Matt - Lou Valérie Vernet - E-Book

Matt E-Book

Lou Valérie Vernet

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Beschreibung

Une chambre, un lit, un homme, c'est là tout ce qu'il reste d'une vie, dans son ultime nudité. Écrivain renommé, le grand et mystérieux M.T.A. est à l'agonie. Si le mode entier connaît son oeuvre, personne ou presque ne sait rien de l'homme, pourquoi il en est arrivé là. Interné, malade, délirant, seul. Personne sauf l'Autre, venu sur les dernières heures de son existence, régler ses comptes, exiger la vérité.

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Veröffentlichungsjahr: 2024

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À mes veilleurs, là-haut,

Et à tous ceux qui, D’une façon ou d’une autre, Tentent de créer un monde meilleur.

Merci !

Combien il est vain de s’asseoir pour écrire Quand on ne s’est pas levé pour vivre.Henry David Thoreau

L’enfant de la rue Est devenu grand Mais il garde dans son sac Ses poèmes d’antanSlimane / L’enfant de la rue

Sommaire

Cadillac, Jour 1

1 er chapitre

L’autre

Matthias

L’autre

Matthias

L’autre

Matthias

0

L’autre

Matthias

L’autre

Matthias

L’autre

Matthias

L’autre

1

Matthias

L’autre

2

Matthias

L’autre

Matthias

L’autre

Matthias

L’autre

Cadillac, la nuit

L’autre

Matthias

L’autre

3

Matthias

L’autre

4

Cadillac, cette fois-là

Matthias

L’autre

Matthias

L’autre

Matthias

L’autre

Cadillac, plus tard

5

Matthias

L’autre

Matthias

L’autre

6

Cadillac, au soir

L’autre

Matthias

L’autre

Matthias

7

L’autre

Matthias

L’autre

Cadillac, en pleine nuit

8

L’autre

Matthias

L’autre

9

L’autre

Cadillac, au matin

Matthias

L’autre

10

L’autre

Matthias

L’autre

11

Cadillac, à l’heure du déjeuner

L’autre

12

Mathias

L’autre

13

Cadillac, minuit du dernier soir.

L’autre

Cadillac, à l’aube.

Mathias

Épilogue

Saujon le 07-02-2023

Cadillac, Jour 1

Une chambre, un lit, un homme, c’est là tout ce qu’il reste d’une vie, dans son ultime nudité ; trois murs peints en blanc et le quatrième en rouge grenat comme une dichotomie, virginale et sanglante.

D’une unique fenêtre grillagée, doublée de barreaux argentés s’infiltre une lumière terne, arrêtée dans son élan, privée de ses éclats. Elle éclaire un placard encastré, évidé, duquel on a même ôté les portes et auquel est adjointe une alcôve qui sert de bureau, inoccupé aussi. Le lit, lui, a été déplacé. Il trône, seul, au centre de la pièce, matelas posé sur un sommier soutenu par un cadre en fer noir.

L’homme y gît, recouvert d’un drap jaune pâle et d’une couverture vert amande.

Une unique chaise de paille complète l’ensemble. Sur son dossier, sagement pliée, une serviette et un gant de toilette bleus. L’ensemble forme un patchwork d’objets aux couleurs tristes, sans poésie. Vestige sans âme, dénué d’espoir, comme déserté.

Reste la porte verrouillée mais bien réelle, avec une poignée en aluminium et assez de latitude entre le mur et le lit, pour que quelqu’un y entre et en sorte. Peut-être un jour.

Tant que l’homme respire, que le drap se soulève sur son torse, que son œil tressaute du dessous de ses paupières, il reste une chance et ce, même si son souffle lent diffuse un parfum suranné, saturant l’atmosphère, la rendant quasi irrespirable. C’est que la vie s’acharne, rémanente dans sa dernière lutte, inspirant et expirant ce qui fut, est et sera.

Vie murmurée, inaudible, criée, pleurée, mendiée, étouffée et d’autres fois claire, distincte, vindicative, presque violente.

Voix multiple aux accents désaccordés qui ferait passer l’homme pour un fou, parce qu’alors tout serait plus simple et définitif.

1er chapitre

C'est un vieil homme mais pas encore un vieillard, il suffit de le regarder vraiment, jusqu’au fond des yeux, la pupille est alerte et sourit comme elle l’a toujours fait, même de loin, même tête baissée, concentré, besogneux, viscéralement arraché au monde.

