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En écrivant les Actes des Apôtres, œuvre majeure pour celui qui veut connaître les débuts de l’Église, saint Luc fait-il œuvre théologique ou historique ? Le débat n'a jamais cessé chez les interprètes. Mais la distinction est-elle pertinente ? En réalité, comme Luc s'en explique dans la préface de son évangile, si les événements sont mis en scène selon une perspective théologique et non pas chronologique, leur situation historique peut être recouvrée au travers de la composition. Voilà ce que montre Hervé Ponsot, au moyen d'une lecture du texte pas à pas, exigeante mais abordable, et qui apporte beaucoup d'éclairages nouveaux. L'ouvrage devrait donc intéresser catéchistes, séminaristes, et... tous gens de bien.
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Seitenzahl: 322
Veröffentlichungsjahr: 2016
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Introduction
Chapitre 1 : Problématique de la question historique
La situation
Le « renouveau » de la lecture narrative
Le courant exégétique anglo-saxon
L’importance de la dimension historique
Quelques faits bruts
Quant aux coutumes, à la géographie et au Temple juifs
Quant aux autres informations géographiques ou à la culture de l’époque
Quant aux leaders politiques et religieux
Quelle version des Actes commenter ?
Le problème
La recension occidentale
Quelles suites ?
Finalités et plan des Actes des Apôtres
Le ou les buts de la rédaction des Actes des Apôtres
Le plan des Actes des Apôtres
La date des Actes
Chapitre 2 : L’attente à Jérusalem (Ac 1,1-26)
Le prologue (I, 1-11)
Notes sur La préface de l’évangile de Luc
Retour sur le prologue des Actes
Lecture historique
Lecture théologique
Le temps de l’Ascension (1,4-11)
Prière dans la chambre haute (1,12-14)
Le remplacement de Judas (1,15-26)
Lecture historique
Lecture théologique
Chapitre 3 : La Pentecôte et ses suites (Ac 2,1–3,26)
La présentation et l’interprétation de l’événement
Lecture historique
Lecture théologique
Le deuxième discours de Pierre (2,14-36)
Considérations formelles
Quelques points concernant le contenu
Le troisième discours de Pierre
Structure du discours
Les différentes parties
Chapitre 4 : Les sommaires (Ac 2,42-47 ; 4,32-35 ; 5,12-16)
Présentation
Lecture historique
L’enseignement de ces sommaires
Premier sommaire
Deuxième sommaire
Troisième sommaire
Autres remarques
Le contre-exemple d’Ananie et de Saphire
Chapitre 5 : Les premières oppositions externes (Ac 4-5)
Présentation
Lecture historique
Lecture théologique
Ac 4,1-22
Présentation (v. 1-7a)
La puissance du nom de Jésus (v. 7b-12)
Réaction des autorités (v. 13-22)
Ac 5,17-42
Arrestation et délivrance (v. 17-26)
La comparution devant le Sanhédrin (v. 27-33) : plaidoyer en faveur de la résurrection
L’intervention de Gamaliel (v. 34-42)
Chapitre 6 : L’histoire d’Étienne (Ac 6-7)
Étienne, l’un des Sept
Lecture historique
Lecture théologique
Étienne, figure théologique exemplaire
Le discours d’Étienne
Le traitement lucanien de la source du discours
Les suites de la mort d’Étienne
Chapitre 7 : La mission en Samarie (Ac 8)
Le rôle de Philippe
Lecture historique
Lecture théologique
Pierre et Jean ?
Retour sur Philippe
Chapitre 8 : La vocation de Saul et ses suites (Ac 9)
Lecture historique
Ac 9,1-22
Ac 22 et 26, variantes de la rencontre de Damas
La fuite de Damas
Chapitre 9 : Les prémices de la mission aux païens (Ac 10-12)
Lecture historique
Les guérisons du chapitre 9
La rencontre avec Corneille au chapitre 10
Les étapes de la rencontre
Le discours interprétatif
Jérusalem et Antioche au ch. 11
La montée à Jérusalem
Les débuts de la communauté d’Antioche (11,19-26)
Arrestation de Pierre et sortie de scène
Chapitre 10 : Le premier voyage (Ac 13-14)
La thématique du voyage dans la Bible, en particulier chez Luc
Lecture historique du premier voyage
Introduction
Le voyage
L’épisode chypriote
Première prédication en Asie mineure
Suite et fin de la tournée apostolique
Chapitre 11 : Une rencontre décisive à Jérusalem (Ac 15) ?
