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"Quelques hommes dans ce monde troublé arrivent à nous, ainsi que des enfants, chargés de miracles. Ils portent en eux comme un sourire, cette pureté vers quoi les autres aspirent avec labeur, et de cet éveil qui s'épanouit en eux, rayonne, un message." Ils font partis de ces êtres trop rares, qui, sans s'imposer, nous révèlent de manière éclatante ce vers quoi nous voudrions aller. Ils ne nous apportent pas des choses, des méthodes ou des systèmes de penser. Ils nous communiquent un élan. Ils éveillent en nous le désir d'un monde plus beau, plus vrai où l'amour, l'émerveillement, le silence sont des chemins vers l'infini. Ils nous éveillent à la vraie vie, celle de l'esprit et de la liberté. Ils nous initie à un nouveau regard sur le monde, sur les autres et sur nous-même. Ce nouveau regard nous sauve du désespoir. C'est un regard simple, humble et pauvre. Il nous donne de contempler l'Amour sans limite dans la lumière qui éclaire le visage de l'enfant, un paysage, une découverte scientifique, la tendresse d'une mère, la bonté d'un homme ou d'une femme dans son quotidien.
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Seitenzahl: 311
Veröffentlichungsjahr: 2021
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INTRODUCTION
LE TEMPS DU DÉSIR
LA RENCONTRE D’UN AUTRE
L’ORAISON SUR LA VIE
UN CHEMIN DE LIBÉRATION
UN CHEMIN D’ÉMERVEILLEMENT
UN CHEMIN D’UNION NUPTIALE
LA JOIE PARFAITE
MORALE ET MYSTIQUE
NAISSANCE DE DIEU OU DIVINISATION DE L’HOMME
MARIE, ARCHÉTYPE DE LA MATERNITÉ DIVINE .
POSTFACE
ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
À paraître sur bod.fr
Tome II – L’homme en question
Tome III – la question du divin
INTRODUCTION
LE TEMPS DU DÉSIR
Une divine pédagogie du désir
L’exode du désir
Une dilatation de notre capacité de désirer
LA RENCONTRE D’UN AUTRE
Une intériorité ouverte
Le chemin des étoiles
Une naissance à l’Autre au-dedans de soi
L’ORAISON SUR LA VIE
La vie est le grand livre d’oraison
La grâce de l’instant présent
À l’écoute de la mélodie secrète
“L’oraison sur les frères”
UN CHEMIN DE LIBÉRATION
Une pédagogie de la liberté
Un chemin de croix et de libération
A l’écoute de la musique du Verbe
Plongé dans le vide-créateur
À l’écoute du silence
Le Verbe naît dans le silence
La Résurrection, mystère de silence
UN CHEMIN D’ÉMERVEILLEMENT
La grâce des enfants
L’épreuve de la rationalité
L’intelligence du cœur pour évangéliser l’inconscient
L’émerveillement comme chemin de connaissance
L’esprit d’enfance
L’émerveillement comme naissance à la présence
La vie spirituelle, un art de vivre
La vie mystique, un feu dévorant
UN CHEMIN D’UNION NUPTIALE
Un mystère nuptial
Dans une union sans confusion
La véritable liberté : être en état de "oui"
LA JOIE PARFAITE
Joie extérieure et joie intérieure
" La joie de Dieu, c’est la joie du don"
La joie, une nouvelle naissance
MORALE ET MYSTIQUE
« La morale évangélique comme une morale du vide. »
Trois portes dans cette cathédrale de l’Amour
Le "vide créateur« L’Évangile est la religion du vide. »
Une source, Dieu, c’est quand on s’émerveiller
Un espace de liberté : des regards, des paroles et des actes
Un enjeu, la naissance de Dieu en nous
Une attitude, l’enfance spirituelle
NAISSANCE DE DIEU OU DIVINISATION DE L’HOMME
La sainteté, la transparence de l’être
Une participation à la vie divine
Baptiser nos relations
MARIE, ARCHÉTYPE DE LA MATERNITÉ DIVINE
L’Immaculée Conception, le oui de Dieu
La Virginité de Marie
L’Annonciation, le oui de Marie
La Nativité
Marie au pied de la croix
Marie dans la gloire de son Assomption
Marie dans l’aujourd’hui de Dieu en nous
La “Femme”, archétype de toute l’humanité
Marie, sacrement de la maternité divine
POSTFACE
ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
« Quelques hommes dans ce monde troublé arrivent à nous, ainsi que des enfants, chargés de miracles. Ils portent en eux comme un sourire, cette pureté vers quoi les autres aspirent avec labeur, et de cet éveil qui s’épanouit en eux, rayonne un message.2 » Cette parole d’Emmanuel Mounier à propos de Charles Péguy pourrait très bien exprimer la qualité du message et de la personnalité de Maurice Zundel. Ils font partie de ces hommes trop rares, qui, sans s’imposer, nous révèlent de manière éclatante ce vers quoi nous voudrions aller. Ils ne nous apportent pas des choses, des méthodes, des concepts, ou des systèmes. Ils nous montrent une voie, une direction de pensée et un art de vivre. Ils nous communiquent un élan et nous éveillent à la vraie vie, celle de l’esprit et de la liberté.
