Saint Paul, autobiographie 2020 - Hervé Ponsot - E-Book

Saint Paul, autobiographie 2020 E-Book

Hervé Ponsot

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Beschreibung

Ecrire une présentation biographique et théologique, en français, de l'apôtre saint Paul relève aujourd'hui de la gageure. Mais celle qui est proposée ici, qui révise l'édition de 2014, se veut nouvelle quant à son style, et d'actualité quant à son contenu. Autobiographique car prétendument rédigée par Paul lui-même, qui se serait confié à l'auteur. Mais on l'aura compris, ce sont les opinions de cet auteur, Hervé Ponsot, qui trouvent là un moyen original et amusant de participer aux débats sur des questions disputées telles que la chronologie de l'apôtre ou les axes de sa théologie. Ecrit par un spécialiste de Paul, professeur d'Ecriture sainte, cet essai bien informé mais accessible, se destine à un large public.

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Veröffentlichungsjahr: 2020

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Table des matières

Commencements

Les premières années

Ma formation

« L’affaire Jésus »

Damas

Le persécuteur

Sur la route de Damas

Ma rencontre avec Jésus

Le rapport de Jésus à la Loi mosaïque

Un temps de retraite

Jérusalem, premier passage

Questions de chronologie

Céphas, dit Pierre

1

er

voyage

Chypre

La région romaine de Galatie

Nouvelle montée à Jérusalem ? Le problème d’Ac 15

2

e

voyage puis 2

e

passage à Jérusalem

Les prémices du voyage

Détails du voyage

Venue en Grèce. Les épreuves et les premières lettres

Le passage à Athènes

Corinthe

Retour à Antioche

3

e

voyage

Éphèse et l’émeute des orfèvres

Les deux lettres aux Corinthiens

La lettre aux Romains

Dernier passage à Jérusalem et transfert à Césarée

La lettre aux Philippiens

Les lettres aux Colossiens et aux Éphésiens

Odyssée maritime et captivité à Rome

Essai chronologique

Brève bibliographie

I. Commencements

Bonjour, je m’appelle Paul, je me suis toujours appelé de mon prénom romain Paul1, même s’il est vrai que, quand j’étais jeune, on m’appelait plutôt de mon prénom juif, autrement dit Saul. Je suis donc resté longtemps Saul. Certains disent que je suis « devenu » Paul après une rencontre importante2 dont je reparlerai plus loin, celle du proconsul de Chypre, Sergius Paulus : mais non, j’ai toujours eu les deux prénoms, comme c’est le cas de beaucoup de Juifs. J’ai seulement vécu le temps de ma jeunesse en milieu juif, et là on m’appelait Saul ; et puis, quand j’ai commencé à bouger, quand j’ai quitté ma ville natale de Tarse, alors on m’a plutôt appelé Paul.

A. Les premières années

Oui, je suis né à Tarse, en Cilicie. Ne me demandez pas la date exacte, je suis vieux, j’ai un peu oublié ; et puis vous savez, cet intérêt pour les dates, pour la précision chronologique, c’est un truc d’historien, et encore pas de tous les historiens : Luc par exemple dit clairement dans la préface à l’évangile que son œuvre est une composition, dont le principe est d’abord catéchétique et non pas chronologique – ce qui n’est pas sans conséquences, comme je vous le montrerai plus tard. Cela ne veut pas dire que les dates ne l’intéressent pas, on le voit par exemple au début du chapitre 3 à propos de la prédication de Jean-Baptiste, mais que le critère chronologique n’est pas premier.

Moi, à mon époque, on comptait volontiers une année à peine commencée pour une année pleine, et en plus, il existait plusieurs calendriers, alors, vous savez, les dates précises… Dans ma lettre à Philémon, je sais, je me suis présenté comme « le vieux Paul »3, mais il faut tenir compte du genre littéraire : je demandais un service pour un esclave fugitif, il fallait que j’use de toute mon influence, alors, j’ai insisté sur mon âge. Mais de mon temps, à cinquante ans, on était vieux ! Disons donc que j’ai dû naître au tout début de votre ère chrétienne, et que je suis plus ou moins contemporain du Seigneur Jésus.