Lecture historique : le caractère composite et composé d’Ac 15
Le temps du chapitre 15
La question de la circoncision
La question de la pureté/commensalité
Chapitre 12 : Le deuxième voyage (Ac 15,41–18,22)
Timothée
Le voyage « européen »
Phrygie et Galatie
Montée des oppositions
Le discours d’Athènes
La fin du voyage en Ac 18 et le fameux Gallion
Lecture historique
L’édit de Claude
Gallion, proconsul d’Achaïe
Retour sur l’édit de Claude
Conclusion
Chapitre 13 : Le « troisième voyage » (Ac 19-21)
Lecture historique d’Ac 18,18 – 21,16
Priscille et Aquilas
Le vœu
L’étendue et la durée du « voyage »
Lecture théologique
La notice sur Apollos
La voie
L’évangélisation d’Éphèse
L’émeute des orfèvres
Le retour à Jérusalem
Les événements
La « résurrection » d’un mort à Troas
La rencontre des anciens d’Éphèse
Chapitre 14 : Les « passages-nous »
Les textes
Les objections à l’interprétation classique
Les réponses de Porter et Witherington
L’exemple du dernier voyage
Chapitre 15 : Paul à Jérusalem et Césarée
Lecture historique
Lecture théologique : les discours
Devant les Juifs à Jérusalem
Devant le Sanhédrin
Devant le gouverneur romain
Devant le roi Agrippa
Réactions
Chapitre 16 : Le séjour à Rome
Conclusion
Bibliographie
Les commentaires
Théologie
Rapport à l’histoire
Les passages en nous
Divers
Parler « d’Actes » des Apôtres, c’est situer d’emblée l’œuvre que l’on a sous les yeux dans un contexte historique : l’auteur, saint Luc, auquel plus personne ne dispute la paternité littéraire de ces « Actes », doit relater des faits. La réalité est plus compliquée pour deux raisons au moins :
Au-delà des faits, Luc propose aussi nombre de discours (environ trois cents versets sur un millier au total) ;
Dans les faits comme dans les discours, Luc est guidé par des exigences théologiques qui pourraient bien l’avoir conduit à amplifier, déformer, négliger, ou au contraire développer ses sources.
On est donc nécessairement conduit à s’interroger sur la qualité historique de ces Actes : depuis des siècles, et singulièrement depuis la fin du XIXe siècle, celle-ci a fait l’objet d’appréciations très divergentes.
Ces appréciations seront présentées et discutées dans un premier chapitre assez technique, rempli de notes et de références en plusieurs langues, et dont la lecture pourrait rebuter le lecteur peu au fait des débats exégétiques : il s’agit de montrer aux spécialistes que les préoccupations théologiques de Luc n’interfèrent en rien avec la qualité de l’information historique transmise. En d’autres termes, Luc fait bien œuvre d’historien. Mais que le lecteur « béotien » ne se décourage pas, et qu’il passe directement aux chapitres deuxième et suivants : ils seront une lecture des Actes au fil du texte, avec une attention particulière aux informations historiques de tous genres que l’on peut y déceler. Cette lecture se fera avec un appareil de notes plus réduit et devrait intéresser un large public.
On pourra se reporter à l’ouvrage très connu de W. Gasque1 sur l’histoire de la critique des Actes, dont l’auteur a donné une sorte de résumé dans la revue Hokhma2. Il y distingue deux grands courants d’interprétation :
Le premier, d’origine allemande, marqué par la figure de Walter Baur et donc proche de l’école de Tübingen : pour lui, la valeur historique des Actes, biaisée par la dimension théologique, est éminemment discutable, sinon insignifiante.
Le deuxième, d’origine plutôt britannique, marqué par la figure de John B. Lightfoot, et donc proche des grandes universités de Cambridge ou Oxford, où « les humanités » tiennent une grande place : pour cet auteur et ceux qui l’ont suivi, la valeur historique des Actes est indéniable, parfois même étonnante de précision.
À mes yeux, cette distinction est insuffisante : elle ne met pas suffisamment en lumière le rôle des interprètes, et souvent la dimension confessionnelle, dans les divergences concernant les Actes.
La controverse est donc ancienne, mais qu’en est-il de son actualité ? En fait, un pas a été franchi avec l’irruption de l’analyse narrative, mais il ne résout pas tout, et certainement pas la question de la qualité de l’information historique : les plus récents commentateurs l’estiment en effet impossible à établir et toute recherche de « vérité » leur apparaît comme une impasse, ne serait-ce que parce que la question de la vérité historique se pose aujourd’hui différemment du passé. Pour eux, il faut s’intéresser au texte tel qu’il est, sans préjuger du rapport à son origine ou plus généralement à ses sources.
Voici par exemple ce qu’écrit D. Marguerat3 : « Il s’impose de renoncer à juger les Actes à partir d’une précision documentaire qu’ils ne fournissent que secondairement. S’abstenir d’exiger de l’historiographie qu’elle nous livre d’illusoires bruta facta s’avère être une marque de sagesse. Enfin (et surtout), il se commande de déplacer la notion de vérité en fonction de la visée historiographique. En l’occurrence, la vérité de l’œuvre lucanienne se mesurera à l’adéquation de sa visée poétique (pour garder les termes de Ricœur), c’est-à-dire à sa lecture de l’histoire fondatrice de l’Église.
Répétons-le, toute œuvre historique est acculée à un choix d’intrigue, à une mise en scène narrative, à des effets de (re)composition. Une fois reconnue la nécessaire subjectivité de l’historien dans la construction de l’intrigue du récit, il s’impose d’abandonner la dualité factuel/fictionnel comme le produit d’un rationalisme malsain ».
Cette position tranchée n’est pas simplement celle d’un exégète protestant, elle est partagée par exemple par Odile Flichy4, qui tient toutefois à réaffirmer in fine la qualité du travail historique de Luc : « La prise en compte du phénomène de réception inhérent à la transmission de la tradition paulinienne par Luc fait émerger en des termes nouveaux l’épineuse question du rapport des Actes à la vérité historique. Comment, d’un point de vue méthodologique, tenir ensemble l’enracinement historique de la figure lucanienne de Paul et son caractère doublement construit, au plan littéraire et théologique, et articuler ainsi vérité historique et relecture interprétative du passé ?