Zundel nous invite à vivre de cette liberté de l’esprit, en soi-même et dans les autres. Il nous initie à un nouveau regard sur le monde, sur soi-même et sur tout homme. Ce regard nous sauve du désespoir parce qu’il voit l’homme dans le regard de l’amour sans limites et qu’il contemple l’amour infini dans la lumière qui éclaire le visage de tout homme. Sa foi est d’abord une foi en l’homme parce qu’il rencontre le visage de l’amour divin dans l’homme.
Plus de vingt livres, des dizaines de retraites, des centaines de conférences, de sermons et cinquante années d’errance nous retracent son expérience et sa réflexion, avec ses joies et ses émerveillements, ses difficultés et ses souffrances, ses exils et ses découvertes. Sa vie, telle qu’elle apparaît à travers ses écrits, ses biographies et quelques témoignages de ses amis, permet aujourd’hui de saisir la lumière qui l’habitait. Il ne s’agit pas ici de répéter les paroles de Zundel. Pour cela, il vaut mieux boire directement à la source en lisant ses livres. Ils ont tous été republiés ces dernières années. Ce qui a du sens, c’est se mettre à l’écoute de Zundel, de marcher sur les chemins qu’il nous a ouverts et de prolonger ses interrogations pour le monde d’aujourd’hui.
Le présent travail a été d’analyser et de situer son message dans l’époque qui l’a vu naître et dans l’ensemble de la tradition chrétienne, à partir de l’expérience humaine et spirituelle de l’auteur. Zundel était un homme dont la pensée surgit de sa vie et dont la vie éclaire la pensée. Sa vie et son œuvre nous permettent de mieux comprendre les orientations et l’attitude qui sous-tendent sa pensée.
Sans en perdre l’élan de vie, ses paroles et ses actes nous font découvrir le mouvement qui lui permet de redonner vie à l’Évangile. Ils illuminent d’un jour nouveau notre approche du mystère humano-divin. Cette étude essaie de dégager la cohérence interne de cet itinéraire spirituel et de l’anthropologie théologique qu’il développe. Elle cherche à souligner l’enracinement de sa démarche dans les divers courants spirituels, psychanalytiques et philosophiques de son époque et de l’histoire de la pensée chrétienne. Si ce maître spirituel du XXe siècle a tant de succès aujourd’hui, c’est parce qu’il répond aux questions et aux attentes spirituelles de beaucoup de nos contemporains et qu’il enracine sa réflexion dans un passé qui remonte au premier siècle de l’ère chrétienne et dans toute la tradition chrétienne. En opposition avec l’aristotélisme et le néothomisme des années 1920, nous y reconnaissons quelques accents personnalistes de l’intelligentsia parisienne, qui s’y retrouvait dans les années 1925-1939. Le personnalisme et les philosophies de l’intériorité et du devenir ont marqué cette génération de penseurs ; puissent-ils retrouver leur souffle dans les générations à venir ! C’est dans cet univers de réflexion sur la liberté, la relation et la personne que Zundel perçoit l’originalité de l’expérience de Jésus dans sa relation au Père. « Si nous voulons atteindre l’essence du message de Jésus, il faut le prendre à son sommet et à sa source qui est la Trinité divine.» 3 Illuminé par ce concert des relations trinitaires, Zundel revient à l’homme pour éclairer d’un jour nouveau les questions fondamentales et répondre aux exigences les plus radicales des hommes d’aujourd’hui. Sa démarche part de l’homme et revient à l’homme dans le mystère de son humano-divinité. « L’Évangile aboutit à l’homme. Il est le ciel où Dieu se manifeste à condition qu’il se décante, qu’il se libère. Croyez-vous en l’homme ? Tous les problèmes s’enracinent dans cette notion. 4 » Nous tenterons également, au terme de l’analyse de chacune des parties, d’ouvrir quelques questions posées par cette anthropologie théologique.
Plus qu’un travail de philosophe ou de théologien, l’œuvre de Zundel porte la trace d’un itinéraire spirituel unique et personnel. Ce chemin de conversion nous conduit vers un monde ouvert, où l’esprit et la liberté respirent. Nous y retrouvons la réflexion de la tradition mystique comme passage du dehors au-dedans puis du dedans au transcendant. Pour Zundel, toutes les Écritures nous retracent l’expérience intérieure des prophètes et de l’homme Jésus. L’histoire du peuple d’Israël, comme celle de nos Églises d’Orient et d’Occident, est une intériorisation progressive de cette mystérieuse présence du divin rencontrée dans une histoire d’homme et relue par un peuple. Zundel interprète l’Écriture et les dogmes à la fois dans leurs sens historique, symbolique, spirituel et moral. Il ne s’agit pas simplement de mots et de concepts, mais d’images et de symboles, d’expérience intérieure, de communion et d’action et donc d’une parole globale, d’un Verbe vivant et présent aujourd'hui. Ce chemin conduit à la communion et à l’action. Cet itinéraire spirituel est à la fois moral et mystique. Cette lecture zundélienne reprend la grande tradition herméneutique des quatre sens de l’Écriture et de toute parole, humaine ou divine, telle qu’à son époque l’a magnifiquement présentée Henri de Lubac5.