Je ne sais pas si vous situez bien la Cilicie, c’est la région que l’on rencontre après que la côte ait fait un coude, quand on remonte de la Terre Sainte et que l’on part vers l’ouest, vers l’Asie Mineure, vers ce que vous appelez aujourd’hui la Turquie. Peut-être allez-vous penser que Tarse n’est connue que parce que j’y suis né : c’est vrai, souvent, quand on parle de moi aujourd’hui, on dit « Paul de Tarse », ce qui a donné une certaine notoriété à cette ville, une notoriété mise en valeur par mon « biographe », Luc, qui parle d’une « ville qui n’est pas sans renom »4.

Mais Tarse était importante bien avant que j’y naisse : elle était en effet la capitale de la Cilicie, et Marc-Antoine l’avait choisie pour s’y établir après la bataille de Philippes en 42 avant l’ère chrétienne. Elle n’était pas seulement capitale administrative, mais aussi économique, avec un florissant commerce de toile et de tissus, dont j’ai d’ailleurs appris, à la suite de mon père, quelques techniques5.

Voilà, je suis né à Tarse. Je ne fus pas le seul enfant de mes parents, j’ai eu aussi une sœur6 dont Luc fait état parce que son fils m’a sans doute sauvé la vie. Bon, je ne vais pas rentrer dans toutes mes histoires de famille, il n’y a pas grand-chose à en dire. Je n’ai rien dit de ma femme parce que je n’en ai jamais eu : je sais que certains m’en ont prêté une au nom des usages juifs, mais l’exigence d’être marié n’a jamais été un absolu. Et franchement je ne regrette rien : je ne vois pas comment j’aurais pu mener une vraie vie de famille avec toutes les épreuves que j’ai connues et que j’ai parfois évoquées dans mes lettres7.

Je voudrais juste ajouter une chose au plan familial, ne serait-ce que pour en rendre grâces : j’ai bénéficié du bon niveau social et économique de ma famille. Je sais que certains prétendent que Luc a enjolivé ma condition, pour les besoins de sa présentation, mais ce n’est pas le cas : il a beaucoup travaillé sur ma biographie, il s’est informé de tout depuis les origines8, il n’en a pas rajouté, ce n’était pas son style. Vous savez, le simple fait que j’ai pu voyager autant et aussi loin, de Jérusalem jusqu’à Athènes, n’était pas seulement dû au soutien que m’ont apporté les communautés chrétiennes, mais aussi à mon réseau familial ; et ce n’est pas par hasard, pour le seul fait d’être né à Tarse, que j’ai acquis la citoyenneté romaine. Si mon Seigneur Jésus a su, de riche qu’il était, se faire pauvre9, je crois l’avoir suivi un peu dans ce mouvement, même si ma manière fut différente.

B. Ma formation

La grande question que vous allez me poser ensuite est de savoir ce que j’ai fait comme études et où : après tout, voilà des temps et des lieux qui peuvent marquer une vie. Il faudrait d’abord être au clair sur ce qu’étaient ces études à mon époque et dans mon milieu.

Certains bruits affirment que je suis resté à Tarse jusqu’au commencement de ma vie d’adulte, avant d’aller rejoindre Jérusalem : cela peut paraître logique, mais ce n’est pas conforme à ce que dit mon biographe officiel, Luc. Dans les Actes, il rapporte un de mes propos :

« J’ai cependant été élevé ici dans cette ville [Jérusalem], et c’est aux pieds de Gamaliel que j’ai été formé à l’exacte observance de la Loi de nos pères »10.