Ainsi formulée, la question ne relève pas du champ de compétences de l’historiographie traditionnelle fondée sur la notion de vérité « objective » des faits et visant à la reconstruction exacte d’un passé considéré comme atteignable par le travail de l’historien. Elle s’inscrit, en revanche, pleinement dans les perspectives de l’historiographie interprétative développée à la suite des travaux de H.-I. Marrou, de P. Veyne et M. de Certeau, et, avec une orientation narrative, de P. Ricœur. Selon ces auteurs, l’écriture de l’histoire est elle-même indissociable de l’interprétation qu’en fait l’historien et comporte une part de récit. La vérité de l’histoire tient au projet même de celui qui l’écrit et à sa manière de relire et de reconstruire les événements du passé. (..)
Il apparaît ainsi, à la lumière de cette magistrale réflexion ricœurienne sur l’épistémologie de l’histoire, que le caractère construit du personnage de Paul dans les Actes n’invalide en rien la solidité de son rapport à la tradition parvenue jusqu’à Luc. Sa « mise en récit » laisse toute sa légitimité au sérieux de l’enquête que Luc affirme avoir menée dans le cadre de son projet de « récit ». L’auteur des Actes a joué, avec talent, sur les trois registres, documentaire, explicatif et poétique de l’écriture de l’histoire ».
Ainsi, la « vieille » question de la vérité historique n’est pas jetée aux oubliettes, mais elle est en quelque sorte déconsidérée : la lecture narrative s’inscrit dans la perspective des lectures synchroniques et non pas diachroniques.
Ce qui est tout à fait frappant, c’est que l’exégèse anglo-saxonne dans son ensemble, guère contaminée par les relents de l’idéalisme allemand, continue son chemin de quête de vérité historique : j’ai cité plus haut Gasque, qui s’inscrit dans cette ligne, mais il faut en évoquer d’autres maintenant.
Il est souvent qualifié par ses détracteurs de « fondamentaliste », alors qu’il est bien loin de se relier à un tel courant : quand on veut noyer son chien, on l’accuse de la rage... Il s’agit du deuxième courant évoqué par Gasque et il continue son bonhomme de chemin, avec des figures telles que Bruce5, Marshall6, Hemer7, Barrett8, et les auteurs de la série The Book of Acts in Its First Century Settings9, une série qui, nul ne s’en étonnera, est d’origine anglo-américaine.
Comme en témoignent ses nombreux écrits, Bruce est sans doute l’un de ceux qui s’est le plus démené ! Mais je vais évoquer Hemer et l’un de ceux qui est venu à son appui, C. Price.
Hemer est donc à l’origine d’un ouvrage dense, aride, et inachevé10 sur le thème des « Actes et l’histoire ». L’auteur y manifeste une incroyable érudition pour tenter de faire avancer les éternelles questions de l’auteur, de la date, du rapport avec les épîtres pauliniennes, etc. Son premier chapitre s’intitule « les Actes et l’historicité », et il commence par rappeler que la question du rapport des Actes à l’histoire a connu des hauts et des bas : Gasque s’en fait l’écho de manière détaillée. Plus intéressant pour mon propos se trouve l’interrogation qu’il pose ensuite : est-il opportun de rouvrir la question historique qui paraît dépassée et pour laquelle on pourrait se contenter d’une position médiane entre divers commentateurs ?
Sur le premier point, il écrit : « En réponse à la première objection, il est nécessaire de réaffirmer la validité et la grande importance de notre sujet. L’antithèse entre interprétation théologique et souci d’antiquité (antiquarianism) est mal présentée ; en fait, histoire et théologie sont étroitement liées, et la nature de leur relation doit être explorée »11.
Et l’auteur de souligner l’importance de cette question historique, à partir de quatre considérations :
La connaissance de l’apôtre Paul, qui se trouverait singulièrement amoindrie si l’on devait vraiment négliger les Actes : « Si nous refusons d’utiliser les Actes, nous ne savons que relativement peu de choses de Paul. Nous disposons d’un enseignement occasionnel et de révélations personnelles ponctuelles, enchâssées dans un vide contextuel parce qu’il n’existe pas de consensus au sujet de l’authenticité, de la représentativité et de l’ordre des documents »
12
.
Les Actes servent à cadrer l’ensemble du Nouveau Testament.
Il existe une dimension pastorale du problème dans la mesure où la recherche sur les Actes n’intéresse pas que les universitaires, mais aussi les laïcs dont les quêtes sont différentes : pour ceux-là, la question de la vérité historique est loin d’être secondaire.
La théologie et l’histoire ont partie liée.
A l’appui de la position d’Hemer, il est intéressant de rappeler la manière dont le pape Benoît XVI a justifié dans ses propres travaux l’importance de la dimension historique, et de rapporter quelques-uns des « faits bruts » extrêmement précis que l’on trouve dans le texte des Actes, et sur lesquels s’est étendu C. Price13 dans un long article.
