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Un lundi matin de novembre 2019, j'ai soudainement annoncé mon départ pour l'Inde à mon mari, j'avais enfin l'audace d'aller dans ce pays qui m'attirait depuis tant d'années ! Ce voyage passant du fantasme à la réalité allait-il m'aider à panser toutes mes blessures ? N'allais-je pas être déçue après avoir trop idéalisé ce pays si différent du mien, de ma culture ? Partir à près de 8 200 km de chez moi, seule pour la première fois de ma vie, fut un véritable challenge pour la petite fille effacée et discrète qui reste au plus profond de moi, même à plus de 50 ans.
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Seitenzahl: 97
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Dans le Old Ashram, Bangalore 2022
Je remercie ma fille Agathe,
Qui fut ma première lectrice
Et qui me donna son avis
le plus objectivement
possible. Merci de m’avoir aidée pour
La première correction de ce
« carnet de voyage »
Je remercie mon mari Stéphane, qui fut mon
deuxième lecteur et qui m’apporta un nouveau
regard quant à ce récit autobiographique. Cela m‘a
permis d’approfondir, comprendre et libérer mes
différentes émotions
Introduction
Mon enfance
Ma vie de femme
L’arrivée du yoga dans ma vie
Décision
LE voyage
Départ
Vie à l’ashram
Mysore
Wayanad
Calicut (Kozhikode)
Fort Kochi
Alleppey (Alappuzha)
Aéroport de Kochi
Aéroport de Bangalore
Retour
Et après ?
Recette de chaï
Lorsque j’étais petite, j’avais un doudou… comme beaucoup d’enfants ! Mon doudou, ou plutôt mes doudous, s’appelait « koss-koss », c’était un petit foulard indien carré, en soie, toujours bleu ou gris pâle. Ma mère me le lavait tous les lundis, et quand je revenais de l’école le soir, je me précipitais dans ma chambre pour le reprendre et le marquer à nouveau de mon odeur. A force de lavages, ce petit bout de tissu finissait toujours en une boule formée de multiples nœuds. Il fallait alors le changer, et à l’époque, une amie de ma mère en vendait sur les marchés, mon vieux koss-koss était vite remplacé par un tout neuf, tout beau. Je retrouvais alors toute la douceur, la grandeur de ce foulard, mais surtout cette odeur si particulière de tissu indien.
En grandissant, en vieillissant, je m’aperçois que l’Inde, ce si grand pays lointain, mystérieux, et aussi mystique, m’a toujours accompagné, par petites touches quelques fois, comme mon rituel de mettre de l’encens dans ma chambre dès ma préadolescence, par l’offre de ma tante d’un livre comme cadeau de Noël, à mes 13 ans, dont l’histoire était basée en Inde, ou par touches plus régulières, comme ces grandes jupes longues que j’adorais et que j’adore toujours porter (elles étaient les seules jupes que je tolérais porter pendant mon adolescence perturbée et teintée de noir côté vestimentaire), par ces chaînes de cheville que je porte depuis plus de 40 ans, par ce parfum de patchouli que je mets depuis des années, ou bien encore par l’attirance pour les musiques comme les « raga », qui m’ont apaisées à maintes reprises, avec les sons de sitar si envoûtants.
J’avais 9 mois
Je me souviens de moi petite comme d’une enfant effacée, désirant se faire oublier le plus possible, souffrant d’une timidité maladive extrême… pourtant avec un caractère bien trempé et rebelle, quel paradoxe.
Mes souvenirs sont mêlés d’insouciance, d‘angoisses et de grand stress. J’ai vécu de merveilleuses vacances dans un endroit magique, sauvage, libre, où tout devenait possible. Ce lieu se situe dans le Finistère nord, au bord de la mer. Même maintenant, Ménéham, lieu-dit de Kerlouan, est resté rude, avec son décor chaotique d’amas de rochers sur terre ou en pleine mer, offrant un parc de jeu naturel extraordinaire. Le vent peut y souffler à nous faire presque vaciller, mais nous revigore et nous fait nous sentir tellement vivant. La mer, si limpide, transparente l’été, avec son sable fin, blanc, nous saisit par sa fraîcheur… Petite, j’étais la première à l’eau, sans hésitation, j’étais téméraire, j’avais une telle confiance en moi dans ce lieu si magique.
