Ourson - Comtesse de Ségur - E-Book

Ourson E-Book

Comtesse de Ségur

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Beschreibung

Les « Classiques Junior » est une collection destinée aux élèves du primaire, consacrée aux oeuvres majeures de la littérature universelle. L’objectif principal de cette collection est d’ouvrir une fenêtre sur les livres d’hier, qui ont bercé l’apprentissage des belles lettres de générations entières à travers les siècles. Ces oeuvres qui ont traversé le temps et les frontières, ont été et continuent d’être de grands succès, et ont été l’objet d’intérêt au passé et au présent. Les Mille et Une Nuits est un recueil anonyme de contes populaires en arabe, d’origine persane et indienne. Il est constitué de nombreux contes enchâssés racontés par Cheherazade au roi de Perse, Shahryar, une histoire palpitante sans la terminer et, au lever du jour elle suspend son récit et le reprend la nuit suivante. Ce stratagème dura alors mille et une nuits.

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comtesse de Ségur

Ourson

Illustrations de

Ghalia Tonkin

CHIHAB EDITIONS

© Editions Chihab, 2016.

ISBN : 978-9947-39-188-4

Dépôt légal : 2e semestre 2016.

Avant-propos

Lire est du meilleur profit à tout âge. Il ressort notamment que la lecture, outre son caractère ludique et divertissant, est le meilleur moyen pour l’apprentissage et la maîtrise d’une langue et l’éveil de l’esprit critique.

Partant du constat fait par les pédagogues et chercheurs sur les bienfaits de la lecture perçue comme base première des apprentissages à venir pour les jeunes et les étudiants, les Editions Chihab se proposent de mettre à la portée de tous, notamment les jeunes apprenants de l’Education nationale et les étudiants, une collection de livres classiques.

Cette collection se veut une réponse appropriée aux demandes exprimées par les enseignants de français des différents cycles de formation à savoir favoriser la pratique de la lecture, en dehors du temps scolaire, et en faire un outil indispensable pour progresser dans l’apprentissage de la langue française.

L’objectif de cette collection est de faire connaître les chefs-d’œuvre de la littérature classique dans une version intégrale.

Nous espérons voir cette jeune « collection de livres classiques » s’enrichir au profit de tous.

Bonne lecture.

À

mes petites filles

Camille et Madeleine de Malaret

Mes très chères enfants,

Voici les contes dont le récit vous a tant amusées, et que je vous avais promis de publier.

En les lisant, chères petites, pensez à votre vieille grand’mère, qui, pour vous plaire, est sortie de son obscurité et a livré à la censure du public le nom de la COMTESSE DE SÉGUR,née Rostopchine..

1. Le Crapaud et l’Alouette

Il y avait une fois une jolie fermière qu’on nommait Agnella ; elle vivait seule avec une jeune servante qui s’appelait Passerose, ne recevait jamais de visites et n’allait jamais chez personne.

Sa ferme était petite, jolie et propre ; elle avait une belle vache blanche qui donnait beaucoup de lait, un chat qui mangeait les souris et un âne qui portait tous les mardis, au marché de la ville voisine, les légumes, les fruits, le beurre, les œufs, les fromages qu’elle y vendait.

Personne ne savait quand et comment Agnella et Passerose étaient arrivées dans cette ferme, inconnue jusqu’alors, et qui reçut dans le pays le nom de Ferme des bois.

Un soir, Passerose était occupée à traire la vache, pendant qu’Agnella préparait le souper. Au moment de placer sur la table une bonne soupe aux choux et une assiettée de crème, elle aperçut un gros Crapaud qui dévorait avec avidité des cerises posées à terre dans une large feuille de vigne.

« Vilain Crapaud, s’écria Agnella, je t’apprendrai à venir manger mes belles cerises ! »

En même temps elle enleva les feuilles qui contenaient les cerises, et donna au Crapaud un coup de pied qui le fit rouler à dix pas. Elle allait le lancer au-dehors, lorsque le Crapaud poussa un sifflement aigu et se dressa sur ses pattes de derrière ; ses gros yeux flamboyaient, sa large bouche s’ouvrait et se fermait avec rage ; tout son corps frémissait, sa gorge rendait un son mugissant et terrible.