On vient de noter un certain nombre d’arguments avancés par Hemer, mais ils me paraissaient insuffisants. En effet, comment ne pas se poser la question suivante : quel est le statut du texte étudié ? En quoi diffère-t-il d’une fable de La Fontaine si l’on assume mais ne peut fonder sa vérité historique ? Le rapport à l’histoire, à la « réalité », n’est-il pas constitutif du texte biblique et, au-delà de lui, du christianisme, religion de l’Incarnation ? Il y va de la vérité, qui n’est pas simplement celle que je me donne. Comme me le disait un jour un ami théologien : « aujourd’hui, le sens a remplacé la vérité ». Il est heureux qu’Hemer puisse écrire : « L’objectif de la recherche scientifique est la vérité, et la vérité peut et doit être communicable à différents publics »14.
D’une manière que certains jugeront peut-être inattendue, les tenants de l’importance de l’histoire ont trouvé un fort appui dans l’ouvrage de J. Ratzinger sur Jésus de Nazareth15. Dans son avant-propos, après avoir rendu hommage à un exégète allemand de renom, R. Schnackenburg, Benoît XVI écrit : « Du point de vue de la théologie et de la foi dans leur essence même, la méthode historique est et reste une dimension indispensable du travail exégétique. Car il est essentiel pour la foi biblique qu’elle puisse se référer à des événements réellement historiques (…) Le factum historicum n’est pas pour elle une figure symbolique interchangeable, il est le sol qui la constitue »16.
Ce qui n’empêche pas notre pape-théologien retraité de se montrer aussitôt critique, en soulignant les limites de la méthode : « Pour celui qui se sent aujourd’hui interpellé par la Bible, la première limite consiste dans le fait que, par nature, la méthode doit nécessairement situer la parole dans le passé. En tant que méthode historique, elle étudie le contexte événementiel qui a vu naître les textes. Elle essaie de connaître et de comprendre le passé avec autant de précision que possible, tel qu’il était en lui-même, afin de reconstituer ce que l’auteur a pu et voulu dire à cette époque précise, dans le contexte de sa réflexion et des événements. Pour rester fidèle à elle-même, la méthode historique doit non seulement rechercher la parole comme appartenant au passé, mais elle doit aussi le laisser dans le passé. Elle peut y entrevoir des points de contact avec le présent, avec l’actualité ; elle peut essayer de l’appliquer au présent, mais elle ne peut en tout cas la rendre ‘actuelle’ - cela dépasserait le cadre qui lui est imparti. Et c’est justement la précision dans l’interprétation du passé qui est à la fois sa force et sa limite »17.
Faut-il avouer une autre interrogation que certains trouveront très subjective et agressive ? Dans la mise à distance contemporaine de l’histoire, ne flotte pas seulement des relents d’idéalisme, mais aussi probablement certains préjugés confessionnels. L’exégèse allemande, qui a tant marqué notre époque, n’est pas seulement le fruit d’une philosophie à une certaine époque, mais aussi celui d’une confession religieuse largement luthérienne. Pour cette école exégétique, il semble que l’histoire, et singulièrement l’histoire de l’église primitive, pourrait être dangereuse, susceptible de réduire à néant certaines contestations ecclésiales...
Price commence par rappeler la situation difficile des historiens de l’Antiquité, confrontés à un manque de documents de référence. Il cite Martin Hengel18 : « Une connaissance exacte et géographiquement détaillée sur la base de cartes, et des descriptions précises des lieux n’appartenait qu’à une étroite élite de soldats, politiciens, et enseignants, et pourtant, même parmi eux, la connaissance personnelle d’un lieu était irremplaçable » ; avant de rappeler, toujours avec Hengel, que de ce fait, bien des informations tirées de Josèphe, Strabon, Pline et tant d’autres, sont fausses.
Aussitôt après, notre commentateur souligne de nombreuses autres difficultés : « Le problème des écrivains de l’Antiquité ne se limitait pas à la géographie. Il existe une diversité stupéfiante de gouvernements et d’officiels à travers l’empire romain (…) Il y avait des provinces, certaines contrôlées par le Sénat et d’autres par l’Empereur. Les titres des gouverneurs de ces provinces variaient (par exemple, proconsul, préfets, procurateurs) (…) Il y avait aussi une variété de cités (…) Il y avait des différences dans les gouvernements des cités, selon le type de cité, sa localisation géographique et sa culture ».
Notre commentateur peut alors montrer à quel point Luc se distingue par la sûreté des informations transmises, et cela dans plusieurs domaines :
Quant aux coutumes, à la géographie et au Temple juifs
Quant aux autres informations géographiques ou à la culture de l’époque
Quant aux leaders politiques et religieux
Quant aux événements historiques
Quant à la citoyenneté et au système judiciaire romains
Et, même si cela est fort contesté aujourd’hui, quant à la personne de Paul
Il est impossible et superflu de reprendre chacun de ces domaines, avec tous les points signalés par Price : la liste est impressionnante. Je me contenterai d’en rappeler quelques-uns, qui marqueront la qualité de l’information lucanienne.