Ces périodes de vacances étaient réellement ma bouffée d’oxygène, je pouvais vivre sans pression, sans peurs, en toute légèreté, libre comme l‘air. Le reste de l’année était plus terne, la routine de l’école et de la maison familiale était moins captivante. A l’école, j'étais une très bonne élève, pourtant je me sentais souvent incapable de réussir, je manquais de confiance en moi, j’étais toujours en retrait, avec une panique incontrôlable lorsque mes instituteurs ou institutrices me mettaient en avant ou m’interrogeaient oralement. Mon instituteur de CP avait d’ailleurs convoqué mes deux parents, leur demandant ce qu’il se passait chez moi pour que je sois si renfermée. Je me souviens comme j’avais été reconnaissante envers mon maître d’école, il s’occupait de moi, je comptais pour quelqu’un. Malheureusement, cette démarche n’a pas eu de suite, mes parents répondant simplement que j’étais pareille au sein de la maison.
Effectivement, j’étais la même petite fille effacée chez moi, je n’arrivais pas à trouver ma place, j’avais toujours peur de mal faire, et dès que je le pouvais, je me réfugiais dans ma chambre, dans laquelle je me sentais en sécurité, enfin moi-même. Je jouais seule, avec mes poupées, je me créais des cabanes dans mon placard, je passais des heures à lire lorsque j’étais en primaire et au collège, m’imaginant capable de surmonter mes angoisses et ma timidité, sans en avoir jamais eu le courage.
En grandissant, surtout à l’arrivée de l’adolescence, ma rébellion enfouie tout au long de ces années s’est accentuée et a commencé à émerger, avec un look vestimentaire et capillaire, style un peu « punk » pouvant choquer. J’étais à fleur de peau, surtout vers 15/16 ans, j’écoutais les Sex Pistols, The Clash, les Porte-Mentaux, les Négresses Vertes, etc… C’était un moyen pour moi de me protéger tout en essayant de m’affirmer. Je me suis toujours sentie en dehors des « normes » de la société, même encore maintenant, mais aujourd’hui, je l’assume complètement, alors que pendant mon enfance et mon adolescence, ce fut extrêmement difficile.
*
J’ai grandi avec des émotions tellement fluctuantes, selon les vagues émotionnelles de mes propres parents. Un coup je me sentais aimée, un coup rejetée. Je n’ai pas de souvenirs de moments tendres partagés avec mes parents ou ma sœur, les câlins, les marques de gratitudes, ou même des petits mots affectueux étaient inexistants. Les marques d’affections se manifestaient lorsque ma mère acceptait de me faire plaisir en m’achetant un jeu ou un petit objet que je désirais.
Mes parents étaient assez stricts et rigides, chacun à leur manière.
Ma mère avait du mal à me supporter, me répétant régulièrement que je devais prendre exemple sur ma grande sœur, qui elle, était posée, mûre, agréable. Ma mère m’a avoué lorsque j’avais 16 ans qu’elle avait fait de la différence entre nous deux. Pourquoi ? Je n’en ai aucune idée, j’ai même cru à 8 ans que mes parents m’avaient adoptée, ne correspondant pas à leurs désirs et étant si différente d‘eux.
Mon père, lui, voulait montrer à tout prix son autorité, il fallait se taire à table, ne pas lui répondre, et surtout, ne pas le contredire.
La rupture avec mon père a véritablement commencé l’été de mes 11 ans. Mes parents parlaient de divorce, avec quelques scènes de violence les nuits, nous étions réveillées en sursaut par des cris, des hurlements, des coups. Un soir, après que mon père ait fait le tour des voisins pour relater ses problèmes de couple, il est venu me voir dans ma chambre et m’a alors annoncé qu’il voulait partir rejoindre son cousin qui vivait à Tahiti. Mon père a eu des paroles qui sont restées gravées à jamais, en me disant qu’il ne reviendrait pas, qu’il allait nous abandonner. Du haut de mes 11 ans, je lui en ai immédiatement voulu, il voulait partir, qu’il le fasse vraiment, je ne souhaitais qu’une chose, qu’il disparaisse pour toujours de ma vie.
Avant et après cet épisode marquant, je subissais également ses moqueries : « elle est bizarre, elle ! », « tu n’arrives à rien ! », « t’es qu’une ratée, tu vas finir au chômage », « t’es une putain ! ».