Agnella s’arrêta interdite ; elle recula même d’un pas pour éviter le venin de ce Crapaud monstrueux et irrité. Elle cherchait autour d’elle un balai pour expulser ce hideux animal, lorsque le Crapaud s’avança vers elle, lui fit de sa patte de devant un geste d’autorité et lui dit d’une voix frémissante de colère :

« Tu as osé me toucher de ton pied, tu m’as empêché de me rassasier de tes cerises que tu avais pourtant mises à ma portée, tu as cherché à me chasser de chez toi ! Ma vengeance t’atteindra dans ce que tu auras de plus cher. Tu sentiras qu’on n’insulte pas impunément la fée Rageuse ! Tu vas avoir un fils couvert de poils comme un ours, et…

– Arrêtez, ma sœur, interrompit une petite voix douce et flûtée qui semblait venir d’en haut. (Agnella leva la tête et vit une Alouette perchée sur le haut de la porte d’entrée.) Vous vous vengez trop cruellement d’une injure infligée non à votre caractère de fée, mais à la laide et sale enveloppe que vous avez choisie. Par l’effet de ma puissance, supérieure à la vôtre, je vous défends d’aggraver le mal que vous avez déjà fait et qu’il n’est pas en mon pouvoir de défaire. Et vous, pauvre mère, continua-t-elle en s’adressant à Agnella, ne désespérez pas, il y aura un remède possible à la difformité de votre enfant. Je lui accorde la facilité de changer de peau avec la personne à laquelle il aura, par sa bonté et par des services rendus, inspiré une reconnaissance et une affection assez vives pour qu’elle consente à cet échange. Il reprendra alors la beauté qu’il aurait eue si ma sœur la fée Rageuse n’était venue faire preuve de son mauvais caractère.

– Hélas, Madame l’Alouette, répondit Agnella, votre bon vouloir n’empêchera pas mon pauvre fils d’être horrible et semblable à une bête.

– C’est vrai, répliqua la fée Drôlette, d’autant qu’il vous est interdit, ainsi qu’à Passerose, d’user de la faculté de changer de peau avec lui ; mais je ne vous abandonnerai pas, non plus que votre fils. Vous le nommerez Ourson jusqu’au jour où il pourra reprendre un nom digne de sa naissance et de sa beauté ; il s’appellera alors le prince Merveilleux. »

En disant ces mots, la fée disparut, s’envolant dans les airs.

La fée Rageuse se retira pleine de fureur, marchant pesamment et se retournant à chaque pas pour regarder Agnella d’un air irrité. Tout le long du chemin qu’elle suivit, elle souffla du venin, de sorte qu’elle fit périr l’herbe, les plantes et les arbustes qui se trouvèrent sur son passage. C’était un venin si subtil que jamais l’herbe n’y repoussa et que maintenant encore on appelle ce sentier le Chemin de la fée Rageuse.

Quand Agnella fut seule, elle se mit à sangloter. Passerose, qui avait fini son ouvrage et qui sentait approcher l’heure du souper, entra dans la salle et vit avec surprise sa maîtresse en larmes.

« Chère reine, qu’avez-vous ? Qui peut avoir causé votre chagrin ? Je n’ai jamais vu entrer personne dans la maison.

– Personne, ma fille, excepté celles qui entrent partout : une fée méchante sous la forme d’un crapaud, et une bonne fée sous l’apparence d’une alouette.

– Que vous ont dit ces fées qui vous fasse ainsi pleurer, chère reine ? La bonne fée n’a-t-elle pas empêché le mal que voulait vous faire la mauvaise ?

– Non, ma fille ; elle l’a un peu atténué, mais elle n’a pu le prévenir. » Et Agnella lui raconta ce qui venait de se passer et comme quoi elle aurait un fils velu comme un ours. À ce récit, Passerose pleura aussi fort que sa maîtresse.

« Quelle infortune ! s’écria-t-elle. Quelle honte que l’héritier d’un beau royaume soit un ours ! Que dira le roi Féroce, votre époux, si jamais il vous retrouve ?

– Et comment me retrouverait-il, Passerose ! Tu sais qu’après notre fuite nous avons été emportées dans un tourbillon, que nous avons été lancées de nuée en nuée, pendant douze heures, avec une vitesse telle que nous nous sommes trouvées à plus de trois mille lieues du royaume de Féroce. D’ailleurs, tu connais sa méchanceté, tu sais combien il me hait depuis que je l’ai empêché de tuer son frère Indolent et sa belle-sœur Nonchalante. Tu sais que je ne me suis sauvée que parce qu’il voulait me tuer moi-même ; ainsi je n’ai pas à craindre qu’il me poursuive. »

Passerose, après avoir pleuré et sangloté quelques instants avec la reine Aimée (c’était son vrai nom), engagea sa maîtresse à se mettre à table.

« Quand nous pleurerions toute la nuit, chère reine, nous n’empêcherons pas votre fils d’être velu ; mais nous tâcherons de l’élever si bien, de le rendre si bon, qu’il ne sera pas longtemps sans trouver une bonne âme qui veuille changer sa peau blanche contre la vilaine peau velue de la fée Rageuse.