L’A. s’intéresse en particulier à l’arrestation de Paul lors de son dernier passage à Jérusalem : ce que Luc dit (Ac 21,30s) de la localisation du poste de commandement romain (en hauteur, avec des marches d’accès), de l’intervention du centurion, de l’existence d’un rebelle égyptien, est conforme à ce que l’on sait soit par Josèphe, soit par la tradition juive ultérieure. Mais en revenant plus haut, au chapitre 3, ce que Luc nous dit de l’heure de la prière, de l’existence d’un impotent forcé de rester à l’entrée du Temple, de l’existence d’un portique de Salomon est conforme à ce que l’on sait de la tradition juive, ou rejoint l’évangile de Jean (10,23).
Luc va se montrer incollable sur les lieux, usages, et autres des villes que Paul traverse. En Ac 13 par exemple, Luc fait partir Paul pour Chypre en passant par Séleucie, dont Strabon et Polybe attestent qu’il s’agissait bien d’un point de passage ; un peu plus loin, il évoque « Antioche de Pisidie », ville de Phrygie, mais connectée à la Pisidie comme l’atteste Strabon ; en outre, la présence d’une synagogue est vraisemblable compte tenu de la présence d’une colonie juive.
En Ac 14,6, Paul et Barnabé fuient Iconium pour la Lycaonie et ses villes de Lystres et Derbé, ce qui laisse entendre qu’Iconium n’est pas en Lycaonie. De fait, elle se trouve à la frontière entre la Phrygie et la Lycaonie, est associée à cette dernière par plusieurs écrivains (Cicéron et Pline), mais se trouve bien en Phrygie (Xénophon, Cyprien). Etc.
Anne continue d’être appelé grand-prêtre par Luc en Ac 4,6 bien qu’il ait été déposé par les Romains et remplacé par Caïphe : de fait, Josèphe atteste (Ant. 18.2.2.34-35 ; 20.9.1.198) qu’il a continué de porter ce titre après sa déposition. En 13,7, Luc parle d’un proconsul à Chypre, Sergius Paulus : des inscriptions attestent la présence d’un tel proconsul au temps de l’empereur Claude.
En Ac 18,12, Luc prétend que l’Achaïe était dirigée par un proconsul, et lui donne même le nom de Gallion : de fait, un proconsul tenait le premier rang en Achaïe de 27 av. J. C. à 15 ap. J. C., avant que cela ne soit à nouveau le cas à partir de 44 ap. J. C. Et le nom du proconsul, longtemps ignoré en dehors de Luc, est maintenant attesté par la fameuse « inscription de Delphes ».
J’arrêterai là ce recensement : il est facile de se procurer le document de Price et de s’y reporter. Tous les observateurs objectifs doivent le concéder : Luc est parfaitement informé des noms, usages, localisations, et autres faits bruts. Mais comme nous le verrons, il compose, il met en scène : pour certains, l’histoire s’y perd, mais j’espère montrer qu’elle est toujours bien présente parce que Luc est attentif à ne rien perdre des informations dont il dispose.
Ce débat sur l’historicité des Actes est encore compliqué par le fait que, comme il est connu des spécialistes, on dispose de deux « versions » du texte, une courte dite alexandrine, largement attestée, et une longue, dite occidentale, qui doit être en partie reconstruite. La qualité historique de l’une l’emporterait-elle sur l’autre ? Laquelle choisir ?
En vertu du principe qui veut qu’une recension courte soit meilleure qu’une autre plus longue, les commentateurs ont l’habitude de s’en tenir à la seule version alexandrine (notée plus bas B, en fonction du manuscrit principal). Mais depuis longtemps, certains avaient souligné le caractère lucanien de la version occidentale (notée plus bas D, en fonction du codex Bezae, source principale), et les travaux récents de Boismard et Lamouille ont redonné du lustre à cette hypothèse. Où en est-on aujourd’hui ?
Lorsqu’on parcourt le volume « Actes des Apôtres » de la Bible de Jérusalem en fascicules, il n’est pas rare de trouver des notes indiquant le contenu de la recension choisie, ou non choisie, et donnant des raisons justifiant le choix opéré.
Ainsi, à propos de la citation du prophète Joël en 2,17s, J. Dupont, le traducteur, explique : « Pour cette citation, on a suivi le texte occidental, de préférence au texte alexandrin qui tend à revenir aux LXX »19. En revanche, un peu plus loin, en 2,30, notre traducteur renonce au texte occidental qui porte : « lui avait juré par serment de ressusciter selon la chair le Christ dans la descendance de son sang, et de le faire asseoir sur son trône ». En 2,34, il y renonce aussi en précisant : « « lui-même en effet a dit », leçon qui rend l’argumentation plus facilement intelligible ».
Comme on peut le constater, dans cette traduction datant de 1953, par un des commentateurs les plus connus des Actes, règne un certain pragmatisme. L’auteur s’en explique dans son introduction : « Beaucoup d’auteurs continuent à opter pour le texte ‘oriental’ qu’ils considèrent comme primitif ou du moins préservant au mieux les leçons primitives. D’autres, peut-être moins nombreux mais d’autant plus résolus, se font les champions du texte occidental. La sagesse commande plutôt de chercher son bien partout où il se trouve. Parmi les leçons particulières au texte occidental sont à rejeter celles dont le caractère harmonisant ou explicatif est suffisamment marqué en face d’un texte plus dur, mais plausible. Cela fait, il subsiste encore dans ce texte assez de leçons divergentes, en apparence des additions au texte oriental, mais qui pourraient être authentiques, le texte oriental ayant trop cédé au désir d’éliminer toute surcharge possible ».