La profondeur de sa démarche et de son intelligence spirituelle est encore remplie de sa contemplation du mystère de la personne. La force de sa parole était puisée dans le silence de son recueillement. Ce silence habitait tout son être. Sa simple présence était pour ses amis déjà une véritable théophanie. « C’était un être très près de Dieu et qui le donnait par son silence » 6 . Le Père Varillon s’inspirera largement de Zundel, dans ses livres sur l’humilité et la souffrance de Dieu. Il dira de lui dans sa dernière retraite : « l’abbé Zundel, cet admirable prêtre suisse, mort il y a quelques années, et dont il faut lire tout ce que vous trouverez, car c’est merveilleux. »7
Si Zundel nous émerveille encore aujourd’hui, c’est parce qu’il était et qu’il est toujours, avant tout, un homme libre et un immense spirituel. Sa liberté intérieure nous libère nous-mêmes par l’humilité et la tendresse de son regard sur le monde. Il n'y a pas d’amour sans liberté. L'Amour sans limites demande une liberté infinie. Son union à Dieu éclairait la simplicité de sa vie quotidienne. Elle donne à son langage cette beauté et cette poésie qui transfigurent ce qu’il contemple. Son regard sur le monde n’est pas un regard extérieur qui analyse et qui juge. Il comprend de l’intérieur la réalité qu’il contemple. C’est sans doute la clef de voûte de son expérience et de sa pensée. « Le visage fasciné par un ailleurs, le regard plongé dans un dedans qui l’absorbe tout entier et dont il semble posséder le secret, un sourire à peine esquissé sur une face qui rayonne la tendresse divine.8 » Tel est le souvenir, que nous transmet un moine cistercien de l’abbaye de Timadeuc en Bretagne.
Avec la parole de feu d’un prophète, Zundel a été à la fois un homme de silence, de réflexion et un écrivain de talent qui nous laisse aujourd’hui à travers son œuvre écrite et orale une démarche personnelle unique. Comme l’écrit le Père Valensin à propos de L’Homme passe l’homme : « Vous avez le don d’ennoblir les sujets, de les charger d’une philosophie qui ne les alourdit pas, mais qui les soulève, et la forme chez vous montre que le penseur se double agréablement d’un artiste ; quelle puissance de séduction dans vos écrits !9 » Zundel « était d’abord un chercheur, ainsi se qualifiait-il lui-même, un de ces hommes ivres de Dieu, starets comme on rêverait tous d’en croiser sur notre route, témoin de l’absolu, brûlant de ferveur, frère de tous les hommes parce qu’enfant de Dieu. »10 Il était disciple de cette tradition johannique des amis de Dieu qui a nourri les courants mystiques franciscains et rhéno-flamands, la philosophie allemande jusqu’à Angélus Silésius.
Zundel, comme il l’a vécu lui-même dans ses premières expériences de jeunesse, nous délivre d’une religion close et passéiste, et d’un Dieu de l’extériorité. Il nous initie au mystère de l’intériorité ouverte et nous mène sur le chemin de l’intimité divine au cœur de l’intimité humaine. Il nous délivre d’un Dieu tout-puissant qui écrase et condamne pour nous laisser découvrir un Père qui libère et engendre en nous la personne de son Fils.
Zundel est un prophète de cette révolution chrétienne : celle de la personne, révolution annoncée par la philosophie russe du XIXe siècle et détournée par le communisme. Depuis un siècle, cette révolution de la liberté et de la dignité de toute personne émerge à travers toute la planète. Contre l’impérialisme économique, financier, et politique, après le communisme et le capitalisme, cette aspiration de tous les hommes nous annonce un « nouveau Moyen Âge », une Renaissance, la naissance d’une nouvelle civilisation de l’amour. Zundel nous libère de ces religions politico-religieuses, qui asservirent l’humanité depuis plus de 4000 ans. Il a entendu lui aussi cette annonce de « la mort de Dieu » proclamée par Nietzsche. Ce dieu extérieur et tout-puissant des religions institutionnelles est bien mort, comme l’ont annoncé de nombreux philosophes allemands aux XIXe et XXe siècle. Ce dieu extérieur à l’homme est mort et c’est tant mieux. Enfin ! L’homme va pouvoir être libre et devenir créateur. Ce concept d’un dieu extérieur tout-puissant a été, depuis des millénaires, instrumentalisé par tous les pouvoirs, qu’ils soient religieux, universitaires, commerciaux, financiers ou politiques. À toutes les époques de l’humanité, les politiques et les religieux, souvent ensembles unis pour la « bonne cause », se sont inventés une puissance supérieure à laquelle tous doivent se soumettre pour justifier leur domination sur les peuples et les esprits et asservirent nos libertés. Les empereurs, les pharaons et les rois se sont toujours dit « de droit divin ». Quelles que soient les époques et les civilisations, ils se sont pris pour l’incarnation même du dieu ou son unique représentant sur terre. En Jésus, ce dieu est mort depuis deux millénaires. Il serait temps de s’en rendre compte et de changer de civilisation.
