d'espace la terre se mesure et se distribue largement: les grands spéculateurs,—un autre nom moins honorable serait peut-être plus juste,—qui revendent à la toise les territoires achetés à la lieue carrée, s'inquiètent peu d'attribuer à deux ou trois acquéreurs le même lambeau de terre: dans ces marchés troubles, auxquels personne ne comprend rien, qui commencent par une goutte d'encre et finissent par des ruisseaux de sang, il n'y a rien de sûr, rien de déterminé; la seule chose certaine, c'est qu'ils sont traités de coquins à scélérats, et que leur unique sanction repose sur le droit du plus fort.

Il s'y trouve toujours un côté douteux. Or, le quatrième côté du Settlement de Newcome était plus que douteux: à force d'être disputé entre voisins, il était sur le point de n'appartenir à personne.

Les prétendants les plus signalés étaient quatre jeunes gens concessionnaires d'un important territoire au milieu duquel était implantée leur rustique habitation.

Un matin, Newcome avait trouvé toute une rangée de pieux solidement plantés sur ce qu'il regardait comme son bien—du quatrième côté. Il ne fut pas long à les arracher pour les replanter bien loin en arrière, rendant ainsi, avec usure, usurpation pour usurpation. Deux jours après les poteaux étaient réintégrés à leur place première: les jeunes voisins faisaient en même temps sommation d'avoir à respecter leur clôture; Newcome répondait sur le champ par une sommation contraire. Chacun, bien entendu, avait la carabine au dos, le revolver en poche; il devint facile de préciser l'instant où la conversation s'échaufferait et ferait parler la poudre.

La tremblante Alice ne vivait qu'au milieu des transes, mais elle ne pouvait apporter remède à cet état de choses, car elle était absolument sans influence sur l'esprit de son père. Quoique jeune elle était sérieuse, raisonnable, prudente, et dirigeait la maison paternelle en ménagère accomplie. Sans se décourager, elle plaidait sans cesse pour la paix et la modération; mais elle prêchait littéralement dans le désert; rien ne faisait impression sur l'esprit brutal, emporté, indomptable de son père.

Un matin qu'il s'était réveillé dans un état d'exaspération extraordinaire, il s'agitait dans la maison, la parcourant à grands pas et adressant à ses voisins toutes sortes d'imprécations.

Alice, espérant faire diversion à ses pensées hargneuses, se hasarda à lui dire timidement:

—M. Mallet, du Comptoir d'Échange, est venu vous demander.

—Qu'est-ce qu'il me veut aussi? ce damné Français de malheur! fut la gracieuse réponse du père.

—Il ne me l'a pas expliqué: seulement il m'a annoncé qu'il reviendrait dans un jour ou deux.

Newcome regarda sa fille de travers:

—En effet! poursuivit-il aigrement, il doit avoir d'importantes affaires par ici, je le suppose! combien de temps est-il resté? Que vous a-t-il dit, ce maroufle?

La jeune fille pâlit et rougit successivement..mais son émotion était causée plutôt par le ton et les manières choquantes de son père que par le souvenir de son entrevue avec le jeune Français. Les paroles empreintes de soupçon qui venaient de lui être adressées la troublèrent au point de rendre sa réponse hésitante et embarrassée.

—Je ne saurais vous rapporter ce qu'il a dit, répondit-elle en balbutiant; il me semble qu'il a loué l'emplacement de notre maison;.... il a expliqué que tout ce territoire lui était parfaitement familier;... qu'il était en état de me raconter une foule d'histoires fort intéressantes sur les mœurs, les guerres, les légendes des Indiens... etc...

—Vraiment! j'en suis touché! Je parierais qu'il en sait une provision d'histoires;... toutes plus intéressantes les unes que les autres! Il doit être extrêmement instruit en façons indiennes. Et, qu'a-t-il chanté encore, ce bel oiseau?...

—Il m'a demandé si j'avais des frères et des sœurs. Il trouve que je ne dois pas mener une existence agréable dans ce Settlement sauvage et solitaire, toute seule avec vous... surtout si on pense que vous êtes dehors la majeure partie du temps.

—En vérité! Et il suppose que vous avez besoin de société, n'est-ce pas?... Eh bien! là, franchement! je ne suis en aucune façon de son avis. Et, je vous le dis, Alicia Newcome! si ce polisson de Français vient encore rôder par ici, sous prétexte de me demander; s'il a l'effronterie de faire des pauses pour vous distraire par sa conversation... je m'arrangerai de façon à ce que vous vous mordiez les doigts de vous être prêtée à ces familiarités là!

—Mais! comment puis-je m'y prendre pour l'empêcher de venir ici, et de me parler s'il vient?... demanda la jeune fille moitié chagrine, moitié irritée de l'apostrophe paternelle.