Si J. Dupont accepte donc un certain nombre de leçons du texte occidental, il n’est pas très clair sur l’origine même du texte ; il parle de révisions, et écrit, avec semble-t-il une pointe de dédain : « On est allé jusqu’à imaginer que saint Luc avait publié successivement deux éditions de son ouvrage ». Il est possible, trente ans plus tard, de préciser ce « on » : avant Dupont, F. Blass20, et après lui, M. E. Boismard et A. Lamouille21.
Pour évoquer les positions de Boismard et Lamouille, il serait normal de se reporter à l’ouvrage original. Mais comme il se trouve que l’on dispose depuis 1997 de l’ouvrage de P. Tavardon22, tout acquis à la cause, j’ai choisi de présenter brièvement la position de nos deux commentateurs à partir de cet ouvrage, et plus précisément du chapitre « état de la question », fort détaillé (41 p.).
La connaissance des particularités du texte occidental est connue dès 1550, mais celles-ci sont pour longtemps encore considérées comme des altérations tardives. Il faut en effet attendre 1848 et F. A. Bornemann pour que soit pris au sérieux ce texte : cet auteur propose même d’y reconnaître le texte original abrégé par la suite. L’idée de gloses accidentelles, résultat du travail des copistes, caractéristique de l’ensemble du Nouveau Testament et non de la seule œuvre lucanienne, est encore pour longtemps présente.
Et c’est donc Blass qui, au travers d’un article en 1894, puis d’une édition du texte occidental en 189523, vient tenter de changer le cours des choses : pour lui, le texte occidental est un texte lucanien, avec une visée propre, d’ordre littéraire. Il est premier, écrit à Rome, et le texte alexandrin est second, écrit à Alexandrie. Pour certains critiques, la diversité des points de vue ressortant du texte occidental d’Ac 15 condamne une telle position.
En 1933, dans l’ouvrage majeur dont il est responsable avec Foakes-Jackson, Lake24 considère toujours le texte occidental comme le fruit d’une révision, mais il admet la qualité des révisions en question. En 1939, mais dans un article publié seulement en 1972, Zuntz25 entrevoit l’idée que le texte occidental tel que proposé par le codex de Bèze pourrait bien lui aussi être une version tardive et remaniée d’un texte occidental plus ancien, ce qui sera un point clef des propositions de Boismard.
Passons par-dessus bien des étapes intermédiaires et faisons un arrêt avec Delebecque : celui-ci, après avoir publié une traduction des Actes en 198226, rédige une vingtaine d’articles à caractère philologique, avant de publier son œuvre majeure en 1986, les Deux Actes des Apôtres27. Il insiste sur la qualité grecque et lucanienne de la recension occidentale, et veut donc y voir une révision de la version alexandrine dans une perspective littéraire.
Nous sommes tout proches de Boismard et Lamouille, à deux différences fondamentales près : pour nos deux auteurs, la version occidentale est primitive, mais surtout, telle qu’elle nous est proposée dans le codex de Bèze, elle est déjà contaminée par la version orientale. Il importe donc de la reconstruire, à partir des éléments disponibles qui ne sont pas trop susceptibles d’avoir été influencés par la version alexandrine, c’est-à-dire par les petits manuscrits et les citations postérieures, sans se laisser arrêter par leur datation éventuellement très récente. Ce dernier point est tout à fait innovant, mais sera aussi le plus soumis à la critique : quelle valeur peut-on vraiment accorder à ces témoins ?
Depuis les années 90 ont paru un certain nombre d’ouvrages dont les auteurs ont résolument choisi de prendre en compte le texte occidental : J. Taylor28 s’est lancé dans un commentaire historique souvent très riche, A. Bunine29 a repris la question du début du troisième voyage de Paul, et P. Faure30 celle de la relation entre l’Église et Israël à partir de Ac 1,6-3,26, mais en interprétant aussi la fin des Actes.
La cause de Boismard et Lamouille semble a priori entendue, mais force est de constater que les ouvrages et les auteurs qui viennent d’être cités écrivent en langue française, certains étant en outre en rapport étroit avec M. E. Boismard : à la vérité, au-delà de nos frontières, la résistance est bien là. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir la dernière édition du commentaire des Actes par Barrett, où celui-ci estime qu’il est difficile de savoir quelle version a une priorité chronologique, mais où il suggère aussi que les « additions et paraphrases » sont lucaniennes parce qu’elles ressortent de la main d’un « copiste ou éditeur » très familier de l’œuvre de Luc31.
Il est donc si difficile de se faire une opinion définitive que j’ai choisi… de « rester classique » et de lire le texte alexandrin. Mais toutes deux sont de la plume de Luc et toutes deux présentent la même qualité dans l’information historique.
Venons-en maintenant à une dernière question susceptible d’interférer sur la qualité historique des Actes, à savoir la datation.