Pour Zundel, la question du divin ne peut et ne doit avoir aucune réponse générale et définitive. Elle doit toujours rester une question ouverte et personnelle. Le questionnement est au cœur de l’expérience de Zundel, comme elle l’est ou devrait toujours l’être dans les religions juive et chrétienne. Sans cela, dieu devient un objet, un concept et donc un instrument de pouvoir. Et dans le pire des cas, le plus sûr moyen d’enfermer moralement et spirituellement les personnes dans une forme de secte ou de prison spirituelle et psychologique. Les signes de la grandeur, de la dignité de l’homme et de sa liberté sont l’absence même de réponse. La seule véritable grandeur, c’est l’homme, l’homme ouvert sur l’infini, l’homme capable de l’infini, capable de liberté et de dignité.
Zundel nous fait retrouver la saveur de l’Évangile, en nous le rendant merveilleusement vivant. Il nous délivre de nos croyances religieuses, pour nous appeler au saut dans le vide de la foi en l'infini dans l'homme. Il nous délivre d’une morale d’obligation et nous fait retrouver la joie de la liberté et de l’esprit, le sens de la grandeur de l’homme, la joie du don et de la découverte du dieu-intérieur à genoux aux pieds de ses amis. Morale et mystique sont au service du développement de la personne dans sa relation aux autres et à Dieu. La spiritualité de Zundel est un chemin d’éveil à la présence intérieure, une divine pédagogie de l'écoute et du regard ouvrant le chemin du désir vers l'infini. Rien n’est figé, tout est à interpréter au service de la vie humano-divine. L’exemple de François d’Assise a conduit Zundel à découvrir la divine pauvreté comme la pierre angulaire de la vie spirituelle. Cette divine pauvreté est une forme de "vide créateur" que Zundel découvre à la suite de Maître Eckhart et de Jean de la Croix, dans les relations entre Jésus et son Père. Ce vide le conduit, sur le chemin du mystère de la personne, à faire du silence et de la désappropriation les clefs du "royaume" des relations humaines et divines qui conduisent à l’émerveillement et à la naissance de Dieu en nous.
Pour Zundel, le ciel n’est pas en dehors du monde, il est dans le cœur de l’homme, dans cet "entre-deux", fruit d’une rencontre fugitive ou d’un simple regard. C’est pourquoi le problème de l’homme est, pour Zundel, la seule question importante ; mais de quel homme s’agit-il ? L’homme n’est pas l’individu, esclave de ses limites biologiques, sociales et culturelles. L’homme pour Zundel, c’est l’être capable de l’infini, capable de liberté, de don, de relation aux autres et au cœur même de celles-ci au Tout-Autre. Ainsi Zundel découvre le mystère de la personne comme le seul véritable sanctuaire visible du Dieu invisible. Toutes les activités de la vie humaine, l’éducation, le travail, la religion, la vie artistique, la science et la sexualité ont comme finalité de développer en nous cet espace de liberté et de don, pour devenir capables d’accueillir l’Amour sans limites.
Le père Carré en lisant la retraite au Vatican prêchée par Zundel et publiée sous le titre : « Quel Homme et quel Dieu », écrivait : « L’un des maîtres-mots, intériorité, répond et répondra de plus en plus aux besoins d’aujourd’hui. L’actualité de son message ne fait que commencer. » Dans la ligne augustinienne, Zundel ouvre pour son époque un chemin d’intériorité et de rencontre personnelle entre Dieu et l’homme. Notre hypothèse de recherche est que la personne comme expérience de l’altérité au cœur de l’intériorité, centré sur le vide-créateur est la clef autour de laquelle s’unifient toute l’expérience et la pensée de Zundel. Henri Gouhier lui écrira à la suite de sa lecture de L’homme passe l’homme : « Je pense que l’un des thèmes majeurs de votre étude est la notion d’intériorité. C’est là que se rejoignent l’enseignement des grands mystiques et celui de la philosophie. Et là est le secret de la liberté.11 » L’errance de Zundel, son silence, la communion à une présence invisible nous semblent être un chemin et une "direction de pensée" à travers lesquels s’effectue la genèse de la personne. Ses mots et ses actes sont transfigurés en parole vivante et agissante. Cette parole devenait pour ses auditeurs présence lumineuse. Ce vide créateur est l’espace où s’ouvre le sens de notre liberté et de notre grandeur.