—Allons! bien! il faudra que je vous fasse la leçon sur ce point, n'est-ce pas? Comme si toute femme ne connaissait pas d'instinct le moyen de se débarrasser d'un importun?

—Mais, je ne suis qu'une pauvre fille sans expérience, mon père; je ne sais rien, si ce n'est qu'il faut répondre civilement à qui me parle avec civilité.

—Eh! eh! eh! ricana l'irascible et grincheux Settler, tout le sang de sa mère, damnation! Petite effrontée! prenez garde de vous montrer trop fidèle à votre sang! vous comprenez? Je ne vous dis que ça! Et, sachez que je ne veux pas vous voir, comme votre mère, prodiguer vos plus gracieux sourires à quiconque les sollicitera!

Il était dans les habitudes grossières de Newcome de se venger sur sa noble femme de la pauvreté qu'elle lui avait apportée en dot; ces brutales récriminations avaient toujours fait grand fonds dans la couronne d'épines que la pauvre martyre avait dû supporter pendant sa vie.

Quoique accoutumée à voir sa mère rudoyée par son indigne tyran et froissée dans ses sentiments les plus délicats, Alice, depuis la mort de cette unique et précieuse amie, n'avait pu supporter les insultes adressées à sa mémoire chérie. Aux paroles cruelles de son père, des larmes brûlantes jaillirent de ses yeux et sillonnèrent lentement ses joues pâlissantes: mais elle se hâta de les essuyer furtivement, de peur qu'elles ne servissent de prétexte à quelques nouvelles cruautés.

La cabane de Newcome était assurément bien misérable pour servir d'habitation à cette gracieuse et mignonne fille. Mais, heureusement pour elle, la pauvreté ne lui avait jamais semblé un mal sérieux; sa mère avait fortifié sa jeune âme par de salutaires enseignements; tout en lui faisant apprécier par-dessus tout les richesses de l'intelligence,—ce luxe du pauvre aussi bien que du riche,—elle lui avait appris à embellir l'indigence même, par les ressources de l'esprit, de la grâce et d'une résignation inaltérable.

Ainsi, dans cette rustique et prosaïque demeure, Alice avait su faire régner une atmosphère de propreté, d'ordre, de distinction, d'élégance même, où l'œil le moins délicat trouvait aussitôt un reflet des précieuses qualités déployées par la jeune ménagère.

Mais, au fond, le contraste était frappant; il était pénible de songer qu'une si aimable enfant se trouvait condamnée à hanter pareille demeure.

Très-probablement des pensées de ce genre vinrent en esprit à Thomas Newcome. Il se rendit involontairement justice, en regardant d'un œil furtif la pauvre Alice qui meurtrissait ses petites mains en s'efforçant de tirer à elle les lourds volets pour opérer la fermeture quotidienne de la maison.

Probablement, dans l'âme sordide de ce manant, s'éleva un cri de la conscience, lorsqu'il se demanda quelles seraient les appréciations de la Gentry civilisée, si cette jeune fille lui apparaissait malheureuse, déclassée, courbée sous la froide étreinte de la misère et de l'abandon.

Mais tout, chez cet homme, aboutissait à la colère. Il secoua violemment ces idées importunes, se leva en sursaut et jetant sa chaise sur le plancher, avec un bruit infernal, il se mit à marcher de long en large, suivant son habitude, comme un ours dans sa cage.

—Au lit! fille! au lit! s'écria-t-il enfin; je veux déjeuner demain matin, de bonne heure; car il faudra aller tenir tête à ces rogneurs de terre. S'ils ont besoin d'une leçon je leur en donnerai une: au point du jour je serai en observation, et malheur à eux si je trouve un seul poteau déplacé!

Jamais Alice n'avait vu son père déployer une telle violence. Toute tremblante, elle se retira, sans mot dire, dans le sombre réduit qui lui servait de chambre à coucher. Thomas s'étendit sur un banc dans la pièce commune: bientôt le silence—sinon le sommeil—régna sous le triste toit de ces deux misérables créatures.

CHAPITRE II

UNE JOYEUSE VEILLÉE

Table des matières

La soirée s'était écoulée tout autrement chez les Squatters (concessionnaires, défricheurs) du Claim voisin. Pour donner ample satisfaction à leurs instincts de sociabilité, de confort et d'économie, quatre jeunes chasseurs de terres avaient imaginé de vivre ensemble dans la même habitation: ils avaient, par cet ingénieux moyen, économisé la construction et l'ameublement de trois cabanes, sur quatre. Ils avaient, en même temps, satisfait à une des principales lois de leur concession, savoir, la prise de possession par le fait d'un établissement à demeure. Au moyen d'une délimitation artistement combinée, ils avaient fait converger au centre les quatre lignes de démarcation, et, sur ce centre, ils avaient bâti leur rustique palais; ils avaient réuni en commun toutes leurs richesses—plus de bonne humeur que d'argent;—et ils vivaient là, contents, insouciants, oublieux du passé, du présent et de l'avenir.