Pour un ouvrage donné, faut-il parler d’un but ou de plusieurs ? Le plus souvent, il en est un qui s’impose au rédacteur, mais cela n’exclut en rien qu’il y en ait d’autres, secondaires peut-être mais parfois aussi importants. Ce qui caractérise les Actes des Apôtres, c’est qu’ils sont conçus dans la foulée de l’évangile comme une suite, même s’ils en ont été aujourd’hui séparés : certains y voient donc l’accomplissement des promesses faites par Jésus dans l’évangile (cf. Lc 24,47-48). Ce facteur a certainement joué un rôle considérable qui s’explique : si l’évangile trouve son accomplissement, alors Jésus était bien le Messie attendu. En quelque sorte, les Actes sont une preuve de la vérité de l’évangile.
Luc n’a donc pas lésiné sur cette dimension d’accomplissement qui suppose à la fois continuité et surpassement. L’un de ses procédés littéraires favoris a consisté à suggérer des parallélismes entre certaines grandes figures et leurs actions, tout en soulignant combien l’une annonce ou inversement parachève l’autre. Certains commentateurs donnent un nom grec à ce procédé, synchrêsis, mais à la vérité, la Bible en connaît quelque chose depuis longtemps sous la forme antitype/type.
L’exemple le plus immédiat et le plus frappant se trouve au début de l’évangile de Luc, avec pour acteurs Jean-Baptiste et Jésus : annonciation, naissance, circoncision, prophétie sur la mission, vie cachée sont évoquées pour chacun d’eux ; le parallélisme, bien évidemment voulu, permet tout à la fois de reconnaître ce qu’il y a de commun, comme ce qu’il y a de différent. On retrouve la même chose avec Pierre et Paul dans les Actes, et Aletti32 en a fait un magnifique tableau :
Pierre en Ac 1-12
Paul en Ac 13-28
Discours inauguraux semblables
2,14-36
13,16-41
Pierre et Paul remplis de l’Esprit-Saint
2,4 ; 4,8
13,9
Ils font les mêmes signes
- Guérison d’un infirme
3,1-10
14,8-10
Suivie chaque fois d’une explication
3,12-26
14,15-17
Mention de la durée de la maladie
4,22 (40 ans)
14,8 (de naissance)
- Exorcismes
5,16
16,16-18
- Conflits avec des magiciens
Simon : 8,8-24
Élymas : 13,6-12
- Résurrections
9,36-43
20,7-12
- Tous les malades leur sont présentés
5,16
28,9
Ils ont tous deux été choisis pour évangéliser les païens
10-11 (15,7)
13-28
Les croyants d’origine juive rendent grâce au récit de ce que Dieu a fait en faveur des Nations
11,18
21,20
Visions pour l’évangélisation
10,9-16
16,9
Ils imposent les mains
pour que ceux qui ont reçu le seul baptême d’eau reçoivent l’Esprit-Saint
8,17
19,6
Emprisonnements et délivrances
Emprisonnés
4,3 ; 5,8 ; 12,3-4
16,23 ; 21,33 ; 24,27
Battus
5,40
16,22-23 ; 23,2
Comparution devant le Sanhédrin et témoignage
4,7 ; 5,26
23,1-10
Délivrance à minuit
12,6-11
16,25-40
Le procédé est aussi mis en œuvre de l’évangile aux Actes des Apôtres : le « procès » d’Étienne (Ac 7) est une forme de reprise de celui de Jésus (Lc 22,66-70), incluant la présence de faux témoignages (Mc 14,55-59 ; Ac 6,11-13) et le pardon accordé aux bourreaux (Lc 23,34 ; Ac 7,60). Ou bien encore ce qui advient aux apôtres est la réalisation de ce que Jésus avait annoncé : ils sont poursuivis (Lc 21,12-13), ils n’ont pas à préparer leur défense, elle leur est donnée sur le moment (Lc 12,11-12 ; 21,14-15), ils sont remplis de l’Esprit-Saint (Lc 24,49).
La thématique, théologique, de l’accomplissement constitue donc bien le but premier, la « cause finale » de la rédaction des Actes des Apôtres. Mais pour manifester cet accomplissement historiquement, dans l’ordre de l’universalité, Luc a estimé nécessaire de recourir à une dimension historico-géographique (cf. Ac 1,8), que certains appelleraient peut-être « cause efficiente », et qui manifesterait l’universalité du message évangélique (cf. par exemple Lc 2,32 : « lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël »). Il a donc aussi montré comment « la parole de Dieu croissait et se multipliait » (Ac 12,24 ; cf. 6,7 et 19,20), dépassait les frontières géographiques, atteignait le monde païen, et contribuait ainsi à former « un peuple bien disposé » (Lc 1,17). Les développements importants concernant les voyages de Paul correspondent à cette volonté, et il a donc beaucoup insisté sur eux ; mais déjà la mise en valeur de la prédication de Philippe en Samarie, aux confins du monde païen, s’inscrivait pour lui dans la même caractéristique universaliste du progrès de la parole de Dieu.
Arrêtons-nous maintenant sur la question du plan des Actes des Apôtres.
Comme il est facile de le remarquer, Luc a mis en exergue dans les Actes des Apôtres deux figures importantes de l’évangélisation primitive, Pierre d’abord qui ouvre en quelque sorte le chemin, Paul ensuite qui met en œuvre et accomplit à sa manière : et certains commentateurs divisent donc l’ensemble de l’ouvrage selon deux axes, la « geste de Pierre », puis la « geste de Paul ». Cette proposition est intéressante, mais ces figures sont d’abord et avant tout des figures porteuses de l’évangile, et qui furent loin d’ailleurs d’être les seules : plusieurs personnages, auxquels Luc a affecté de donner un rôle « secondaire », tels Etienne, Philippe, Barnabé, Jean-Marc, Priscille et Aquila, Apollos, ont eux aussi tenu une place très importante.