C’est aussi et surtout, encore aujourd’hui - d’aucuns l’espèrent en tout cas, qui le voient penché à sa table à noircir des pages entières de son probable dernier roman - un grand penseur, un artiste, un génie des mots qui certes a fait son temps, est en train de le perdre ou d’y survivre, nous le saurons bientôt. En tout cas, le seul capable d’écrire des pages longues comme une encyclopédie sur un regard qui vous raconterait une histoire.

Souvenez-vous ! Quelques phrases jetées sur le papier et il n’y a pas si longtemps encore, quiconque le lisait pour la première fois comme pour la énième fois, était fait comme un rat, tout entier dans ce regard qu’il éclairait pour nous, à vivre l’aventure par le prisme particulier de son personnage, sans rien pour nous arrêter. Combien de fois et combien de lecteurs ont loupé leur arrêt de bus, dormi trop tard, oublié un rendez-vous, préféré tourner les pages de son livre plutôt que de se lever pour aller vivre leur propre vie ? Une folie, cette capacité qu’il avait, a – même si certains journalistes l’enterrent en le traitant de vieillard sénile, on ne peut pas encore en parler au passé - de nous mener par le bout du nez, de nous tenir en haleine sur des centaines de pages sans qu’on ne veuille plus jamais regarder ailleurs. Un génie du détail, ni trop long ni trop compliqué mais celui qui est rempli de toutes ces choses qui font la vie. Celle que l’on vit par procuration, tellement semblable à la nôtre, pourtant si différente, mais dans laquelle on se projette d’emblée, par la force de description, de précision, de véracité, d’opiniâtreté.

Rendre réel ce qui ne l’est pas jusqu’à renier notre propre réalité par la seule force de sa main et de son stylo. Partir à l’assaut de sa petite écriture serrée comme en témoignent quelques manuscrits existants. La même que celle apprise face au pupitre, sur les bancs de bois brut, à l'école communale quand on le faisait recopier dix fois la même lettre, en majuscule, en minuscule, dans un tracé irréprochable. Chaque lettre parfaitement dessinée, il a déjà raconté cela, comment les pleins et les déliés lui ont tout appris des mots, avant même d’en comprendre le sens parce que bien reproduire chaque lettre, c'était devoir y penser dans sa forme, dans son arrondi, dans sa cambrure, dans sa rectitude ou au contraire, dans son enfantement.

Comme ce O exemplaire qui des années après, a paraît-il encore le pouvoir d’évoquer en lui, un paysage de tour du monde, une boule de feu organique, terriblement humaine capable d’apparaître devant lui comme pour lui signifier sa présence et toute sa place, unique, première, pleine. C’était cela écrire et réécrire chaque lettre de chaque mot pendant ses premières années d’apprentissage. La tension au bout de chaque doigt, faire glisser la plume sans grincer, sans trop appuyer, sans faire de pâté, sans baver. Acquérir la souplesse du poignet, c'était en éprouver la place, la longueur, l'avancement. C'est ainsi, à force d’aligner les lettres, puis les mots, de devoir recopier des phrases, puis un jour, pour une rédaction, d’oser en inventer, qu’il apprit qu’on ne pouvait pas agencer n'importe quel mot à côté de n'importe quel autre. Rien n’est moins simple que d'accoler des mots ensemble pour en faire une phrase. Certains ne se supportent pas, jamais, on le sent en le disant, ce n'est pas rond, pas fluide, pas joli et si ça ne l'est pas en bouche, dans l’oralité, la musicalité alors ce ne l'est pas plus, couché sur le papier, imprimé en caractère gras. Aurait-il jamais écrit, par exemple, comme on serait tenté de le faire ici, que quelqu’un comme lui puisse porter de beaux habits avec cette espèce de liaison en z qui fait siffler l'oreille. Non, jamais. Sûrement qu’il ne s’insurgera pas d’être présenté ainsi, proprement mis de sa personne, joliment accoutré comme pour un premier rendez-vous. Expression triviale s’il en est quand on sait ce que lui aurait pu conter de cet instant et de ceux qui l’ont précédé.

Certainement qu’en lieu et place de cette simple phrase, lui, il aurait décrit la veste et le tombé du pantalon, la chemise parfaitement repassée et même amidonnée. Il aurait remarqué la cravate assortie aux chaussures, à la ceinture, aux bretelles peut-être et aurait fait discourir pendant des heures son épouse qui avait repassé l’ensemble, avec une patience infinie. Tellement d’amour dans son geste, de reconnaissance pour l’homme qu’il avait su être, le mari, le père, l’écrivain, l’homme du monde, toutes ces années à ses côtés sans jamais la laisser derrière, en retrait mais bien à sa hauteur, comme la seule personne à y être autorisée.