Au demeurant c'étaient quatre beaux garçons, tout de rouge habillés, barbus, chevelus, costumés, équipés d'une façon phénoménale. Néanmoins, au premier coup d'œil, on reconnaissait, dans leur tournure et leurs manières des gens qui avaient «vu de meilleurs jours:» La rude existence du désert avait bronzé leurs visages, assuré leur démarche, durci leurs mains, tout en répandant sur toute leur personne la mâle beauté, l'élégance robuste, la souplesse infatigable de la force unie à la santé.

Ce quatuor d'amis était issu de quatre professions bien différentes: l'un avait été Docteur es-sciences, mais n'avait jamais pratiqué; l'autre était un Légiste qui s'en était également tenu à la théorie; le troisième était Géomètre; le quatrième, Éditeur-libraire. Ces deux derniers avaient une légère expérience de ce qu'ils prétendaient avoir pratiqué.

Ils vivaient paisiblement, en bonne harmonie, dans leur hutte raboteuse et grossière, qui, pour tout mobilier, avait deux tréteaux en planches servant de lits, un fourneau de cuisine, une table en sapin, et quelques ustensiles de ménage en fer battu.

«Pour abréger,» il avait été convenu entre eux que chacun serait appelé par son titre professionnel ou une abréviation de ce titre. Ainsi donc Doc, Squire, Ed, et Flag; (Docteur), (Bachelier légiste ou Écuyer), (Éditeur) et (Porte-Drapeau ou Arpenteur-Géomètre), telles étaient les appellations servant à désigner la personnalité de chacun de ces gentlemen. Leurs vrais noms apparaîtront plus tard en temps propice.

—Je vous le dis, garçons, il fait joli aujourd'hui, n'est-ce pas?.. dit Squire en se dandinant sur ses jambes comme un enfant de quatre ans. Puis il continua sa gymnastique sur un lit.

—Joli! répéta Doc; je pourrais croire que cette expression est juste à votre égard, jeune homme, en vous voyant gigotter sur ce lit. Mais, pour moi, je ne considère qu'une chose, c'est que voilà mon quatrième jour de cuisine. Vraiment, j'ai le dos rompu!

—Peuh! vous parlez comme une femme, observa Flag d'un ton superlativement dédaigneux pour ce symptôme de faiblesse.

—Ah! miséricorde! reprit Doc piteusement, je ne voudrais qu'une seule chose;... entendre ici la voix d'une vraie femme!

—Sans aucun doute, interrompit philosophiquement Squire, de tous les animaux domestiques la femme est le plus usuel. Tout homme peut s'organiser une maison confortable sans chien, ni chat, ni cheval, ni vache: mais, sans femme, rien ne va bien. La femme est pour moi le résumé du monde domestique.

—Je trouve que vous parlez bien peu respectueusement du beau sexe! observa Doc avec gravité; je saurais m'exprimer sur ce point avec plus de convenance.

—Vous croyez? fit Squire d'un ton insouciant et moqueur.

—Allons! reprit Doc; voilà le souper prêt. Le café sera, j'espère, assez chaud pour vous brûler la langue et la punir de ses méfaits.

Le souper fut bientôt terminé; les plats furent empilés dans un chaudron sans être lavés; l'intéressante tâche du récurage était réservée à Ed, en ce moment hors de la maison.

—Ah! bien, oui! je ne ferai pas, durant une minute de plus, l'ouvrage de Master Ed:—trois jours chacun, c'est la règle; ce paresseux a esquivé un jour de son service suivant sa coutume; et ça m'est tombé dessus, naturellement!

Parlant ainsi, Doc se jeta en gémissant sur le lit que Flag lui abandonna par déférence pour le lumbago dont il se plaignait.

—Oui, Ed est un carotteur, c'est un fait, observa Squire sentencieusement.

Doc gardait un silence précurseur du sommeil.

—Je suis de cet avis, complètement! appuya Flag. Master Ed sait très-bien s'approprier tout ce que nous avons de bon, et ce qui nous a souvent coûté bien de la peine à nous procurer: en revanche, il n'apporte jamais rien.

—C'est parfaitement juste, approuva Doc; Ed est un fainéant et un égoïste.

—Si nous lui faisions une bonne farce? proposa Squire.