A qui allez-vous donner raison ? En lisant mes lettres, vous pouvez facilement constater deux choses : j’ai une très bonne connaissance de ce que vous appelez « Ancien Testament », que je cite dans sa version grecque presque parfaitement, et de mémoire ; par ailleurs, ma rédaction témoigne d’une réelle expertise dans l’art oratoire. Ces deux caractéristiques établissent que j’ai été élevé dans un milieu sous forte influence grecque, et donc plutôt à Tarse qu’à Jérusalem.

Mais une telle interprétation néglige l’interaction profonde entre le monde grec et le monde hébraïque depuis au moins le 2e siècle avant notre ère. Déjà à mon époque, la population juive de Jérusalem était beaucoup plus mélangée qu’on ne le dit souvent, ce dont témoigne par exemple la multiplicité des synagogues d’origines diverses11. Il n’est donc pas si étrange que j’ai pu apprendre à lire et à écrire dans cette ville à partir de la version grecque de la Torah. Quant à l’art oratoire, il était le fondement de l’éducation scolaire dans tout le monde grec, y compris à Jérusalem.

D’ailleurs, comment pourrais-je me vanter d’être « pharisien, fils de pharisien »12, comment aurais-je pu être un zélateur de la loi de mes pères13, comment aurais-je pu avoir la confiance des grands-prêtres pour persécuter les chrétiens14, si je n’avais pas été une personne connue depuis longtemps dans les milieux jérusalémites ? La vérité est que mon père, de formation pharisienne acquise en Terre Sainte, n’a eu de cesse de m’envoyer à Jérusalem pour que je reçoive une formation identique ! J’ai donc bien commencé en frottant mes pantalons dans une synagogue de Tarse, mais dès l’âge de raison, mon père m’a envoyé à Jérusalem auprès de Gamaliel : j’y fus bien reçu, justement en raison des relations familiales que j’évoquais plus haut.

Dans ma correspondance, si l’on s’intéresse à son contenu beaucoup plus qu’à sa forme, on constatera que je dois beaucoup à Gamaliel. Je sais que, chez les évangélistes, les Pharisiens sont souvent présentés sous un jour très défavorable, comme des gens repliés sur leurs traditions et à l’esprit étroit, mais je crois qu’ils ont quelque peu noirci le tableau : le rabbi Jésus, bon connaisseur et interprète de la tradition des Pères, s’étant souvent opposé à eux tout en étant proche d’eux, ils ont accentué les contrastes. Je le comprends d’autant mieux que j’ai connu la même difficulté : issu de leurs rangs, il a fallu que je m’en distancie, tout en les comprenant mieux que personne.

Quant à avoir fondé la religion chrétienne, en opposition au mouvement de réforme voulu par Jésus, une telle accusation ne tient pas debout : je suis être resté totalement fidèle à l’enseignement de mon Seigneur et Maître, le Christ Jésus. A titre d’exemple, ma lutte pour l’intégration des païens, considérés par les juifs comme impurs, n’est que le prolongement de celle de Jésus contre toute les formes d’exclusion, en particulier celles liées à la pureté.

Mais je reviens à Gamaliel. Il était le petit-fils de Hillel, un rabbi dont on oppose volontiers la doctrine à celle de Shammaï : on vante la souplesse du premier aux dépens de la rigueur du deuxième. Je dois vous dire que ce sont là des visions faciles et réductrices : tous deux étaient des défenseurs de la tradition, mais chacun avait sa manière de pratiquer cette défense. Je n’ai pas choisi Gamaliel, c’était lui le maître du moment, on m’a remis entre ses mains et je suis devenu son disciple. J’ai beaucoup reçu de lui, mais là encore, il faut être mesuré dans le jugement : s’il est vrai qu’Hillel a dit « Ce que tu ne voudrais pas que l’on te fît, ne l’inflige pas à autrui. C’est là toute la Torah, le reste n’est que commentaire »15, s’il est vrai que j’ai moi-même écrit :

« Une seule formule contient toute la Loi en sa plénitude : Tu aimeras ton prochain comme toi-même »16,

Il reste que, même s’il s’agit d’une tradition largement répandue dans le monde religieux, elle m’est parvenue par la tradition évangélique et je l’ai donc reçue de Jésus lui-même qui a dit :

« Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes »17.