Beau présent, ma foi ! Elle aurait bien fait de le garder pour elle. »

La pauvre reine, que nous continuerons d’appeler Agnella de crainte de donner l’éveil au roi Féroce, se leva lentement, essuya ses yeux et s’efforça de vaincre sa tristesse ; petit à petit le babil et la gaieté de Passerose dissipèrent son chagrin ; la soirée n’était pas finie que Passerose avait convaincu Agnella qu’Ourson ne resterait pas longtemps ours, qu’il trouverait bien vite une peau digne d’un prince ; qu’au besoin elle lui donnerait la sienne, si la fée voulait bien le permettre.

Agnella et Passerose allèrent se coucher et dormirent paisiblement.

2. Naissance et enfance d’Ourson

Trois mois après l’apparition du crapaud et la sinistre prédiction de la fée Rageuse, Agnella mit au jour un garçon, qu’elle nomma Ourson, selon les ordres de la fée Drôlette. Ni elle ni Passerose ne purent voir s’il était beau ou laid, car il était si velu, si couvert de longs poils bruns qu’on ne lui voyait que les yeux et la bouche ; encore ne les voyait-on que lorsqu’il les ouvrait. Si Agnella n’avait été sa mère, et si Passerose n’avait aimé Agnella comme une sœur, le pauvre Ourson serait mort faute de soins, car il était si affreux que personne n’eût osé le toucher ; on l’aurait pris pour un petit ours et on l’aurait tué à coups de fourche. Mais Agnella était sa mère, et son premier mouvement fut de l’embrasser en pleurant.

« Pauvre Ourson, dit-elle, qui pourra t’aimer assez pour te délivrer de ces affreux poils ? Ah ! que ne puis-je faire l’échange que permet la fée à celui ou à celle qui t’aimera ? Personne ne pourra t’aimer plus que je ne t’aime ! »

Ourson ne répondit rien, car il dormait. Passerose pleurait aussi pour tenir compagnie à Agnella, mais elle n’avait pas coutume de s’affliger longtemps ; elle s’essuya les yeux et dit à Agnella :

« Chère reine, je suis si certaine que votre fils ne gardera pas longtemps sa vilaine peau d’ours, que je vais l’appeler dès aujourd’hui le prince Merveilleux.

– Garde-t’en bien, ma fille, répliqua vivement la reine, tu sais que les fées aiment à être obéies. »

Passerose prit l’enfant, l’enveloppa avec les langes qui avaient été préparés, et se baissa pour l’embrasser ; elle se piqua les lèvres aux poils d’Ourson et se redressa précipitamment.

« Ça ne sera pas moi qui t’embrasserai souvent, mon garçon, murmura-t-elle à mi-voix. Tu piques comme un vrai hérisson ! »

Ce fut pourtant Passerose qui fut chargée par Agnella d’avoir soin du petit Ourson. Il n’avait de l’ours que la peau : c’était l’enfant le plus doux, le plus sage, le plus affectueux qu’on pût voir. Aussi Passerose ne tarda-t-elle pas à l’aimer tendrement.

À mesure qu’Ourson grandissait, on lui permettait de s’éloigner de la ferme ; il ne courait aucun danger car on le connaissait dans le pays ; les enfants se sauvaient à son approche ; les femmes le repoussaient ; les hommes l’évitaient ; on le considérait comme un être maudit.

Quelquefois, quand Agnella allait au marché, elle le posait sur son âne et l’emmenait avec elle. Ces jours-là, elle vendait plus difficilement ses légumes et ses fromages ; les mères fuyaient, de crainte qu’Ourson ne les approchât de trop près. Agnella pleurait souvent et invoquait vainement la fée Drôlette ; à chaque alouette qui voltigeait près d’elle, l’espoir renaissait dans son cœur ; mais ces alouettes étaient de vraies alouettes, des alouettes à mettre en pâté et non des alouettes fées.

3. Violette

Cependant Ourson avait déjà huit ans ; il était grand et fort ; il avait de beaux yeux, une voix douce ; ses poils avaient perdu leur rudesse ; ils étaient devenus doux comme de la soie, de sorte qu’on pouvait l’embrasser sans se piquer, comme avait fait Passerose le jour de sa naissance. Il aimait tendrement sa mère, presque aussi tendrement Passerose, mais il était souvent triste et souvent seul, il voyait bien l’horreur qu’il inspirait, et il voyait aussi qu’on n’accueillait pas de même les autres enfants.