La création nouvelle est cet extraordinaire projet que l’Esprit divin propose à la liberté humaine de devenir enfant de Dieu en passant de l’image à la ressemblance dans l’imitation de l’image parfaite du Père qu’est le Christ. Ce passage de l’image à la ressemblance a nourri la réflexion et l’expérience de tous les pères de l’Église depuis les premiers siècles. Zundel la relie à la problématique de libération de la personne en passant de l’esclavage à la liberté, et donc à la véritable révolution, qui est celle de la personne. L’homme, en tant que personne, naît et se constitue dans et par ce dialogue avec les autres, avec la création et avec le Tout-Autre au-dedans de lui. Le mystère de la personne à la ressemblance du Dieu-Trinité est, pour Zundel, l’expression même de notre capacité de relation au créateur. La personne, c’est l’homme qui porte la résonance de Dieu. Et le passage de l’individu à la personne apparaît comme un véritable itinéraire spirituel, qui s’opère à la fois par une intériorisation et par un décentrement de soi pour se centrer sur un Autre en soi, exode à travers le désert et la nuit intérieure où s’opère cette naissance de Dieu en nous. « Tout revient à cette conversion vers l’intérieur… à redécouvrir le silence créateur. C’est cette aventure prodigieuse qui nous attend. »12
Ce titre « la naissance de Dieu dans l’Homme » est donc en lui-même un chemin de recherche et un itinéraire spirituel. Présenté sous forme de trilogie, ce chemin nous conduit vers ce Bethléem intérieur et la naissance de Dieu dans l’homme. En passant de l’esclavage à la liberté, c’est à une véritable quête du divin en nous que Zundel nous invite. Plusieurs courants mystiques, depuis le Pseudo-Denys, se sont nourris de cette tradition johannique et dionysienne dans l’Occident chrétien, avec, entre autres les franciscains, les rhénans13, les Amis de Dieu, Angélus Silésius, jusqu’à Maurice Zundel au XXe siècle.
En Orient, pour parler de cette expérience de Dieu en nous, la théologie byzantine parle surtout de la divinisation de l’homme, comme l’a bien montré le théologien orthodoxe Olivier Clément. Chez les Russes, à travers le miracle de l’institut Saint-Serge dans les années 1930, l’orthodoxie francophone s’est, depuis un siècle, familiarisée avec cette spiritualité des Rhénans, en particulier avec Vladimir Lossky. Zundel le reconnaît lui-même : « Moi, qui suis très ami des orthodoxes.14 » L’Église orthodoxe russe est une Église qui, pendant un siècle de communisme, a dû fuir les persécutions soviétiques. Elle a fait l’expérience de la pauvreté et du néant jusque dans son haut clergé. Olivier Clément a montré comment la pensée de Zundel trouve sa source dans cette philosophie et plus particulièrement chez Nicolas Berdiaev15 : « Le secret suprême de l’humanité, c’est la naissance de Dieu dans l’homme. Mais le secret divin, c’est la naissance de l’homme en Dieu.16 … Dieu prend naissance dans l’homme et l’homme prend naissance en Dieu. Découvrir l’homme jusqu’au bout signifie découvrir Dieu.17 » C’est en ce sommet de toute vie chrétienne que l’Occident et l’Orient se rejoignent. Divinisation et naissance de Dieu sont les deux mouvements d’une seule et même expérience humano-divine, comme l’exprimait dès le IIe siècle saint Irénée de Lyon : « Dieu s’est fait homme, pour que l’homme devienne Dieu ». Sur cette montagne sainte, les disciples que nous sommes sont les témoins de la transfiguration des relations humaines. Le prologue de Jean est le cœur de leur vie intérieure. « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous. » Cette inhabitation du divin dans l'humain sera donc le cœur de ce travail. « Le plus noble désir de Dieu est d’engendrer. Il n’est satisfait avant d’avoir engendré son Fils en nous. De même, l’âme n’est jamais satisfaite si le Fils de Dieu ne naît pas en elle.18 » « Dieu, tous les jours et à toute heure, naît en vérité spirituellement, par la grâce et l’amour en notre âme. Dans cette naissance, Dieu nous devient tellement nôtre, il se donne à nous en telle propriété que personne n’a jamais rien eu en si intime possession.19 »
Pour Zundel, l’on ne peut parler de l’homme sans parler de Dieu, comme l’on ne peut parler de l’expérience du divin sans parler de l’homme et donc de « la plénitude de la divino-humanité20 » qui reste en devenir dans tout homme et femme. L’anthropologie théologique de Zundel est une corrélation entre trois termes : l’un, l’autre et la relation entre les deux, le divin et l’humain et la relation entre ces deux termes opposés, mais complémentaires. Si après Nietzsche, le dieu extérieur est mort, la question du sens de la vie humaine et la question du divin se posent toujours. Ce Dieu intérieur est toujours déjà là et attend de naître dans le cœur de tout homme, mais c’est nous qui n’en sommes pas encore là, encore enfermés dans nos croyances ou incroyances. L’expérience de Jésus avec son père nous invite à passer du dieu extérieur des religions au Dieu intérieur de l’expérience spirituelle. Toute la vie de Maurice Zundel et ses paroles sont un appel à vivre cette annonciation, cette visitation et cette naissance d’un Autre en nous.