Vous savez, je suis sans doute plus complexe qu’il peut paraître, en fait je suis comme tous les hommes, difficile à ranger dans un tiroir précis. Vous voulez me mettre à l’école d’Hillel, par la médiation de Gamaliel, mais je n’ai pas toujours été un gentil conciliateur. Si j’ai beaucoup insisté sur l’amour dans mes lettres, à la suite de Jésus mon Seigneur, j’ai su aussi être dur quand j’estimais devoir l’être. Vous pouvez par exemple vous reporter à certains propos que j’ai tenus aux Corinthiens :

« On n’entend parler que d’inconduite parmi vous, et d’une inconduite telle qu’il n'en existe pas même chez les païens ; c’est à ce point que l’un de vous vit avec la femme de son père ! Et vous êtes gonflés d’orgueil ! Et vous n’avez pas plutôt pris le deuil, pour qu’on enlevât du milieu de vous celui qui a commis cet acte ! Eh bien ! moi, absent de corps, mais présent d’esprit, j’ai déjà jugé, comme si j’étais présent, celui qui a perpétré une telle action. Il faut qu’au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit nous étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus, nous livrions cet individu à Satan pour la perte de sa chair, afin que l’esprit soit sauvé au Jour du Seigneur »18.

Bon, je me suis un peu emporté, c’est vrai, mais le cas était grave, et la communauté fragile : j’ai donc pensé qu’il fallait protéger ces faibles19 qui ont toujours été mon souci.

C. « L’affaire Jésus »

C’est donc à Jérusalem, alors que j’étais déjà un pharisien zélé, que j’ai entendu parler pour la première fois de Jésus. Ce ne fut pas dans le temps de sa vie terrestre : il faut en effet vous dire que son histoire n’a pas fait la une des journaux de l’époque. Il nous avait été présenté à la page des faits divers comme un banal malfaiteur, ayant subi le châtiment qu’il méritait, la crucifixion, et ceux qui ont appris la nouvelle l’ont crue bien sûr : on est toujours un peu obligé de faire confiance aux journalistes, au moins dans un premier temps. Je fus donc de ceux-là comme je l’ai incidemment rappelé dans ma correspondance avec les Galates :

« Le Christ nous a rachetés de cette malédiction de la Loi, devenu lui-même malédiction pour nous, car il est écrit : Maudit quiconque pend au gibet » 20.

Pour moi, c’était donc clair : un quelconque pourfendeur de la loi de Moïse avait reçu son juste châtiment de la Loi elle-même21 et l’affaire Jésus, comme on dit parfois, n’en était pas une.

Pour ceux qui aiment les dates, je crois que cela a eu lieu au cours de l’année 30 de votre calendrier grégorien, au mois de Nisân, soit vers mars-avril pour vous. Comme il ne s’était à mes yeux rien passé de notable, j’ai donc continué ma course pendant quelques années encore…

1 L’évangéliste Luc est aussi l’auteur des Actes des Apôtres. Bien que cet ouvrage soit tout autre chose qu’une biographie qui me serait consacrée, il offre, à condition d’être bien interprété, autrement dit analysé sérieusement au plan littéraire, une mine d’informations me concernant : j’y reviendrai donc très souvent. Pour cette question du prénom, c’est donc Luc qui me désigne, au moins dans une partie des Actes, comme Saul, mais, dans mes lettres, je me désigne toujours comme Paul. J’ai l’impression que mon cher Luc a voulu, en jouant sur mon identité, marquer le passage important que constitue la mission vers les païens : avant elle, il me nomme Saul, ensuite Paul. De fait, quoi qu’il en soit de cet artifice, il voit juste : cette mission a constitué un tournant.

2 Ac 13,7s

3 Phm 1,9

4 Ac 21,39