Il aurait posé des questions, fait des recherches, dissocié la soie de la cravate au cuir tanné de la ceinture, le velours ciselé du velours côtelé, la laine de l’alpaga puis il aurait parlé du maintien, de la posture, du vernis des chaussures et du regard fier, de cette grandeur d'âme peut-être, que l'on sent d'emblée, de cette bonhommie qui fait que l'homme pareillement vêtu est habité. Voilà, c'est ça, habité de beaux atours mais pas seulement. Et il aurait redit, sans qu’on s’en offusque, ni que ça ait l’air d’une répétition, plus loin, une fois encore, que tout cela c’est grâce à sa femme, au soin qu’elle a toujours eu de vouloir le rendre élégant, presque parfait, avec ce dernier coup de peigne dans sa chevelure blanche, cette crinière fournie comme au premier jour, une sorte de crin, épais et doux qui lui descend jusque dans le cou.

Et peut-être est-ce cela qui fait de lui ce vieil homme de 89 printemps que personne ne peut associer au mot vieillard même s’il se déplace en fauteuil roulant, que ses gestes sont lents, son débit mesuré et sa vue basse, il a gardé cette espèce de classe innée, comme une aura gigantesque qui fait que lorsqu’on s’apprête à le rencontrer, on est saisi d’une grande timidité et d’un terrible sentiment d’imposture.

L’autre

Et voilà, ça recommence, remplissage, billevesée, jusqu’au bout, même en sachant que c’est là ton dernier livre.

Un premier chapitre, mille-cinquante et un mots, de jolies formules alors que tout se résume à ton dernier terme, le seul de juste, de vrai, à retenir : Imposture.

Cette fois-ci, on y est et je ne te laisserai pas poursuivre, dommage pour ton roman, ta dernière histoire donnée au monde, ton énième mensonge.

Tu savais que ce jour arriverait, nous le savions tous les deux, ça finit toujours ainsi une vie, comme maintenant, entre quatre yeux et tu peux t’estimer heureux, nous, nous aurons le temps. Enfin un certain temps. Tu es bien placé pour savoir que certains ne l’ont pas. Le grand départ, souvent, ça se passe en un éclair, dans un accéléré qui ne laisse aucun répit, dans un immense regret d’arriver trop tard mais pas toi, pas nous.

Pas le grand M.T.A.

La mort est en chemin et elle te prévient, elle t’offre une sublime opportunité, comme une dernière occasion. Ou un privilège ? Un cadeau pour la postérité ? Pour tes milliers de lecteurs ? Pour la beauté du geste ?

Ou simplement pour moi parce que tu me le dois bien, beaucoup, immensément et que cette fois-ci, je ne me tais plus, je demande la parole et même je la prends, je l’exige. Eh oui, tu vas te laisser faire, tu n’as plus les moyens de faire autrement, plus les ressources.

C’est toujours ainsi quand la maladie s’invite, alors la vérité sort quoi qu’il en coûte à chacune des parties, elle s’impose, elle surgit, il faut boucler la boucle. Que l’on soit d’accord ou pas, aucun secret n’y résiste, c’est un miroir la mort, sacrément transparent et ce que l’on y contemple alors c’est l’âme, tout entière, à nu, comme elle est née, comme elle aurait dû vivre, comme elle a vécu.

Je savais que ce jour arriverait, ce fut long mais j’ai attendu, à plusieurs reprises tu as eu l’occasion de devancer ce moment, tu as préféré botter en touche, continuer de la jouer solo comme si tu étais tout seul, avec ta légende, tes dénis, tes faux semblants.

Mais la carcasse du grand Matthias se fissure enfin et je la précède.

Ça t’étonne ?

Tu croyais pouvoir y échapper ? Impossible.

Je ne te laisse plus faire, je sais que tu m’entends, regarde, j’arrive.

Je suis déjà là, couché entre tes lignes.

Matthias

C’est ainsi que tu reviens depuis tout ce temps, ainsi que tu m’interromps ? Comme ça, sans préavis, à mon insu, voilà que tu veux écrire, jouer à l’écrivain, faire valser les mots, te prendre pour moi, croire que tu peux y arriver.

Je te croyais mort, pourtant, mort et enterré, loin, très loin en dedans.