Trois étapes donc sur cet itinéraire spirituel : Deviens ce que tu es, un enfant de Dieu ; va vers cet autre toi-même ; écoute le Verbe divin et vis de cette présence en toi.
Deviens ce que tu es, un divin fils dans le Fils du Père ! « Tu es mon fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré.21 » Vivre cet aujourd’hui de Dieu en nous et entre nous. C’est par là que tout commence. Sans cela, tout n’est que des mots et illusions. Allez vers soi-même et vers cet au-delà de soi en soi. À la suite des théologiens russes, Zundel fait appel à notre dignité, c'est-à-dire à notre véritable grandeur et donc à notre capacité d’infini. Avant de réfléchir sur Dieu et sur l’homme, Zundel part de l’expérience humaine et spirituelle. Il faut vivre avant de réfléchir sur le sens de la vie humaine et sur la question du divin.
Ce premier tome lèvera le voile sur ce divin secret des enfants, celui de leur naissance. Elle est le fruit de l’union nuptiale entre l’homme et Dieu. « Personne ne peut entrer au Royaume de Dieu, s'il ne naît de nouveau ! " (Jn. 3, 3-5). Cette seconde naissance est celle de l’homme habité par l’amour divin. Inutile donc de chercher à l’extérieur de nous-mêmes celui qui est avec nous parce qu’il est d’abord en nous. Il nous suffit de nous laisser saisir par lui dans le silence d’une rencontre amoureuse : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous ferons une demeure chez lui.22 » Dieu attend notre consentement, car sans nous sa création n’est pas achevée. La création est une histoire à deux : « S’il faut prier, c’est parce que la prière est le cri de l’amour qui répond à l’amour.»23 Et « rien ne peut nous faire découvrir Dieu que dans le recueillement, dans la véritable solitude.24» Le silence intérieur est le seul chemin pour accueillir humblement la visite de Dieu. Il nous apprend à désirer et à devenir un simple regard vers Lui seul. Cela devient une façon surnaturelle d’être au monde et à Dieu, de ne plus s’appartenir, mais de devenir un pur don de tout nous-mêmes à Dieu ; alors se produit en nous un embrasement trinitaire. L’arbre de Vie de l’oraison, planté dans le jardin de notre cœur, s’ouvre sur un espace de liberté et d’amour. Dans cette oraison sur la vie, l’homme est appelé à devenir lui-même un buisson ardent où le Dieu caché se dévoile et nous inonde de ses énergies. Parfois, l’oraison et la prière nous paraissent bien arides. Elles apparaissent d’abord comme un buisson d’épines dans un désert de silence, de désir et de soif de l’autre, où l’eau vive de l’infini est mélangée des eaux saumâtres du fini. Par la prière, Dieu s’enracine en l’homme, il creuse en nous ce puits du désir. La soif du divin creuse en nous le désir de le recevoir. Pour accueillir l’amour infini, il faut une capacité infinie. Par la vie et l’action, Dieu s’enracine dans l’homme, Dieu creuse en nous le désir. Le mystère du divin unit le fini et l’infini ; il réalise ce miracle où le plus grand est contenu dans le plus petit. Ainsi l’homme peut naître en Dieu et Dieu en l'homme. Par cette nouvelle genèse, l'homme devient une personne capable d'infini. Cette naissance de Dieu en nous et de nous en Dieu n’est jamais terminée sur cette terre. Il ne s’agit pas, ici, de faire quelque chose, mais de désirer et de se laisser faire et ainsi de laisser Dieu se faire en nous. Il ne s’agit pas de faire, mais d'être, de venir, de vivre et de devenir. La prière ne change pas Dieu ni la volonté de Dieu, elle nous change nous-mêmes ; elle ne doit pas nous faire quitter ce monde pour un autre monde, elle nous donne de voir ce monde-ci autrement. « Il n’y a pas à faire, mais à être.25 » Pour être, il suffit de se donner, c’est-à-dire passer de l’individu à la personne, c’est-à-dire du donné au don. Nous voulons toujours faire quelque chose alors que nous sommes appelés à être quelqu’un, quand « être » signifie être avec, être en relation avec sa divine origine, car « Je est un Autre » suivant cette expression de Rimbaud, souvent commentée par Maurice Zundel.
