2 heures : La Cité et l'Île Saint-Louis - Ligaran - E-Book

2 heures : La Cité et l'Île Saint-Louis E-Book

Ligaran

0,0
0,99 €

-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Extrait : "Au commencement de cette promenade à travers les deux îles, un beau souvenir se dresse devant nous. Sur le terre-plein de la pointe Est de l'île Saint-Louis, le monument de Barye a été construit. L'endroit a un charme familier et une grandeur de nature. C'est un petit jardin public sans porte et sans grillages, en forme de triangle, fermé sur deux côtés par les parapets des quais, ouvert du troisième côté sur le boulevard Henri IV qui coupe cette extrémité de l'île."

À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran :

Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB

Seitenzahl: 40

Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



L’Île St-Louis

Au commencement de cette promenade à travers les deux îles, un beau souvenir se dresse devant nous. Sur le terre-plein de la pointe Est de l’île Saint-Louis, le monument de Barye a été construit. L’endroit a un charme familier et une grandeur de nature. C’est un petit jardin public sans porte et sans grillages, en forme de triangle, fermé sur deux côtés par les parapets des quais, ouvert du troisième côté sur le boulevard Henri IV qui coupe cette extrémité de l’île. Quelques bancs convient l’humble passant au repos sous les arbres trapus, des paulownias qui forment au printemps un berceau ombreux de leurs larges feuilles d’un vert sombre et des grappes violettes de leurs fleurs. La petite boutique habituelle où l’on vend les gâteaux, les sucres d’orge, les pipes rouges, les ballons, les cordes, est installée, et le vieux bonhomme qui l’occupe apparaît un bon dieu détenteur des joies du paradis, aux yeux des bambins pour qui c’est une affaire de posséder ou de ne pas posséder le sou miraculeux qui achète ces délices. Au milieu de la journée, pendant la belle saison, les femmes de l’île quittent les rues étroites et populeuses, viennent chercher la douceur de cette ombre aérée, cousant quelque nippe, surveillant les mioches, bavardant les riens si importants pour elles de leur ménage, de leur marché, et parfois se laissant aller aux confidences de leurs sentiments, de leurs douleurs, de leurs espoirs. Elles sont là comme les femmes de pêcheurs rassemblées au môle et qui attendent leurs hommes partis au large. Ici aussi il y a du large, tout l’océan de Paris qui se creuse et se gonfle et qui semble battre de ses premières lames les quais de granit, puisque l’on entend par intervalles le clapotis de la Seine contre les pontons et sur les berges. Il y a un va-et-vient régulier de voyageurs qui descendent ou montent l’escalier de pierre, s’embarquent au bateau ou débarquent, mais ce n’est pas la foule des matins et des soirs, ni des dimanches. À la minute où je regarde ce tableau, tout est reposé, provincial, paisible.

C’est de ce milieu pacifié qu’émerge l’énergie de Barye. Au-dessus des groupes de petite ville, des arbres de sous-préfecture, une existence d’artiste se dresse, enfin calmée dans la mort, mais toujours hautaine. Les enfants regardent les sucreries, les femmes travaillent et causent, un vieil homme, sur un banc, dort de tout l’éreintement de son passé et de toute l’insouciance de son bref avenir. Et voici que sur toute cette humanité résignée se lève la pensée irréductible d’un solitaire. L’artiste a disparu, son art survit. L’homme est parti, son esprit s’est vraiment fait pierre et bronze, a conquis la durée, s’impose aux êtres passagers qui vaquent à leurs occupations et font séjourner leur ignorance, leur fatigue, leur ennui, autour du monument qui fait des confidences si terribles à ceux qui savent et veulent les entendre.

Ce monument porte à la face principale un médaillon d’Antoine-Louis Barye. Il est accosté de reproductions des figures allégoriques du pavillon Denon, la Force protégeant le travail, l’Ordre protégeant les nations industrielles et savantes. En avant, le Lion grince et gronde, la griffe levée sur le Serpent. Tout en haut, sur le ciel, le groupe robuste et batailleur de Thésée combattant le centaure Biénor. À les bien voir, ces groupes, ces figures racontent la destinée du sculpteur, son combat contre la vie. Son fier esprit, que le temps où il vivait ne voulut pas connaître, rugit et mord par ces animaux de bronze, et le héros qui assène à la brute le coup mortel est, à l’image de son âme combative, victorieuse du sort stupide.

J’aime ce Lion et ce Thésée dans ce vaste et beau paysage, à cette poupe de l’île Saint-Louis, où la Seine se divise, emportant de ses flots pressés les barques, les vapeurs, les gens, les marchandises.

À gauche, sous une rangée d’arbres, c’est, vers l’Arsenal, le paisible quai Henri IV et sa berge où s’agite l’effort incessant des déchargeurs de bateaux. Une estacade, que Ruysdaël aurait aimé à peindre pour ses noirs piliers et ses poutres enchevêtrées, où l’eau ruisselle parmi les filaments de fines algues vertes, brise le courant du fleuve à sa descente dans le lit étroit, dit petit bras de la Seine. Il se crée ainsi un abri sûr où les embarcations sont au repos, comme dans un petit port bien au creux des terres. L’eau est apaisée à quelques mètres des remous et des écumes, et les pêcheurs à la ligne et les flâneurs de rivières peuvent se plaire en ce recoin mouvementé et protégé.