Cette dernière humiliation m’a fait sortir de mes gonds. J’avais 17 ans, seulement mon premier copain depuis quelques mois, flirt tout innocent, je n’ai alors pas accepté qu’il me traite de la sorte. J’ai hurlé sur mon père pour la première fois de ma vie tout en gardant le contrôle de mes paroles, j’ai vu que je l’avais atteint, ma mère m’a dit par la suite qu’elle ne m’avait jamais vue comme ça, aussi déterminée et sûre de moi. Ce jour-là, j’ai pris la décision de ne plus jamais me laisser faire, que mes parents ne pouvaient plus me toucher autant, je voulais enfin vivre pour moi, me détacher de leurs humeurs si changeantes et de leurs reproches incessants.
J’ai vécu seule à partir de cette période également, mes parents, travaillant en Vendée, ne revenaient que les week-ends. J’ai de très bons souvenirs de cette première phase de liberté, elle m’a permis de savoir me débrouiller, comme trouver de l’argent pour pouvoir manger à ma faim, l’assistante sociale du lycée m’étant d’une grande aide à l’époque. Et que dire du CPE, Mr Roudaud, cet homme m’a littéralement remis sur les rails en me convoquant, m’écoutant et me disant cette petite phrase qui a tout changé pour la suite de ma scolarité : « c’est pour ton père ou pour toi que tu travailles ? Fais-toi confiance ». A la suite de cet entretien, j’ai réussi à avoir mon Bac et être admise sur liste principale pour le BTS, que j’ai obtenu avec de très bons résultats.
Avec le temps, le recul, je me suis aperçue que je me suis libérée de mon image négative avec beaucoup de mal, mais une remarque de mon médecin traitant m’y a aidé, à l’âge de 29 ans. J’étais alors enceinte de mon 2ème enfant et un jour de rendez-vous médical, j’ai craqué… Mon médecin m’a alors demandé ce qui se passait, je lui ai expliqué que mon père m’avait à nouveau crié dessus, humiliée. La réponse de mon cher médecin, que j’appelais « papa » lorsque j’étais petite, fut : « c’est vrai que tu n’as pas des parents faciles, toi ». J’ai eu une telle prise de conscience rien qu’avec cette déclaration, je me suis rendue compte que je n’étais pas forcément la petite fille ou la femme mauvaise que je pensais être, ce fut une première véritable libération.
*
Je n’ai qu’une sœur, je rêvais d’avoir un frère, plus petit que moi, je rêvais en fait d’avoir quelqu’un avec qui jouer.
Ma sœur… Nous n’avons jamais été proches, pourtant j’essayais de la suivre pour jouer avec elle mais elle me rejetait sans cesse. Nous avons trois ans de différence, elle est l’aînée, j’avais l’impression de n’être qu’une toute petite fille inintéressante à ses yeux.
J’ai donc appris à jouer seule à la maison, sagement dans ma chambre, sans faire trop de bruit, pour ne pas déranger. Mes seuls moments de jeux avec mon copain Jérôme et ma copine Sophie, qui étaient des voisins et des camarades de classe, étaient le mercredi après-midi, en dehors de la maison car ma mère ne voulait pas de bruit. Comme elle travaillait sur les marchés les matins, elle souhaitait se reposer les après-midis.
A l’adolescence, ma sœur me disait sans cesse que j’étais grosse. J’avais simplement des formes un peu généreuses, mais loin d’être grosse, 1,68 m pour 52 kilos. J’ai eu du mal à accepter ce corps, je me voyais effectivement grosse, à force de me l’entendre répéter, j’y ai cru. Lorsque je regarde les photos de cette époque, je me dis souvent que j’avais tout pour être fière de moi, je suis passée à côté.
Lorsque nous étions adultes, ma sœur m’a avoué qu’elle avait été jalouse de moi car j’étais très bonne élève sans avoir à travailler, alors que pour elle c’était plus compliqué. Ce jour-là, j’ai compris que toutes les blessures que ma sœur m’avait infligées n’étaient certainement dues qu’à une certaine rivalité, alors que, de mon côté, je recherchais juste à être acceptée…
*
Ces expériences m’ont façonnée, de ma timidité est ressortie une rage, une colère, que je n’aimais absolument pas mais qui me permettait de vivre sans sombrer, je me suis forgée une vraie carapace difficile à casser.