La prière ne se réduit pas à la récitation de formules ; la prière devrait jaillir du fond de notre être comme un cri de notre âme vers Dieu, comme l’expression de notre plus profond désir. « La prière, c’est la respiration de l’âme qui découvre tout d’un coup le visage imprimé dans son cœur.»26 Par la foi purifiée dans le silence de l’oraison, le croyant est plongé dans un élan trinitaire, il participe à un dialogue et entre dans une dynamique de communion trinitaire. L’oraison, chez Zundel, est essentiellement la rencontre personnelle dans l’intimité de notre cœur avec l’humanité et la divinité du Verbe qui nous conduit vers le Père. Pendant l’oraison, Dieu nous illumine de sa présence, il nous libère de nous-mêmes et nous unit à lui. Il met en nous un cœur et un esprit nouveau et nous recrée à son image et à sa ressemblance. L’amour entre deux êtres tend de tout son élan à la communion. C’est pourquoi il nous faut prendre le temps d’attendre et de désirer, de nous émerveiller, de faire silence, de nous rendre présents à sa présence, de goûter simplement la joie d’être à Dieu seul. Dans l’oraison, nous ne cherchons pas seulement une connaissance expérimentale du Christ, de la Trinité et ce que Dieu est pour nous, mais nous nous rendons présents à l’Amour tel que nous sommes : pauvres et vrais, simples et nus devant lui, ouvrant nos volets sur ce matin de Dieu en nous.
Cette naissance commençait par une annonciation, c’est-à-dire par l’accueil et la virginité d’un désir d’infini, par une rencontre et une visitation, les premiers émerveillements et les joies de la grâce de l’instant présent, de communions vécues et partagées, puis elle a traversé l’épreuve du temps, les déserts du vide, des questions sans réponse, des doutes, de la solitude et des épreuves. En son sommet, cette ascension trouve son accomplissement dans une naissance. C’est à cette aventure intérieure que Zundel nous invite. En elle se trouvent le sens et le secret de notre liberté. « Christ serait-il né mille fois à Bethléem, s’il n’est pas né en toi, c’est ta perte à jamais. »27 Nous sommes nés une première fois des ténèbres de la chair, « il nous faut renaître d’eau et d’esprit.28 » La chair est le berceau de cette nouvelle genèse, celle de la personne.
Qui donc, mieux que Marie peut nous aider et nous servir de modèle et de guide dans ce divin enfantement. Toutes les étapes de sa vie sont pour nous un modèle vivant de ce que nous avons à vivre et à devenir. Les évangiles de l’enfance chez Luc portent un message universel concernant le mystère même de la vie. « La première naissance pour nous n'est pas la naissance définitive. Elle n'est qu'une capacité, une capacité de devenir une personne.29 »
Le second tome sera consacré à la question de l'homme et à son chemin de vie qui va de l’esclavage vers la liberté, par la libération de la personne et son accomplissement dans le don. « Va » vers toi-même, parcours ce voyage intérieur vers cette personne libre capable de don. Va, commence par te quitter toi-même, ou tout au moins quitte ce « moi » égoïste, centré sur lui-même, celui de l’individu pour aller vers cet autre toi-même, la personne, centrée sur le Tout-Autre et par lui va vers les autres. Zundel nous invite à cette révolution de la personne, qui consiste à passer de l’individu esclave d’une biologie et d’une culture à la personne libre et ouverte à la relation et à l’amour infini. Il est temps de montrer que le problème de l’homme et la question de Dieu sont un seul et unique mystère, celui de la personne. Le problème que nous sommes à nous même n’a pas de solution sinon dans l’ouverture au mystère du divin. Cette annonciation, Zundel nous l’adresse comme l’ange Gabriel à Marie. C’est un appel à un voyage intérieur vers la source de toute liberté et de tout don. Il nous invite ainsi à passer du dehors au-dedans et du dedans au transcendant. Ainsi le monde n’est pas clos, le fini s’ouvre sur l’infini.
Le troisième tome traitera de la question du divin dans l’homme : « Écoute » le Verbe divin ; il te donne accès à sa manifestation dans ta propre vie. La vie humaine est une théophanie, c’est-à-dire une manifestation du divin. C’est par l’écoute de la Parole divine que l’homme découvre Dieu et est relié à Lui. L’ouïe, le regard et l’action ont ce pouvoir d’ouvrir et de relier le fini et l’infini. Par nos sens, l’infiniment grand se manifeste dans l’infiniment petit. Le plus petit, la plus faible de toutes les créatures, devient capable de recevoir le créateur. Le fini devient capable de l’infini. Cette présence reste toujours imprévisible et insaisissable. Le désir de la rencontre naît de l’écoute de la Parole divine dans la nature, dans la liturgie et dans la lecture des Écritures. De cette écoute naît le désir, l’émerveillement et la capacité de recevoir les semences du Verbe en soi. « Vis » de cette présence du divin au-dedans de toi-même, chaque jour, en tout lieu et dans toutes tes actions.
1 Zundel, sermon à Lausanne, 5 février 1961, Ton visage ma lumière, p. 388
2 E. Mounier, Œuvres, tome I, Paris, Seuil, 1961, pp. 15-16.
3 M. Zundel, conférence à Saint-Germain-en-Laye, le 6/10/1974, p. 22.
4 M. Zundel, "Souvenirs personnels", Le Cénacle, Genève, 29/1/1961, AMZ, publié dans Choisir, n° 200/201, 8-9/1976, p. 4.