Il est donc logique de considérer que c’est autour de cette diffusion de l’évangile que Luc a organisé son propos, comme le suggère d’ailleurs Ac 1,8. Et il serait plus juste de lui donner le cadre suivant :
Les fondements de l’évangélisation (1,1 à 8,3) : l’Esprit-Saint, l’organisation communautaire.
Les premières étapes de l’évangélisation (8,4 à 16,8) : des franges de la Judée jusqu’au détroit du Bosphore.
Jusqu’aux extrémités du monde (16,9 à 28,31) : du passage en Europe jusqu’à Rome.
Une telle structuration met l’accent sur plusieurs points :
En premier lieu, sur le développement de la parole de Dieu : le refrain déjà évoqué, « la parole de Dieu croissait », se retrouve dans chacune des parties proposées.
En deuxième lieu, le rôle essentiel joué par l’Esprit-Saint, à ce point que certains ont voulu parler du « temps de l’Esprit ».
En troisième lieu, le passage du détroit du Bosphore : Luc lui a donné un relief particulier en le considérant comme le résultat d’un songe, le fameux « appel du Macédonien », manière pour lui de mettre en scène l’action directe de Dieu.
La question de la date de la rédaction des Actes se pose en termes d’alternative :
Ou bien la fin des Actes, autrement dit le séjour de Paul à Rome vers les années 60-62, représente le moment où l’auteur a rédigé son œuvre.
Ou bien cette fin ne signifie rien dans la mesure où l’auteur a mené à bien avec ce séjour son intention littéraire et théologique. Auquel cas, il faut penser que la rédaction, liée à celle de l’évangile (il existe une préface commune) et donc au problème synoptique, n’a pas dû commencer avant la révolte juive
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, donc 70 au plus tôt, mais plus vraisemblablement vers les années 80.
La première proposition est, compte tenu des études sur Luc et de l’importance accordée à son propos théologique, largement minoritaire aujourd’hui. Mais il n’existe aucun argument décisif dans un sens ou dans l’autre, et l’on s’explique qu’un J. A. T. Robinson ait pu, il y a quelques années, proposer pour l’ensemble du Nouveau Testament d’ailleurs, une date antérieure à la révolte juive34.
1 Ward W. Gasque, A History of the criticism of the Acts of the Apostles, Grand Rapids, Eerdmans, 1975.
2 Ward W. Gasque, “La valeur historique des Actes des Apôtres (1ère partie),” Hokhma 3, 1976, p. 82-92, et Ward W Gasque, “La valeur historique des Actes des Apôtres (2e partie),” Hokhma 6, 1977, p. 12-33.
3 Daniel Marguerat, La première histoire du christianisme : Les Actes des apôtres, Paris / Genève, Cerf / Labor et Fides, 1999, p. 25.
4 Odile Flichy, La figure de Paul dans les Actes des apôtres : un phénomène de réception de la tradition paulinienne à la fin du premier siècle, Lectio Divina vol. 214, Paris, Cerf, 2007.
5 Entre autres, Frederick F. Bruce, The Speeches in the Acts of the Apostles, Londres, Tyndale Press, 1942 ; Frederick F. Bruce, “Chronological questions in the Acts of the Apostles,” BJRL, 1986, p. 273-295 ; Frederick F. Bruce, The Book of the Acts, Grand Rapids (Mich), William B. Eerdmans, 1988.
6 I. Howard Marshall, Luke, Historian and Theologian, Carlisle, Paternoster, 1988.
7 Colin J. Hemer, The Book of Acts in the Setting of Hellenistic History, vol. 49, WUNT, Tubingue, J.C.B. Mohr (Paul Siebeck), 1989.
8 C. K. Barrett, A Critical and Exegetical Commentary on the Acts of the Apostles, Édimbourg, T. & T. Clark, 1994.
9 Bruce W. Winter, The Book of Acts in Its Ancient Literary Setting, Carlisle / Grand Rapids, W.B. Eerdmans, 1993.
10 L’auteur est mort brutalement au printemps 1987.
11op. cit. p. 14.
12op. cit. p. 20. Notons en passant que la priorité accordée aux écrits de Paul, sans être remise en cause, est justement interrogée par notre commentateur dans son ouvrage : si le livre des Actes est secondaire, est-il pour autant moins fiable ? N’existe-t-il pas des erreurs, des exagérations, des biais, aussi au niveau des sources primaires ?
13 Christopher Price, “A Discussion of the Genre, Historicity, Date, and Authorship of Acts”, 2005, p. 103 (disponible depuis le site http://www.christianorigins.com/acts.html).
14op. cit. p. 25.
15 Josef Ratzinger, Jésus de Nazareth : Tome 1, Du baptême dans le Jourdain à la Transfiguration, Flammarion, 2007.
16Ibid, , Avant-propos, p. 11.
17Ibid, Avant-propos, p. 12.
18 Hemer, The Book of Acts in the Setting of Hellenistic History, ici p. 31.
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