5 Henri de Lubac, L’exégèse médiévale, Les quatre sens de l’Écriture, tome I et II, Paris, Desclée de Brouver, 1954
6 M. Zundel, Entretien avec Sr Philippe, Carmélite, le Caire, 20/3/85, p. 1.
7 F. Varillon, Vivre le Christianisme, Paris, Centurion, 1992, p. 134.
8 Un moine, le soleil intérieur, abbaye de Timadeuc, 20/7/1985, p. 1.
9 A. Valensin, Nice, 29/1/1949, lettre à M. Zundel.
10 Ph. Baud, dans Le Nouvelliste (Valais), le 10 août 1976.
11 Henri Gouhier, Paris, le 20 mars 1949, Lettre au R. P. Maurice Zundel.
12 M. Zundel, Cénacle, Paris, 1/1973, p. 1.
13 Maître Eckhart, Jean Tauler et Henri Suso
14 M. Zundel, « Inconscient et nouvelle naissance », Liban, le 20 juillet 1959, SPV, p.9
15 Olivier Clément, La spiritualité de l’Orient chrétien, Paris, colloque Zundel, 1991
16 Nicolas Berdiaev, Le sens de la création, p. 40
17 Nicolas Berdiaev, Le sens de la création, p. 406
18 Maître Eckhart, Traité et sermons, sermon n°11, trad. Alain de Libéra, Paris, Flammarion, 1993, p. 289.
19 Jean Tauler, Aux amis de Dieu, Sermons, tome I, Cerf, 1979, p. 14.
20 Nicolas Berdiaev, Esprit et liberté, p. 140.
21 Psaume 2,1
22 Jn 14,23.
23 M. Zundel, Morges, 25/10/1938, p. 11.
24 M. Zundel, Morges, 28/10/1938, p. 38.
25 M. Zundel, La Rochette, 1959, p. 21.
26 M. Zundel, TVL, p. 388.
27 Angélus Silésius, L’errant chérubinique, trad. R. Munier, Paris, Arfuyen, 1993, p. 27.
28 cf. les paroles de Jésus à Nicodème en Jn 3,5.
29 M. Zundel, « La seconde naissance ou la victoire sur la mort », Ghazir, Liban, JPTC, p. 130
« Seigneur, tout mon désir est devant toi. » (Psaume 38, 10)
Pour connaître quelqu’un, il faut commencer par désirer le rencontrer. La prière est un élan vital comme de respirer, elle creuse en nous le désir d’un autre en soi-même. Elle est constitutive de notre être. Elle est une réponse d’amour à une attente, à un appel, celui de Dieu en nous. Elle est une divine pédagogie du désir et la trace du désir de Dieu en nous. Ce n’est pas tant l’homme qui désire s’unir à Dieu, que Dieu qui désire s’unir à l’homme. Dieu en Jésus est à genoux devant l’homme. La prière est essentiellement un élan d’amour qui exprime ce « besoin que nous avons d’entrer en relation avec Celui que nous aimons. 30 » Aujourd’hui, nous préférons le terme désir, pour le distinguer du besoin, parce que le désir est de l’ordre de la gratuité, alors que le besoin est de celui de la nécessité. Le besoin doit se convertir en désir. Dieu n’est pas une énergie dont on a besoin pour vivre. Seul le désir permet la relation entre deux sujets libres. Le désir est à la base de toute vie humaine ; sans lui, l’esprit en nous s’éteint et meurt. La prière est cette respiration du désir de l’homme en Dieu comme celle de Dieu dans l’homme. « Puisque Dieu est amour, Il attend de nous l’amour. Il n’y a qu’une seule faute, celle de manquer à l’amour… Ce qui importe, c’est l’ouverture du cœur à la présence d’amour de Dieu.»31 Elle est expression d’une absence et donc d’une pauvreté. Dans les psaumes, Dieu écoute le « désir des pauvres.32 » Prier, c’est déjà même imparfaitement faire une « expérience de l’éternité.» 33 Prier, c’est participer déjà au monde de la Résurrection, c’est-à-dire à la vie même de Dieu. Les chemins de la prière sont essentiellement des chemins d’intériorité, de passage du dehors au-dedans et du dedans à ce Tout-Autre, plus intérieur à nous-mêmes que nous-mêmes.
Ceux qui sont complètement immergés dans l’avoir, le pouvoir ou le savoir n’ont pas conscience de leur manque d’être. Ils n’éprouvent aucun véritable désir, enfermés dans le besoin de posséder, de savoir ou de dominer. Ils ne peuvent plus prier. Le désir est le moteur de toute vie spirituelle. « Qui n’a désir ici de la Face de Dieu, ne la verra pas plus tard dans l’éternité.»34